Au lendemain de la signature
du décret de panthéonisation, le Président de la République
a accordé une interview à la Société des Amis
d'Alexandre Dumas.
Monsieur le Président,
cette décision de faire entrer Alexandre Dumas au Panthéon
résulte-t-elle chez vous de la volonté du Président
de la République, de l'homme politique, ou bien tout simplement du
lecteur ? Et des nombreuses facettes de Dumas - romancier, auteur dramatique,
voyageur, humaniste, républicain - lesquelles avez-vous souhaité
distinguer plus particulièrement ?
La décision de transférer les cendres d'Alexandre Dumas au
Panthéon, si elle se fonde sur l'admiration et l'affection du lecteur,
est d'abord destinée à accorder la reconnaissance de la nation
à un grand écrivain certes mais surtout à un grand
homme. C'est la nature même du Panthéon
Grand homme,
Dumas le fut assurément par son amour immodéré des
êtres, par sa volonté de servir son pays, par son soutien à
une République encore balbutiante, par cet immense projet pédagogique
que constitue son uvre. Conciliant le particulier et l'universel,
il fut magnifiquement français, souvent pour le meilleur et jamais
pour le pire : en lui, nous nous reconnaissons tous, jusque dans ses contradictions.
Dumas, c'est un peu notre maison commune. Et puis parvenir là où
il est parvenu en partant d'où il partait, c'est magnifique : l'esclavage
n'était pas encore aboli, il faut s'en souvenir pour mesurer l'ampleur
de ce qu'il a accompli en étant le petit-fils d'une esclave
Précisément, en étant petit-fils
d'esclave noire et de gentilhomme normand, fils d'un général
de Bonaparte et d'une commerçante de Villers-Cotterêts, Dumas
vous semble-t-il symboliser la France du 19ème siècle ?
Oui, il incarne la France, du 19ème siècle et peut-être
même du 21ème
, dans ses contradictions les plus intimes.
C'est sans doute pour cela que les Français l'aiment tant
Dumas a été très largement ignoré, voire méprisé,
par l'Education nationale et l'Université. Espérez-vous
qu'après le Panthéon, il pourra enfin entrer dans les écoles
?
J'espère sincèrement que l'entrée de Dumas au Panthéon
va bousculer enfin certaines idées reçues. On a voulu confiner
cet auteur de génie au rang des auteurs de second ordre au seul
motif qu'il était, qu'il est toujours, populaire. Comme si cela
était une insulte ou un défaut ! C'est l'un des objets de
ce transfert : montrer que la culture appartient à tous. Relisez
le cycle des Trois
Mousquetaires ou Le
Comte de Monte Cristo
Ce sont de grandes uvres. L'étude
sur le pouvoir qui est faite dans Le
Vicomte de Bragelonne est d'une vérité et d'une puissance
saisissantes
J'espère vraiment qu'en entrant au Panthéon,
Dumas entrera également davantage au collège et au lycée.
La popularité de Dumas à l'étranger est considérable,
l'avez-vous constaté au cours de vos voyages ? Voyez-vous Dumas
comme un ambassadeur de la langue française ?
J'ai souvent pu mesurer la popularité de Dumas lors de mes voyages
à l'étranger. Jusqu'au Président Jiang Zemin qui
a dit un jour que Monte
Cristo était le roman absolu
Quant aux Tchétchènes,
ils le révèrent encore aujourd'hui comme une gloire nationale
Dumas fait partie de ces rares auteurs dans le monde, avec son presque
frère Hugo, qui ont su créer non seulement des personnages
mais des mythes. En cela, il est exceptionnel. C'est ce que lui reconnaissent
les étrangers. Pour ce qui est de son rôle d'ambassadeur
de la langue française, il n'est que lire les témoignages
figurant sur le livre d'or du site de la Société des Amis
d'Alexandre Dumas : ils viennent du monde entier.
Quels sont les livres de Dumas que vous préférez ? Les films
tirés de ses uvres ?
J'aime beaucoup ses récits de voyage, notamment le voyage dans
le Caucase et le voyage en Russie. Pour ce qui est du cinéma, je
garde un souvenir fort du Le
Comte de Monte Cristo et notamment l'adaptation où Jean Marais
tenait le rôle d'Edmond Dantès. Il était formidable.
Auxquels de ses personnages êtes-vous le plus attaché ?
Comme Dumas, j'ai une grande tendresse pour Porthos
Propos recueillis par Patrick de Jacquelot
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