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Titre Paul Jones ou Paul le Corsaire

Année de publication 1838

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Théodore Nezel (?)

Epoque du récit 1779

Résumé En Bretagne, sous Louis XVI. Le jeune comte d'Auray revient sur ses terres pour célébrer le mariage forcé de Marguerite, sa sœur, avec le baron de Lectoure. Le corsaire américain Paul Jones, qui a embarqué sur son navire L'Indienne l'amant de Marguerite, Lusignan, déporté à Cayenne par ordre de la marquise d'Auray, revient lui aussi, porteur de lettres pour Marguerite et son enfant illégitime (Acte I).

Paul Jones apprend d'un vieux domestique, Achard, qu'il est né vingt-cinq ans auparavant d'autres amours illégitimes: sa mère n'est autre que la marquise, et son père, le comte de Morlaix, fut tué par le marquis d'Auray, devenu fou à la suite de son acte. Paul décide de sauver sa demi-sœur de l'union qu'on lui impose (Acte II).

Marguerite découvre l'époux désigné par sa famille, un ambitieux prêt déjà à lui choisir ses amants. Devant le notaire, elle refuse de signer le contrat. Paul fait irruption dans l'assemblée; reconnu par sa mère, et pris par le marquis pour le spectre de Morlaix, il jette le trouble. Sur ces entrefaites on annonce que le vieil Achard est au plus mal (Acte III).

Achard va remettre à Paul les papiers attestant son droit d'aînesse. Marguerite, éplorée, rejoint Paul chez le vieux domestique: elle a surpris la confession de son père qui vient de mourir. Survient la marquise, décidée à arracher au vieillard les preuves qui terniraient l'honneur de sa famille. Au moment où elle croit s'en emparer, Paul les lui arrache des mains (Acte IV).

La marquise persiste cependant dans sa décision de marier sa fille à Lectoure. De son côté, Emmanuel provoque Paul, qu'il tient pour responsable de tous leurs maux. Les deux frères se battent, la marquise intervient. Dans un élan de générosité, Paul laisse sa part d'héritage à son frère et Marguerite pourra épouser Lusignan, devenu gouverneur de la Guadeloupe grâce aux bonnes relations qu'entretient le corsaire américain avec la Cour. Le capitaine Paul repart vers le Nouveau Monde (Acte V).

Analyse Dumas s'inspire ici de la vie du héros de la révolution américaine John Paul Jones (1747-1792) dont il a découvert la biographie romancée en lisant Le pilote de Fenimore Cooper. Quand on sait que Cooper découvrit son sujet en lisant Le pirate de Walter Scott, on découvre le fil rouge qui relie Dumas à un autre de ses inspirateurs de prédilection dont il adapta plusieurs œuvres.

Vers 1835, visitant avec Mélanie Waldor Lorient et quelques autres ports où accosta le célèbre corsaire, Dumas avait eu l'idée de ce drame en cinq actes et en prose qui imagine en fait l'enfance du héros de Cooper. Sans doute jugea-t-il son œuvre encore imparfaite, et il ne songea pas à la faire jouer. Mais ayant confié son manuscrit en gages à Jean-Baptiste Porcher, à qui il devait de l'argent, il s'en vit dessaisir faute de pouvoir rembourser sa dette.

Porcher en communiqua le texte à son gendre Théodore Nezel, qui dirigeait le Panthéon, un théâtre en difficulté. Ce dernier y apporta quelques retouches avant de le faire jouer, le 8 ou le 12 octobre 1838, la date est incertaine. Mais ce n'est pas pour autant qu'on doive le qualifier de collaborateur de Dumas, le Panthéon était considéré comme un  «véritable bouge», et c'est donc un peu par accident que la pièce vit le jour sur cette scène.

Entre temps, Dumas en avait tiré un feuilleton pour Le Siècle. Intitulé Le capitaine Paul, il parut du 30 mai au 23 juin 1838. Quérard, qui rapporte l'affaire dans son ouvrage Les supercheries littéraires dévoilées mais semble ignorer l'antériorité du drame par rapport au roman, signale qu'entre la publication du feuilleton dans Le Siècle et la création de la pièce, deux autres Capitaine Paul furent montés en quelques semaines à Paris dans de «petits théâtres»: un drame en cinq actes (en prose), de Dautrevaux, représenté sur le théâtre Dorsay [sic], le 30 août 1838; un drame en trois actes en prose, de MM. Durand de Valley [Em. Gautrot] et Léon Angot, représenté sur le théâtre du Luxembourg, le 6 octobre 1838.

Ces deux pièces qui n'ont jamais été imprimées sont-elles le résultat d'une autre indélicatesse de Porcher qui était chef de claque de plusieurs théâtres de Paris à ce moment? Le drame fut repris avec plus d'honneur et de succès sous le titre de Paul le Corsaire au théâtre de la Porte-Saint-Martin le 16 octobre 1841, mais ne fut jamais édité que sous son premier titre.

Cette œuvre de rencontre à laquelle Dumas n'attachait peut-être pas beaucoup d'importance met en scène cependant un de ces bâtards magnifiques qu'il affectionnait, coureur de mers de surcroît, et de pistes aussi, comme les trappeurs de F. Cooper, dans cette Amérique encore méconnue du début du XIXème siècle  qui fascinait Chateaubriand. On retrouve des échos d'Atala dans les descriptions enthousiastes que fait Paul de la nature sauvage, et, si on n'assiste pas à des scènes d'abordage comme dans Le fils de la nuit (qui s'appela aussi Le pirate), l'air du large souffle sur cette pièce intimiste où des fenêtres ouvertes donnent sur l'océan.

La révolution américaine qui effrayait tant les hobereaux au début de la pièce prend sa revanche à la fin dans l'affirmation du soutien de Louis XVI à Washington. Et la manière dont Paul, héritier des d'Auray, abandonne son droit d'aînesse pour reprendre la lutte révolutionnaire outre-Atlantique augure bien du destin final de cette aristocratie rivée à ses principes...

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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