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Titre Le comte Hermann

Année de publication 1849

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1839-1840

Résumé Le comte Hermann de Schawembourg rentre en Europe affaibli par une mauvaise blessure. Il est accompagné de son neveu Karl de Florsheim, et de son médecin particulier, Fritz Sturler. Fritz doit bientôt épouser Marie de Stauffenbach qui aime secrètement Karl (Acte I).

Hermann s'éprend de Marie. Fritz s'efface d'autant plus facilement qu'il ne l'aime pas: il n'est intéressé que par la fortune d'Hermann dont il envisage cyniquement d'épouser la veuve un jour prochain (Acte II).

Hermann épouse Marie. Il sent sa fin venir; connaissant les sentiments de Karl envers sa femme, il lui demande de l'épouser quand elle sera veuve. Karl part en voyage. Le médecin machiavélique prolonge alors la vie de son patient (Acte III). Karl, de retour, découvre qu'Hermann va mieux. Il décide de mourir et demande du poison à Fritz (Acte IV).

Face à la duplicité de Fritz et persuadé de la pureté des intentions de Karl et de Marie qui l'aiment comme un père, Hermann se donne la mort (Acte V). Ayant perdu toute raison d'exister mais toujours animé par la curiosité scientifique, Fritz met en scène expérimentalement son suicide (Épilogue).

Analyse Flanqué d'une préface, d'un épilogue plus narratif que dramatique d'ailleurs coupé à la représentation, et d'une postface, Le comte Hermann n'est pas la meilleure pièce de Dumas. L'oeuvre n'en est pas moins intéressante, par ce qu'elle dit et aussi par ce qu'elle ne dit pas.

La préface est celle d'un drame qui revendique le dépassement du romantisme; à ceux qui le lui demandent, Dumas répond qu'il ne refera pas Antony: «Les passions que j'ai décrites, j'en ai mesuré le vide, j'en ai sondé la folie, je revois la vie de l'autre côté de l'horizon». La pièce mettra en scène d'autres passions, «la chasteté d'une femme et le dévouement d'un homme».

La postface («Un dernier mot à mes lecteurs») est celle de l'épilogue, que Dumas qualifie bizarrement de «monologue philosophico-toxicologique». Il reconnaît que si, du point de vue dramatique, son drame s'est achevé avec l'acte V, il n'en est pas de même sur le plan philosophique. L'épilogue met un point final en effet à un sous-texte lisible dès l'acte I dans deux longs récits digressifs qui sont une des faiblesses du drame parce qu'ils ralentissent l'action et égarent le spectateur ou le lecteur: le récit légendaire de l'exécution d'un chevalier, au Moyen-Age, qui obtint d'un empereur la grâce de ses compagnons en se relevant le chef tranché pour les désigner du doigt; le récit, historique celui-là, de l'exécution le 24 mai 1820 de Karl Sand, le meurtrier de Kotzebue (écho du véritable pèlerinage qu'à l'automne 1838 Dumas et Nerval, préparant Léo Burckart, firent à Mannheim où ils s'entretinrent même avec le bourreau de Sand).

Dans la pièce, ces deux récits et le suicide de Fritz à la fin témoignent moins d'un engagement contre la peine de mort que d'une insistance compulsive sur les états de conscience au moment du passage de la vie au trépas. C'est manifeste dans le véritable protocole expérimental présidant au suicide de Fritz, qui évoque ce que tout un courant de recherches plus ou moins scientifiques outre-Atlantique appelle les «NDE» ou «near death experiences» et qu'a illustré en France dans le registre de la science-fiction le roman de Bernard Werber Les Tanathonautes.

Dans la postface il en est autrement: Dumas ne porte pas Fritz dans son cœur; si le drame s'achève sur le triomphe de la sensibilité, l'épilogue met en scène la défaite de la raison. Ce bref passage de la vie à la mort, pour Dumas dans la postface, doit être l'instant du repentir, ouvrant la voie à une possible rédemption. D'où ces lignes étranges, plaidant, en attendant une abolition toujours souhaitée, pour des exécutions dans le secret des cours de prison et non plus publiques, et pour des mises à mort de plus en plus rapides par l'électricité ou même des injections létales, l'objectif étant d'amollir dans le secret de sa conscience le cœur du condamné trop souvent endurci par les foules venues en masse assister aux exécutions. Dumas aborde ici un thème qu'il va longuement développer par la suite (voir Le vingt-quatre février et les articles pour L'Indipendente dans le Cahier Dumas n°31).

Le lien de tout ceci avec le drame intime d'Hermann, de Marie et de Karl? Cherchez l'erreur! Le fil est ténu, peut être la maladie d'Hermann, perpétuellement en sursis entre les mains de son médecin, peut-être aussi un règlement de compte avec l'apprenti sorcier Fritz, avatar des Lumières, athée militant et scientiste convaincu? Comme dans La conscience, mais sans le reconnaître ici, Dumas a écrit deux drames. Un de trop?

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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