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Titre La reine Margot

Année de publication 1847

Genre Drame en cinq actes, en treize tableaux (Théâtre-Historique, 20 février 1847)

Collaborateur(s) Auguste Maquet

Epoque du récit 1572 à 1575

Résumé Tandis que l'aubergiste La Hurière et son comparse Maurevel s'affairent à d'étranges préparatifs, deux jeunes provinciaux, le huguenot La Môle et le catholique Coconnas, arrivent à Paris et se lient d'amitié. Le mariage d'Henri de Navarre et de Margot, la sœur du roi Charles IX, est l'occasion d'une liesse populaire savamment entretenue : le roi parade une dernière fois dans les rues en compagnie de l'amiral de Coligny qu'il s'apprête à faire assassiner. La nuit vient : c'est la Saint-Barthélemy. La Hurière entraîne Coconnas dans l'embuscade préparée pour La Môle. Celui-ci s'enfuit, et trouve refuge au Louvre, dans les appartements de Margot qui accepte de le cacher. Pendant ce temps, Charles fait arrêter Henri, lui révèle le massacre en cours, et lui demande d'abjurer ; le roi de Navarre hésite (Acte I). Mais, devant De Mouy qui vient lui enjoindre de prendre la tête des huguenots, Henri avoue son ralliement au catholicisme. Pendant ce temps, Margot demande à sa confidente Henriette de Nevers de cacher La Môle, blessé, et toujours réfugié dans ses appartements ; Henriette révèle à Margot qu'elle a recueilli elle aussi la nuit précédente un jeune homme blessé, un catholique celui-là. C'est ainsi que La Môle et Coconnas se retrouvent, prêts à en découdre à nouveau, mais vite forcés à se réconcilier par l'intervention des deux femmes dont ils sont secrètement amoureux. Au cimetière des Innocents, où la floraison en plein été d'une aubépine est perçue comme un signe d'approbation divine, tous se rendent en pèlerinage, La Môle, Coconnas, le Roi, Henri, Margot, Catherine de Médicis, et même Caboche, chirurgien et bourreau de sinistre augure (Acte II). Marguerite envoie La Môle chercher Henri de Navarre pour sonder ses intentions. Elle l'incite à résister. Mis en présence de De Mouy, Henri dévoile ses plans : dissimuler tant qu'il faudra, fuir peut-être, ensuite "combattre et régner". Marguerite lui apporte son soutien. Pour le moment, Henri demande à ses partisans de feindre leur allégeance au Duc d'Alençon qui brigue la royauté de Navarre et complote avec des huguenots. Pendant ce temps Catherine de Médicis empoisonne un livre qu'elle destine à Henri mais qui tombe entre les mains de Charles IX. Lors d'une partie de chasse à Fontainebleau, Charles ressent les premiers effets du poison, tandis que La Môle et Coconnas sont arrêtés sur ordre de Catherine pour envoûtement sur la personne du roi (Acte III). Les liens d'amitié entre Henri et Charles IX se resserrent. Le roi apprend de l'empoisonneur stipendié de Catherine l'histoire du livre. Il révèle à Margot qu'il se meurt mais qu'il vaut mieux pour la grandeur de la France qu'on le croît victime de la prétendue magie de La Môle et Coconnas. Ces derniers sont torturés et condamnés à mort et Margot échoue dans sa tentative de les délivrer. Avec Henriette de Nevers elle vient se recueillir devant leurs dépouilles (Acte IV). Charles IX, mourant, désigne le roi de Navarre comme régent du royaume. Catherine de Médicis tente de faire assassiner Henri ; c'est le fidèle De Mouy qui tombe à sa place. Tandis que le peuple acclame Henri d'Anjou rappelé de Pologne et crie "Vive Henri III", De Mouy meurt en criant "Vive Henri IV". Catherine tombe accablée (Acte V, épilogue).

Analyse Dumas avait choisi cette pièce pour l'inauguration du Théâtre-Historique. Il avait mis les petits plats dans les grands, le diable d'homme, n'hésitant pas à exposer sous le regard captivé des spectateurs le massacre de la Saint-Barthélemy, le cimetière des Innocents et sa foule bigarrée de pèlerins, Catherine de Médicis protégée par un "masque de verre" en train d'empoisonner le livre de vénerie qu'elle destine à Henri de Navarre, le pavillon de chasse de François Ier dans la forêt de Saint-Germain, ou encore la scène où La Môle et Cocconas sont torturés, puis celle où Marguerite et Henriette viennent se recueillir, dans la maison du bourreau, devant les cadavres décapités de leurs amants… La représentation dura neuf heures, trois de plus que la première soirée de Monte-Cristo le 3 février de l'année suivante ! Publié d'abord en feuilleton dans les colonnes de La Presse, le roman avait été édité en 1845 en six volumes. La pièce en suit fidèlement… le début, et la fin, Dumas et Maquet, comme à leur habitude, taillant dans le matériau romanesque des pans entiers de dialogues, déjà en eux-mêmes très théâtraux, au détriment parfois de l'unité dramaturgique : ainsi les deux premiers actes, jusqu'au 6ème tableau, reprennent-ils la trame des onze premiers chapitres du roman, le 8ème tableau nous faisant passer sans transition du chapitre XX ("Les poules noires", où l'on voit Catherine avec son alchimiste occupée à un cérémonial nécromancien) au chapitre XLIX ("Le livre de vénerie", quand elle empoisonne le livre) ; la suite et la fin de la pièce se calquent davantage sur celles du roman (chapitre L à LXVI), avec des modifications de détail ou des aménagements de mise en scène rendus nécessaires par les coupures et par le tempo propre au drame. Par exemple, dans le roman, Marguerite incite Henri à lui dire la vérité sur son abjuration, La Môle étant caché dans la chambre sans intervenir (chapitre XIII), puis De Mouy objurgue à son tour Henri qui persiste dans son apparent ralliement aux Valois… parce qu'il devine que quelqu'un de caché les entend, en l'occurrence le Duc d'Alençon (chapitre XXIII) ; dans la pièce, à la scène 6 de l'acte III (7ème tableau), De Mouy, caché, assiste à l'entretien au cours duquel Marguerite incite Henri à lui dire la vérité sur son abjuration. De même, l'épilogue du roman diffère sensiblement de celui de la pièce : dans le drame, au moment où retentissent les vivats en l'honneur d'Henri III, c'est De Mouy, mourant, qui crie "Vive le roi Henri IV" prophétisant ainsi la perte des espoirs de Catherine de Médicis. Dans le roman, après un an et d'autres péripéties, c'est René, l'empoisonneur, qui prophétise à Henri de Navarre son irrésistible ascension, en lui "montrant une étoile qui se dégageait, brillante, des plis d'un nuage noir". Moins politique que le roman, plus romanesque, ou plus mélodramatique comme on voudra, cette pièce qui ne manque pas de panache - avec ces figures dumasiennes archétypales que sont le huguenot La Môle et le papiste Coconnas mourant sur l'échafaud quasiment dans les bras l'un de l'autre - souffre des défauts d'une adaptation qui buta devant les difficultés d'une récriture complète, faute de temps sans doute, mais n'était-ce pas après tout le choix de cette nouvelle dramaturgie dans laquelle Dumas s'était lancé quelques années auparavant avec La jeunesse des mousquetaires et que Fernande Bassan appelle les "romans-drames", préfiguration des modernes adaptations cinématographiques qui suivront, et qui n'avait souvent d'autre but que de donner une seconde vie, ou un second souffle, au roman ? Le succès d'une pièce à l'époque se remarquait au nombre des parodies jouées parfois en même temps. On ne peut pas dire que La Reine Margot en manqua : Catherine 3/6, trois actes de Barthélemy Jarnet, Salvat et Auguste Jouhaud, joués le 6 mars 1847 au Théâtre des Délassements, et La Reine Margoton, ouverture historique en six tableaux, "par xxx", jouée au Théâtre des Funambules le 20 mars 1847, restèrent inédits. La Reine Argot, trois actes et sept tableaux, en vers, de Lubize, Adolphe Guénée et Marc Leprévost, joués aux Folies Dramatiques le 23 mars 1847, fut publié chez Michel Lévy la même année. Ce fut aussi le cas de l'Apothéose de M. A. Dumas à la suite de la première représentation de La Reine Margot, six couplets (imprimés par Lacour et Cie à Paris), et de Fouyou au Théâtre-Historique, représentation de La Reine Margot, pot-pourri en 14 tableaux (Paris, Vieillot). Jamais republiée depuis le tome 10 de l'édition du Théâtre complet en 25 volumes (Michel-Lévy), elle avait fait il y a quelques années l'objet d'une reprise dans un des deux gros "Bouquins" des éditions Robert Laffont consacrés aux Valois (le tome II, à la suite des Quarante-cinq, publiant les deux drames La Reine Margot et La Dame de Monsoreau). La télévision diffusa la pièce le 27 mai 1961 dans une adaptation de Louis Chavance et une réalisation de René Lucot (vidéo disponible sur ina.fr). Au cinéma, Patrice Chéreau tira du roman en 1994 un film très personnel, avec Isabelle Adjani dans le rôle titre, un film qui s'inspirait aussi de la tragédie élisabéthaine de Christopher Marlowe, Le Massacre à Paris. Et dans la mémoire des cinéphiles, il y eut auparavant le film de Jean Dréville, avec Jeanne Moreau (1954), un film d'Henri Desfontaines aussi (1914), et celui, le tout premier (?), de Camille de Morlhon (1910). Récemment, le norvégien Ruben Alexander Classens reprenait à son tour le sujet (2004). Enfin, une Reine Margot adaptée de Dumas et mise en scène par Marie-Josée Bastien est proposée en ce moment dans plusieurs salles du Québec.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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