Jean Renoir (1894-1979)
a été marqué dans son enfance par la lecture des aventures
de d'Artagnan et ses amis. L'illustre cinéaste, auteur de La
grande illusion, raconte comment il se sentait
mousquetaire...
J'avais
environ dix ans quand je découvrais Alexandre Dumas. Je le découvre
encore. Les Mousquetaires réhabilitaient les cheveux longs : on
n'imagine pas d'Artagnan avec les cheveux en brosse. Les Mousquetaires
n'étaient pas qu'une affaire de cheveux ; c'était avant
tout une affaire d'honneur. Sans oser le formuler, je me promenais dans
la vie en me disant à moi-même : « Moi, j'ai
de l'honneur ». Je déambulais sur les trottoirs du quartier
à la recherche d'orphelines à sauver, de voyageurs en danger,
attaqués par des bandits que je dispersais à grands coups
d'épée. Je répétais intérieurement
la réplique de Gauthier d'Aulnay, le héros de La
Tour de Nesle, mélodrame d'Alexandre Dumas. Bravant une bande
de malandrins, il déclamait : « Dix manants contre un
gentilhomme, c'est cinq de trop ! ». Ca, c'était pour
l'extérieur, un extérieur d'héroïsme et de grands
gestes. A l'intérieur, et pas loin de la surface, je demeurais
un parfait froussard.
Jean Renoir
Ma vie et mes films
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