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Titre La Vénitienne

Année de publication 1834

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Anicet-Bourgeois

Epoque du récit Venise, 1513

Résumé Le Bravo, exécuteur des basses œuvres du Conseil des Dix qui dirige d'une main de fer la sérénissime république de Venise, reçoit chez lui un jeune proscrit qui lui demande d'échanger pour deux jours leurs rôles. Le proscrit, Salfieri, veut se venger d'un homme et lui reprendre une jeune fille qu'il a aimée à Gènes et qui lui a été enlevée. Une étrange complicité se noue entre cet homme et le Bravo, qui a perdu femme et enfant dans des circonstances obscures. Pendant ce temps Théodora, une riche courtisane, visite la jeune Violetta chez son tuteur Mafféo et la prend sous sa protection (Acte I). Au matin on découvre le corps du vieux Mafféo, tué par le Bravo ; c'est sa dernière victime. Le peuple demande justice pour Violetta, sa pupille. Le Bravo libéré de son rôle d'exécuteur se promène incognito dans la ville ; il prend la jeune fille sous sa protection et l'emmène dans un endroit secret. Théodora, apprenant les faits, cherche à retrouver Violetta qui est en réalité sa fille (Acte II). Pour expliquer son humeur sombre le Bravo raconte à Violetta l'histoire d'un jeune vénitien qui accepta jadis de devenir le bourreau secret du conseil des Dix afin d'obtenir la grâce de son père. Survient Salfieri ; le Bravo comprend qu'il aime Violetta et les laisse partir. Au palais de Théodora, la fille retrouve sa mère. La courtisane, humiliée par des prétendants éconduits, incendie l'édifice (Acte III). Dans leur cachette, le Bravo retrouve la mère et la fille ; il se fait reconnaître : c'est lui, Giovanni, qui fou de colère et de jalousie seize ans auparavant a cru tuer Théodora. Effusions réciproques. Le Bravo prépare la fuite de tous les siens (Acte IV). Quand minuit sonne, Salfieri et Giovanni échangent leurs rôles. Le Bravo n'a pu sauver son père et ouvre l'enveloppe qui désigne sa future victime : Théodora, condamnée par le conseil pour sa folie incendiaire. Tandis que le jeune homme s'enfuit avec Violetta Théodora se suicide. Le Bravo apprend d'un sénateur la mort de son père qui le dégage de son serment (Acte V).

Analyse Joué à la Porte Saint-Martin entre Lucrèce Borgia et Marie Tudor ce mélo flamboyant a vraisemblablement été influencé par la première des deux pièces de Victor Hugo. Dans son essai Le Roi et le Bouffon, Anne Ubersfled relève un certain nombre de corrélations (crime de sang, violences à l'italienne, etc.) ; on notera également que Mlle Georges interpréta le rôle titre des deux pièces. Mais on peut voir aussi bien l'influence de La Vénitienne sur le second drame italien de Hugo, Angelo, tyran de Padoue, créé au Théâtre-Français le 28 avril 1835. Signé par Anicet-Bourgeois seul, mais quasiment crédité par celui-ci dans la dédicace enthousiaste à Dumas de la première édition, où il le félicite de sa brillante collaboration, ce drame en cinq actes et huit tableaux est une adaptation de l'œuvre de Fenimore Cooper The Bravo : A Venetian Story, parue en 1831. L'auteur américain, fervent républicain, y dénonçait la tyrannie des anciennes oligarchies. Saverio Mercadante en tirera un opéra en 1839, Il Bravo, sur lequel pèse l'atmosphère trouble du conseil des Dix. À ce titre on peut voir dans l'œuvre une pierre, mineure, dans l'édifice du théâtre républicain de notre auteur. Même si le "Bravo", cet assassin stipendié par les Dix et qui n'œuvrait que la nuit, au contraire du bourreau officiant en public, est le personnage principal, présent dès la première scène, et survivant à la dernière, l'héroïne-titre, Théodora occupe bien le premier plan : belle figure de courtisane héroïque et d'amante passionnée, elle est tout à fait dans l'esprit du romantisme de Dumas - et de Hugo. La pièce n'eut que deux éditions (fautives) chez Barba en 1834, et fut rééditée dans le Magasin Théâtral de Marchant en 1843. Il en existe deux exemplaires à la BnF, et elle a été il y a peu numérisée par Google, malheureusement sur la base d'un exemplaire mutilé (absence de la dernière page). Malgré sa construction déséquilibrée, les trois premiers actes assez longs et divisés en six tableaux, les deux derniers très courts, des seconds rôles qui doublonnent (les prétendants de Théodora, Bellamonte et Ruffo), le meurtre de Mafféo peu efficace du point de vue dramaturgique, la pièce ne manque pas d'intérêts : l'esprit républicain y souffle, le thème romantique de la courtisane y apparaît (que reprendra Fernande en 1844, et l'opéra Thaïs en 1858), l'Italie enfin s'y dessine comme un des hauts lieux de l'imaginaire dumasien.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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