Titre
Causeries. Recueil de chroniques comprenant:
Les trois dames; Les
rois du lundi; Une chasse aux éléphants;
L'homme d'expérience; Les
étoiles commis voyageurs; Un
plan d'économie; La figurine
de César; Une fabrique de
vases étrusques à Bourg-en-Bresse; État
civil du Comte de Monte-Cristo; Ah!
qu'on est fier d'être Français; A
ceux qui veulent se mettre au théâtre; Les
petits cadeaux de mon ami Delaporte; Un
voyage à la lune; Ce qu'on
voit chez madame Tussaud; Le lion
de l'Aurès; Les courses d'Epsom; Une
visite à Garibaldi; Le fléau
de Naples.
Année de publication
1854 (première publication en recueil)
Genre
Causerie
Collaborateur(s)
-
Epoque du récit
diverses
Résumé
Les trois dames
Dumas parle ici, comme il le dit, «de mon meilleur ouvrage à
moi, de M. Alexandre Dumas fils». C'est en fait un hommage aux œuvres
de son fils. Dumas, à travers le récit de rencontres et
conversations avec son rejeton, raconte l'origine de trois œuvres
de celui-ci... Trois histoires d'amour du jeune Alexandre, dont les tristes
fins lui ont inspiré des œuvres poétiques.
C'est
d'abord la belle Marie Duplessis, au destin si funeste, inoubliable grâce
aux vers de La dame aux camélias.
La seconde est la « Dame aux perles », dont Alexandre
fut séparé; il partit un an en exil, puis revint vers son
père, à peine consolé. L'histoire donna naissance
à un roman, puis au drame Diane de Lys.
La troisième dame est une Napolitaine, Mme Adriani, à laquelle
Alexandre présente son père par cette phrase restée
célèbre: «j'ai l'honneur de vous présenter
monsieur mon père, un grand enfant que j'ai eu quand j'étais
tout petit». Cette idylle avec «la plus belle femme du monde»
s'est terminée abruptement, pour une histoire de bouquets... L'aventure
a donné Le demi-monde. Ces trois
pièces, dit Dumas, ont le grand talent de présenter un «irrésistible
réalisme», talent que lui-même ne saurait avoir...
Les rois du lundi
Réflexion sur les critiques, ceux qui peuvent briser des carrières,
parfois en étant trop durs, mais d'autres fois en étant
hypocrites, en vantant un auteur qui ne le mérite pas. Après
avoir expliqué pourquoi certains auteurs, considérés
par le public comme étant des critiques littéraires, n'exercent
pas vraiment cette profession à ses yeux, Dumas s'attarde sur le
cas de l'auteur Escousse, dont la première pièce avait été
encensée par la critique, alors qu'elle était médiocre.
L'auteur avait pris confiance en lui-même, ce qu'il n'aurait pas
dû, et a continué à écrire des pièces
tout aussi mauvaises, qui ont alors été descendues en flèche
par les critiques. Non seulement les critiques démolissent de jeunes
auteurs, mais également des «vieux», ce qui est encore
plus méprisable. C'est contre ce type de critique déplorable,
«qui se gratte lui-même jusqu'au fiel et qui gratte les autres
jusqu'au sang», que Dumas s'emporte dans ces pages.
Une chasse aux éléphants
Dumas présente le comte Horace, qui lui servit de modèle
pour le personnage d'Horace dans le roman Pauline.
Un être très particulier, adepte de l'opium et de la chasse,
ne craignant qu'une chose: l'ennui. Un soir, il fait à Dumas le
récit on ne peut plus détaillé de sa première
chasse à l'éléphant; c'est cette aventure que Dumas
raconte ici.
Horace était invité, lors d'un séjour à Ceylan,
à accompagner Sir Williams à la chasse à l'éléphant;
une chasse peu commune, demandant un voyage de huit jours. Les «blancs»
sont accompagnés et servis par les «nègres»,
qui ont pour fonction de porter les armes, de protéger les maîtres,
de rameuter les éléphants, etc. Horace offre un cours d'histoire
de Ceylan, de ses pratiques religieuses, des mœurs des cobras et
jaguars, etc.
Au cœur de la jungle, le guide d'Horace lui indique tout ce qu'il
faut éviter de faire pour ne pas risquer de s'attirer la colère
des animaux. Horace, téméraire, décide aussitôt
de faire le contraire, ce qui lui réussit. Il tue un bébé
éléphant et ses parents. De toute cette chasse, conclut
Horace, il n'a rapporté que trois queues, la seule partie que l'on
garde d'un éléphant. Deux «nègres» sont
morts, mais aucun «blanc» n'a eu la moindre égratignure...
L'homme d'expérience
Une courte page pour dénigrer ceux qu'on appelle les «hommes
d'expérience», ces êtres ennuyeux, égoïstes,
imbéciles, imbus, qui ne donnent rien à personne et ne rendent
jamais service, car ils savent, étant des «hommes d'expérience»,
qu'il vaut mieux ne pas le faire!
Les étoiles commis
voyageurs
Voir Contes pour
les grands et les petits enfants
Un plan d'économie
Dumas fait ici le rêve qu'il est invité à offrir à
un ministre qui serait responsable des quatre grands théâtres
parisiens quelques bons conseils sur la gestion de ceux-ci. Bien raisonnée,
la proposition de Dumas permet de régler tous les problèmes
financiers de ces théâtres, par exemple en leur proposant
d'utiliser un même lieu pour l'entreposage des décors, en
leur offrant du même coup de partager ces décors; en modifiant
le mode d'attribution des subventions, etc.
La figurine de César
L'auteur raconte d'où lui vient une jolie statuette antique représentant
César. Ce récit est l'occasion, évidemment, de nombreuses
digressions – par exemple, sur les kouklouses, ces simples
fleurs des champs ainsi baptisées par les enfants de Villers-Cotterets.
Dumas se rend à Bourg-en-Bresse, pour ramasser de la documentation
en vue d'écrire Les
compagnons de Jéhu. On lui présente là
un historien, qui devrait pouvoir lui être utile, mais qui en sait,
finalement, beaucoup moins que Dumas sur l'histoire de sa petite ville.
Il conseille à Dumas d'aller au greffe pour en savoir davantage;
Dumas promet à l'historien de lui transmettre les informations
qu'il en tirera.
Au moment de quitter cet homme, il aperçoit chez lui le buste
de César... Son hôte lui explique qu'il provient du musée
de Besançon; à nouveau, Dumas éblouit l'historien
par ses nombreuses connaissances sur César. De retour à
Paris, Dumas garde en tête cette statuette; il effectue des démarches
auprès d'un ami, qui interviendra à son tour auprès
du musée de Besançon, trop heureux de lui faire parvenir
une épreuve de ce buste de César, ainsi que sa petite histoire.
Une fabrique de vases
étrusques à Bourg-en-Bresse
De passage à Bourg-en-Bresse, Dumas remarque, à une fenêtre,
des vases d'une forme très particulière. Il s'arrête,
curieux. Il frappe à la porte du potier, qui lui raconte comment
lui est venu le désir de mouler des vases plus artistiques, plutôt
que simplement utiles. Et ce désir lui est venu à la lecture
d'Ascanio,
imposée par sa femme, fanatique des romans de Dumas. Et le potier
raconte son histoire, sans savoir qu'il parle... à Dumas.
À la fin du récit, l'auteur commande de ces très
beaux vases au potier. Il doit lui laisser ses nom et adresse, se révélant
enfin au potier. Plus tard, Dumas reçoit une lettre de ce dernier
potier, lui disant qu'il n'avait osé, lors de sa visite, lui demander
un autographe. Et c'est en guise d'autographe que Dumas écrit ce
récit, espérant ainsi que le potier et sa femme diront toujours,
en pensant à lui: « Dieu le bénisse! ».
État civil du Comte
de Monte-Cristo
Dans cette causerie, Dumas répond à quelques critiques,
qui font naître toutes sortes de rumeurs sur la part réelle
que prend l'auteur dans l'écriture de ses romans. Il s'agit donc,
ici, de défendre la paternité du Comte
de Monte Cristo, en racontant la première visite que
Dumas fit à l'Île de Monte-Cristo, en compagnie du prince
Napoléon, fils du roi Jérôme Bonaparte. Dumas raconte
ensuite comment le roman prit naissance, transformant les Impressions
de voyage dans Paris en un roman d'aventures dans lequel le héros,
comte de Monte-Cristo, parcourt la ville à la recherche de ses
ennemis cachés. Occupé à ce travail, Dumas reçoit
la visite d'Auguste Maquet qui l'aide à retravailler le plan de
cet énorme roman.
Ah! qu'on est fier d'être
Français
Cette fois, Dumas offre un cours de latin, tout en se moquant des grands
savants ou «sachants», selon son mot, de Institua,
l'Institut. Dumas s'étonne de l'inscription latine gravée
sur le piédestal de la Colonne Vendôme. Napoléon Ier
aurait soumis l'inscription souhaitée aux académiciens,
à charge pour eux de la traduire en latin, ce qui leur aurait pris
six mois... Les résultats, selon Dumas, sont désastreux,
et ne rendent absolument pas justice au désir de Napoléon.
Dumas écorche aussi, en chemin, les savants anglais, guère
plus efficaces à Londres.
À ceux qui veulent
se mettre au théâtre
Dans cette chronique, Dumas reproduit les lettres de deux grands comédiens,
lesquels, à 13 ans de distance, déconseillent à qui
voudrait faire du théâtre de mettre ce projet à exécution,
bien qu'eux-mêmes aient fait de belles carrières. Pourquoi
imprimer ces lettres? Pour donner, à qui demanderait conseil à
Dumas au sujet d'une éventuelle carrière théâtrale,
la même réponse que les comédiens!
Les petits cadeaux de
mon ami Delaporte
Le Jardin des Plantes a reçu en cadeau un hippopotame, deux lions,
trois girafes, cinq antilopes et vingt singes. Dumas est ami de Delaporte,
consul de France à Tunis, qui a fait ces étranges cadeaux.
Lors d'un voyage à Tunis, le consul raconte à Dumas toutes
ses conquêtes animales, ce que l'auteur rapporte ici. S'y ajoute
un récit sur la chasse aux cobras par un charmeur de serpents...
davantage escroc que charmeur.
Un voyage à la
lune
Voir Contes
pour les grands et les petits enfants
Ce qu'on voit chez madame
Tussaud
Première partie du récit rapportant un voyage à Londres,
en compagnie de son fils et du marquis de Badaour, qui les a invités
pour les Courses d'Epsom. Dumas raconte le voyage jusqu'à Londres,
puis sa visite au musée de cire de madame Tussaud, où l'on
peut voir des choses agréables et des horreurs.
Parmi celles-ci se trouve la guillotine ayant servi, dit-on, pour Louis
XVI. S'ensuit l'anecdote d'un Parisien, qui voulut essayer la guillotine
au musée, et faillit y perdre la tête. Dumas, toujours curieux,
en profite pour éloigner le lecteur de Londres et raconter tout
ce qu'il sait sur cette machine, rapportant la visite qu'il fit au père
Sanson, le bourreau en place lors du décès de Louis XVI.
Le lion de l'Aurès
Dumas reçoit la visite du sous-lieutenant Gérard et de son
ami arabe, Amida. Il leur demande de lui faire le récit de l'une
de leurs nombreuses chasses au lion, ce «roi de la création».
Gérard obtempère et raconte ses souvenirs d'une chasse longue
et périlleuse, où un homme fut attaqué par le lion,
sans que le chasseur, spectateur impuissant, puisse intervenir. Le récit
ouvrira de nombreuses parenthèses, dont une pour narrer la légende
du lion amoureux d'une jeune Arabe qui lui reprochait d'avoir mauvaise
haleine, et une autre pour expliquer pourquoi le lion doit traîner
les moutons sur le sol, péniblement, alors qu'il peut soulever
sans peine toutes les autres créatures...
Les courses d'Epsom
De retour à Londres pour la deuxième partie du voyage, Dumas
poursuit son reportage, agrémenté de comparaisons entre
les mœurs françaises et anglaises: vie à Hyde Park;
promenade en bateau à vapeur sur la Tamise; souper organisé
par son hôte, incluant le menu dans tous ses détails; fin
de soirée à Haymarket, le «Canada de Londres».
Enfin, vient le déroulement de cette activité annuelle chère
aux Anglais: les courses d'Epsom.
Dumas poursuit son étude anglaise par la description de tous les
types de voitures qui encombrent la route, puisque tout le pays semble
se rendre aux courses, ce «phénomène inexplicable
et surtout indescriptible», dit-il. Il y parvient tout de même,
et décrit dans cette causerie tout ce qu'il voit: les prises des
paris, le déroulement de la course, «l'orgie universelle»
et le retour encombré. Dumas entraîne ensuite le lecteur
au Palais de cristal, ce musée unique où les Anglais
avaient regroupé tant de leurs possessions. Dans la soirée,
il se rend au spectacle de l'étrange juge Nicholson, qui
officie dans une misérable taverne...
Une visite à Garibaldi
À Turin, cette fois, Dumas rend visite à son ami Garibaldi,
cet «apôtre de la liberté universelle», ce héros
si humble, qu'il loge dans une petite chambre d'hôtel. Dumas fait
dans ce récit la présentation de quelques personnages qui
gravitent autour de Garibaldi et ont joué un rôle dans son
histoire: le roi Charles-Albert et surtout son fils, Victor-Emmanuel;
le colonel Turr, ami de Dumas et garde de Garibaldi; Sandor Teleki et
son domestique; et enfin «l'Anglais de Garibaldi». Dumas,
après bien sûr quelques digressions sur la cuisine italienne
– exécrable – en arrive à confier le but de
son voyage: obtenir les confidences de son héros, Garibaldi, pour
écrire sa vie.
Le fléau de Naples
Voici le récit de ce qui attend un voyageur à Naples. Malgré
la beauté du lieu et les nombreux trésors qu'il faut y voir,
la ville recèle un fléau qui désespère rapidement
le touriste: la mendicité. Avec cynisme, presque, Dumas suit le
voyageur, jour après jour, dans la progression de son aversion
pour les Napolitains. Visites de faux lieux touristiques visant à
le détrousser, encombrements organisés pour l'obliger à
s'arrêter... Le monde des mendiants de Naples est organisé
en système dont on ne se sort pas. La mendicité «assassine»
le voyageur et le pousse à fuir très loin de cette si belle
ville!
Analyse
Dans la Préface à ce recueil, en réponse aux
reproches de certains, Dumas se justifie d'écrire de tels récits.
Il confesse son besoin impérieux de «causer» et assure
qu'il nourrit ainsi ses lecteurs, en leur parlant simplement et en leur
racontant des anecdotes, plus sûrement que ne le ferait un grand
poète ou un grand rêveur.
Ces causeries sont de types divers. Certaines pourraient aller s'imbriquer
dans les Mémoires,
comme si certains moments avaient été oubliés dans
la rédaction. D'autres pourraient se retrouver dans un recueil
de récits de chasse: au lion, à l'éléphant,
au serpent même. Avec toutes les autres chasses essaimées
dans divers ouvrages de Dumas, il y aurait de quoi obtenir un dictionnaire
de la chasse. Quelques-unes, enfin, sont réellement des chroniques
faites pour alimenter les journaux: l'administration d'un théâtre,
commentaires sur les critiques, etc. Et s'y ajoutent, bien sûr,
quelques contes auxquels Dumas ne résiste jamais.
Bref, ces Causeries donnent un ensemble
plutôt désordonné, qui va réellement du coq
à l'âne quant aux sujets – il n'y a qu'à penser
au récit du voyage à Londres, entrecoupé par une
chasse au lion. Pourtant, malgré ces sujets variés qui demandent
au lecteur qui dévore le recueil en rafale d'avoir l'esprit alerte
et voyageur, pour ne pas s'y perdre, une constante demeure... Et c'est
celle qui fait que le lecteur demeurera fidèle et ne délaissera
sûrement pas le volume: c'est le plaisir de se retrouver là,
assis au coin du feu, auprès de Dumas... lequel, bien installé
dans son fauteuil, «jette au vent le grain de la causerie»,
raconte des histoires, des souvenirs, à des auditeurs conquis qui
n'osent l'interrompre.
Dumas ne se lassait pas d'écrire, de rapporter des faits que d'autres
lui racontaient, de communiquer ses propres souvenirs. Lire l'une ou l'autre
de ses Causeries, c'est inviter Dumas
au salon, pour qu'il nous tienne un peu compagnie. C'est sans prétention,
sans désir de «grande» littérature, mais c'est
passionnant et rempli d'affection pour le lecteur.
Marie Douville
|