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Titre Léo Burckart

Année de publication 1838

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Gérard de Nerval

Epoque du récit 1819

Résumé L'effervescence républicaine qui règne à Iéna amène le roi à exiler de l'université le professeur Léo Burckart; il éloigne en même temps son frère, prince libéral, avec sa maîtresse Diana. Depuis Francfort, Léo continue à publier des articles. Apprenant que sa revue vient d'être interdite et que son éditeur est poursuivi, il s'apprête à se constituer prisonnier. Mais, lassé de lutter, le roi abdique en faveur de son frère. Celui-ci propose à Léo de devenir son conseiller intime (Prologue).

Deux mois plus tard l'agitation estudiantine continue. Léo fait interdire un duel mettant aux prises Frantz Lewald et Henri de Waldeck. Ce dernier est le frère de Diana. Frantz, amant éconduit de Diana, s'est épris de Marguerite, l'épouse esseulée de Léo (Acte I).

La conspiration s'étend. Devenu président de la régence, Léo s'absente de plus en plus, et Marguerite confie sa détresse à Diana. Paulus, homme de confiance de Léo et ancien carbonaro, s'introduit chez les étudiants révolutionnaires, parmi lesquels se retrouvent Henri et Frantz. Pressentant qu'il risque perdre la vie, Frantz obtient un rendez-vous de Marguerite (Acte II).

Le projet de fédération allemande auquel travaille Léo prévoit une union avec la Bavière impliquant un mariage arrangé du prince. Sollicité par Diana qui ne veut pas perdre son amant, pressé par Marguerite de s'occuper davantage d'elle, Léo hésite; la révélation par Paulus de l'imminence du complot le décide à agir. Frantz fait ses adieux à Marguerite (Acte III).

Masqués, Léo et Paulus assistent à une session du tribunal de la Sainte-Vehme au cours de laquelle Henri de Waldeck est exécuté comme traître, et Frantz désigné pour assassiner le président de la régence (Acte IV).

Revenu chez lui, Léo attend son meurtrier; il annonce à sa femme qu'il va se retirer de la politique. Marguerite avoue avoir accepté de rencontrer Frantz. Lorsque le jeune homme survient, il refuse de tuer Léo et demande un duel. Le ministre s'y oppose, gracie le conspirateur et lui donne un sauf-conduit. Frantz alors se suicide (Acte V).

Analyse Dumas avait signé seul Piquillo, Caligula et L'alchimiste. Conformément à un accord passé entre les deux écrivains, Nerval signa seul Léo Burckart. Dans sa correspondance Dumas reconnaît avoir «couvé l'œuf» que Nerval avait pondu: la conception du drame reviendrait selon lui à son ami, l'arrangement dramatique des scènes et l'exécution du dialogue lui étant dévolu. En même temps, si le scénario appartient tout entier à Nerval, selon celui-ci les trois premiers actes et le prologue ont été entièrement écrits par Dumas; or, cette partie est de loin la plus longue.

Présentée à la censure le 24 novembre 1838, l'œuvre fut profondément modifiée par Nerval, et jouée dans cette nouvelle version le 16 avril 1839 à la Porte Saint-Martin; le texte paraît en feuilleton dans La Presse à l'automne, puis en volume avant la fin de l'année. C'est cette version qui a été constamment rééditée, en général sous le seul nom de Nerval (exception faite de l'édition GF de 1996, et encore ne crédite-t-elle Dumas qu'en pages intérieures).

Le texte présenté à la censure le 24 novembre 1838, resté inédit, a été retrouvé en 1949 par Jean Richer, et publié en 1957 par ses soins. L'examen du manuscrit montre l'importance du travail de Dumas. Dans cette version primitive destinée au Théâtre de la Renaissance, le caractère de Diana est plus intéressant et mieux dessiné, elle apparaît comme la maîtresse du prince; des excès de pudeur nervaliens ont affadi le personnage.

Il y a autre chose encore: des choix esthétiques, sans doute, présidant à une véritable réécriture par Nerval de la version d'origine. Des divergences politiques aussi: la philosophie républicaine de Léo est passée sous silence (par exemple son projet d'heptarchie qui devait faire pièce à la tutelle prussienne), ses monologues sont édulcorés, sa profession de foi de l'Acte III scène 6 et l'important dialogue avec le prince qui lui fait suite disparaissent purement et simplement. Les deux versions coïncident à la fin de l'acte III cependant, quand Nerval reprend la plume...

Ce drame de 1838 s'inscrit donc bien dans ce théâtre républicain dont parlait Dumas en 1851 (postface de La barrière de Clichy). Proche de Richard Darlington, il annonce le grand théâtre politique du XXème siècle, les conflits de l'idéalisme et du réalisme, de la révolution et du compromis, chez Sartre en particulier, avec Les mains sales, mais aussi Jules Romains (Le dictateur) ou Drieu La Rochelle (Le chef).

Pierre-Aimé Touchard voyait dans Léo Burckart «le plus authentique chef d'œuvre de l'époque romantique» et peut-être le seul «grand drame politique» du XIXème siècle. Une lecture attentive des deux versions permet de rendre justice à Dumas et de lui attribuer un peu de ces mérites...

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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