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Titre Intrigue et amour

Année de publication 1847

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit fin du XVIIIème siècle

Résumé Ferdinand de Walter, fils du président de la régence, aime Louise, la fille du musicien Miller. Ce dernier, qui ne croit qu'à une fantaisie du jeune homme, a promis sa fille à Wurm, âme damnée du président. A la Cour, le Prince, assagi, doit prendre femme; il faut trouver un époux à sa maîtresse. Le président de Walter décide de l'unir à son fils; Ferdinand refuse (Acte I).

Découvrant Louise dans les bras de son fils, le président fait intervenir la garde. Au moment où les officiers de justice entraînent Louise, Ferdinand menace son père de révéler la manière dont il s'est débarrassé de son prédécesseur avec la complicité de Wurm. Le président ordonne alors de relâcher Louise (Acte II).

Avec Wurm, il manigance ensuite de faire passer Louise pour la maîtresse du maréchal de Kalb, qui se prête au jeu. Wurm apprend à Louise l'arrestation de ses parents et la force à écrire une lettre compromettante au maréchal, seule condition au salut de sa famille (Acte III). Persuadé, par la lettre qu'il vient de découvrir, de la trahison de Louise, Ferdinand sombre dans le désespoir (Acte IV).

Ferdinand et Louise s'empoisonnent. Ferdinand a encore la force de frapper Wurm qui fait irruption chez Miller avec le président et des gens de justice. Wurm, mourant, dénonce le président qui se constitue prisonnier devant le corps de son fils (Acte V).

Analyse Pour faire pièce aux néo-classiques et aux faiseurs de mélos, Vigny et Dumas, quand ils débutèrent au théâtre, s'appuyèrent sur des valeurs sûres, Shakespeare et Schiller. Si Dumas traduisit plusieurs fois Shakespeare, il ne revint à Schiller qu'en 1847 avec cette pièce, pour laquelle selon toute apparence il n'eut aucun collaborateur.

Ce retour à Schiller manifeste sans doute la permanence de l'intérêt de Dumas pour le grand dramaturge, qui fut une de ses sources d'inspiration. Il est aussi l'occasion d'un hommage retardé de longues années: Fiesque de Lavagna, écrit en 1827, ne fut jamais joué. C'est sur la scène de son propre théâtre, le Théâtre Historique, qui venait d'ouvrir le 20 février 1847, qu'il crée le 11 juin son adaptation de Kabale und Liebe. La pièce de Schiller date de 1784; l'auteur allemand l'appelle «Ein bürgerliches Trauerspiel», un «drame bourgeois», référence à cette esthétique pour laquelle Dumas manifesta un intérêt croissant à partir de son voyage en Allemagne avec Nerval en 1838 et dont on trouve l'influence aussi bien dans Léo Burckart que dans des pièces plus tardives comme Le comte Hermann, Le vingt-quatre février ou La conscience.

Si Dumas ne retient pas le qualificatif de «bourgeois» (son œuvre est simplement appelée «drame»), son travail de réécriture plus souvent que de traduction ou d'adaptation accentue ce que l'œuvre de Schiller ne faisait qu'esquisser, la dimension familiale ou privée. Chez ce dernier en effet, c'est la dimension politique qui ressort, au point que la critique marxiste y verra «le premier drame à thèse politique allemand» (Engels) ou «le drame le plus révolutionnaire» de la littérature classique allemande (Mehring).

Le titre lui-même affadit «Kabale» en «Intrigue». Comme le souligne Sylvain Fort dans sa traduction récente de l'œuvre de Schiller (L'Arche 1999), «Kabale» renvoie aux complots d'une aristocratie corrompue ici directement mise en cause et dont les représentants sont vivement caricaturés (Dumas ne traduit pas les noms propres: «Wurm», par exemple, désigne le Ver, et «Kalb» le Veau). «Intrigue» risque alors de ramener l'histoire à un tragique malentendu amoureux.

Dumas s'en sort bien, cependant. Son drame est vigoureusement charpenté, il surfe avec aisance sur les trames familiales et politiques habilement entrelacées, et se joue avec finesse de ces lieux communs du romantisme que sont le suicide des amants et la rédemption des courtisanes.

Redonnant une seconde (ou une troisième) vie au drame, Verdi en fera deux ans plus tard l'opéra Luisa Miller. Créée à Naples en 1849 par un auteur en délicatesse avec la censure, l'œuvre tire délibérément vers le mélo sentimental. Dumas n'avait pas encore débarqué avec Garibaldi!

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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