Titre
L'île de feu ou
Le médecin de Java
Année de publication
1859
Genre
Roman
Collaborateur(s)
Joseph Méry
Epoque du récit
1847-1849
Résumé
Le vendredi 13 novembre 1847, sur la lointaine île de Java, Eusèbe
Van Den Beek, jeune Hollandais nouvellement installé sur place,
se met en quête du docteur Basilius, car sa jeune femme, Esther,
est mourante. Le médecin, mystérieusement averti, est déjà
en route... mais il arrive trop tard. Eusèbe, désespéré,
écoute le pacte que l'inquiétant Basilius lui propose et
le signe: en échange de la «résurrection» de
sa femme, le Hollandais s'engage à laisser son corps au médecin
quand il se sera suicidé...
Esther
revient à la vie; Eusèbe est terriblement inquiet, persuadé
d'avoir rencontré le diable. Au matin, un notaire se présente
pour annoncer que Basilius est décédé et qu'Esther,
sa nièce, en hérite. Eusèbe se précipite chez
le docteur et, dans un cauchemar éveillé, il découvre
trois fois le cadavre du médecin, chaque fois pleuré par
une jeune épouse différente: Jane, la Hollandaise; l'Indienne
Arroa et, comme la nomme Dumas, la Négresse Cora.
Esther accepte l'héritage, mais apprend du notaire l'existence
d'un codicille au testament: le cynique médecin a prévu
que, si Eusèbe déclarait son amour à l'une des trois
épouses – Jane, Arroa ou Cora -, celle-ci hériterait
aussitôt du tiers de la fortune, délestant le couple... Esther
garde le secret, pour ne pas aggraver l'état dépressif de
son époux, et parce qu'elle est sûre de lui. Eusèbe
se trouve mêlé à l'existence des trois dames auxquelles,
fatalement, il adresse presque inconsciemment des paroles amoureuses,
dans des circonstances... diaboliques, sans en connaître les conséquences.
Par l'intermédiaire du notaire Maes, qui entraîne Eusèbe
dans ses sorties dissolues, notre héros fait la rencontre des autres
protagonistes: Harruch, sorcier opiomane, charmeur de serpents et panthères;
le Thsermai Aira Karta di Bantam, dernier descendant des sultans de Java
qui fomente une révolte contre les Hollandais. On entend aussi
parler, à demi-mot, du chef des pirates Noungal – qui n'est
autre qu'une nouvelle «incarnation» du docteur Basilius.
À l'histoire du jeune couple se mêle la situation politique,
sociale et culturelle de Java, où s'affrontent Hollandais, Malais,
Indiens, etc... Bien involontairement, Eusèbe et Esther verront
leur existence étroitement touchée par ces luttes.
Après de nombreuses péripéties, Eusèbe retrouve
enfin Esther – elle-même à sa poursuite – au
fond de la jungle... mais elle gît sans vie. Plus que jamais désespéré,
Eusèbe sait alors qu'il doit se suicider pour payer sa dette au
diable. Mais c'était compter sans Harruch, le sorcier à
qui il avait rendu service. Harruch, qui voulait se venger de Basilius-Noungal
et qui, aidé d'une armée de panthères, parvient à
le tuer. Aussitôt, Esther revient à la vie, à nouveau...
et Eusèbe comprend qu'il est délivré de son funeste
pacte.
Analyse
L'île de feu est un roman étrange,
qui ne ressemble que de très loin aux romans traditionnels de Dumas.
Si le début capte l'intérêt, celui-ci s'émousse
rapidement et stagne pendant près de cent pages. Enfin il revient,
lorsqu'on commence à comprendre comment se réalise la «prophétie»
du docteur Basilius. Puis on se surprend à avoir hâte de
découvrir si le héros résistera à Jane, à
Arroa et à Cora, ou s'il flanchera et se perdra corps et âme.
En fait, tout le roman est imprégné du climat où
se déroule l'histoire et, en ce sens, c'est sans doute une réussite.
Tout est noir, confus. L'atmosphère du roman est très lourde,
ce qui s'explique bien par l'histoire elle-même, mais rend la lecture
aride, voire même rebutante par moments. Des personnages aux noms
exotiques se côtoient, que l'on ne démêle que tout
doucement. S'y ajoute également toute une situation politique et
sociale avec laquelle les lecteurs ne sont généralement
pas très familiers – on est bien loin ici des traditionnels
combats de cape et d'épée, de l'histoire de la France ou
de l'Italie, nettement plus familiers aux adeptes de Dumas.
Le personnage du notaire Maes est le plus amusant de tout ce roman, le
seul élément qui fasse parfois sourire. Mais, malgré
les réflexions loufoques qu'il émet à l'occasion,
on sent bien aussi tout le désespoir de sa situation – esclave
le jour de son rôle rigide de notaire et de son épouse imposante;
complètement déchaîné la nuit, fuyant toute
entrave... Tous les personnages du roman, finalement, ont des traits si
excessifs, qu'ils font peser le poids de leurs souffrances sur le lecteur
et ne peuvent susciter la sympathie. Voilà sans doute pourquoi,
malgré l'intérêt historique et humain de cette œuvre,
on ne la dévore pas avec autant d'enthousiasme que tant d'autres
ouvrages de Dumas.
Marie Douville
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