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Ragoûts


C'est par les ragoûts surtout que brillait l'ancienne cuisine française ; c'est par les ragoûts au contraire que pèchent toutes les cuisines et surtout la cuisine anglaise.
Jamais aucune autre cuisine que la nôtre n'atteindra à la hauteur de nos sauces piquantes, ni à la finesse de nos blanquettes et de nos poulettes.
Ainsi, faites le tour du monde, et vous ne trouverez pas un cuisinier, fût-il cordon rouge et cordon bleu, qui vous fasse une omelette comme la mère de famille qui prépare le dîner de son mari et de ses enfants.
Un mot d'abord sur les salpicons.
Les salpicons sont composés de toutes sortes de viandes et de légumes, comme ris de veau, truffes, champignons, fonds d'artichauts, etc. ; mais il faut, pour qu'ils soient bons, que les viandes que vous employez et que vous mettez dans une égale proportion soient cuites à part ainsi que les légumes, afin que ces ingrédients se trouvent d'égale cuisson selon leur qualité.

Salpicon ordinaire.
Il se compose de ris de veau, de foies gras ou demi-gras, de jambon, de champignons et de truffes si c'est la saison ; coupez cela en petits dés d'égale grosseur ; au moment de servir, ayez de l'espagnole bien réduite, la quantité qu'il vous faut pour vos chairs et vos légumes ; jetez-les dedans, mettez-les sur le feu ; remuez-les sans les laisser bouillir et servez.
On fait de même ce salpicon avec des quenelles ou du godiveau, des blancs de volailles cuites à la broche, des crêtes de coqs et des fonds d'artichauts ; cela dépend de ce que l'on a et de la saison où l'on se trouve.

Ragoût de ris de veau.
Faites dégorger un ou deux ris de veau ; quand ils ont rendu tout leur sang, faites-les blanchir, marquez-les dans une casserole avec une ou deux carottes, deux oignons, quelques parures de veau, un bouquet de persil et ciboules ; assaisonnez, mettez vos ris de veau dans la casserole, couvrez-les avec une petite barde de lard, mouillez avec une cuillerée ou deux de bouillon, qu'ils ne trempent pas entièrement, couvrez-les avec un rond de papier beurré, faites- les partir ; mettez-les ensuite sur le fourneau avec de la cendre chaude dessus et dessous ; veillez à ce qu'ils ne cuisent pas trop ; quand ils le seront à leur point, retirez-les de leur assaisonnement ; si vous n'avez pas de sauce, passez leur cuisson dans une casserole au travers d'un tamis. Au cas où vous voudriez les mettre au blanc, maniez un pain de beurre dans une pincée de farine et quelques champignons ; mettez le tout dans cette cuisson, laissez cuire, dégraissez ; joignez quelques fonds d'artichauts si vous voulez, et ayant coupé vos ris de veau en tranches, mettez-les dans cette sauce sans les laisser bouillir ; lorsque vous serez pour les servir, faites une liaison de deux jaunes d'oeufs, un peu de persil haché très fin, un jus de citron si vous n'avez pas de verjus. Voici la manière de les lier : d'abord cassez deux oeufs, ôtez-en les jaunes sans les rompre ni laisser ni blanc ni germe ; écrasez-les avec une cuiller, délayez-les avec un peu d'eau et du bouillon ; ensuite, quand votre ragoût sera bouillant, retirez-le au bord du fourneau, tenez la queue de votre casserole d'une main, et de l'autre versez doucement votre liaison dans votre ragoût en le remuant toujours, posez-le sur le feu, remuez-le encore, ne le laissez jamais bouillir, mettez-y sur-le-champ un petit morceau de beurre pour que votre sauce soit moelleuse, finissez-la avec un jus de citron ou un filet de verjus, qu'elle ne soit ni trop longue ni trop courte, et servez.

Ragoût de crêtes et de rognons coq en financière.
Quand vos crêtes auront été échaudées et cuites dans un blanc ainsi que les rognons, mettez dans une casserole la quantité convenable de velouté réduit si vous voulez votre ragoût au blanc, et d'espagnole réduite si vous le voulez au roux, en y ajoutant un peu de consommé au cas où votre sauce se trouverait trop lice ; faites mijoter vos crêtes un quart d'heure, joignez-y, un peu avant de servir vos rognons, quelques champignons tournés que vous aurez fait cuire, des fonds d'artichauts et des truffes selon votre volonté ; si votre ragoût est au blanc, liez-le comme il est indiqué à l'article Ragoût de ris de veau, et s'il est au roux, suivez le même procédé que celui énoncé au même article.

Ragoût de laitances de carpes.
Prenez vingt-quatre laitances, détachez-les des boyaux, jetez-les dans l'eau fraîche, laissez-les dégorger une demi-heure, changez-les d'eau et mettez-les sur le bord d'un fourneau, laissez-les dégorger jusqu'à ce qu'elles soient blanches ; prenez une autre casserole, faites-y bouillir de l'eau avec un peu de sel, égouttez vos laitances et jetez-les dans cette eau ; obtenez une ébullition, retirez-les du feu, ayez dans une casserole quatre cuillerées à dégraisser d'italienne blanche ou rousse, mettez-y vos laitances, faites-leur jeter encore un bouillon ou deux, dégraissez-les, finissez-les avec un jus de citron, et servez-les comme ragoût de laitances, soit dans une casserole d'argent, soit dans une caisse ou dans un vol-au-vent.

Ragoût de langues de carpes.
Faites dégorger un cent de langues de carpes, blanchissez-les comme les laitances de carpes ; la sauce de ces langues est la même que celle des laitances ; elles se finissent de même.

Ragoût de céleri. Recette du docteur Rocques.
Vous faites cuire du céleri haché comme la chicorée et les épinards, vous l'assaisonnez de poivre, de sel, de muscade ; vous le nourrissez de bon bouillon et vous le servez avec des croûtons dorés ; vous pouvez même, si vous êtes un peu friand, placer sur ce lit bien douillet quelques ortolans ou quelques filets de perdreaux rouges. Essayez de ce plat, chers confrères en gourmandise, et vous en serez peut-être satisfaits.

Ragoût de tomates farcies à la Grimod.
Après avoir ôté les pépins de vos tomates, vous les remplissez de chair à saucisses assaisonnée d'ail, de persil, de ciboules et d'estragon, puis vous les faites cuire dans une tourtière, sous un four de campagne.
Aujourd'hui on remplace volontiers la chair à saucisses par une bonne duxelle voir Duxelle et mie de pain dessus. Vous servez cet entremets dans la tourtière même, et vous l'arrosez de jus de citron.

Des truffes en général. Les classiques de la table, variétés, recettes d'élite.
La truffe tient le premier rang parmi les cryptogames : l'oronge, ce champignon des rois, Fungus Csareus, comme l'appelaient nos vieux botanistes, ne vient qu'après elle ; au lieu d'être indigeste, comme on l'a répété, elle favorise les fonctions de l'estomac, et doit sa faculté digestive à ses molécules légèrement excitantes, pourvu qu'on en use avec modération ; elle nourrit, restaure, réchauffe les tempéraments froids ; les viandes, les légumes, le poisson et les autres aliments, quels qu'ils soient, deviennent plus légers lorsqu'ils sont assaisonnés aux truffes. Il s'est trouvé pourtant quelques auteurs dont le palais n'a jamais pu apprendre à savourer ces délicieux tubercules, qui leur ont reproché de troubler la digestion, de causer l'insomnie, de disposer à l'apoplexie, aux maladies nerveuses. Nous avons consulté un assez grand nombre d'amateurs de truffes, les uns vieux, les autres jeunes ; ils ont tous, d'un commun accord, célébré son action bienfaisante. L'un d'eux, d'un âge moyen, homme très spirituel et d'un caractère aimable comme les vrais gastronomes, me disait il y a quelques jours :
« Quand je mange des truffes, je deviens plus vif, plus gai, plus dispos ; j'éprouve intérieurement, surtout dans mes veines, une chaleur douce, voluptueuse, qui ne tarde pas à se communiquer à ma tête ; mes idées sont plus nettes et plus faciles ; je fais, si cela me convient et sur-le-champ, des vers pour des poètes riches, je compose des discours pour quelques savants inquiets, pour des députés paresseux, puis je m'endors, ma digestion se fait sans trouble, mon sommeil est calme ; mais ce qu'on dit de certaine vertu des truffes est pour moi de l'histoire ancienne. »
Au reste, qui ne connaît la truffe et son incomparable parfum ? Est-il une production naturelle plus renommée chez les peuples anciens et modernes ? Les Romains l'aimaient avec passion et la demandaient à l'Afrique.
- Libyen, s'écrie Juvénal, dételle tes boeufs, garde tes moissons, mais envoie-nous tes truffes.
« La truffe règne aujourd'hui en souveraine, non plus dans les petits soupers, mais bien dans les banquets, dans les dîners ministériels. Elle remonte le ressort des organes, ranime le sang engourdi, donne du courage, de l'esprit même... Que de résistances vaincues, de doutes éclaircis par un excellent ragoût de truffes ! Qui pourrait résister au pouvoir de cette composition qui charme le goût, enivre l'odorat ? Hommage à la truffe du Périgord ! – Comme son arôme enchanteur caresse, flatte, réjouit les houppes nerveuses du palais ! Voyez-vous ce magistrat gourmand, savourant avec délices les molécules parfumées des truffes de Sarlat ? On dirait qu'il est assis à la table des dieux. Ses yeux brillants de plaisir expriment l'ineffable impression du gaster, et ce contentement intérieur, présage certain d'une heureuse digestion !
« Mais, nous dira quelqu'un, les médecins ont condamné l'usage des truffes. – Oui, mais ils ont aussi proscrit le thé, le café. Pour quelques hommes de mauvais goût et d'un esprit chagrin, que de friands, que de gourmets parmi les disciples d'Esculape ! Leurs noms se pressent depuis Barthez jusqu'à Broussais. Ici tout le monde est d'accord, tous les systèmes se modifient, et toutes les sectes, également friandes, se rapprochent. Bienfaisante gastronomie, voilà de tes miracles ! Tu persuades, tu inspires, et, lorsque tu le veux, les médecins, assis autour d'une table chargée de mets succulents, deviennent tous éclectiques !
« La truffe embellit tout ce qu'elle touche. – Sans parler des mets les plus fins, auxquels elle prête un nouveau charme, les substances les plus simples, les plus communes, imprégnées de son arôme, peuvent paraître avec succès sur les tables les plus délicates. »
Je suis du temps où les truffes ont été le plus à la mode ; les Bourbons de la branche aînée gouvernaient, disait-on, avec des truffes. Il y avait deux reines théâtrales qui reconnaissaient particulièrement l'influence de ces estimables tubercules ; c'étaient Mlle George et Mlle Mars.
Tous les soirs où ces dames jouaient, et surtout aux époques de leurs beaux succès, il y avait à souper chez elles pour quelques intimes ; elles rentraient avec les courtisans de la loge et trouvaient chez elles les courtisans de la maison.
Chez George, on mangeait toujours les truffes de la même façon.
Chez Mars, c'était l'affaire de son cuisinier, et il avait là-dessus carte blanche.
Mais chez Agrippine, la femme de toutes les sensualités, on ne faisait grâce à la truffe d'aucune des sensations qu'elle pouvait donner.
A peine rentrée, on apportait à George, dans une cuvette de la plus belle porcelaine, une eau parfumée avec laquelle elle se lavait les mains ; puis des truffes qui avaient déjà subi deux ou trois ablutions et autant de frottements, dans une assiette à part, une petite fourchette de vermeil et un petit couteau à manche de nacre et à lame d'acier.
Agrippine alors, de sa main moulée sur l'antique, de ses doigts de marbre aux ongles roses, commençait à éplucher, le plus adroitement du monde, le tubercule noir qui était un ornement pour sa main, puis elle coupait par feuillets minces comme du papier, versait dessus du poivre ordinaire, quelques atomes de poivre de Cayenne, les imprégnait d'huile blanche de Lucques ou d'huile verte d'Aix et passait le saladier à un de ses serviteurs qui retournait la salade préparée par elle.
Le reste du souper se composait, selon la saison, de rôti de gibier, d'une poularde de Bresse ou du Mans, ou d'une dinde fine de Bourges.
Puis venait la salade, dont ce souper n'était que le prologue.
On se ferait difficilement idée du parfum auquel atteignait la truffe, réduite à ce simple assaisonnement d'huile et de poivre.
On puisait à pleine fourchette dans le saladier, comme on eût fait pour une salade ordinaire.
Chez Mlle Mars, le service était beaucoup plus compliqué, mais il manquait à l'assaisonnement de la salade les beaux bras, les belles mains, les ongles roses et surtout l'abandon et le laisser-aller charmant d'Agrippine.

La plus antique recette de truffes que nous pouvons offrir à nos lecteurs est celle que nous trouvons dans Apicius.

Ragoût de truffes à l'Apicius.
Faites cuire d'abord vos truffes dans l'eau, embrochez-les, faites-leur faire cinq ou six tours devant le feu, arrosez-les avec de l'huile, du jus de citron, du chervis, du poivre et du miel ; lorsque la sauce sera bouillante, liez-la avec du vin et des oeufs.

Ragoût de truffes au vin Champagne.
Lavez plusieurs fois vos truffes dans l'eau tiède ; brossez-les et mettez-les dans une casserole foncée de bardes de lard, avec du sel, une feuille de laurier, une bouteille de vin de Champagne ; on couvre hermétiquement la casserole, on fait bouillir une demi-heure, et l'on sert les truffes sur une serviette.
M. le baron Thiry, gastronome distingué, veut qu'on substitue au champagne du vin de Collioure, et M. Bignon autre autorité, préfère le vin de Madère ou le Xérès ; comme on ne mange pas qu'une seule fois dans sa vie des truffes à la serviette, on peut essayer successivement de ces trois vins.
Mais lorsqu'on veut conserver aux truffes leur saveur naturelle et sans mélange, on les enveloppe une à une dans du papier beurré et on les fait cuire dans une passoire à la vapeur de l'eau bouillante.
A tous ces apprêts il est permis de préférer la truffe sous la cendre. Enveloppez de papier beurré, et les mangez au beurre d'Isigny.

Ragoût aux truffes.
Prenez une livre de truffes, suivant vos besoins ; si vous les achetez vous- même, prenez-les aussi rondes que possible ; serrez-les dans votre main : il faut, en les serrant moyennement, que l'on sente leur résistance, et qu'elles ne soient ni molles ni gluantes. Flairez-les pour juger de leur parfum ; si elles avaient un goût de fromage, rejetez-les.
Après vous être assuré de leur qualité, jetez-les dans l'eau fraîche ; celles qui surnagent sont inférieures à celles qui restent au fond ; ayez une petite brosse, brossez-les pour en extraire absolument la terre et rejetez-les dans un autre vase rempli d'eau claire et non chaude, vu qu'elles en perdraient leur parfum, rebrossez-les et, avec la pointe du couteau, ôtez-en la terre jusque dans les creux et les sinuosités ; s'il s'en trouve qui aient des brochettes, retirez-les : je parle ainsi parce qu'il arrive que les marchands osent en faire de grosses de plusieurs petites, en les joignant l'une à l'autre à la faveur de ces brochettes. Cela fait, lavez vos truffes encore à une troisième eau et même plus, vu qu'il faut que l'eau reste limpide.
On conserve ordinairement les plus belles pour servir sur la serviette ou en croustades ; les autres se coupent par tranches et en dés pour faire la sauce aux truffes, dont je vais parler.

Ragoût aux truffes et à l'espagnole.
Prenez une poignée de truffes, ou davantage si le cas le requiert ; coupez-les en lames ou en dés, comme il est dit à l'article précédent ; mettez-les dans une casserole sur un feu doux avec un morceau de beurre, faites-les suer, mouillez-les avec un demi-verre de vin blanc, deux cuillerées à dégraisser d'espagnole réduite ; faites-les aller sur un feu doux jusqu'à ce qu'elles soient cuites ; dégraissez votre sauce et finissez-la avec un petit morceau de beurre ; ayez soin de bien l'incorporer avec vos truffes, soit en les passant, soit en les remuant ; surtout n'y mettez point de citron, ce qui ôterait le velouté de votre sauce.


Ragoût aux truffes à l'italienne.
Emincez des truffes comme les précédentes, la quantité que vous jugerez nécessaire ; faites-les suer dans du beurre, comme il est énoncé précédemment ; mettez un peu d'échalotes et de persil hachés, du sel et du poivre ; mouillez avec un demi-verre de vin blanc et deux cuillerées à dégraisser d'espagnole ; faites bouillir votre sauce ; dégraissez, et finissez-la avec un filet d'excellente huile d'olive.

Ragoût aux truffes à la piémontaise.
Emincez vos truffes comme il est dit plus haut et mettez-y, au lieu de beurre, de l'huile ; joignez à cela un peu d'ail écrasé ; posez votre casserole sur une cendre chaude, afin que vos truffes ne fassent que frémir ; au bout d'un quart d'heure, assaisonnez-les de sel fin et d'un peu de gros poivre ; forcez-les un peu en jus de citron, et servez.

Ragoût aux truffes à la Périgueux.
Coupez des truffes en petits dés ; passez-les dans du beurre ; mettez-y deux ou trois cuillerées à dégraisser d'italienne rousse ou d'espagnole avec un peu de vin blanc, et finissez-les avec la moitié d'un pain de beurre de Vembre. Cette sauce se sert sur des perdreaux, des poulardes, des poulets et des dindes truffés.

Poudre friande.
Vous prenez parties égales de mousserons de morilles, de cèpes, de champignons de couche et de truffes.
Vous les coupez par fragments, et vous les faites sécher au soleil ou dans un four, vous pilez ensuite le tout dans un mortier, et vous le passez au tamis.
Cette poudre donnera aux aliments un parfum et un goût admirables, si vous la conservez dans un vase de porcelaine, ou dans un flacon de verre hermétiquement fermé ; on la mêle avec les champignons frais, avec les salmis de bécasses, de perdrix, de grives, de mauviettes, avec le turbot, la morue, la truite, enfin avec toutes sortes de ragoûts et de légumes.

Ragoût de truffes en pudding..
Epluchez deux livres de moyennes truffes, et les émincez en lames de deux lignes d'épaisseur ; sautez-les dans une casserole avec quatre onces de beurre tiède, une grande cuillerée de glace de volaille dissoute, un demi-verre de Madère sec, le sel nécessaire, une pincée de mignonnette et une pointe de muscade râpée.
Vous prenez un bol d'entremets, ayant à peu près quatre pouces de profondeur sur sept de diamètre ; vous le beurrez légèrement à l'intérieur, vous le foncez de pâte brisée, et vous y placez des truffes avec leur assaisonnement. Vous humectez ensuite le tour de la pâte, et vous la couvrez d'une abaisse ronde dont vous soudez parfaitement les bords, afin que le parfum des truffes ne s'évapore point à l'ébullition ; puis vous enveloppez le bol dans une serviette, vous le liez avec une ficelle, et vous le placez dans une marmite d'eau bouillante. Après une heure et demie d'ébullition, le pudding est cuit. Au moment de servir vous l'égouttez, vous en détachez la serviette et vous le disposez sur le plat d'entremets.
Les truffes mises dans du lait hâtent la coagulation et lui communiquent leur parfum.
On peut de cette manière obtenir des fromages aux truffes.

Ragoût de champignons à la Cussy.
Prenez des champignons d'une texture ferme, lavez, brossez et pelez des truffes noires, saines et d'une moyenne grosseur, coupez les champignons ainsi que les truffes par tranches épaisses comme des feuilles de carton. Ajoutez-y un peu d'ail haché très menu, mettez le tout dans une casserole avec un morceau de beurre fin, proportionné à la quantité de vos cornichons, faites sauter à grand feu, et lorsque le beurre sera fondu, exprimez-y le jus de vos deux citrons, ajoutez ensuite sel, gros poivre, muscade râpée, quatre cuillerées à bouche de grande espagnole, et autant de sauce réduite ; faites cuire votre ragoût et, au moment de l'ébullition, ajoutez un verre de vin de Sauternes ou de Xérès, continuez la cuisson pendant vingt minutes et servez.

Ragoût de truffes blanches et noires à la Rossini.
Vous émincez finement des truffes blanches du Piémont, vous mettez ensuite dans votre saladier de l'huile d'Aix, de la moutarde fine, du vinaigre, un jus de citron, du poivre et du sel, vous battez ces ingrédients jusqu'à parfaite combinaison, et vous y mêlez vos truffes.
On peut servir de même nos truffes noires en ajoutant à cet assaisonnement deux jaunes d'oeufs et une pointe d'ail, afin de leur donner le goût et le moelleux des truffes blanches du Piémont.

Ragoût de truffes au fromage de parmesan.
Faites mariner vos truffes dans l'huile, coupez-les par lames très minces et disposez un lit de ces truffes émincées sur un plat d'argent avec de l'huile, du sel, du gros poivre et du fromage de parmesan râpé ; après avoir fait ainsi plusieurs couches, mettez le plat sur la cendre chaude et sous le four de campagne ; un quart d'heure suffit pour la cuisson.

Ragoût de mousserons.
C'était le plat favori de ce directeur sybarite à qui nous devons Bonaparte et le 13 vendémiaire. Il occupait deux ou trois individus à lui chercher des mousserons parfumés des Bouches-du-Rhône et de l'Isère.
Voici comment Barras avait l'habitude de se faire servir ce plat de prédilection.
Lavez, égouttez les mousserons, passez-les au beurre ou avec du lard fondu, un bouquet garni, sel et poivre ; mouillez avec du jus de veau ou du bouillon réduit à moitié ; laissez mitonner à petit feu, dégraissez et liez le ragoût, avec du jus blond, ou à défaut avec du beurre manié de farine.

Ragoût de navets.
Epluchez des navets, et coupez-les proprement ; faites-leur faire un bouillon dans l'eau, laissez-les égoutter, faites un roux dans une casserole avec du beurre et une demi-cuillerée de sucre en poudre ; passez-y les navets jusqu'à ce qu'ils aient pris une belle couleur ; mouillez avec du jus ou du bouillon, assaisonnez avec stil, gros poivre et un bouquet garni.

Ragoût de morilles.
La morille est une sorte de champignon et s'accommode de même ; prenez des morilles proportionnellement au ragoût que vous voulez faire, épluchez-en les queues pour en ôter la terre, fendez les grosses en deux ou trois, lavez-les, mettez-les dans un vase avec de l'eau tiède pour qu'elles dégorgent et que le sable qu'elles sont sujettes à retenir tombe au fond du vase ; retirez-les de cette eau, faites-les blanchir, égouttez-les, mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre ; passez-les, mouillez-les avec de la sauce rousse, si elles sont au roux ; blanche, si elles sont au blanc, comme il est énoncé pour les ragoûts de champignons ; et finissez de même.

Ragoût de chicorée au brun.
Ayez douze chicorées, épluchez-les, ôtez-en tout le vert, lavez ces chicorées dans plusieurs eaux, en les tenant par la racine et en les plongeant à plusieurs reprises ; prenez garde qu'il n'y reste des vers de terre, qui souvent y séjournent, égouttez-les, faites-les blanchir à grande eau où vous aurez mis une poignée de sel ; elles seront suffisamment blanchies lorsqu'en pressant les feuilles entre vos doigts elles s'écraseront facilement ; alors retirez-les avec une écumoire, mettez-les rafraîchir dans un seau d'eau fraîche, égouttez-les, pressez-les entre vos mains, de manière qu'il reste le moins d'eau possible ; supprimez-en les racines et les plus gros cotons, hachez cette chicorée, mettez-la dans une casserole avec un morceau de beurre, passez-la sur un feu doux, environ un quart d'heure pour la bien dessécher mouillez-la avec deux cuillerées d'espagnole et une de consommé ; faites-la cuire une heure au moins, en la remuant continuellement avec une cuiller de bois, de crainte qu'elle ne s'attache et ne brûle ; quand elle sera réduite à son point, mettez-y du sel et servez.

Ragoût de chicorée au blanc.
Employez pour ce ragoût le même procédé énoncé ci-dessus, excepté qu'il faut employer en moindre quantité du velouté, au lieu d'espagnole ; ce ragoût de chicorée se finit avec une chopine de crème ou du lait réduit, que vous y versez petit à petit, un peu de muscade râpée et du sel, la quantité convenable.

Autre manière.
Pour faire le ragoût de chicorée au blanc n'ayant point de velouté, passez-la dans le beurre ; quand elle est assez desséchée, singez-la légèrement, délayez- la avec du bouillon, mettez-y le sel convenable, faites-le cuire et réduire, finissez-la comme la précédente avec de la crème ou du bon lait, et un peu de muscade râpée, c'est-à-dire une bonne béchamel. voir@i Béchamel

Manière de remplacer la chicorée dans la saison où elle manque et lorsque on n'en a pas conservé.
Prenez le coeur d'un ou deux choux dont vous aurez ôté le vert, flairez-les ; s'ils sentent le musc, prenez-en d'autres, coupez-les par quartier, ôtez-en les trognons et les plus grosses côtes ; émincez-les avec votre couteau le plus fin possible, jetez-les dans l'eau, lavez-les bien, retirez-les dans une passoire ; faites-le blanchir comme la chicorée, mais un peu plus de temps ; rafraîchissez-les, pressez-les, hachez-les comme la chicorée, et pour leur accommodage c'est le même procédé.

Ragoût d'épinards.
Ayez des épinards ce qu'il vous en faut, ôtez-en les queues, et ceux qui ne sont pas bien verts ou qui sont tachés, lavez-les plusieurs fois à grande eau, faites- les blanchir au grand bouillant, dans beaucoup d'eau où vous aurez mis une poignée de sel ; ayez soin de les remuer et de les écumer ; prenez garde que l'eau ne s'en aille par-dessus les bords du chaudron, ce qui ferait voler de la cendre dans vos épinards, leur donnerait un mauvais goût et les ferait croquer. Pour juger s'ils sont assez blanchis, pressez-en entre deux doigts ; s'ils s'écrasent facilement, ils le sont assez ; dès lors retirez-les du feu, jetez-les dans une passoire, ensuite dans une assez grande quantité d'eau fraîche pour les rafraîchir sur-le-champ ; laissez-les rafraîchir deux heures, jetez-les de nouveau dans une passoire ; après mettez-les en pelote, sans pour cela les trop presser ; hachez-en ce dont vous aurez besoin, mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre suffisant pour les nourrir ; passez-les sur un feu vif, remuez-les avec une cuiller de bois ; quand ils seront assez desséchés et d'un beau vert, mouillez-les avec de l'espagnole ; s'ils sont pour entrée, faites- les réduire à consistance d'une forte bouillie, mettez-y un peu de muscade râpée ; et, pour les finir, un pain de beurre ; remuez-les bien, puis servez.

Ragoût de haricots à la bretonne.
Prenez des haricots de Soissons, secs ou verts, il n'importe ; épluchez et lavez- en un litre, mettez-les dans une marmite, à l'eau froide, avec un morceau de beurre sans sel, et durant leur cuisson versez-y à plusieurs reprises un peu d'eau fraîche, ce qui les empêchera de bouillir et les rendra plus moelleux ; quand ils seront cuits, égouttez-les, mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre, une cuillerée ou deux de purée d'oignons au brun comme elle est énoncée à son article et d'espagnole, assaisonnez-les d'un peu de gros poivre et de sel ; sautez-les souvent et finissez-les avec un pain de beurre.

Ragoût de haricots au jus.
Mettez dans une casserole vos haricots cuits, comme il est dit ci-dessus avec un morceau de beurre, deux cuillerées d'espagnole, une cuillerée de jus de boeuf, du sel, du gros poivre, et finissez-les aussi avec un pain de beurre.

Ragoût aux concombres.
Coupez l'extrémité de trois concombres. Evitez d'en prendre d'amers, ôtez-leur la pelure, coupez-les en quatre et supprimez-en les pépins, coupez ces concombres en écailles d'huîtres, parez-les arrondissez-les, tâchez que les morceaux soient égaux, faites-les blanchir dans de l'eau avec un peu de sel, assurez-vous s'ils sont cuits, mettez dans une casserole trois ou quatre cuillerées à dégraisser de velouté ; ajoutez-y vos concombres ; faites-les cuire et réduire, dégraissez-les ; goûtez s'ils sont d'un bon sel ; finissez de les lier avec un morceau de beurre ; mettez-y un peu de muscade râpée et servez.

Ragoût de concombres au brun.
Préparez vos concombres comme ci-dessus, mettez dans une casserole quatre cuillerées à dégraisser pleines d'espagnole réduite, grasse ou maigre ; ajoutez- y vos concombres ; dégraissez et faites réduire ; mettez-y gros comme le pouce de glace ; finissez-les avec un petit morceau de beurre et servez.

Ragoût de à la chipolata.
Mettez dans une casserole deux cuillerées à pot d'espagnole réduite, une demi- bouteille de vin de Madère, des champignons tournés, de petits oignons cuits à blanc, des marrons préparés comme pour les terrines, des petites saucisses à la chipolata, que vous aurez fait cuire dans du bouillon, des truffes coupées en quartiers et un peu de gros poivre, faites réduire votre ragoût, dégraissez-le et servez-vous-en.

Ragoût de pois au lard.
Prenez lard ou jambon, une demi-livre ou plus, si le cas le requiert ; coupez-le en gros dés, faites-le blanchir ; mettez du beurre dans une casserole, faites-y revenir votre lard ou votre jambon ; qu'il soit d'une belle couleur ; ayez un litre de pois très fins ; mettez-les dans un vase avec gros de beurre comme une noix ; maniez-les avec la main, versez de l'eau dessus, laissez-les dans l'eau un demi-quart d'heure pour que leur peau s'attendrisse ; égouttez-les dans une passoire, mettez-les dans une casserole, et faites-les suer : lorsqu'ils seront bien verts, mouillez-les avec une cuillerée à pot d'espagnole, ajoutez-y votre petit lard ou votre jambon, un bouquet de persil et ciboules, faites-les partir, retirez-les sur le bord du fourneau, laissez-les mijoter et réduire. Votre ragoût étant bien cuit, dégraissez-le, goûtez s'il est d'un bon sel ; s'il se trouvait trop salé, mettez-y un peu de sucre, du sucre toujours, enlevez l'âcreté et servez.

Ragoût au godiveau.
Mettez de l'espagnole dans une casserole, la quantité que vous croirez nécessaire pour votre ragoût, ajoutez-y la quantité convenable d'andouillettes de godiveau, mettez-y des champignons préparés comme il est dit aux garnitures, et quelques fonds d'artichauts coupés en quatre ou en huit morceaux, faites achever de cuire, dégraissez, faites réduire, ajoutez le jus d'un citron ou un filet de verjus et servez-vous-en soit pour garnir une tourte ou un pâté chaud, ou tout autre ragoût. Gorges de ris de veau coupés en dés.

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© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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