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Vins


Nous voilà arrivés à un point tellement important de la gastronomie et surtout de la gastronomie moderne que nous nous croyons dans la nécessité d'ouvrir une parenthèse.
Il s'agit du vin, c'est-à-dire de la partie intellectuelle du repas :
Les viandes n'en sont que la partie matérielle.
On ne vieillit point à table, a dit Grimod de la Reynière.
Bien manger et bien boire sont deux arts qui ne s'apprennent pas du jour au lendemain. Quand Alexandre voulut ajouter à son titre victorieux le titre de gastronome, ce fut à Persépolis et à Babylone qu'il prit ses licences pour être nommé docteur en bien boire et en bien manger. Le bruit de ses orgies a franchi l'espace de deux mille ans : Alexandre ne pouvait rien faire que de grand.
Une nuit il proposa un prix pour celui qui boirait le plus. Trente-six de ses convives moururent le lendemain.
Les Athéniens, dont Alexandre avait ambitionné les applaudissements, ne se grisaient pas, ou ne se grisaient que légèrement.
Les caves les plus renommées de l'Antiquité étaient celles de Scaurus ; elles contenaient trois cent mille amphores de tous les vins connus, il y en avait de cent quatre-vingt-quinze espèces différentes.
Selon Isidore le mot vin dérive de vis, qui veut dire force. Anacréon l'appelle le fils de la vigne. Pindare l'appelait le lait de Vénus, les Romains, le lait de la bonne déesse ; on a fini par l'appeler Bacchus, parce que son nom pouvait s'appliquer à toute liqueur fermentée ; on croit que ce furent les Egyptiens qui firent connaître aux Grecs la manière de le faire ; seulement, on le sait, les Grecs, c'était le perfectionnement. Un des vins les plus savoureux de la Grèce, que l'on appelait diachéton, se faisait en étendant sur des claies, qu'on élevait de six à sept pieds du sol, des raisins qu'on exposait au soleil ; on les rentrait pendant la nuit pour les garantir de la rosée, et après les avoir laissés pendant sept jours absorber le plus de soleil possible, on les pressait, on en faisait un vin excellent et dont le principal arôme était la framboise.
Dès que le vin commença de voyager, les vins de Scio furent expédiés à Rome.
Les vins de Scio étaient les meilleurs de la Grèce ; Virgile et Horace les trouvaient excellents, tous deux les ont chantés, vantant particulièrement celui du quartier de Psara ; on le recommandait dans certaines maladies. César, qui avait à lui la récolte du monde, en régalait ses amis après ses triomphes et dans les festins qu'il donnait au grand Jupiter. Athénée dit que les vins grecs aident à la digestion, qu'ils nourrissent bien, qu'ils sont généreux et que les plus agréables étaient ceux du quartier d'Arius, où il s'en faisait de trois sortes.
Gallien parle de ceux d'Asie, que dans de grands vases on suspendait aux cheminées, et qui, par l'évaporation, acquéraient la dureté du sel. Aristote rapporte que ceux d'Arcadie se desséchaient dans des outres et qu'on était obligé de les délayer avec de l'eau pour les rendre potables, mais on ne pouvait dessécher que des vins liquoreux, épais, et qui avaient peu fermenté.
Les Romains tiraient leurs meilleurs vins de la Campanie, province qui appartient aujourd'hui au royaume de Naples. Les noms de Falerne et de Massic étaient les plus estimés et se retrouvent souvent dans les vers d'Horace.
Ceux du mont Pausilippe, qui présente en effet un si magnifique versant aux rayons du soleil à son midi, étaient renommés pour leur légèreté, et Pline vante leur parfum et leur douce générosité. Sophocle leur donne le nom de Jupiter, parce que, dit-il, comme le roi des dieux, ils donnent la santé et le plaisir, les plus beaux présents que les dieux puissent nous faire.
Les vignobles d'Albano, eux aussi, jouissaient d'une grande réputation ; leurs vins étaient à la fois légers et forts, ils se conservaient, chose rare, dans des vins non fermentés. Strabon les a comparés aux meilleurs vins de la Grèce et d'Italie, et si nous nous en rapportons à Horace, qui habitait le pays, ils ne le cédaient en rien aux vins de Ténédos.
L'année du consulat d'Opimius, l'année de la naissance d'Horace, la vingtième année avant Jésus-Christ, fut unique pour les admirables vins que ce vignoble produisit ; ils se conservèrent plus d'un siècle et prirent la consistance du miel ; de là l'habitude que l'on prit d'appeler tous les vins excellents du nom de vins opimiens, parce que pendant le consulat d'Opimius l'été fut tellement chaud que les raisins furent pour ainsi dire cuits, ce qui les rendit d'une bonté extraordinaire.
Du temps d'Hippocrate les anciens préparaient le vin en y mêlant l'eau de la mer. Hippocrate parle de cette pratique, qui avait pour but de le rendre moins visqueux, plus clair, et d'en prévenir l'altération. Pline, le grand transmetteur d'anecdotes vraies ou fausses, Pline rapporte qu'on dut cette découverte à un esclave ivrogne, qui, volant du vin à son maître, remplaçait le vin qu'il buvait avec de l'eau de mer ; vers le milieu du tonneau le vin se trouva tellement amélioré que le maître du vin crut devoir promettre une récompense à celui qui le lui buvait s'il voulait dire de quelle façon il le remplaçait ; l'esclave fit jurer à son maître par les grands dieux, et raconta tout. Ceci devint d'un usage public, et Dioscoride, dans son cinquième livre, donne la description des différents procédés d'après lesquels on préparait le vin par l'eau de mer.
Mais comme avec les Barbares toute civilisation disparut, le vin, qui marque un des degrés de la civilisation, disparut aussi.
Les premières boissons dont il soit fait mention dans les annales de la gastronomie après le passage des Barbares, furent le cidre, puis la bière ; puis viennent peu à peu les vins de toutes sortes ; il est fait mention du cidre sous la seconde race, puis vient la bière. Le clairet était du vin clarifié, dans lequel on avait fait infuser des épiceries ; l'hypocras était du vin adouci avec du miel. Un abbé, malheureusement l'histoire n'a pas conservé son nom, donna un repas dans lequel il réunit six mille convives devant trois mille plats. Les diverses qualités des vins se firent reconnaître presque seules aux premières occasions données aux gourmands de les apprécier ; on ne parlait pas encore du vin de Champagne lorsque Venceslas, roi de Bohême et des Romains, étant venu en France pour négocier un traité avec Charles VI, se rendit à Reims au mois de mai 1397. Là il goûta le vin des environs de cette ville et il le trouva si bon, qu'il consacra trois heures chaque jour à s'enivrer, de trois à six. Le moment de s'occuper du traité vint enfin, et c'est ce que redoutait Venceslas. Le traité signé, le roi de Bohême demanda à séjourner encore quelque temps dans la ville qui lui avait été si hospitalière ; il y resta un an. Il était resté un an à attendre le traité, un an à le discuter, et un an à se reposer de la fatigue que lui avait causée ce travail diplomatique.
En s'en allant il révéla au dauphin le secret de ce long séjour ; le dauphin voulut goûter le vin des environs de Reims et le trouva excellent. De là le commencement de la réputation des vins de Champagne.
Le vin de Bordeaux fut très longtemps à vaincre les préjugés qui existaient contre lui. Saint-Simon raconte qu'il vient d'arriver à Paris à la cour un petit gentilhomme des environs de Bordeaux qui buvait de son vin ; il fut question de ce phénomène pendant près de quatre-vingts ans sans que l'on élucidât la question. Cependant un jour le roi Louis XV, voyant venir à lui le maréchal Richelieu, se souvint de cette discussion et résolut de le prendre pour juge d'une question dans laquelle il était expert.
« Monsieur le gouverneur de Septimanie, d'Aquitaine et de Novempopulanie, disait un jour le roi Louis XV au maréchal Richelieu, parlez-moi d'une chose : est-ce qu'on récolte du vin potable en Bordelais ? – Sire, il y a des crus de ce pays-là dont le vin n'est pas mauvais. – Mais qu'est-ce à dire ? – Il y a ce qu'ils appellent du blanc de Sauternes, qui ne vaut pas celui de Montrachet, ni ceux des petits coteaux bourguignons, à beaucoup près, mais qui n'est pourtant pas de la petite bière ; il y a aussi un certain vin de Graves qui sent la pierre à fusil comme une vieille carabine, et qui ressemble au vin de la Moselle, mais il se garde mieux. Ils ont en outre dans le Médoc du côté du Bazadais deux ou trois espèces de vins rouges, dont les gens de Bordeaux font des gasconnades à mourir de rire. Ce serait la meilleure boisson de la terre et du nectar pour la table des dieux, à les entendre, et ce n'est pourtant pas là du vin de haute Bourgogne, ou du vin du Rhône, assurément ! Ce n'est pas bien généreux ni bien vigoureux, mais il y a du bouquet pas mal, et puis je ne sais quelle sorte de mordant sombre et sournois qui n'est pas désagréable. Du reste on en pourrait boire autant qu'on voudrait, il endort son monde, et puis voilà tout. C'est là ce que j'y trouve de mieux. »
Pour satisfaire la juste curiosité du roi, M. de Richelieu fit venir du vin de Château-Laffite à Versailles, où Sa Majesté le trouva passable ; mais jusque- là, malgré la préférence que le grand cardinal avait pour lui, nul amphitryon n'eût eu l'idée de donner du vin de Bordeaux à ses convives, à moins que ceux-ci ne fussent des Bourdelais, des Armagnacots, des Astaracois, et autres Gascons.
Les premiers crus de Bordeaux, en vins rouges, portent les noms de Laffitte- du-Château, Château-Latour, Château-Margaux, Château-Haut-Brion, Premier-Graves et Ségur-Médoc.
Ceux de la seconde classe sont les vins de Mouton-Canon, Médoc-Canon, Saint-Emilion, Rosans, Margaux, la Rose-Médoc, Pichon-Longueville, Médoc-Potelet, Saint-Julien-lès-Ville et Saint-Julien ; vin du Pape Grave rouge, vin de la Mission Grave rouge, et tout le haut Pessac : ces vins sont également estimés, et tous ceux nommés de Pauillac ont cela de particulier, qu'il faut s'attendre à les voir tomber malades deux mois après leur mise en bouteille ; dans cet état ils sont beaucoup moins bons que lorsqu'on les avait goûtés en futaille. Il suffit alors de les laisser cinq ou six mois en flacon pour qu'ils s'améliorent, et qu'ils puissent acquérir la bonne qualité qui leur est propre.
Parmi les vins blancs de Bordeaux, le haut Barsac, le haut Prégnac, le Château-d'Yquem, sont de qualité première ; les autres sont considérés comme de qualité secondaire ; mais bien longtemps avant les qualités précieuses du vin de Champagne et du vin de Bordeaux, on avait découvert les brillantes qualités du vin de Bourgogne.
Le vin de Beaune, par exemple, rivalise avec les premiers crus de Bourgogne, lorsqu'il est de bonne année. Il ne faut cependant pas lui laisser passer sa quatrième ou cinquième feuille si l'on ne veut pas qu'il perde de sa vigueur et de son bouquet.
Arrivent ensuite les vins de Pommard, de Volnay, de Nuits, de Chassagne, de Saint-Georges, de Vosnes, de Chambertin, du Clos-Vougeot et de la Romanée. La Romance-Conti est le meilleur vin rouge de Bourgogne. Comme vins blancs ceux de Chablis, le Musigny, le Richebourg, le Vosnes, le Nuits, le Chambolle, sont agréables, et ceux de Meursault les surpassent ; mais ceux-ci sont encore surpassés par le Chevalier-Montrachet. Il est reconnu que le vin de Montrachet, proprement dit, est le meilleur de tous les vins français.
Justice rendue aux vins de Bourgogne, aux vins de Bordeaux, les deux premiers grands vins de France, il est juste que nous revenions à ce pauvre vin de Champagne, que les gastronomes étrangers mettent au premier rang et que nous ne mettons qu'au troisième.
Le meilleur de tous ces vins est le vin de Sillery ou le vin de la Maréchale ; beaucoup lui préfèrent cependant le vin d'Aï à cause de son bouquet aromatique qui tient de l'odeur de la pomme de pin. Saint-Evremond dit qu'il est le plus naturel, la plus épuré, le plus sain et le plus exquis par le goût de pêche qui lui est particulier ; aussi Charles VIII, Léon X, Charles Quint et François Ier avaient-ils à eux des maisons dans Aï, pour pouvoir y faire plus soigneusement leurs provisions. Les vins d'Hautvillers, d'Epernay de Château- Thierry, de Bouzy, et le clos de vins rouges de Saint-Thierry, près de Reims, rivalisent avec ceux d'Aï.
Les vins de Romanée, de Chambertin, du Clos-Vougeot de Richebourg et de Saint-Georges, qui sont cependant excellents, ne peuvent voyager sans danger, surtout par mer ; ils ont en outre une acidité désagréable lorsqu'on ne les soigne pas. Quant au vin de l'Ermitage, près de Valence en Dauphiné, le rouge est plein de corps ; sa couleur est pourpre foncé, son bouquet exquis, sa saveur celle de la framboise. Le blanc n'est pas estimé. Ceux de Côte-Rôtie bruns et blonds, pourraient le disputer à ceux de l'Ermitage ; celui de Saint- Georges-d'Orques, près de Montpellier vaut le vin de l'Ermitage par son odeur, sa consistance et son velouté ; ceux de Cahors sont très noirs, très chauds, très estimés quand ils ont vieilli. Les muscats blancs du Roussillon et des côtes du Languedoc, tels que Lunel Frontignan et Rivesaltes, sont les meilleurs de tous les vins blancs. Le Sauternes est justement célèbre parmi ceux-ci. Ceux de Bourgogne tiennent le second rang : ils sont forts, couleur oeil de perdrix, agréables au goût, et supportent l'eau ; comme ils sont peu acides, ils conviennent aux vieillards et aux hypocondriaques. Ceux de Bordeaux sont fort estimés ; on dit que rien n'est plus rare à Paris que les vins de Bordeaux des premiers crus et d'une bonne année, parce que les Anglais, qui les aiment beaucoup, les font enlever. Ceux d'Orléans, quoique bons, portent à la tête ; les vins blancs de Poitou approchent un peu de ceux du Rhin, mais leur sont inférieurs.
Il y a deux mille cinq cents ans que les Grecs et les Romains apportèrent la vigne en Provence, et l'on est tout étonné de ne pas y trouver les meilleurs vignobles de la France, comme aussi la meilleure culture : ce n'est ni la faute du soleil ni de la terre, mais de l'insouciance des habitants ; cependant nous avons dans le Var les vins de la Gaude, ceux de Cagne et de Saint-Laurent ; le Saint-Tropez est de ceux qui ont besoin de vieillir ; à Toulon, le vin de Lamalgue a une réputation, qu'il mérite. Les vins fins des Bouches-du-Rhône sont les vins de la Ciotat, de Sainte-Marguerite, près de Marseille et d'Erargue ; ceux de Cassis, ceux de la Crau et Roquevaire sont fort estimés ; ce dernier fournit les meilleurs vins cuits ; à la Ciotat, à la Valette, près Toulon, on fait des vins cuits qui approchent de ceux de Tokay. La manière de les cuire entre pour beaucoup dans leur bonté.
L'Italie fournit aussi des vins fameux, mais en général ils ont plus de réputation que de valeur. Au premier rang il faut mettre le Lacryma-Christi, dont le plant a été recouvert par la lave du Vésuve ; on l'appelait de ce nom poétique parce qu'il coulait en forme de larmes avant qu'on eut coulé le raisin ; les rares échantillons qui restent de ce vin sont d'une couleur vermeille, agréable et pénétrante.
Le vin d'Albe est estimé. Il y en a de rouge et de blanc ; on cite aussi le muscat de Toscane et de Monte-Fiascone. On compare à notre vin de Champagne, malgré la différence qui existe entre eux, le vin d'Orvieto ; on l'appelle aussi vin d'Est.
Voici à quelle circonstance il doit ce nom :
Un cardinal, grand amateur de tous les bons vins, mais assez mal renseigné sur le lieu de leur naissance, ayant une tournée à faire en Italie, envoya devant lui un courrier avec mission de goûter tous les vins ; partout où il en trouverait un bon, il devait écrire sur l'endroit le plus apparent de la maison le mot Est, c'est-à-dire c'est ici.
Arrivé à Orvieto, le courrier remplit son devoir, goûta le vin et le trouva si bon, qu'au lieu de se contenter d'écrire une fois Est il écrivit trois fois Est, Est, Est.
Le cardinal comprit parfaitement la recommandation. Il fit arrêter sa voiture, se fit servir une petite collation qui dura trois jours.
Le quatrième, il était mort en recommandant de verser tous les ans, dans son tombeau à l'anniversaire de son trépas, une pièce de vin d'Orvieto.
Mais l'usage ne dura que jusqu'à la quatrième année du pontificat de Grégoire XVI, qui trouva la recommandation scandaleuse et qui, au lieu de permettre que la pièce de vin, comme on l'avait fait jusqu'alors, fût versée sur la fosse de Sa Grandeur, ordonna qu'elle fût distribuée aux jeunes gens du collège.
L'auberge où était mort le pauvre cardinal conserva néanmoins son enseigne, qui représentait un homme d'Eglise à table, ivre-mort, avec cette inscription au-dessus : Est, Est, Est.
Lorsque je suis passé à Orvieto, l'enseigne existait encore, mais l'usage de répandre une pièce de vin sur la fosse du prince de l'Eglise était déjà aboli.
Le vin de Marcimien, près de Vicence, est agréable à boire ; les vins de Rhétie, de la vallée Thélivienne, sont excellents ; ils sont couleur de sang, laissent un goût un peu austère sur la langue, et sont stomachiques.
L'Espagne fournit son contingent : l'Alicante, le Bénicarlo, le vin de Xérès, le vin de Pacaret, de Rota, de Malaga, ne déparent pas les meilleures tables. On estime le vin de Canarie, qui croît aux environs de Palma ; celui de Malvoisie, qui se transporte en tous lieux. La Grèce nous fournit encore aujourd'hui, mais gâtés par l'introduction et le mélange de la pomme de pin, les mêmes vins que dans l'Antiquité : vins de Candie, de Chio, de Ténédos, de Lesbos, de Chypre, de Samos et de Santorin.
J'ai goûté tous ces vins dans les lieux mêmes où les vignes les avaient donnés, mais je les ai trouvés tous ou presque tous gâtés par l'introduction de la pomme de pin dans le tonneau ou dans l'outre qui les contenaient. C'est une superstition antique, un dernier hommage à Bacchus qui avait pris pour sceptre un thyrse surmonté d'une pomme de pin.
Le vin de Saint-Georges, en Hongrie, est le même qu'on nous vend à Paris sous le nom de Tokay ; il est vrai qu'il en approche beaucoup, mais les gourmets ne sauraient s'y laisser tromper. A Saint-Georges, ainsi qu'à Raterstoff, on en récolte de deux qualités : celui qu'on destine à fabriquer du vermout, et celui qu'on destine à la vente en Europe.
Quant au véritable vin de Tokay, comme le plant qui le rapporte appartient par moitié à l'empereur de Russie et à l'empereur d'Autriche, inutile de dire qu'il faut une révolution, pendant laquelle on pille les caves de ces deux empereurs, pour que des lèvres vulgaires touchent ce nectar destiné aux dieux.
Celui de Constance, moins rare heureusement, rivalise avec lui non seulement de réputation, mais d'excellence réelle ; et cependant tous deux le cèdent aux vins persans qu'on récolte aux environs de Schiraz, et qui portent le nom de cette ville.
Après la mort de M. le Bailli de Ferrette, ambassadeur de l'ordre de Malte à Paris, on a vendu chez lui sept à huit flacons de vin de Schiraz, sur le pied de 285 francs la demi-bouteille.
L'usage de consommer ou de goûter plusieurs sortes de vins pendant le même repas est souvent nuisible à la santé, mais surtout lorsqu'on fait succéder des vins sucrés à des vins acidulés, ou des vins qui ont beaucoup de corps à des vins légers, et spécialement après une alimentation surabondante ; mais les vins légers et mousseux, les vins vieux, généreux et secs, c'est-à-dire qui ont peu de sucre et de matière colorante, n'ont pas les mêmes inconvénients, parce qu'ils ne font qu'accélérer la digestion des aliments ingestés.
La classification des vins est chose importante. Heureusement en pouvons- nous donner ici une excellente et conforme à la tradition. Nous la devons à M. Maurial, auteur de l'Art de boire, connaître et acheter le vin. Voici cette classification que nous faisons précéder de quelques observations raisonnées de l'auteur.
« L'ordre de mérite dans lequel les auteurs d'ouvrages très estimés ont placé les vins me semble plus savant que facile à appliquer. Le degré d'estime que la commune renommée attache aux divers produits, ainsi que les qualifications adoptées dans la pratique par le commerce et le consommateur, m'ont paru mériter la préférence. Tout le monde sait que les grands vins sont ceux qui réunissent au plus haut degré toutes les qualités qui sont propres à cette souveraine des boissons. Les vins fins sont réputés être dans les mêmes conditions, mais à un degré inférieur. C'est dans cette catégorie qu'on choisit les vins d'entremets, mot qui, dans la pratique, est synonyme de vin fin. Les grands ordinaires sont ceux qui ne proviennent pas de crus renommés pour leur finesse, mais auxquels l'âge a fait acquérir toutes les qualités qui leur sont particulières. Les bons ordinaires se trouvent parmi ceux qui ont de la légèreté, de la force et un bouquet plus prononcé que délicat. Les ordinaires, les plus abondants, sont pris parmi tous ceux qui, sans avoir une qualité remarquable, n'ont aucun des défauts des vins communs, lourds, grossiers et plats.
On comprend que l'ordre ci-dessus est souvent interverti. La fortune ou le goût du consommateur peuvent lui permettre de boire le vin fin à l'ordinaire ou l'obliger de servir à l'entremets un vin qui n'est considéré que comme ordinaire.
Les vins de liqueur sont presque tous placés dans la catégorie des vins fins ou des grands vins ; ils sont par excellence vins de dessert.

                    Grands vins rouges français.
Gironde. – Château-Margaux, Château-Latour, Château-Laffitte et Château- Haut-Brion, qui sont les quatre premiers crus. Lascombe, les deux Rauzan, les trois Léoville, Gruaud-Laroze, de Gorce, Brane-Mouton, Pichon- Longueville, qui sont les deuxièmes crus ; les premiers choix des communes de Cantenac, Margaux, Saint-Julien Saint-Laurent, Saint-Gemme et Saint Estèphe, qui produisent des troisièmes crus.
Côte-d'Or. – Romanée-Conti, Chambertin, Richebourg, le Clos-Vougeot, la Romanée-Saint-Vivant, la Tâche, le clos Saint-Georges, Corton et les premières cuvées de Volnay et de Nuits.
Yonne. – Le clos de la Chaînette, le clos de Migraine, le clos des Olivottes et celui de la Palotte.
Drôme. – Ermitage, choix de Méal, Gréfieux, Beaume, Roucoule, Muret, Guionnières, les Burges et les Lauds.
Marne. – Premiers choix de Verzy, Verzenay, Saint-Basle, Bouzy et du clos Saint-Thierry.
Basses-Pyrénées. – Les meilleurs de Jurançon et de Gan.
Vaucluse. – Clos de la Nerthe, Châteauneuf-du-Pape.
Pyrénées-Orientales. – Les premiers choix de Banyuls, Cosperon et Collioure.
Lot. – Le Cahors Grand-Constant.

                    Grands vins blancs français.
Gironde. – Château-Yquem, seul grand premier, Sauternes, Barsac, Bommes, Preignac, la Tour-Blanche, Château-Carbonnieux.
Côte-d'Or. – Les trois Montrachet.
Loire. – Château-Grillet.
Marne. – Sillery.
Drôme. – Ermitage blanc.

                    Grands vins rouges étrangers.
Duché de Nassau
. – Première qualité d'Asmanhausen.
Autriche. – Monts Calenberg et premiers choix de Hongrie.
Espagne. – Les meilleurs d'Olivenza.
Portugal. – Premiers choix de Porto et de Moncao.
Turquie. – Arinse et Mesta.
Grèce. – Morée, Ithaque, ?ante, Céphalonie.
Perse. – Schiraz et Ispahan.
Ile de Madère. – Première qualité dit Tinto.

                    Grands vins blancs étrangers
Allemagne
. – Johannisberg, Rudesheim, Steinberg et Liebfrauenmilch.
Bavière. – Premiers crus de Wurtzbourg.
Espagne. – Les premiers vins secs de Xérès et Paxarète.
Ile de Madère. – Le vin sec dit Sarcial.

                    Vins fins rouges français
Gironde. – Les troisièmes crus de Bordeaux non portés aux grands vins, les quatrièmes et cinquièmes crus, les bourgeois supérieurs, bons bourgeois et paysans de communes portées aux grands vins ; les bons choix des communes de Saint-Sauveur, Lamarque, Cussac, Saint-Seurin-de-Cadourne, Blanquefort, Ludon, Macau, Labarde, Arsac, Avensac, Castelnau, Couquèques, Bourg, Fronsac, Saint-Emilion, Canon, Pomerol, Mérignac, Talence, Léognan, Pessac et Queyries.
Côte-d'Or. – Vosnes, Nuits, deuxième Volnay, Prémeaux, Chambolle, Pommard, Beaune, Morey, Savigny, Meursault, Blagny, Gevrey, Chassagne, Aloxe, Santenay et Chenove.
Yonne. – Les côtes de Pitoy, des Perrières, de Preaux, Epineuil, deuxièmes choix de Tonnerre, Auxerre et de Dannemoine.
Saône-et-Loire. – Mercurey, Thorins, Chénas, Romanèche et la Chapelle Guinchay.
Drôme. – Deuxièmes crus de l'Ermitage, Crozes, Mercural et Gervaut.
Rhône. – La Côte-Rôtie, Vérinay, Morgon et Fleury.
Marne. – Mareuil, Disy, Pierry, Epernay, Taissy, Ludes et Rilly.
Aube. – Les premiers choix des Riceys, Balnot-sur-Laigne, d'Averny et de Bagneux-la-Fosse.
Dordogne. – Premiers crus de Bergerac, Creysse, Ginestet, la Terrasse et Sainte-Foy-des-Vignes.
Gard. – Chusclan, Tavel, Saint-Geniès, Lédenon et Cante-Perdrix.
Jura. – Les premiers crus du territoire d'Arbois.
Ardèche. – Cornas et Saint-Joseph.
Vaucluse. – Clos Saint-Patrice, deuxièmes crus de Châteauneuf-du-Pape, Sorgues et Aubagne.
Var. – La Gaude, Saint-Laurent et Lamalgue.
Savoie. – Premiers crus de Montmélian, Saint-Jean de la Porte et Mont Termino.
Basses-Pyrénées. – Deuxièmes crus de Jurançon et de Gan.
Pyrénées-Orientales. – Port-Vendres, deuxièmes crus de Banyuls, Cosperon et Collioure.

                    Vins fins blancs français
Gironde. – Les deuxièmes et troisièmes crus de Sauternes, Bommes, Barsac, Preignac, Blanquefort, Villenave d'Ornon ; premiers crus de Léognan, Langon, Toulène, Saint-Pey, Loupiac, Martillac, Sainte-Croix-du-Mont et Fargues.
Marne. – Les crus de Cramant, le Ménil, Avize, Epernay et Saint-Martin d'Ablois.
Haut-Rhin. – Les vins secs de Guebwiller, Riquewihr, Ribeauvillé, Turkheim, Bergothzell, Rouffach, Pfafenheim, Enguishem, Ingersheim, Hennevoyer, Katzenthal, Ammerschwir, Kaiserberg, Kientzheim, Sigolsheim et Babenheim.
Bas-Rhin. – Molsheim et Wolxheim.
Côte-d'Or. – Meursault, dans les cuvées de Perrières, Combette, la Goutte d'or ; la Genevrière et les Charmes.
Jura. – Château-Châlon, Arbois et Pupillin.
Rhône. – Condrieu.
Lot-et-Garonne. – Clairac et Buzet.
Yonne. – Les premières cuvées de Chablis.
Saône-et-Loire. – Pouilly, Fuissé, premiers choix.
Savoie. – Le coteau d'Altesse.
Ardèche. – Saint-Peray et Saint-Jean.
Basses-Pyrénées. – Jurançon, Gan, Larronin, Gélos et Mazères.
Dordogne. - Bergerac, Sainte-Foy-des-Vignes, Saint-Nexant.

                    Vins fins étrangers rouges
Allemagne. – Les duchés de Nassau du bas Rhin, la Bavière et le Wurtemberg fournissent à cette catégorie les deuxièmes et troisièmes choix de leurs vins rouges.
Autriche. – Deuxièmes et troisièmes choix de Hongrie, premiers choix de la Moravie, du Tyrol, de la Carniole, de l'Illyrie et de la Dalmatie.
Suisse. – Ceux de Faverge et de Cortaillod en premier choix.
Italie. – Carmignano, Monte-Serrato, Albano, Orvieto, Terni, Bari, Reggio, Mascoli et Paro.
Espagne. – Premiers choix de Valdepenas.
Portugal. – Les vins fins de Beira et de Torrès-Védras.
Russie. – Les bons choix de Koos, de ?imlansk, Tchniedaly, Mokosange, de Tiflis et de Chamakhi.
Turquie. – Loucovo, Valone, Chastita, Kissamos, Amodos, Kersoan et du Liban.
Principautés danubiennes. – Les premiers choix des environs de Cotnar.
Grèce. – Corfou, Sainte-Maure, Lépante, Chéronée, Mégare, Polioguna et Cérigo.
Perse. – Ceux de Kasbin et d'Yesed.
Cap de Bonne-Espérance. – Les meilleurs vins rouges secs de cette catégorie.

                    Vins fins étrangers blancs
Allemagne. – Les deuxièmes et troisièmes choix de ceux cités aux grands vins et ceux dits de Moselle, Pisport, ?ettingue, Olisberg et quelques autres.
Autriche. – Schiracker, Presbourg et les deuxièmes et troisièmes choix de ceux déjà cités aux grands vins.
Italie. – Les vins secs de Marsala et de Castel-Veterano.
Espagne. – Rancio de Péralta, deuxièmes Xérès, premiers Montilla et Malaga secs.
Turquie. – Les vins dits de la Loi, le nectar de Mesta et le Vin d'or.
Perse. – Les vins secs de Schiraz et d'Ispahan.
Iles de l'océan Atlantique. – Les premiers des îles Ténériffe, Açores, Canaries, et les deuxièmes choix de l'île de Madère.
                    Vins grands ordinaires rouges français
Gironde. – Les vins bourgeois et paysans ordinaires du Médoc, deuxième cru de Bourg, premier cru de Blaye ; les premiers et deuxièmes palus de Queyries, Bassens et Montferrand ; les premiers et deuxièmes choix de Bourg, Fronsac, Saint-Emilion, et ceux qui ne sont pas placés dans les catégories précédentes des communes de Blanquefort, le Pian, le Taillan, Arsac, Eysines, Saint- Germain, Valeyrac, Civrac, Saint-Trélody, Saint-Christoly, Blagnan et Mérignac.
Côte-d'Or. – Deuxièmes choix des crus cités aux vins fins, Monthélie, Dijon, Rully, Meursault, Fixin.
Saône-et-Loire. – Mercurey, Givry, Juliénas.
Rhône. – Morgon, Sainte-Foy, les Barolles, Millery et la Galée.
Marne. – Ville-Dommange, Chamery et Saint-Thierry.
Dordogne. – Deuxièmes choix de Bergerac, Lalinde, Beaumont, côte Saint Léon.
Hérault. – Saint-Georges d'Orques.
Haute-Garonne. – Fronton et Villaudric.
Yonne. – Avallon, Joigny, Coulanges et Irancy.
Haute-Marne. – Aubigny et Monsaugeon.
Moselle. – Scy, Sussy, Sainte-Ruffine et Sale.
Meuse. – Bar-le-Duc, Bussy-1a-Côte, Longeville, Savonnières, Ligny, Naives, Rosières, Chardogne, Varnay et Creu.
Haut-Rhin. – Deuxièmes choix de Riquewihr, Ribeauvillé et autres.
Jura. – Les Arsures, Salins, Marnoz, Aiglepierres et deuxièmes d'Arbois.
Lot. – Premiers choix de Cahors et de Gourdon.
Landes. – Turson.
Tarn. – Cunac, Caisaguet, Saint-Amarens et Gaillac.
Gard. – Lédenon, Roquemaure et Langlade.
Indre-et-Loire. – Saint-Nicolas-de-Bourgueil et Joué.

                    Grands ordinaires blancs français
Gironde. – Les deuxièmes choix de ceux cités aux vins fins, les bonnes Graves, Fargues, Landiras, Langoiran, Cadillac et autres.
Marne. – Ceux des troisièmes crus cités.
Haut et Bas-Rhin. – Deuxièmes et troisièmes choix des vignobles cités.
Côte d'Or. – Deuxièmes cuvées de Meursault.
Jura. – L'Etoile et Quintigny.
Indre-et-Loire. – Les meilleurs de Vouvray.
Yonne. – Junay, Epineuil, Tonnerre et Dannemoine.
Saône-et-Loire. – Solutré, premiers choix de Vergisson.
Maine-et-Loire. – Premières côtes de Saumur, Parnay et Dampierre.
Savoie. – Martel, Saint-Innocent et Lassaraz.
Nièvre. – Pouilly-sur-Loire.
Tarn. – Premiers choix de Gaillac.
Gard. – Premiers choix de Laudun et Calvisson.

Les grands ordinaires rouges, les bons ordinaires et ordinaires étrangers, se consommant en totalité dans les pays de production, n'ont pas été designés. Les vins blancs seront seuls indiqués comme se trouvant dans le commerce souvent à la place des crus supérieurs.

                    Grands ordinaires blancs étrangers
Suisse
. – Cully et la côte de Dessalés, en deuxièmes choix.
Italie. – Les îles d'Elbe, de Sicile, Caprée, Ischia et Lipari.
Espagne. – Albaflor et deuxièmes Valdepenas.
Portugal. – Lamalongua et Tavira.
Russie. – Sudach, Theodosie, Affiney et quelques autres.
Turquie. – Deuxièmes de Candie, Macédoine et Styrie.
Moldavie. – Ses premiers choix.
Grèce. – Lépante, Chéronée et Mégare.
                    Vins bons ordinaires rouges français
Tous les vignobles cités dans les précédentes catégories fournissent des qualités qui ne peuvent figurer que dans celle-ci ; suivent ceux qu'il convient d'y ajouter :

Gironde. – Les deuxièmes choix des secondes palus, les secorids des côtes de Blaye, les troisièmes des côtes de Bourg, les troisièmes de celles de Fronsac et Saint-Emilion, Castillon et Sainte-Foy-la-Grande, Sainte-Eulalie, Saint Loubès, la Grave et Carbon-Blanc.
Maine-et-Loire. – Champigné-le-Sec.
Indre-et-Loire. – Joué, Saint-Nicolas-de-Bourgueil en deuxième crû.
Ain. – Les meilleurs vins de Seyssel.
Loire. – Lupé, Saint-Michel, Chuynes, Boen et Chavenay.
Isère. – Reventin et Seyssuel.
Drôme. – Saillans, Vercheny, Die, Rousas, Châteauneuf-du-Rhône, Allan, Monségur et Montélimar.
Indre-et-Loire. – Chissaux, Bléré, Athée, Civray, Azay, Chenonceaux, Epeigné, Francueil, Saint-Avertin et quelques autres vignobles.
Rhône. – Sainte-Foy, les Barolles et Millery deuxièmes choix.
Dordogne. – Domme, Saint-Cyprien, Cunéges et Chancelade.
Lot. – Premiers choix de Pont-l'Evêque et Fumel.
Aude. – Premiers de Treilles, Portet, Fitou, Mirepeisset et Ginestas.
Tarn – Deuxièmes de Gaillac, premiers de Rabastens.
Hérault. – Vérargues, Saint-Christol, Saint-Dresery et Castries.
Gard. – Roquemaure, Saint-Gilles, Bagnols et deuxièmes de Lédenon.
Saône-et-Loire. – La côte châlonnaise, le Mâconnais et le Beaujolais fournissent un grand nombre de choix à cette catégorie.
Yonne. – Les choix non cités produisent une nombreuse quantité de ces vins à Joigny, Auxerre, Avallon et Irancy.
Vaucluse. – Les deuxièmes choix, assez abondants, des communes citées.
Var. – Bandols, le Cattelet, Saint-Cyr et le Beausset.
Basses-Alpes. – Mées.
Bouches-du-Rhône. – Séon-Saint-Henri, Séon-Saint-André, Saint-Louis et Château-Combert.
Basses-Pyrénées. – Monein, Aubertin, Conchez, Portet, Aydie, Aubans, Dieusse, Cisseau, Ponts et Burosse.
Pyrénées-Orientales. – Espira-de-l'Agly, Rivesaltes, Salces, Pezilla et Baixas.
Hautes-Pyrénées. – Madiran, Soublecause, Saint-Lanne et Lascazères.
Gers. – Les bons choix de Nogaro.
Alpes-Maritimes. – Bellet et les premiers du territoire de Nice.
Savoies les deux. – Côte de Chautagne, Touvière et Cantefort.
Ile de Corse. – Ajaccio, Sari, Vico, Peri, Bastia, Cap-Corse, Calvi, Monte Maggiore, Corte, Bonifacio et Porto-Vecchio.
Lot-et-Garonne. – Péricard et Monflanquin.
Les vins blancs bons ordinaires sont en très grande quantité sur les territoires dont il vient d'être parlé dans les diverses catégories de vins supérieurs ; en examinant les départements qui fournissent celle des vins ordinaires il sera fait mention, sans qu'il soit utile de les séparer, de ceux qui produisent des vins blancs possédant leurs qualités relatives.

                    Vins rouges ordinaires de France
Tous les vins qui entrent dans cette catégorie sont ceux qui fournissent la quantité la plus considérable des vins de consommation courante et dont le commerce est le plus important. Néanmoins, pour figurer ici, ils doivent être dépourvus de goût de terroir, n'être ni lourds, ni grossiers, ni pâteux, ni plats ; en un mot, ils doivent aller seuls et pouvoir se conserver, s'améliorer plus ou moins, sans mélange ni addition.
Ain. – Seyssel, Champagne, Machurat, Tallissieux, Culoz, Anglefort, Groslée, Saint-Benoît, Virieux, Cervirieux, Saint-Rambert, Toisieux, Ambérieux, Vaux, Lagnieux, Saint-Sorlin, Villebois, L'Huis, Montmerle, Toissy, Montagneux et quelques autres donnent des vins rouges et blancs.
Aisne. – Pargnan, Craone, Craonelle, Jumigny, Vassogne, Cussy, Bellevue, Roussy, Laon, Cressy, Bièvre, Orgeval, Montchâlons, Ployard, Vourciennes, Arancy, Château-Thierry, Tréloup, Vailly et Soupir donnent beaucoup de vins rouges et quelques vins blancs.
Allier. – La Garenne du Sel rouges et blancs.
Alpes Basses-. – Deuxième choix de Mées et quelques autres rouges.
Alpes Hautes-. – La plupart de ses vignobles rouges et blancs.
Ardèche. – Mauve, Limoni, Sara, Vion, Aubenas et l'Argentière rouges et blancs.
Ardennes. – Ceux de l'arrondissement de Vouziers rouges et blancs.
Aube. – Bouilly, Laine-aux-Bois, Javernat, Souligny, Bar-sur-Seine, Bar-sur Aube et Landreville rouges et blancs.
Aude. – Deuxième Fitou, Leucatte, Treilles, Lagrasse, Alet, Limoux et Magrie rouges et blancs.
Aveyron. – Lancedac, Agnac, Marillac, Guron et Gradels rouges et blancs.
Bouches-du-Rhône. – Aubagne, Gemenos, Auriol et Cuges rouges et blancs.
Charente. – Saint-Saturnin, Asnières, Saint-Genis, Linards, Moulidars, Fonquebrune, Gardes, Rouillac, Blanzac, Vars, Montignac, Saint-Sernin, Vouthon, Marthon, Mornac, la Couronne, Roulet, Nersac, Julienne et quelques autres rouges et blancs.
Charente-Inférieure. – Saintes, Chepniers, Fontcouverte, Bussac, la Chapelle, Saint-Romain, Saujon, Le Gua, Saint-Julien, Nouilliers, Matha, Saint-Jean-d'Angély, Marennes, Saint-Just, la Rochelle, les îles d'Oléron et de Ré rouges et blancs.
Cher. – Savignol, Sancerre, Vassely, Fussy et Saint-Amand rouges et blancs.
Corrèze. – Les côtes d'Allassac, Saillac, Donzenac, Varets, Meyssac, Saint- Basile, Queyssac, Nonards, Puy-d'Arnac, Beaulieu et Argentat rouges et blancs.
Corse. – Les troisièmes choix de ses vins cités rouges et blancs.
Côte-d'Or. – Tous les vins qui n'ont pas été mentionnés. Ce département produit peu de vins communs rouges et blancs.
Dordogne. – Cadouin, Limeuil, Mompazier, deuxième Domme, Saint Cyprien, Montignac et les ordinaires de Bergerac rouges et blancs.
Doubs. – Besançon, Byans, Mouthier, Lombard, Liesse, Lavans, Jallerange, Châtillon-le-Duc et Pont-Villiers rouges et blancs.
Drôme. – Les troisièmes choix des vignobles cités et Etoile, Livron et Saint Paul rouges et blancs.
Gard. – Lacostières, Jonquières, Pujaut, Laudun, Langlade, Vauvert, Millaud, Calvisson, Aigues-Vives et Alais rouges et blancs.
Garonne Haute-. – Deuxièmes de Villaudric et Fronton, Montesquieu Volvestre et Buzet rouges.
Gers. – Vertus, Mazères, Viella, Gouts, Lussan, Ville-Comtal, Miélan, Plaisance, Vic-Fezensac, Valence et Miradoux rouges et blancs.
Gironde. – Presque tous les vins rouges et blancs du département non cités aux précédentes catégories, les plus communs de la Benauge et de l'Entre deux-mers exceptés.
Hérault. – Garrigues, Pérols, Villevayrac, Bousigues, Frontignan, Poussan, Loupian, Mèze, Agde, Pézenas, Béziers, Lodève, Lunel, Montpellier, Saint- Georges et les premiers choix d'Aramont et de Picpoul en vins rouges et blancs.
Indre. – Valaunay, Vic-la-Moustière, Veuil, Latour-du-Breuil, Concremiers et Saint-Hilaire rouges et blancs.
Indre-et-Loire. – Chinon, Ballan, Luynes, Fondettes et les choix d'Amboise rouges et blancs.
Isère. – Saint-Chef, Saint-Savin, Jallien, Ruy-les-Roches, Vienne, Lambin, Crolles, la Terrasse, Grignon, Saint-Maximin, Murinais, Bessins, Pont-en Royan et Saint-André rouges et blancs.
Jura. – Voiteur, Ménetru, Blandans, Saint-Lothaire, Poligny, Geraise et Saint-Laurent rouges et blancs.
Landes. – Le Tursan, la côte de Leynie, et la haute Chalosse rouges et blancs.
Loir-et-Cher. – Onzain, Mer, Chaumont, Thésée, Monthou, Bourré, Montrichard, Chissey, Mareuil, Pouillé, Angé, Faverolles, Saint-Georges, Lusillé, Meusne et Chambon rouges et blancs.
Loire – Charlieu, Lupé, Chuines, Chavenay, Saint-Michel, Saint-Pierre-de Boeuf, Boen, Renaison, Saint-André et Saint-Haon rouges et blancs.
Loiret. – Sargeau, Saint-Denis, Saint-Marc, Saint-Gy, Beaugency, Baule, Baulette, Marigny rouges et blancs.
Lot. – Ses vins rosés et mi-couleur et presque tous ceux qui n'ont pas été cités rouges.
Lot-et-Garonne. – Thézac, la Croix-Blanche, Agen, Marsan, Castelmoron, Sommenzac, la Chapelle, Notre-Dame, Clairac et Marmande rouges et blancs.
Lozère. – Marvejols, Florac et Villefort rouges.
Maine-et-Loire. – Dampierre, Varrains, Chacé, Saint-Cyr, Brézé, Saumur et Feuillé rouges et blancs.
Marne. – Vertus, Avenay, Champillon, Damery, Monthelon, Mardeuil, Moussy, Vinay, Claveau, Maury, Poigny, Vantheuil, Châtillon, Romery, Vincelles, Villens, Ceuilly, Vaudières, Verneuil, Troissy, Châlons et Vitry sur-Marne rouges et blancs.
Marne Haute-. – Vaux, Rivière-les-Fossés, Pranthoy et Saint-Dizier rouges et blancs.
Meurthe. – Thiancourt, Pagny, Arnaville, Bayonville, Charny, Essey, Toul, Saulny, Lucey, Côte-Rôtie, Roville et autres rouges et blancs.
Meuse. – Apremont, Loupmont, Woinville, Lionville, Saint-Julien, Vaucouleurs, Vignot, Sampigny, Saint-Michel, Bruxières, Monsec, Loisey, Ancerville, Rambecourt, Belleville et les Rochelles rouges et blancs.
Moselle. – Les deuxièmes choix des vignobles cités et quelques-uns du territoire de Sarreguemines rouges et blancs.
Nièvre. – Deuxièmes de Pouilly-sur-Loire blancs.
Oise. – Clermont rouge.
Puy-de-Dôme. – Néchers, Issoire, Cournon, Lauden, Orset, Lezandre, Mesel, Dallet, Pont-du-Château, Beaumont, Aubière, Mariel, Calville, les Martres, Authezat, Monton, Vic-le-Comte, Coudes et Montpeyroux rouges.
Pyrénées Basses-. – Lasseube, la Hourcade, Sault de Navailles, Cuqueron, Luc, Navarrens et Sauveterre rouges et blancs.
Pyrénées Hautes-. – Bagnères et Argelès rouges et blancs.
Pyrénées-Orientales. – Torremila, Terrats, Esparrons, Vernet, Prades et environs rouges.
Rhin Haut- et Bas-. – Quelques vins blancs des vignobles cités.
Rhône. – Irigny, Charly, Curis, Poleymieux et Couzon rouges.
Saône Haute-. – Le clos du Château, Rey, Chariez, Naveune, Quincy et Gy rouges et blancs.
Saône-et-Loire. – Montagny, Chenoxe, Buxy, Saint-Vallerin, Saules, la Chassagne, Villié, Regnié, Lantigné, Quincié, Marchand, Durette, les Etoux Cercié, Saint-Jean, Pizay, Jasseron, Vadoux, Belleville, Saint-Sorlin, Charentay, Charnay, Pricé, Vaux-Renard, Saint-Amour, Chevagny, Chanes, Saint-Verand, Loché, Vaizelle, Urigny, Sancé, Sénecé, Azé, Pierreclos, Verzé, Igé ; Blacé, Saint-Julien, Denicé, Bussières, Lacenas et plusieurs autres vignobles de la côte beaujolaise, mâconnaise et châlonnaise fournissent à cette catégorie de bons vins ordinaires rouges et blancs.
Sarthe. – Le clos de Jasnières, Bazouges, Brouassin, Arthésée, la Chapelle d'Aligné, Saint-Verand, Cromières, la Flèche et Gazonfières rouges et blancs.
Savoies les deux. – Thonon, Aix et les vins des Abymes rouges et blancs.
Seine-et-Marne. – La côte des Vallées et plusieurs vignobles de l'arrondissement de Fontainebleau rouges.
Seine-et-Oise. – La côte des Célestins, le clos d'Athis-Mons, Andresy, Septeuil et Boissy-sans-Avoir rouges.
Sèvres Deux-. – Mont-en-Saint-Martin, Bouillé, Loret, la Rochenard, la Foi-Monjault et Airvault rouges et blancs.
Tarn. – Plusieurs vignobles de Rabastens, Gaillac et Alby rouges et blancs.
Tarn-et-Garonne. – Fau, Aussac, Auvillar, Saint-Loup, Campsas, la Villedieu et Montbartier rouges et blancs.
Var. – Lacadière, Saint-Nazaire, Ollioules, Pierrefeu, Cucres, Sollées Farlède, Hyères, Lorgues, Saint-Tropez, Brignoles rouges.
Vaucluse. – Morière, Avignon et Orange rouges.
Vendée. – Lucon, Faymoreau, Loge-Fougereuse et Talmont rouges et blancs.
Vienne. – Champigny, Saint-Georges, Couture, Dissay, Chauvigny, Saint Martin, Villemont, Saint-Romain et Vaux rouges et blancs.
Yonne. – Cheney, Vaulichères, Tronchoy, Molesmes, Cravant, Jussy, Vermanton, Joigny, Saint-Bris, Arcy-sur-Cure, Pourly, Pontigny, Vezinnes, Junay, Saint-Martin, Commissey, Neuvi, Sautour, Villeneuve-le-Roi, Saint- Julien-du-Sault, Paron, Marsangy, Rousson, Collemiers, Rosoy, Grou, Véron et les plus inférieurs des vignobles déjà cités fournissent une grande quantité de vins rouges à cette catégorie.
Les vins blancs sont tout aussi abondants et offrent beaucoup de choix. Châblis présente près de vingt-cinq vignobles ; l'arrondissement de Sens en renferme aussi une importante quantité.

                    Vins de liqueur français.
La France produit, relativement, peu de vins de cette espèce ; néanmoins quelques crus peuvent lutter avec un certain avantage avec la plupart des vins de liqueur étrangers.
Le muscat de Rivesaltes, dans les Pyrénées-Orientales, est l'un des meilleurs vins de liqueur français.
Le vin de paille de Colmar et de Kaiserberg Haut-Rhin.
Le vin de l'Ermitage du département de la Drôme.
Les premiers choix de Frontignan et de Lunel Hérault.
Les quatre vins ci-dessus peuvent être considérés comme les premières qualités des vins de liqueur de France.
Suivent, dans leur ordre de mérite, les vins de cette catégorie qui se présentent en seconde ligne :
Hérault. – Les deuxièmes choix de Lunel et Frontignan ; le premier dit picardan, et les meilleures préparations de Grenache.
Haut et Bas-Rhin. Les meilleurs muscats de Wolxheim, Héligensten et quelques autres localités.
Pyrénées-Orientales. – Les vins dits de Grenache, à Banyuls, Collioure et Cosperon, et le Macabeo de Salses.
Dordogne. – Les premiers choix de Montbazillac.
Corrèze. – Le vin de paille d'Argentat.
Vaucluse. – Les vins dits Grenache et les vins muscats de Beaume.
Var. Les muscats rouges et blancs de Roquevaire, de Cassis et de la Ciotat.
Corse. – Les vins de liqueur du Cap-Corse.
Les départements ci-dessus et plusieurs autres récoltent ou préparent une assez grande quantité de vins muscats ou de liqueur, mais dont la réputation ne dépasse pas les pays de production.

                    Vins de liqueur étrangers
Les vins de cette espèce et dans les premières qualités se trouvent fort rarement dans le commerce. Les souverains des pays qui les produisent les retiennent pour leur usage ou pour en faire des présents à d'autres souverains. Leur prix élevé est aussi une très grande difficulté que le commerce ne consent guère à vaincre pour se munir de la petite quantité disponible.
Les crus les plus renommés sont ceux de Tokay, Constance, le vin vert de Cotnar, de la Commanderie Ile de Chypre, le Lacryma-Christi, malvoisie de Madère, le Tinto d'Alicante, les muscats rouges et blancs de Syracuse et les rouges et blancs de Schiraz.
Plusieurs autres pays et ceux qui fournissent les crus ci-dessus présentent un choix nombreux dont suit la nomenclature par contrée.
Allemagne. – Les vins dits de paille de la Franconie.
Autriche. – Les seconds crus de Tokay, Tarczal, Mada, ?ombor, Szeghy, Szadany, Tolesva, Erdo-Benye et les vins de liqueur de Transylvanie, Istrie, Dalmatie et de la Vénétie.
Italie. – Les deuxièmes choix de Lacryma-Christi Naples, de Syracuse Sicile, le muscat rouge et Aliatico Toscane. Les vins muscats de Canelli et de Chounbave Piémont, les Nasco, Giro, Tinto et les malvoisies de l'île de Sardaigne. Le vermut et l'Aléatico de l'île d'Elbe. Les vins muscats du Vésuve Naples. Le Malvasia des îles Lipari, le Vino-santo de Castiglione et le vin aromatique de Chiavenne Lombardie.
Etats-Romains. – Les vins blancs et rouges d'Albano, les muscats de Monte Fiascone, d'Orvieto et de Farnèse.
Espagne. – Les deuxièmes Tinto d'Alicante Valence, le Tintilla de Rota Estramadure, le Tintilla de Xérès et de San-Lucar et Paraxète Andalousie, le Tinto, la Malvasia, le Lacryma et les muscats blancs de Malaga Grenade. Le Pedro-Ximénes de Victoria Biscaye. Le vin Grenache de Sabaye et Carinena Aragon, la malvasia de Pollentia îles Majorque, les Velez- malaga et une très grande quantité des plus ou moins inférieurs de ces vignobles.
Portugal. – Les vins muscats de Setuval et de Carcavellos dans l'Estramadure portugaise.
Turquie. – Les malvoisies second choix de Chypre et de Candie. les vins muscats rouges et blancs des îles Samos, Ténédos et Chypre. Le vin de Galistas Macédoine et celui de Smyrne.
Principautés danubiennes. – Les deuxièmes crus de Cotnar Moldavie et le vin de Piatra Valachie.
Perse. – Les malvoisies de Schiraz et Ispahan.
Cap de Bonne-Espérance. – Les deuxièmes crus de Constance ; les muscats rouges et blancs dits rota.
Grèce. – Les malvoisies de la Morée et le Vino-santo de l'île Santorin, ainsi que plusieurs vins muscats des îles Ioniennes.
Russie. – Les vins de liqueur de Koos et de Sudach Crimée.
Iles de l'océan Atlantique. – Deuxième choix des malvoisies et des vins muscats de l'île de Madère ; les premiers des îles Ténériffe, des Açores, Canaries, Gomère et Palme.
Mexique. – Les meilleurs vins de liqueur de Passo-del-Norte, de Paras, de San-Luiz-de-la-Paz et de ?elaya.
La plupart des pays qui produisent les vins de liqueur dont la nomenclature précède, préparent ou récoltent un nombre très considérable d'autres vins de cette nature, qui sont envoyés et livrés au commerce sous le nom des crus les plus renommés. Il n'est pas sans intérêt d'ajouter que ces vins peuvent acquérir des qualités qui leur manquent par les soins, par le temps et aussi par les voyages qu'on leur fait faire. S'ils n'atteignent pas toutes les qualités des crus supérieurs, ils peuvent les remplacer, à la satisfaction des consommateurs, qui ont rarement la faculté de les comparer avec les premiers. »
                    F. Maurial L'Art de boire.

Nous avons déjà dit, en parlant des caves, que si la cave dans laquelle on doit enfermer son vin est située à Paris, il faut éviter qu'elle soit exposée aux ébranlements qu'occasionne jusqu'à une certaine distance le passage de voitures ; ces ébranlements déterminent l'ascension de la partie la plus légère de la lie, dont le mélange avec le vin suffit souvent pour le faire aigrir.
Si la cave est en communication avec un bûcher de bois vert, avec un amas de fruits, ou avec tout autre dépôt de matière en fermentation continuelle, il est impossible de conserver le vin sans qu'il s'altère.
Après cette dissertation sur les vins, il nous reste à traiter de tout ce qui se rapporte à leur conservation et à leur amélioration.
Mais ici nous nous adressons à plus savant que nous, et ne pouvons rien faire de mieux que de répéter ce qu'en a dit M. Lorein dans son excellent Traité des préparations.

Placement des tonneaux. Les futailles doivent être sur des chantiers ou madriers élevés d'un demi-pied au-dessus du sol, et posés sur des dés en pierre. Le bois de chantier doit être sain ; s'il était atteint de pourriture, il la communiquerait promptement aux tonneaux, et surtout aux cercles.
Il faut assujettir chaque tonneau avec des cales ; sans cette précaution, lorsqu'on retire l'un deux, les autres sont exposés à éprouver quelque mouvement, ce qui occasionne l'ascension d'une partie de la lie ; accident qu'on doit prévenir autant qu'il est possible.
Les tonneaux doivent être éloignés du mur d'un pied au moins, pour qu'on puisse toujours visiter leur fond postérieur.

De la visite des tonneaux. Avant de descendre le vin à la cave, il faut examiner avec soin les tonneaux et faire remplacer tout de suite les cercles défectueux. Les tonneaux descendus et placés sur les chantiers, on doit les visiter avec soin pendant les premiers jours, et ensuite de temps en temps : si les tonneaux sont remplis de vin de l'année, il faut les percer près de la bonde et fermer le trou avec un fausset, qu'on lève de temps en temps pour s'assurer si le vin n'est pas encore dans un état de fermentation. On s'en aperçoit lorsqu'en levant le fausset, l'air sort avec sifflement ; dans ce cas il faut lever le fausset tous les jours, et ensuite à des intervalles plus éloignés ; lorsque l'air commence à sortir avec moins de violence, avoir soin de mettre les fûts bondés de côté pour éviter l'air par la bonde.
Si le vin s'échappe par quelque endroit, on cherche à reconnaître la source du mal. Si c'est un trou de ver, on le reconnaît facilement dans la partie découverte du tonneau. Si le trou se trouve sous les cercles, on peut le découvrir en les écartant ou en faisant sauter l'un d'eux.
Si le vin s'échappe par un noeud ou par un éclat de douve, on enfonce dans la fente, avec la lame d'un couteau, du papier trempé dans du suif, et on pose dessus un mélange de suif et de mastic de vitrier. Pour plus de sûreté, on cloue par-dessus une petite lame de plomb.
Si la fuite du vin a lieu entre les douves par suite de la rupture de plusieurs cercles, on enveloppe le tonneau avec une corde et on garrotte fortement. Garrotter, c'est passer un bâton sous la corde et faire passer les deux bouts par-dessus en tordant. On garrotte ainsi dans une ou plusieurs parties, selon l'éminence du danger. Par là on se donne le temps de préparer tout ce qui est nécessaire pour transvaser le vin.
On doit goûter le vin de temps en temps pour connaître comme il se comporte.
Lorsqu'on veut conserver pendant plusieurs années du vin en tonneaux, ce qui est nécessaire pour rendre potables certains vins très spiritueux et très chargés en couleur, c'est une très bonne pratique de faire enduire les tonneaux de manière à les rendre inaccessibles à l'action de l'humidité qui règne toujours plus ou moins dans les caves. On peut employer pour cela une peinture grossière, des ocres, par exemple ; mais la substance qui convient le mieux dans ce cas est le mastic dont voici la composition :
Faites broyer des tuileaux ; passez le résultat du broyage au tamis de crin, et repassez au tamis de soie, ou à travers une toile métallique très fine, ce qui a passé à travers le tamis de crin.
A treize livres de la poudre ainsi obtenue, ajoutez une livre de litharge pulvérisée, et repassez le tout au tamis fin pour opérer un mélange intime.
Faites broyer ce mélange avec deux ou trois onces d'huile de lin par livre, et délayez ensuite avec suffisante quantité de la même huile, pour former une peinture applicable au pinceau.
On en donne deux ou trois couches aux tonneaux à quelques jours d'intervalle, en ayant soin que tout soit couvert. On évite par là les frais de reliage et de remplissage, ainsi que le danger de perdre le vin par la rupture du cercle.

De l'ouillage. Ouiller, c'est remplir. Plus les vins sont nouveaux, plus les douves sont minces, plus la cave est sèche et aérée, plus les tonneaux doivent être remplis souvent. Toute négligence sous ce rapport nuit. Les vins tendres et légers s'altèrent rapidement dans les tonneaux qui ne sont pas constamment tenus pleins : un autre motif de remplir fréquemment, c'est que la perte éprouvée par le tonneau croît en plus forte proportion que le temps ; ainsi, lorsque le tonneau a perdu deux bouteilles en un mois, il en faudra six pour le remplir à l'expiration du second mois.
Le vin avec lequel on remplit un tonneau doit, autant que possible, être d'une qualité analogue à celui qu'il contient ; cela n'est cependant pas de rigueur pour les vins communs, qui peuvent gagner quelque chose quand on les remplit avec du vin meilleur ; mais il faut le faire pour les vins fins qu'on ne veut pas dénaturer.
Dans tous les cas, il vaut mieux remplir avec un vin quelconque que de ne pas remplir du tout.
Ce qui vient d'être dit sur la nécessité de remplir, est un motif de plus en faveur de la peinture des tonneaux qui contiennent des vins précieux. Quand on n'en a qu'une ou deux pièces, on est souvent fort embarrassé pour les remplir d'une manière convenable.

Collage. L'effet du collage des vins est non seulement de les éclaircir, mais aussi de les dépouiller de matières en dissolution qui se précipiteraient plus tard. On prévient par là des dépôts dans les bouteilles. Si on conserve des vins en tonneaux depuis plusieurs années on fait bien de les coller une fois l'an, au mois de mars ou en octobre. Il est de rigueur de choisir pour cette opération un jour où le vent souffle du nord à l'est. Quatre à cinq jours après le collage, on soutire le vin, on nettoie le tonneau et on le remplit, soit du vin qui en a été tiré, soit du contenu d'un autre tonneau collé aussi.
Si on veut mettre en bouteilles du vin récemment arrivé, on le laisse reposer quelques jours, et on le colle ensuite avec du blanc d'oeuf et de la colle de poisson.
Quatre blancs d'oeufs bien frais, fouettés avec une demi-bouteille de vin, suffisent pour coller une pièce de deux cent cinquante à deux cent soixante- quinze bouteilles. On retire d'abord cinq à six litres de vin ; on ôte la bonde ; on verse la colle ; on introduit dans le tonneau un bâton fendu en quatre par en bas, et on l'agite en tournant tantôt dans un sens et tantôt dans un autre, pour bien mélanger la colle. On continue ainsi pendant une ou deux minutes. On remplit ensuite le tonneau avec le vin qu'on avait tiré et on en ajoute s'il est nécessaire. On frappe le tonneau pour en faire sortir les bulles d'air qui pourraient être restées dans la partie supérieure et on remet la bonde. Au bout de quatre ou cinq jours, le vin est clair et on peut le tirer.
Si le vin a déjà séjourné pendant quelques mois dans la cave, comme il s'est formé au fond un dépôt de lie qu'il ne faut pas faire remonter, on n'enfonce le bâton fendu que jusqu'à la moitié du tonneau.
Les vins blancs se collent avec la colle de poisson dissoute dans le vin, à raison d'un litre par pièce ; cette colle se prépare de la manière suivante :
On bat, avec un marteau, un gros de belle colle de poisson ; on la déchire en morceaux qu'on divise avec des ciseaux ; on la met tremper pendant sept ou huit heures, avec ce qu'il faut de vin pour la baigner ; quand elle s'est gonflée et qu'elle a absorbé le vin, on en ajoute autant qu'on en a mis la première fois : après vingt-quatre heures, la colle forme une gelée à laquelle on ajoute un demi-verre d'eau un peu chaude, et on la malaxe avec la main pour écraser ce qui n'est pas entièrement dissous. On passe la colle avec expression à travers un linge, et on la bat avec une poignée d'osiers, en versant peu à peu du vin blanc, jusqu'à ce que la totalité de la dissolution forme à peu près un litre de liquide. Avant de verser la colle dans le tonneau, on la bat de nouveau avec un litre de vin blanc ; du reste, on procède comme pour le vin rouge.
Les poudres de M. Julien, qui demeure à Paris, boulevard Poissonnière, et qui a des dépôts dans la plupart des vignobles, remplacent avec avantage les blancs d'oeufs et la colle de poisson.

Tirage de vin en bouteilles. Il faut s'assurer avant tout si le vin est bien limpide ; pour cela on en tire dans un verre qu'on interpose entre l'oeil et la lumière. Si le vin n'est pas d'une limpidité parfaite, on attend deux ou trois jours, et si après ce temps il n'est pas bien clair, on le soutire et on le colle de nouveau.
Le tirage en bouteilles doit se faire, autant que possible, par un temps froid, et surtout lorsque le vent souffle du nord à l'est.
Cette précaution influe plus qu'on ne le pense sur la conservation des vins. On doit éviter surtout de tirer le vin quand le temps est disposé à l'orage et lorsqu'un vent chaud souffle du sud ou de l'ouest.
Les bouteilles doivent être rincées avec soin et flairées une à une ; on doit rejeter celles qui ont un mauvais goût. Le gravier de rivière, bien lavé, ou la grenaille d'étain pur, sont les substances les plus convenables pour rincer les bouteilles.
Lorsqu'on met en bouteilles du vin qu'on se propose de garder longtemps, le choix des bouchons est d'une grande importance. Il faut les choisir d'un liège fin, moelleux, cédant sous le doigt. Ils coûtent plus cher que les autres, mais l'économie qu'on croirait faire sous ce rapport en en achetant de plus communs serait fort mal entendue.
Les bouchons qui ont déjà servi ne doivent être employés que pour des vins communs, destinés à être bus de suite. On bouche les bouteilles à mesure qu'on les remplit ; on règle l'ouverture de la cannelle en conséquence. Les bouchons doivent entrer de force, en frappant avec la batte, jusqu'à ce qu'ils ne débordent que d'une ou deux lignes.
Lorsqu'on veut conserver longtemps le vin en bouteilles, on enduit l'extrémité du bouchon avec une cire, préparée à cet effet. Cet enduit préserve les bouchons de la moisissure qui les atteint à la longue, et les empêche d'être rongés par les insectes qui pullulent dans beaucoup de caves.
La cire ou le mastic dont on enduit les bouchons se compose de la manière suivante :
On fait fondre deux ou trois livres de résine commune avec un quarteron de cire jaune et deux onces de suif. On colore avec le minium, les ocres, le noir animal, etc. Si la cire paraît trop cassante, on augmente la dose de suif ; dans le cas contraire, on ajoute de la résine.



          Des moyens de prévenir l'altération des vins ou d'y remédier.

Des vins qui tournent à la graisse
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Lorsqu'en versant du vin il file comme de l'huile, on dit qu'il a tourné à la graisse. Cette maladie, qui attaque plus fréquemment les vins blancs que les vins rouges, se dissipe presque toujours avec le temps. Si cependant on ne veut pas attendre, il faut coller le vin et le bien agiter ; si cela ne suffit pas, on le soutire, on le colle une seconde fois, et on ajoute à la colle d'un demi-litre d'esprit-de-vin.
On remédie à la graisse en mettant dans le tonneau une once de charbon en poudre, qu'on mêle bien au liquide, en agitant avec le bâton fendu.
Si le vin qui tourne à la graisse est en bouteilles, et qu'on ne veuille pas attendre son rétablissement naturel, on le dépote deux fois de suite à un mois d'intervalle. La lie bien fraîche ajoutée aux vins gras dans la proportion d'un vingt-cinquième les rétablit très promptement. On ne doit employer ce moyen que pour des vins ordinaires, qui pourront s'améliorer si la lie qu'on y mêle provient d'un vin généreux.

Des vins qui tournent à l'aigre.
Cette maladie provient presque toujours du peu de soin qu'on a mis à remplir les tonneaux, des transports effectués dans les temps chauds, ou de la mauvaise qualité des caves. Comme il est reconnu que les vins peu spiritueux y sont plus sujets que les autres, on pourrait en prévenir le développement sur des vins de cette nature en y ajoutant cinq à six litres d'eau-de-vie par pièce.
Lorsqu'on s'aperçoit que le vin commence à contracter un goût d'aigre, il faut le soutirer dans un tonneau où on brûle un pouce de mèche soufrée ; on le colle en même temps avec six blancs d'oeufs par barrique. S'il n'a pas tout à fait perdu le goût qu'il avait contracté, on répète cette opération six jours après ; on laisse reposer le vin, on le met en bouteilles et on le boit de suite.
On peut encore rétablir les vins qui ont tourné à l'aigre, en jetant dans une barrique un quarteron de froment grillé comme du café, mais un peu moins noir ; on soutire au bout de vingt-quatre heures, on colle et on met en bouteilles pour boire de suite.

Des vins qui deviennent amers.
Le moyen le plus simple de rétablir ces vins, c'est de les couper avec des vins plus jeunes, ou au moins avec des lies récentes. Quand le vin qui a contracté de l'amertume est en bouteilles, il se rétablit souvent de lui-même avec le temps, pourvu que les bouteilles soient bien bouchées, qu'on ne les déplace pas et que la cave soit bonne.
On peut encore corriger l'amertume des vins en les transvasant dans un tonneau fraîchement vide d'un bon vin, et dans lequel on a brûlé à plusieurs reprises un demi-litre d'esprit-de-vin ; on ne doit verser une nouvelle portion d'esprit-de-vin dans le tonneau que lorsque la première est brûlée et qu'il n'y a plus de flamme ; sans cela, le filet d'esprit-de-vin s'allumerait en tombant et la flamme se communiquerait jusqu'au vase qui contient le reste, ce qui occasionnerait des accidents.

Des vins qui ont contracté le goût d'évent.
Les vins ne contractent ce goût que lorsque les tonneaux ont été mal bouchés. Si le goût est peu prononcé, on peut le faire disparaître en collant le vin, et le soutirant après quinze jours de repos. Toujours bonde de côté pour éviter l'évent.
Si le goût d'évent est très fort, il faut mêler au vin 10 à 12 pour 100 de lies fraîches, rouler le tonneau une fois par jour pendant un mois et soutirer ; on ajoute ensuite dans le tonneau quatre ou cinq bouteilles d'eau-de-vie.

Des vins qui ont contracté le goût du fût, de moisi, etc.
Lorsque le goût contracté est fort il n'y a aucun moyen de le faire disparaître ; on peut seulement essayer de le masquer. Pour cela, après avoir transvasé le vin, on fait rôtir une livre de froment dans une brûloire à café. On l'enferme tout chaud dans un sac long et étroit, qu'on descend dans le tonneau par sa bonde et qu'on retient avec une ficelle. On ferme le tonneau et vingt-quatre heures après on transvase encore le vin dans un tonneau où on a mis de la lie fraîche dans la proportion d'un huitième de vin défectueux.

Des moyens de prévenir la dégénérescence des vins.
Les vins les plus faibles se soutiennent ordinairement fort bien dans les bonnes caves, quand d'ailleurs ils y arrivent sains ; il faut donc, pour prévenir leur dégénérescence, employer les moyens indiqués pour l'amélioration des caves. Il faut surtout les tenir très propres et en éloigner les substances fermentescibles. Si, par la nature de leur sol ou le voisinage des fosses d'aisance, les caves sont infectées de miasmes putrides, on fera bien d'y brûler, de temps en temps, une once ou deux de soufre : on le place sur un têt, on l'allume et on se retire.
Comme les vins spiritueux supportent assez bien beaucoup d'inconvénients qui dénaturent promptement les vins faibles, comme le sont souvent les vins ordinaires, si on a une certaine provision de ceux-ci qu'on soit obligé de garder en tonneaux, il est bon d'y ajouter depuis trois jusqu'à sept à huit bouteilles d'eau-de-vie par barrique ; en goûtant de suite les vins auxquels on a fait cette addition, on y reconnaît très bien la saveur de l'eau-de-vie ; mais, après un mois ou deux de mélange, on ne la retrouve plus et le vin est sensiblement amélioré.

Des vins trop sombres en couleur.
Ces vins sont ordinairement pâteux, lourds et fades, quoique souvent très spiritueux. On les améliore en les coupant avec des vins blancs, qu'on y ajoute dans des proportions diverses, selon que les vins sont plus au moins chargés en couleur.

De l'âpreté des vins.
Il y a des vins qui acquièrent en vieillissant une excellente qualité, mais qui sont si âpres, lorsqu'ils sont jeunes, qu'ils sont peu agréables à boire. Ce qu'on peut faire de mieux pour ces vins, c'est de les attendre ou d'accélérer leur maturité en les plaçant dans un cellier un peu chaud, pourvu qu'ils n'y soient pas frappés directement par le soleil.
Quant aux vins qui, étant âpres et verts, sont peu spiritueux, c'est en vain qu'on espérait les améliorer en les coupant avec des vins spiritueux et fades du Midi : leur saveur perce toujours. Le seul moyen d'adoucir ces vins, c'est d'y ajouter de l'eau-de-vie, dont on proportionne la quantité à l'âpreté des vins. On peut, sans inconvénient, en mettre jusqu'à huit ou dix pintes par barrique de trente veltes ; on peut même dépasser cette proportion, si l'on veut garder ces vins pendant longtemps.

Vin de pêche à la façon de Strasbourg.
Prenez cent pêches de vigne, et douze pêches d'espalier bien mûres, ôtez-en la peau et les noyaux, écrasez la pulpe du fruit dans une terrine, ajoutez-y un demi-litre d'eau avec une once de bon miel, passez au tamis, et soumettez ce qui ne passera pas au tamis à l'action d'une presse ; versez tout le liquide dans une cruche de grès, ajoutez-y quatre livres de sucre, cinq onces de feuilles de pêcher, un gros de cannelle, deux gros de vanille, et autant de bon vin blanc que vous aviez de suc de pêche ; laissez fermenter en couvrant bien le vase, et lorsque vous aurez séparé les feuilles, que le liquide sera éclairci, vous mettrez en bouteilles.
Quelques personnes ajoutent un litre d'eau-de-vie au mélange, mais cela n'est pas nécessaire. Ce vin est très agréable au goût, est un excellent stomachique, et les chimistes anglais disent qu'il facilite les digestions laborieuses.
Il va sans dire que l'on peut également faire du vin de prunes ou d'abricots ; seulement, comme ces fruits sont plus sucrés que la pêche, on mettrait moins de sucre et on suivrait du reste le même procédé.
Vin de groseilles ou de cerises à la manière d'Angleterre.
Prenez six parties de groseilles rouges bien mûres et six parties de cerises de la grosse espèce, une partie de cerises noires si vous projetez de faire du vin de cerises, ou bien une partie de framboises si vous voulez faire du vin de groseilles. Ecrasez les fruits pour en avoir le sucre que vous verserez dans un baril ; ajoutez une livre de cassonade par dix bouteilles de sucre ; ayez soin que le baril soit plein, et conservez en outre une bouteille de ce sucre pour remplir le baril, et remplacez ce que la fermentation fera sortir par la bonde ; lorsque la mousse s'arrêtera, fixez la bonde et laissez reposer pendant un mois, tirez la bonde et mettez en bouteilles.

Vin chaud à la mode anglaise, ou négus.
Breuvage originaire des Indes, et qui s'opère avec du vin blanc, du sucre, du jus de limon et de la râpure de muscade. Quand on peut joindre à tout ceci de l'eau-de-vie de France ou du jus de tamarin, c'est un breuvage anglais qui ne laisse rien à désirer.
Maintenant que tout le monde peut améliorer la qualité de son vin, qu'on nous permette de citer quelques anecdotes :
Une remarque qu'on peut faire, c'est que le mot vin se rend à peu près d'une manière semblable dans toutes les langues anciennes et modernes. En grec, oinos ; en latin, vinum ; en arabe, vainon ; en allemand, wein ; en anglais, wine ; en russe, vinss.
Dans les premiers temps de la république romaine, l'usage du vin était sévèrement défendu aux femmes, et Romulus avait permis aux maris de répudier et même de tuer les épouses qu'ils auraient surprises buvant du vin. Valère Maxime rapporte qu'Egnatius Metellus, ayant usé de cette permission, fut absous par le fondateur de Rome. Fabius Pictor raconte que les parents d'une Romaine, l'ayant surprise tandis qu'elle tâchait de forcer la serrure d'un coffre qui contenait du vin, l'enfermèrent et la firent périr d'inanition. Les Romains étaient si scrupuleux sur la conduite des femmes à cet égard, qu'ils avaient introduit l'usage, d'après le conseil de Caton, d'embrasser les femmes quand elles entraient dans une maison, afin de juger par leur haleine si elles n'étaient pas en faute. Ils se relâchèrent peu à peu de cette rigoureuse exactitude, et, les lois cédant enfin au luxe et à la débauche, les femmes imitèrent les hommes et prirent en toute occasion les mêmes licences. Le vin est, dit-on, le lait des vieillards et ce qui les soutient. Drexelius, jésuite allemand, n'est pas du tout de cet avis. Il prétend que plus le vin a de force, moins il convient à un estomac affaibli par l'âge ou la maladie. Entre l'estomac et la nourriture, dit-il, il doit y avoir une telle proportion que la chaleur de l'un n'excède pas celle de l'autre. Bon vin et mauvais estomac ne peuvent s'allier l'un à l'autre. Cependant, croire qu'un bon vin vieux a la vertu de réparer les forces d'un estomac délabré est une opinion si ancienne, si générale et si profondément enracinée dans les esprits, qu'il est moralement impossible de faire régner à sa place l'axiome : Vinum potens, vinum nocens.
Boire à ses repas d'un vin plus exquis que celui qu'on fait boire aux autres ne saurait être une exception permise à la grandeur. C'est un privilège que l'impudence et l'avarice peuvent seules usurper. Le vin de Falerne était cher. Pline en buvait et Pline admettait quelquefois à sa table nombre de gens nouvellement affranchis. Quelqu'un qui croyait avec raison que tous ceux qui sont à une même table doivent boire d'un même vin, lui dit que ces jours-là son vin de Falerne devait s'en aller bien vite. – « Pardonnez-moi, lui dit Pline, quand mes affranchis mangent avec moi, ils ne boivent pas de mon vin, je bois du leur. »
Le premier vin qu'on ait vanté en France est le vin de Suresnes. Henri IV en envoyait en présent, et on a conservé de lui une lettre qui en fait foi.
L'auteur de la Bibliographie agronomique, M. Musset-Pathay, a fait connaître sur le vin de Suresnes une anecdote dont l'exactitude nous a été attestée par l'un des annuaires statistiques de Loir-et-Cher, à portée par conséquent d'en être bien instruit.
« Il y a, dit l'auteur de la Bibliographie, une opinion assez commune sur laquelle il est bon de donner quelques éclaircissements. Elle est relative à la réputation du vin de Suresnes, village situé sur le bord de la Seine, à deux lieues de Paris. On croit communément que le vin produit par les vignes plantées près de ce village a jadis été d'une bonne qualité et que même il a paru sur la table de nos rois. Voici ce qui a donné lieu à cette opinion. Il y a aux environs de Vendôme, dans l'ancien patrimoine de Henri IV, une espèce de raisin que dans le pays on appelle Suren. Il produit un vin blanc très agréable à boire, que les gourmets conservent avec soin, parce qu'il devient meilleur en vieillissant. Henri IV faisait venir de ce vin à la cour ; il le trouvait très bon. C'en fut assez pour qu'il parût délicieux aux courtisans ; et l'on but pendant le règne de ce monarque du vin de Suren. Il y a encore dans le vendômois un clos de vigne qu'on appelle Clos de Henri IV.
« Louis XIII n'ayant pas pour le suren la même prédilection que le roi son père, ce vin passa de mode et perdit sa renommée. Dans la suite on crut que c'était le village de Suresnes qui avait produit le vin qu'on buvait à la cour. La ressemblance des noms avait causé cette erreur. » Pierre d'Andelys, dans son poème de la Bataille des Vins, nomme Deuil, Montmorency, Marly, Argenteuil, mais il ne dit rien de Suresnes, qui pourtant est dans le voisinage ; cela peut prouver qu'au XIIIeme siècle Suresnes avait encore moins de mérite et de réputation qu'aujourd'hui. On ne doit donc plus s'étonner qu'un propriétaire d'excellents vignobles en Bourgogne ait transporté, sans aucun succès, des plants de Suresnes sur les coteaux de l'Yonne. Autrefois le vin de Mantes, à douze lieues de Paris, était fort renommé. L'empereur Julien l'Apostat en fait l'éloge. Ce qui le faisait surtout rechercher, c'est qu'il ne se gâtait jamais en quelques pays lointain qu'on le transportât. Le cordelier Rubriquis, qui fut envoyé par saint Louis au Grand Kan des Tartares, présenta à ce monarque un grand flacon de ce bon vin de Mantes, qui fut trouvé si délicieux, qu'il disposa le roi tartare à embrasser la religion du pays qui le produisait. Le missionnaire nous fait entendre que, si le vin de Mantes ne lui avait pas manqué, le fils de Gengiskan se fût déclaré chrétien.
Le vin a toujours été très considéré et, depuis Charlemagne, on ne faisait aucun marché qu'il n'y eût une gratification extraordinaire que l'on nommait pot-de-vin. Ce qu'on offrait à l'église pour les baptêmes et les mariages s'appelait vin du curé ; les présents qu'on faisait à sa future avant le mariage, le vin de noce ; ce que les plaideurs donnaient aux clercs de leurs rapporteurs, le vin des clercs ; et le droit qu'on payait aux officiers municipaux quand on était reçu bourgeois, le vin de bourgeoisie : ce vin se donnait en nature. Lorsqu'on ne donna plus de vin, on n'en conserva pas moins l'usage de ce que l'on appelait donner un pot-de-vin à la suite d'un marché, mais ce fut en espèces.
Une charte du fameux abbé Suger, régent du royaume sous le règne de Louis le Jeune, donne dix sols de rente et un muid de vin à la collégiale de Saint- Paul. C'est, y est-il dit, pour que les chanoines servent Dieu et saint Paul avec plus de gaieté et de dévotion : Ut jucundius et devotius Deo sanctoque Paulo inserviant.
Un proverbe peu connu et qui cependant mérite de l'être, c'est celui-ci : A bon vin, bon latin. Le premier président du parlement de Paris, M. de Lamoignon, était en peine d'avoir un bibliothécaire. Il s'adressa pour cela à M. Hermant, recteur de l'Université, qui lui indiqua M. Baillet, son compatriote. Le président voulut d'abord le connaître et le fit inviter à dîner. Baillet s'y rend ; mais, s'apercevant qu'il est entouré de pédants qui veulent faire les savants avec lui, il ne répond que par monosyllabes aux diverses questions qu'on lui fait. On lui demande en latin comment il trouve le vin ; il était mauvais, il répond : Bonus. Aussitôt de rire et d'en conclure, comme on l'avait déjà pressenti, que le candidat n'est qu'un sot. Au dessert on sert du vin d'une meilleure qualité et, pour se donner de nouveau le plaisir de rire, on renouvelle la question de la qualité du vin. Baillet répond : Bonum. – Oh ! oh ! ah ! ah ! eh ! Vous voilà redevenu bon latiniste. – Oui, répond Baillet : à bon vin, bon latin.
On a dit du vin de Brétigny, près de Paris, qu'il faisait danser les chèvres, et cette manière de parler proverbialement est encore en usage dans le pays pour désigner la mauvaise qualité du vin. Voici l'origine que l'on donne à cette locution. Il y avait, dit-on, à Brétigny un habitant nommé Chèvre. C'était le coq et en même temps le plus riche propriétaire de son village et une grande partie du vignoble lui appartenait. Cet homme aimait à boire et, dans la gaieté que l'ivresse lui inspirait, il avait la folie de faire danser presque à toute heure sa femme et ses enfants. C'était ainsi que le vin de Brétigny faisait danser les chèvres.
Le premier président de Bellièvre était un homme de très grand mérite et de fort bonne compagnie. Il aimait surtout la bonne chère et se piquait d'avoir le meilleur vin de tout Paris.
Sortant un jour de la grand-chambre, il trouve le comte de Fiesque avec MM. de Manicamp et de Jousac qui l'abordèrent avec un placet à la main, dont la teneur était :
« Nous supplions très humblement Monseigneur le premier président de vouloir bien ordonner à son maître d'hôtel de nous donner six bouteilles de son excellent vin de Bourgogne, que nous comptons boire ce soir, à tel endroit, à la santé de Sa Grandeur. »
M. de Bellièvre alors, avec son air de grave magistrat, prend son crayon et met au bas du placet :
« Bon pour douze bouteilles, attendu que je m'y trouverai. »
Nous allons donner maintenant une preuve comme quoi le bon vin peut conduire directement au ciel.
Un amateur de bon vin faisait ce joyeux raisonnement à son confesseur qui le gourmandait sur son penchant à l'ivrognerie en lui annonçant qu'il ne ferait jamais son salut, s'il ne s'en corrigeait : « Mon père, le bon vin fait du bon sang, le bon sang donne la bonne humeur, la bonne humeur fait naître les bonnes pensées, les bonnes pensées produisent les bonnes oeuvres et les bonnes oeuvres conduisent l'homme dans le ciel ; donc le bon vin doit me conduire au ciel.
- Ainsi soit-il », dit le pasteur abasourdi.

Cave-Décantage.
J'eus l'occasion de visiter un jour les caves du Café Anglais, aménagées, soignées et entretenues par un véritable connaisseur, M. Delhomme. C'est à six ou sept heures du soir qu'il faut descendre dans ces galeries souterraines, qui feraient songer aux merveilles des Mille et Une Nuits, si la foi mahométane n'avait pas proscrit l'usage du vin. C'est un type excellent de grande cave. Une visite d'une heure dans cet établissement serait fort instructive pour toutes les personnes désireuses de bien boire. On n'y pourrait apprendre en si peu de temps l'âge précis auquel on doit boire le vin et le temps qu'il met à se bonifier ou à s'affaiblir dans la bouteille. Ce temps n'est pas le même, on le sait, pour tous les crus ; il dépend aussi beaucoup des années où le vin a été récolté. Le vin des bonnes années se conserve plus longtemps en bouteilles que le vin des mauvaises. La connaissance de ces importantes particularités ne saurait être acquise en peu de temps,
et il faut s'en rapporter sur ce point à des personnes d'expérience et de confiance. Ce qu'on apprendra en un instant dans les caves du Café Anglais, c'est l'importante opération du décantage.
Le décantage consiste à verser, en inclinant doucement la bouteille, une liqueur qui a fait un dépôt. C'est de cette opération que dépend la clarté du vin vieux.
La liqueur bien décantée présente à travers la carafe cette belle couleur limpide qui entre pour quelque chose dans le plaisir qu'on a à boire du bon vin.
La perte qui résulte de ce transvasement peut être évaluée à deux ou trois verres à liqueur par bouteille. En remontant l'escalier en spirale des caves du Café Anglais, on rencontrera à l'heure du « coup de feu » l'excellent Dugléré, praticien distingué que j'ai plus d'une fois consulté comme un oracle gastronomique et à qui je dois les menus placés sous son nom à la fin de ce Dictionnaire.
Pour plus amples détails sur les conditions d'une bonne cave, voir Cave.

Ordre de service des vins de table.
Sur ce point nous ferons encore un emprunt au petit livre de M. Maurial :

Selon les usages, la succession des vins dans leur ordre de service varie d'après leurs caractères généraux ou leur renommée particulière, ou encore le goût et la couleur qui leur sont propres ; mais la règle la plus hygiénique, qui est celle de Brillat-Savarin, c'est de les consommer dans l'ordre des plus tempérés aux plus généreux et aux plus parfumés.
Les coutumes des grandes maisons, dont on consulte à cet égard plus volontiers les usages, consistent à offrir après le potage du xérès ou du madère sec ; ces vins, très toniques, aident à l'assimilation de ce premier et aqueux aliment.
Avec les huîtres, les hors-d'oeuvre, on offre du vin blanc de Bourgogne ou de Bordeaux, ou les deux simultanément, et dans les meilleurs vins fins possibles. Au premier service le Bordeaux d'abord, et le Bourgogne rouge ensuite ; ils devront être pris parmi les plus inférieurs qu'on se propose d'offrir. Entre le premier et le second service, on offre un verre de madère, de vieux cognac ou de rhum ou bien encore du wermuth de première qualité, suivant le désir ou le goût des convives ; c'est là ce qu'on appelle le coup du milieu. Au second service, on offre alternativement du bordeaux, du bourgogne ou de l'ermitage, mais de qualité dite des grands ordinaires. Aux entremets, il faut offrir les vins fins dans l'ordre hygiénique ci-dessus, de toute provenance, mais rouges. Au commencement du dessert on doit présenter les vins à grande réputation des grands crus, de divers pays et de diverses couleurs, en commençant par les rouges. Le vin de Champagne, Sillery frappé, se sert le dernier des vins qu'on boit en mangeant. A défaut de glace et même de Sillery, on remplace par le meilleur champagne mousseux dont on dispose. Pour terminer le repas, et lorsque les convives s'attaquent aux pâtisseries sèches, on offre du vin de liqueur ; mais il serait plus prudent de n'en pas boire, car, en cet état, cette nature de vin trouble la digestion sans aucune compensation, à moins cependant qu'on puisse offrir du Tokay, Constance, Schiraz, Chypre et leurs pareils.
Dans les repas où on n'offre pas ces vins riches de réputation l'ordre se suit en offrant un verre de xérès, marsala ou madère ordinaires après le potage ; le vin blanc avec le poisson ou les hors-d'oeuvre, le vin de Bordeaux et à la suite le vin de Bourgogne ordinaires rouges pour le premier service, entre les deux services, le coup du milieu ; au second service, du meilleur vin rouge ; à l'entremets, le vin fin, et au dessert le Champagne.
Pour servir ces liquides avec une certaine pompe, huit verres sont nécessaires : 1 le verre ordinaire à pied pour mouiller le vin ; 2 le verre à bordeaux ou à Bourgogne ; 3 le verre à madère, un peu plus petit que ce dernier ; 4 le verre vert pour le vin du Rhin ; 5 la coupe en cristal brillant pour faire ressortir la belle couleur d'or du johannisberg ; 6 le verre allongé pour le Champagne mousseux ; 7 la coupe pour le champagne frappé ; 8 et enfin le verre à liqueur.
Les verres à servir avec le couvert sont au nombre de trois : le grand verre à boire, le verre à madère et le verre à bordeaux ou bourgogne ; au second service. On les enlève pour les remplacer par ceux qui sont destinés à contenir les vins désignés pour ce service.

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