Entretien avec Claude Schopp Vous êtes ici : Accueil > Actualité > La vie de la Société
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A l'occasion de son élection à la tête de la Société des Amis d'Alexandre Dumas le 17 avril 2010, Claude Schopp a accepté de répondre à quelques questions.


Claude Schopp, voilà fait 40 ans que vous vivez "en concubinage" avec Dumas. Comment cet intérêt vous est-il venu ? Pensiez-vous parcourir autant de chemin avec le grand homme ? Pourquoi une telle fidélité ?

Quarante ans déjà, vous avez raison, passés si vite, tant on ne s'ennuie pas en compagnie de Dumas. Et pourtant mon choix de Dumas comme sujet d'études universitaires n'a pas tenu à un quelconque emballement, à des jeux virils d'enfance ou d'adolescence dans lesquels j'aurai été d'Artagnan ou Porthos. Non, au commencement, il y a eu le rejet des gloses qui, comme des lierres, étouffent les œuvres. Je me sentais, à cette époque d'avant 1968, proche des romantiques, et j'ai cherché celui qui était le moins surchargé de discours critiques. C'était manifestement, parmi les grands, Alexandre Dumas. Ce choix primordial qu'on pourrait comparer à un mariage de raison, ne devait s'appliquer qu'à la soutenance d'un diplôme d'Études supérieures. Mais avec la connaissance approfondie de l'homme et de l'œuvre est venue la passion. Et, depuis quarante ans, Dumas compte parmi mes plus intimes. J'avais chez moi une lithographie d'Alexandre et, lorsqu'on demandait à mon fils de quatre ou cinq ans qui c'était, il répondait : "C'est un ami de papa". Pourquoi cette forme d'amitié constante et sans trop de concession ? La réponse doit être celle de Montaigne parlant de la Boétie : "Parce que c'était lui, parce que c'était moi". Il me complète, infiniment plus hardi que je ne le suis. Il est ma part aventureuse. C'est peut-être, sous certains aspects, l'harmonie des contraires.

De quelle(s) découverte(s) êtes-vous particulièrement fier ou heureux ?

Je devrai sans doute répondre de la découverte dans Le Moniteur universel d'Hector de Sainte-Hermine, long feuilleton qui était oublié sous des couches de poussières. Mais, pour être exact, presque chaque jour m'apporte un savoir supplémentaire, c'est une lettre, une mention dans un journal, un acte d'état-civil retrouvé, un témoignage recueilli, comme celui de cette Géorgienne, dont le grand-père avait prêté une chapka à Dumas. De minuscules choses de la vie, points qui finissent par composer ou modifier un tableau. Mais ma fierté a été d'avoir donné des éditions critiques des œuvres : Dumas rejoignait ainsi Hugo ou Balzac. Il n'était plus seulement l'écrivain populaire qu'on méprisait un peu.

Un titre ou un volet de l'œuvre de Dumas pour lequel vous avez une particulière tendresse ?

Je pleure, comme Dumas a pleuré, à la fin sublime du Vicomte de Bragelonne, que ce soit la mort de Porthos ou celle d'Athos. Proust disait, composant son Temps retrouvé qu'il faisait son Vicomte de Bragelonne. Je crois que, dans un registre autre, la trilogie des Mousquetaires possède la majesté de la Recherche du temps perdu. Mais il y a dix petits textes de Dumas, plus secrets, que j'adore : Le Capitaine Pamphile par exemple ou Le Pays natal. Et que dire du Caucase et De Paris à Cadix ? Ce que j'aime chez Dumas, c'est une prise de distance vis-à-vis de la narration, source d'un humour délicieux.

Universitaire dumasien : vous a-t-on déjà fait sentir que ces deux termes étaient incompatibles ? Pensez-vous que Dumas soit aujourd'hui suffisamment réhabilité au sein de l'Université et de l'Education nationale ?

Bien sûr, je trouve que le regard des universitaires sur Dumas n'évolue que lentement : il faut dire que beaucoup de professeurs d'aujourd'hui ont fait leurs études avant la "redécouverte" de Dumas. Il convient donc de saluer des pionniers comme Jean-Yves Tadié qui a souvent pris Dumas comme sujet de séminaire, ou Michel Autrand. L'an dernier, Matthieu Letourneux, qui fait partie de notre conseil d'administration, a étudié avec ses étudiants de Nanterre Les Trois Mousquetaires, et Sarah Mombert de l'E.N.S. de Lyon a pris la tête d'une équipe qui a mis en ligne tous les journaux de Dumas.

La Société des Amis d'Alexandre Dumas va fêter son quarantième anniversaire. Quel regard portez-vous sur ces quarante années ?

La Société des Amis d'Alexandre qui, à ses débuts, a tout dû à Alain Decaux, appelé à l'aide par nos amis Neave dont l'intervention a été primordiale, a parfaitement rempli son premier objectif qui était de sauver le château de Monte-Cristo promis à la démolition. C'est à cette époque que j'ai connu Christiane et Digby Neave. Ensuite, grâce entre autres, à la vente de livres annuelle, la Société a pu vivre richement. Dans un second temps, sous Didier Decoin, elle a remarquablement accompagné la mise au Panthéon de Dumas, qui répondait aux voeux de Jacques Chirac. Grand moment encore. Que faire désormais ?

Concrètement quels sont vos projets pour la Société pour les années à venir ?

Je n'ai pas de projets personnels, mais je songe à tenter, avec le concours du conseil d'administration (dont chaque membre sera à la tête d'un domaine particulier) et des adhérents, diverses pistes : organiser des journées d'études dumasiennes à Paris et en province, voire à l'étranger ; proposer un cycle de conférences (deux ou trois par an) si l'on peut trouver des lieux ; agencer des visites ou des voyages sur un thème dumasien, ou des dédicaces de livres. Toutes les idées seront bienvenues. Et grâce à vous, déjà, la Société possède un des meilleurs sites de la toile.

Propos recueillis par Noël Lebeaupin
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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