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Vinaigre


Vin qui a subi la fermentation acétique. Le vinaigre est susceptible de plusieurs falsifications, qui ont toutes pour objet d'augmenter sa force : on y ajoute dans ce but, ou de l'acide acétique concentré, qu'on obtient par la carbonisation du bois en vases clos, ou de l'acide sulfurique. Ces falsifications sont assez difficiles à reconnaître. Le meilleur moyen de s'y soustraire, c'est de faire soi-même son vinaigre. Le procédé suivant est très simple et très économique.
Prenez un baril de vingt-cinq à trente litres bien cerclé en fer ; il n'est pas nécessaire qu'il ait un trou de bonde en dessus ; s'il en a un, fermez-le hermétiquement ; faites ouvrir sur un des fonds, a un pouce environ du jable, un trou de dix-huit lignes de diamètre ; lorsque le tonneau est en place, ce trou doit se trouver en haut ; faites placer sur le même fond, à quatre pouces du jable inférieur un petit robinet en étain ; placez le baril à demeure dans un endroit habituellement chauffé, au moins dans les temps froids ; assujettissez le de manière qu'on ne puisse facilement l'ébranler.
Ces dispositions étant prises, faites bouillir quatre litres de bon vinaigre avec une demi-livre de tartre ; versez-le tout bouillant dans le baril, servez-vous pour cela d'un entonnoir dont la douille soit recourbée un peu moins qu'à l'angle droit : bouchez le trou et rouler le baril en tout sens, pour que son bois s'imprègne partout de vinaigre ; vous ne l'assujettirez qu'après cette opération ; versez immédiatement dans le tonneau quatre litres de vin. On emploie pour cela les braisières des tonneaux ; à cet effet on les tire avec la lie et on les filtre au papier gris. Cette filtration est fort simple : on attache, par les quatre coins, entre deux tréteaux, deux chaises, ou, de toute autre manière, un linge blanc ; on le couvre d'une feuille de papier à filtrer et on verse le vin sur le papier : il passe clair et on le reçoit dans une terrine, pour le mettre ensuite dans des bouteilles de verre ou de grés, qu'on tient couchées jusqu'au moment du besoin.
Le premier vin qu'on ajoute au vinaigre est très longtemps à s'acidifier complètement ; mais ensuite l'opération s'accélère de plus en plus, jusqu'à ce qu'enfin huit jours suffisent pour convertir de un litre à un litre et demi de vin en vinaigre.
On accélère la première acidification en jetant dans le tonneau environ un quarteron de rognures de vignes hachées grossièrement, ou pareille quantité de fleurs de sureau ou de pétales de roses.
Quand la première acidification est opérée on ajoute tous les huit jours un litre ou un litre et demi de vin, et on continue ainsi jusqu'à ce que le baril soit à peu près à moitié plein ; alors, chaque fois qu'on doit ajouter du vin, on tire auparavant une quantité égale de vinaigre. Le trou latéral doit toujours rester ouvert ; mais pour empêcher que la poussière ou des insectes ne s'y introduisent, on place, au devant, une plaque d'étain percée de petits trous, laquelle étant attachée avec un seul clou, peut être détournée à droite ou à gauche, lorsqu'il est nécessaire que l'ouverture soit libre.
Le baril peut fonctionner pendant plusieurs années.
Si on veut du vinaigre très fort, on ajoute de l'eau-de-vie au vin, dans la proportion d'un huitième : il n'y à en effet que l'eau-de-vie contenue dans le vin qui se convertit en vinaigre ; si le vin n'en contient pas assez, on remédie à ce défaut en en ajoutant.
Les vins qu'on appelle piqués, c'est-à-dire qui commencent à tourner à l'aigre, se convertissent facilement en vinaigre, et en donnent de bon : on n'en obtient que de mauvais avec les vins qui tournent à l'amer.

Vinaigre rosat, suivant l'ancienne et bonne méthode indiquée par madame Fouquet. Prenez un quarteron de feuilles de roses d'églantier ou de roses communes, et autant de mûres sauvages qui ne seront pas à leur parfaite maturité ; ajoutez une once d'épines-vinettes bien mûres ; faites sécher le tout à l'ombre ; quand cela sera bien sec, vous le pilerez et réduirez en poudre très fine ; vous mettrez ensuite une demi-once de cette poudre dans un demi-setier de bon vin rouge ou blanc ; vous délayerez ce mélange et le laisserez ensuite reposer, vous le passerez au travers d'un linge, et vous aurez du vinaigre rosat.
Un ancien auteur a dit qu'on obtenait le même résultat avec de la moelle de lièvre ; il indique son procédé de cette manière : un gros de moelle de lièvre que vous mettez dans une chopine de vin.

Vinaigre à l'estragon.
Mettez dans une cruche 3 litres de bon vinaigre blanc d'Orléans et 750 grammes de feuilles d'estragon, que vous aurez laissées se flétrir à l'ombre, ayant bien soin de les étendre afin qu'elles ne s'échauffent pas ; quand l'estragon sera fané, mettez-le dans la cruche avec le vinaigre, en y ajoutant un petit nouet de clous de girofle et les zestes de deux citrons ; puis vous boucherez bien le vase, que vous exposerez à l'ardeur du soleil pendant quinze jours, ou bien vous le mettrez deux ou trois fois dans le four, après que le pain en aura été retiré. Vous pourrez après cela vous en servir. Il est inutile d'y mettre du sel, ainsi qu'on a coutume de le faire. Vous décanterez votre vinaigre, c'est-à-dire que vous le tirerez à clair ; vous exprimerez les feuilles d'estragon, et vous passerez le vinaigre au papier gris ou à la chausse de futaine, comme il est indiqué pour le verjus voir Verjus ; ou bien prenez un grand tamis de crin sur lequel vous mettrez un rond de papier gris, formé de deux feuilles étendues l'une sur l'autre, de manière à couvrir tout le fond du tamis et à dépasser ses rebords de deux à trois pouces ; vous verserez le vinaigre dessus et quand vous l'aurez obtenu bien clair ; versez-le dans des bouteilles que vous boucherez soigneusement.

Vinaigre à la ravigote. Prenez feuilles et estragon flétries à l'ombre, feuilles de pimprenelle, civette et échalotes épluchées, de chaque deux onces ; de fleurs fraîches de sureau, une once et demie ; les zestes de deux citrons, le zeste d'une bergamote ou d'un cédrat, et finalement une douzaine de clous de girofle concassés. Mettez le tout dans une cruche de grès ou de terre qui ne soit pas vernie avec six pintes de bon vinaigre blanc d'Orléans, le plus fort possible. Faites macérer cet appareil et laissez infuser le tout ensemble environ dix-huit ou vingt jours, au bout duquel temps vous achèverez ce vinaigre aromatique ainsi qu'il est indiqué ci-dessus pour le vinaigre à l'estragon.

Vinaigre du connétable. Dans un pot de terre verni, de la capacité de trois pintes, mettez deux pintes d'excellent vinaigre rosat, une livre de raisin d'Alexandrie nouveau que vous épépinerez avant de le mettre dans le vinaigre ; vous exposerez ce mélange sur de la cendre chaude, l'espace de dix heures ; après ce temps, vous lui ferez jeter quelques bouillons ; quand il sera à moitié refroidi, vous le passerez au travers d'un linge ; versez-le ensuite dans des bouteilles propres que vous boucherez bien.

Vinaigre à la rose à la toilette. Le procédé est le même que pour celui à l'estragon, flétri à l'ombre ; seulement, au lieu d'estragon vous mettrez la même quantité de fleurs de roses épluchées et séchées. En place d'un nouet de girofle vous mettrez un chapelet de racines d'iris de Florence bien sèches ; quand votre vinaigre sera fait, vous pourrez faire resservir plusieurs fois le chapelet en le faisant sécher après que vous vous en serez servi.

Vinaigre de lavande pour la toilette. Procurez-vous un pot comme on vient de l'indiquer, et selon la quantité que vous voudrez avoir de vinaigre. Vous mettrez deux onces de fleurs de lavande nouvelle, et quelques zestes de citron par pinte de vinaigre ; vous laisserez infuser le tout pendant vingt-quatre heures. Exposez votre vase bien luté sur de la cendre chaude ; laissez-le pendant huit ou dix heures, mais sans le faire bouillir ; passez ensuite à la chausse ou au filtre de papier gris, et conservez ce vinaigre dans des bouteilles hermétiquement bouchées.

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1998-2010
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