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Titre Le chevalier de Maison-Rouge ou Les Girondins

Année de publication 1847

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Auguste Maquet

Epoque du récit 1793

Résumé Dixmer et le chevalier de Maison-Rouge, son beau-frère, complotent pour sauver la reine Marie-Antoinette. Arrêtée à un contrôle, Geneviève Dixmer est sauvée par deux républicains, Maurice Linday et son ami Lorin. Dixmer et le chevalier décident d'utiliser Maurice, dont ils devinent les sentiments à l'égard de la jeune femme, mariée sans amour. Le même jour, les Girondins sont décrétés d'accusation (Acte I).

Au Temple, Maurice permet à Geneviève de rencontrer Marie-Antoinette, à laquelle la jeune femme remet un bouquet d'œillets contenant un message. Mais un incident révèle les secrets desseins des comploteurs (Acte II).

Maurice se rend avec Lorin chez Dixmer pour l'arrêter; celui-ci a disparu. Alors il donne le mot de passe au chevalier pour qu'il s'enfuie avec Geneviève. Lorin presse Maurice de changer d'attitude, mais ce dernier persiste dans son intention de sauver la jeune femme. Sur ces entrefaites on apprend que Dixmer se dissimule à la Conciergerie où il s'est fait embaucher comme greffier; il veut entraîner sa femme dans un complot désespéré, pour qu'elle expie son adultère (Acte III).

Geneviève doit prendre la place de la reine, pendant que celle-ci repassera les portes de la Conciergerie avec les vêtements de Geneviève, et aux bras de Dixmer. Le complot échoue: le chevalier est tué, Geneviève est arrêtée, mais Dixmer réussit à s'enfuir (Acte IV).

Geneviève est condamnée à mort en même temps que les députés Girondins. Maurice se dénonce pour mourir avec elle. Lorin tue Dixmer, qui dispose de deux sauf-conduits, et sauve les deux jeunes gens; il rejoint le dernier banquet des Girondins, décidé à mourir avec eux (Acte V).

Analyse Ecrit et joué au Théâtre-Historique le 3 août 1847, soit un an après la publication du roman Le chevalier de Maison-Rouge, ce drame peut paraître assez fidèle à sa version d'origine, à la différence près qu'au théâtre, Maurice et Geneviève ont la vie sauve. Ce choix d'une fin heureuse pour une adaptation au théâtre, que fait parfois Dumas (voir en particulier les fiches consacrées à Hamlet, prince de Danemark et à Une fille du Régent), s'explique ici selon nous moins par les exigences de l'esthétique propre à ce que Fernande Bassan appelle les «romans-drames», que par une conjoncture politique bien particulière. La France vit les prémisses de la révolution de 1848, Lamartine vient de publier son Histoire des Girondins et commencent à fleurir ces Banquets républicains qui permettent à l'opposition de se réorganiser après les mesures d'interdiction qui ont suivi la tentative d'assassinat de Louis-Philippe par Fieschi.

De l'adaptation de son roman au théâtre Dumas fait un véritable manifeste politique. La première édition en librairie de la pièce, en 1847, porte comme sous-titre «Un épisode du temps des Girondins» et Dumas renverra souvent à son drame en le nommant Les Girondins, titre qui ne figure cependant dans aucune édition.

Le roman commence le 10 mars 1793, la pièce s'ouvre sur le décret d'accusation des Girondins, le 1er avril 1793. Le roman s'achève sur l'exécution de Marie-Antoinette, le 31 octobre 1793, qui précède de peu celle des héros. À cette occasion, Lorin s'exclame:

           Mourons pour la patrie,
          C'est le sort le plus beau!...
Oui, quand on meurt pour la patrie; mais, décidément, je commence à croire que nous ne mourons que pour le plaisir de ceux qui nous regardent mourir. Ma foi, Maurice, je suis de ton avis, je commence aussi à me dégoûter de la République.

Pouvait-on imaginer entendre proférer cet aveu sur une scène dans la période d'intense activité républicaine qui précède 1848? Dumas achève donc son drame sur l'exécution des Girondins, le 16 octobre. Il compose alors sur une musique de Varney ce chœur qui deviendra l'hymne national français pendant la IIème république sous le titre du Chant des Girondins:

Par la voix du canon d'alarmes,
La France appelle ses enfants.
«Allons, dit le soldat, aux armes!
C'est ma mère, je la défends».

Mourir pour la patrie
C'est le sort le plus beau, le plus digne d'envie!

Nous, amis, qui, loin des batailles,
Succombons dans l'obscurité,
Vouons du moins nos funérailles
À la France, à sa liberté!

Pour le refrain, déjà présent dans le roman, le parolier et le musicien avaient emprunté à Rouget de Lisle. Le premier couplet est entonné par les Girondins face au tribunal révolutionnaire; le second, à la fin de la pièce, quand Lorin rejoint les Girondins.

Comme le pressentit Dumas, c'est en entonnant le Chant des Girondins (mais aussi la Marseillaise), que les foules parisiennes se mobilisèrent en masse pour ces journées de juin qui firent basculer le régime. Dans les reprises ultérieures, à la Porte Saint-Martin, autres temps autres mœurs, le texte de Dumas sera édulcoré et certains vers remplacés par d'autres attribués à Maquet.

C'est d'ailleurs lui seul qui est crédité ensuite dans la plaquette Chœur des Girondins – Mourir pour la Patrie éditée par Marcel Labbé et dédiée à Lamartine. Dans la postface de La barrière de Clichy, Dumas dira n'«avoir jamais fait une pièce politique à un autre point de vue que les idées républicaines», et il évoquera son «théâtre républicain: Richard Darlington, Les Girondins, Catilina». La pièce est donc en bonne place dans ce théâtre politique qui comprend aussi Léo Burckart et situe Dumas entre le Don Carlos de Schiller et celui de Verdi.

Assez solidement charpenté, le drame trouve son rythme davantage dans l'agencement des douze tableaux, de longueur décroissante et d'intensité dramatique croissante au contraire, que dans la division traditionnelle en cinq actes à l'intérieur de laquelle Dumas se trouve parfois à l'étroit: les actes en effet sont de longueur très inégale, et si le premier fait 57 pages (c'est le plus long), le quatrième n'en fait que 8 et ne comporte qu'un seul tableau.

Le drame intime de Maurice et de Geneviève et le complot royaliste de Maison-Rouge et de Dixmer auquel ils se trouvent étroitement mêlés se déroulent sur la toile de fond de l'affaire des Girondins; ce qui justifie le sous-titre donné à la pièce, mais n'expliquerait pas un titre aussi général que celui que Dumas donne parfois.

Signalons pour terminer deux coquilles. Le 3ème tableau, scène 1, date l'action du 1er messidor an II, c'est-à-dire du 19 juin 1794: or, le calendrier révolutionnaire ayant prévalu à partir du 22 septembre 1792, le 1er vendémiaire an I, c'est plutôt «1er messidor an I» qu'il faut lire; l'action de ce tableau se déroule donc bien le 19 juin 1793. D'autre part, Lindey est toujours orthographié Linday dans la pièce.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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