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Titre Le château d'Eppstein (ou Albine)

Année de publication 1843

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1789 à 1815

Résumé En 1789, le château d'Eppstein est habité par le comte Rodolphe, son épouse et leurs fils: Maximilien, l'aîné, vil et ambitieux, déjà veuf; et Conrad, rêveur, frêle, sympathique. Ce dernier a épousé en secret la fille du garde forestier, Noémie. La mort dans l'âme, les parents le condamnent à l'exil. De son côté, Maximilien épouse en secondes noces Albine, fille d'un ami de son père, influent à Vienne et fort riche.

Albine se retrouve seule au château avec Maximilien: rapidement, il se révèle despotique. Albine, épouse modèle, accepte son sort. En 1793, lorsque la France menace d'envahir l'Allemagne, le comte quitte le château pour se cacher. Peu après, Albine recueille un soldat français blessé, le capitaine Jacques; ils deviennent amis. À son retour, le comte l'apprend et brûle de jalousie. Lorsque Albine, toute heureuse, lui apprend qu'elle est enceinte, il est convaincu de son adultère et l'oblige à vivre enfermée dans sa chambre.

À Noël, Albine confronte le comte. Celui-ci la repousse brutalement et elle meurt; le chapelain parvient toutefois à mettre au monde son enfant. Mais une légende raconte que si une comtesse d'Eppstein décède pendant la nuit de Noël, elle reviendra hanter le château...

L'enfant, Éverard, est confié à Wilhelmine, seconde fille du garde forestier, amie d'Albine, qui vient également d'accoucher d'une enfant, Rosemonde. Par une nuit d'orage, le comte s'impatiente en entendant son fils pleurer dans la chambre au-dessus de la sienne. En colère, il monte... et trouve, auprès de l'enfant calmé, Albine le berçant. Mort de peur, il entend Albine clamer son innocence et l'aviser de bien prendre soin de l'enfant, sinon elle reviendra le punir. Le comte, éperdu, quitte le château pour Vienne, où il rejoint Albert, fils qu'il a eu de son premier mariage.

Wilhelmine et son mari, Jonathas, élèvent les deux enfants. Douze ans plus tard, Wilhelmine décède. Rosemonde est conduite au couvent de Vienne où Albine a grandi. Éverard se retrouve seul avec Jonathas et avec le père de Wilhelmine. Il développe alors la relation privilégiée qu'il a gardée avec sa mère: il lui parle comme si elle était là et il est convaincue qu'elle lui répond...

Au bout de cinq ans, le vieux père, mourant, demande à son gendre d'aller chercher Rosemonde, pour la revoir avant de mourir... Il émet également le souhait d'avoir des nouvelles de sa fille Noémie. Tandis que Jonathas va à Vienne, Éverard rencontre, dans le bois, un homme triste qui semble le connaître... Rosemonde revient; Éverard est émerveillé! Le vieillard retrouve sa petite-fille et apprend de la bouche de l'étranger qu'il est Conrad, l'époux de sa Noémie, hélas décédée. Conrad annonce à Éverard qu'il est le capitaine Jacques et qu'il a connu Albine.

Conrad parti, Éverard rencontre au château Maximilien, qui est de retour. Celui-ci s'emporte contre un fils qui répond trop promptement et il le frappe. Au cours de la nuit, le comte se tord de peur... Ce qu'il craint arrive: Albine vient le hanter et le menace de mort s'il touche à nouveau à son fils. Au matin, le comte laisse une lettre à Éverard, lui affirmant qu'il le renie et lui abandonne le château.

Rosemonde entreprend alors d'enseigner à Éverard tout ce qu'elle a appris pendant ses études. Éverard, à l'esprit ouvert, devient rapidement très savant. Trois ans s'écoulent. Un soir, écoutant le récit de l'histoire d'amour de Conrad et de Noémie, les jeunes sentent vibrer en eux l'amour dont on leur parle. Rosemonde demande pourtant à Éverard de ne pas en reparler avant deux ans. Éverard, plein d'espoir, rentre au château et y trouve le comte; étrangement, celui-ci se fait tout câlin. C'est que son fils Albert, dont il avait arrangé le mariage avec une maîtresse influente de l'empereur, vient subitement de mourir. Le père reporte donc ses espoirs sur son second fils et veut le forcer à le suivre à Vienne pour se marier.

Éverard va retrouver Rosemonde. Maximilien les surprend et insulte la jeune fille. Éverard veut la défendre, mais son père tire sur lui. Heureusement, Conrad, de retour juste à ce moment, sauve Éverard. Maximilien retourne s'enfermer au château. C'est la nuit de Noël...

À l'aube, on trouve Maximilien près du cercueil d'Albine: la main du squelette tient Maximilien étranglé par une chaîne d'or... Rosemonde entre au couvent pour toujours; Éverard finit ses jours seul, dans son château.

Analyse Témoignant des nombreux styles qu'il peut utiliser, Dumas emprunte ici au pré-romantisme allemand, influencé sans doute par le lieu où se déroule l'histoire. Les états d'âme d'Éverard, d'une profonde mélancolie, une certaine révolte contre les principes moraux qui ont au départ forcé le départ de Conrad, rébellion aussi contre la noblesse et contre la vie à la cour qui commande l'hypocrisie... tout emprunte au Sturm und Drang voisin, mouvement littéraire largement dominant à l'époque du récit. Sans même en être conscient, Éverard, à l'image des héros de Goethe et de Schiller, tente de briser les conventions et de créer de nouvelles règles de justice, comme son oncle Conrad le fit en combattant auprès de Napoléon. Sturm und Drang, ouragan et passion, voilà qui résume ce roman d'amour qui, hélas, finit mal, contrairement aux contes de fée.

Ce court roman, par certains aspects, est donc différent des grands classiques de Dumas: pas de combat de cape et d'épée ici, ni de trahison ignominieuse, ni de personnages innombrables parmi lesquels on se perd parfois. Les acteurs sont peu nombreux; on les voit vivre de si près qu'on croit d'ailleurs les connaître. Le décor est limité au château et à sa forêt. La trame de l'histoire est on ne peut plus simple et se résume, pratiquement, en une leçon de morale et à une question: les fantômes existent-ils?

À travers cette simplicité ressort davantage encore le génie de Dumas: avec si peu d'éléments, il parvient à façonner un récit enlevant, à combiner une intrigue alléchante et à conserver, par conséquent, l'intérêt du lecteur.

Difficile de trouver une erreur chez Dumas, tant ses connaissances sont étendues. En voici pourtant une petite: Éverard parle aux oiseaux et aux chevreaux, leur confiant sa peine. Dumas écrit alors: «Volontiers, il eût dit, comme ce charmant François de Sales, qu'il ne connaissait pas pourtant: Chevreaux, mes frères! hirondelles, mes sœurs!». Sans doute Dumas aussi le connaissait-il mal, puisque c'est plutôt à François d'Assise, le Poverello, qu'il comparait Éverard. Autre mince reproche, à moins que ce ne soit une interrogation: Éverard, en trois ans d'études dans les bois, devient plus savant qu'un maître de Vienne et disserte avec aisance sur maints sujets... Est-ce vraiment possible? Il faudrait peut-être, alors, revoir notre système d'éducation!

Marie Douville
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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