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Titre Le gentilhomme de la montagne

Année de publication 1860

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit début du XVIème siècle

Résumé Don Fernand de Torrillas tue en duel son ami Don Alvar dont il a séduit la sœur. Encerclé par les alguazils, il est sauvé par les bandits de la montagne, subjugués par son courage, qui lui proposent de prendre leur tête (Prologue).

Quelque temps après, Don Velasquez de Haro, compagnon de Christophe Colomb, se rend à Grenade avec sa fille Doña Flor, pressé de retrouver le fils qu'il a eu d'une précédente union. Surviennent les bandits. Don Fernand, leur capitaine, épargne Velasquez; et ce dernier se sent pris d'une étrange estime pour le Salteador. Les alguazils encerclent le refuge, mais Fernand est sauvé par Ginesta, une jeune bohémienne éprise de lui (Acte I).

A l'Alhambra, Don Ruiz de Torrillas accompagné de sa femme Mercédès implore la grâce du Roi Don Carlos pour son fils. Velasquez, arrivé lui aussi au palais, reconnaît en Mercédès la femme qui lui donna jadis un fils: Fernand le Salteador serait donc cet enfant! Réticent à donner sa grâce, le roi finit par l'accorder sur les instances de Ginesta qui vient se faire reconnaître comme sa demi-sœur (Acte II).

Ginesta ramène Fernand parmi les siens; à son grand désespoir, elle comprend qu'il aime Doña Flor. Mercédès s'aperçoit aussi de cet amour naissant et cherche à faire comprendre à son fils qu'il lui est impossible d'aimer la jeune fille. Si Ruiz ne comprend pas pourquoi, Velasquez a tout saisi, lui (Acte III).

Jaloux de Don Ramiro qui courtise la jeune Flor, Fernand s'emporte à nouveau et le provoque. Comme Don Ruiz s'interpose, il le soufflette. Ce geste inouï d'un fils contre son père remet en cause la grâce du roi qui condamne Fernand à mort. Seule une révélation de Mercédès pourrait le sauver; mais comment se risquerait-elle à avouer que Fernand n'est pas le fils de Don Ruiz sans déshonorer le vieil homme? C'est Velasquez qui avouera tout. (Acte IV).

Le roi maintient la condamnation, mais il organise un simulacre d'exécution: l'honneur est sauf, Velasquez est nommé vice-roi du Mexique, Fernand l'y suivra pour gagner l'épée au poing une noblesse nouvelle; peut-être Ginesta les y rejoindra-t-elle. Un courrier vient annoncer l'élection du roi Don Carlos à l'Empire; le règne de Charles-Quint commence par un acte de clémence (Acte V).

Analyse Premier des trois sujets proposés par Dumas en 1858 aux comédiens marseillais, Le gentilhomme de la montagne, tiré du roman El Salteador, fut créé à la Porte-Saint-Martin le 12 juin 1860. Les forestiers, le troisième sujet, choisi par les comédiens, avaient été joués au Grand-Théâtre de Marseille le 23 mars 1858. Dumas ne semble pas avoir donné suite au deuxième, un Pascal Bruno tiré de La salle d'armes, recueil de trois textes paru en 1838; il est à noter que les deux autres récits de cet ensemble connurent quant à eux des adaptations à la scène: Pauline, par E. Grangé et X. de Montépin (et Dumas en coulisses), au Théâtre-Historique, 1er juin 1850; La fin de Murat, drame en trois tableaux d'après le Murat du recueil (repris ultérieurement dans les Crimes célèbres), par Jean Berleux, publié à Paris en 1890 mais vraisemblablement jamais joué.

Parallèlement aux drames modernes (ou «bourgeois»), parfois adaptés d'auteurs allemands, mais aussi de romans à lui, Dumas poursuit donc son travail de mise en scène de ses romans historiques, dans une optique qui n'est plus tout à fait non plus celle du romantisme. Le projet d'un «nouveau théâtre historique» dont il n'a jamais abandonné l'idée après l'échec de 1850 est sans doute derrière toutes ces tentatives, et Dumas le relancera publiquement quelques années plus tard avec son Projet d'un nouveau Théâtre historique. A mes bons amis des faubourgs, un libelle de trois pages daté du 24 février 1866 et imprimé à  Lille.

Ce «drame en cinq actes, en huit tableaux avec prologue» sans doute écrit à la va-vite à partir d'un roman lui-même quelque peu bâclé (voir la fiche sur El Salteador) bien que riche en péripéties, dont le découpage dramatique ne saisit pas toujours l'opportunité, n'est pas à proprement parler une réussite. Dans les deux derniers actes, de longs passages narratifs, qui sont de véritables pages de roman où les descriptions alternent avec des échanges dialogués au style direct, aussi ennuyeux que certaines scènes d'exposition du théâtre classique, ont dû frustrer maint spectateur habitué aux nouveautés de la scène romantique.

En même temps, l'importance et la longueur des didascalies, en particulier au cinquième acte, tire la pièce vers le «grand spectacle» des mélos de Pixérécourt de la fin du XVIIIème siècle. On peut y voir aussi la prémonition de l'écriture cinématographique, qui servira mieux au XXème les romans historiques de Dumas que n'a su le faire avec son théâtre. Il manque à ce drame bien souvent la montagne dont son titre s'honore, et l'espace scénique semble parfois si étroit! Raison pour laquelle l'auteur hésite aussi souvent ici entre le roman et le grand spectacle où les dialogues sont superflus.

L'action prime, la psychologie en pâtit, et le caractère de cette «tête brûlée» de Don Fernand n'est pas très bien dessiné; quant à Doña Flor, on l'oublie purement et simplement à la fin. Les deux pères nobles Ruiz et Velasquez (qu'on appelle Inigo dans le roman) doublonnent un peu, et Mercédès ressemble beaucoup  à la fiancée d'Edmond Dantès dans Le comte de Morcerf.

Signalons pour finir une curiosité qui devrait titiller les psychanalystes, le thème récurrent du père offensé par son fils, que l'on retrouve dans La conscience en 1854, Les forestiers en 1858, Le gentilhomme de la montagne en 1860...

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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