Le grand dictionnaire de cuisine Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
Page précédente | Imprimer

Raisin


Depuis Noé, qui le premier planta et fit usage de la vigne, d'innombrables variétés de raisins se sont produites. Ces variétés seraient trop longues à énumérer ici ; aussi nous bornerons-nous à citer les principales, c'est-à-dire celles que l'on voit le plus ordinairement figurer sur nos tables.
Ce sont : le chasselas de Fontainebleau qui vient en première ligne, le gros Corinthe et le chasselas noir qui viennent après, et quelques muscats, tels que celui de Frontignan, le muscat hâtif du Piémont, celui de Rivesaltes, le rouge de corail, le gros muscat noir, le violet de Gascogne et le passe-musqué d'Italie. Il y a aussi le gros muscat long et violet de l'espèce de Madère, renommé pour sa beauté, son volume et sa bonté ; mais le meilleur de tous les muscats est celui qu'on a surnommé de l'Enfant-Jésus, d'après la belle grappe du tableau de Mignard ; malheureusement cet excellent fruit est devenu très rare.
Le raisin est, selon Gallien, le premier de tous les fruits d'automne, le plus nourrissant de tous ceux qui ne se gardent point et celui dont le suc est le moins malfaisant, lorsqu'il est parfaitement mûr. Tissot rapporte que des soldats attaqués de dysenteries rebelles, ayant été transportés dans une vigne, se rétablirent en peu de temps par l'usage des raisins qu'ils mangèrent en abondance. Richard Coeur-de-Lion, n'étant encore que duc de Guyenne, rassembla un jour les notables de son duché et fit rendre cet édit mémorable : « Quinconque prendra une grappe de raisin dans la vigne d'autrui payera cinq sous ou perdra une oreille. » Cet édit nous apprend qu'on estimait fort peu, en 1175, époque à laquelle fut rendu cet édit, une oreille de Gascon puisqu'elle ne valait que cinq sous. Elles ont considérablement renchéri depuis, et il n'y a pas aujourd'hui un seul Gascon, si petit qu'il soit, qui n'estime ses oreilles bien plus que toutes les vignes du monde, quoique aimant bien le raisin.
On croit généralement aussi que ce fut un grain de raisin qu'il ne put avaler qui causa la mort du joyeux chantre des festins, Anacréon, environ 437 ans avant Jésus-Christ. Il dut être content cependant, car on dit qu'il mourut à la suite d'un bon repas.
On a remarqué que certains gibiers, tels que le petit renard, le lièvre et quelques petits oiseaux, engraissaient considérablement en automne, et que leur chair devenait alors tendre, délicate et bonne à manger, mais, dès que les vendanges étaient faites, ils maigrissaient complètement et leur chair perdait le bon goût que lui avait donné le raisin.
Le séchage des raisins en les dépouillant de la plus grande partie de leur phlegme et en corrigeant l'acide qu'ils contiennent les rend plus nourrissants et leur donne en même temps une qualité adoucissante, très propre pour remédier aux âcretés de l'estomac et pour amollir le ventre ; aussi ceux qui ont l'estomac faible se trouvent-ils bien de mâcher, après le repas, deux ou trois grains de raisin sec avec les pépins ; cela contribue beaucoup à la coction des aliments.
On fait sécher les raisins au soleil ou au four ; par le premier procédé, ils conservent une grande douceur, tandis que le second leur communique une certaine âcreté ; les grands raisins secs dits de Damas proviennent de vignes à gros grains ou à grains gros et oblongs, et sont désignés suivant leur lieu de provenance : raisins secs de France, de Calabre, d'Espagne ou du Levant. Parmi les raisins d'Espagne, on distingue les raisins muscats, les raisins au soleil séchés sur cep au soleil, les raisins fleuris, les raisins Malaga et les raisins Lexias. Les meilleurs raisins secs de France proviennent du Languedoc et de la Provence, ce sont les jubis, les pcards, etc. En fait de raisins secs d'Italie, on vante ceux de la Calabre à cause de leur belle chair et de leur goût délicat ; ils viennent en masse dans le commerce attachés à des fils.
Les raisins secs à petits grains, dits raisins de Corinthe, proviennent d'une variété de vigne croissant surtout aux îles Ioniennes et en Grèce. La liqueur vineuse qu'on fabrique avec des raisins secs et du vin qu'on fait fermenter ensemble, déjà connue des anciens sous le nom de vinum passum, était une des boissons favorites des Romains.

Recette précédente | Recette suivante

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente