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Titre Charles VII chez ses grands vassaux

Année de publication 1831

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit environ 1443-1450 ?

Résumé L'histoire se déroule pendant la Guerre de Cent Ans. Charles de Savoisy, parti expier une faute en Terre sainte, en ramène un jeune arabe, Yaqoub.

Quand l'action commence, dix ans après, son archer, Guy-Raymond, revient d'une mission auprès du pape; le comte veut en effet répudier Bérengère, sa femme restée stérile. Au cours d'une altercation, Yaqoub tue Raymond. Bérengère et Yaqoub se sentent condamnés.

Bérengère apprend son sort. Le comte justifie sa décision au nom des intérêts supérieurs du royaume, il ne veut pas que sa race s'éteigne. On prépare le jugement de Yaqoub, Charles VII se fait annoncer. Le comte propose à Yaqoub de le gracier s'il retourne au pays. Le jeune homme refuse, il aime secrètement Bérengère. Le comte le condamne à mort, mais le roi le gracie et le prend à son service. Pour éviter un second esclavage, le jeune homme tente de se donner la mort. Bérengère lui demande de vivre. Le comte est désespéré de la veulerie de son souverain.

Au matin, un émissaire français vient chercher du secours: la situation est catastrophique. Le comte demande un délai, et envoie chercher Isabelle de Graville, qu'il veut épouser au plus vite. Bérengère implore alors Yaqoub de l'aider. Lors d'un entretien émouvant, le comte tente de raisonner le roi qui s'obstine à penser à la chasse au milieu des périls du royaume. Il intervient même auprès d'Agnès Sorel.

Dunois survient, blessé, et les alerte sur la situation des Français. Agnès, bouleversée par le patriotisme du comte, annonce à Charles son départ. Le roi retrouve alors sa dignité et s'arme pour la guerre. Le comte ne part pas encore; il a une dernière entrevue avec Bérengère, qui le supplie puis décide de se venger; une de ses suivantes prendra sa place au couvent. Elle avoue son amour à Yaqoub.

Le soir ont lieu les noces du comte. Bérengère exige de Yaqoub qu'il le tue. Il refuse d'abord, le comte lui ayant jadis sauvé la vie, puis accepte. Dans la chambre nuptiale, Yaqoub accomplit le forfait, tandis que Bérengère s'empoisonne. Désespéré, Yaqoub retourne au désert.

Analyse Dumas résume ainsi l'intrigue de sa pièce: une femme méprisée qui pousse l'homme qu'elle n'aime pas à tuer l'homme qu'elle aime. Il trouve l'argument de départ dans une anecdote historique. Charles de Savoisy fut bien ce grands seigneur méchant homme qui poursuivit un escholier jusque dans une église, et fut excommunié par le pape.

Des modèles revendiqués dans ses Mémoires pour cette pièce, c'est à l'Andromaque de Racine que vont ses préférences. C'est donc naturellement qu'il fait de sa pièce une tragédie, ce qui peut paraître une provocation en 1831, mais manifeste bien le sens qu'avait Dumas du théâtre. Il reviendra rarement à la tragédie ensuite: Caligula, L'Orestie (imitée de l'antique), Phèdre (fragments), toujours cependant les exigences du sujet commanderont le choix du genre.

En dépit du moule classique, c'est bien d'un drame romantique qu'il s'agit ici. Dumas se défend d'avoir écrit une pièce d'action. Il développe dans la préface une typologie des races qui évoque parfois Gobineau.

Point de racisme, pourtant, le héros, c'est Yaqoub, l'exclu. Mais pour l'action, nous sommes servis: meurtre, condamnation à mort, intervention du roi, nouveau meurtre et suicide final. Avec en toile de fond, l'écho mouvementé de la Guerre de Cent Ans (rumeurs de bataille, Dunois blessé, etc.).

Une action si complexe que Dumas en vient à défendre son unité dans la préface. Les autres unités sont respectées, le lieu, le temps; la bienséance est à peu près sauvegardée.

Mais l'action n'est peut-être pas si unique que cela: au drame privé du comte et de Bérengère, et au drame intime de Yaqoub amoureux de la comtesse, se superpose le drame public de la France en guerre.

Quand le roi tergiverse et préfère la chasse et son plaisir au salut de l'Etat, c'est le grand vassal encore tout empêtré des traditions médiévales et la courtisane, qui vont remettre Charles VII sur le chemin du devoir.

Avec Charles VII, Dumas renouvelle la vision historique au théâtre et fait de sa tragédie un authentique drame romantique, en dépit de sa forme. Il y a même en germe dans cette pièce le «ver de terre amoureux d'une étoile» du Ruy Blas de Victor Hugo!

François Rahier
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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