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Maigre


On a donné le nom d'aliments maigres à ceux dont il est permis d'user pendant les jours de jeûne, en opposition des aliments gras dont l'usage est interdit pendant cette période.
Plusieurs personnes ont prétendu que l'abstinence de la viande était incompatible avec la santé ; c'est une erreur ; et il a été prouvé que ce régime n'avait rien de contraire à la nature de nos corps, pourvu toutefois qu'on apporte quelque attention dans le choix des aliments que l'on désire manger et qu'on n'en pervertisse point la qualité par l'abus des assaisonnements, qui très souvent est la cause de la mauvaise influence des aliments maigres sur l'organisme humain.
C'est une erreur aussi de prétendre que l'usage des aliments maigres est plus salutaire que celui de la viande, parce qu'ils se digèrent mieux et sont plus nourrissants, qu'ils engraissent et fortifient davantage ; qu'ils produisent un sang plus gras, plus laiteux, plus abondant, et donnent par conséquent plus d'embonpoint ; mais tout cela dépend du plus ou moins de fermeté ou de faiblesse des estomacs. A ce point de vue, l'aliment le plus parfait sera celui dont les parties auront plus de disposition à se tourner en notre substance : non en cette substance superflue qui ne tend souvent qu'à grossir inutilement le volume du corps, et qui, loin d'augmenter ou d'entretenir les forces, ne sert qu'à les accabler, mais en cette humeur balsamique qui fait le soutien de la vie et d'où les sucs qui nous composent tirent toute leur vertu.
Un aliment, pour être propre à réparer en nous le baume de la vie, ne doit être ni trop solide ni trop aqueux : s'il est trop solide, il ne saurait fournir aux dissolvants de notre corps des parties assez souples pour pouvoir être mises en oeuvre ; s'il est trop aqueux, il n'en saurait donner qui aient assez de consistance pour recevoir les impressions nécessaires.
Il ne doit pas non plus avoir des principes trop actifs, autrement il agit lui- même sur les principes qui le doivent changer ; il ne passe en notre nature qu'après l'avoir considérablement altérée.
Quoi qu'il en soit, il ne peut exister aucun rapport entre le régime maigre et la maigreur du corps, et la preuve, c'est que l'on voit des hommes très décharnés dévorer beaucoup de viande sans acquérir de l'embonpoint, tandis que les femmes molles et langoureuses subsistent grasses malgré la nourriture végétale la plus légère, ce qui vient à l'appui de ce que nous disions plus haut, que les aliments maigres amènent presque toujours, quand les effets n'en sont pas combattus par une vie agitée et affairée, une obésité précoce et gênante.
On ne nie point cependant que la plupart des aliments maigres, et surtout le poisson, ne soient de bons aliments, mais il ne s'ensuit pas de là qu'ils soient meilleurs que la viande et qu'ils nourrissent davantage : le savant Nonnius, qui a fait un traité exprès pour justifier le poisson, convient pourtant que la viande est l'aliment le plus sain et celui qui produit le meilleur sang, parce que, dit-il, elle a plus de rapports avec les principes de notre corps, et que les principes qui la composent sont plus analogues aux nôtres ; les hommes, ajoute-t-il, n'ont abandonné les herbes et les fruits, que parce qu'ils ont trouvé par expérience que la chair des animaux les soutenait davantage.
Quant aux aliments dont il est permis d'user aux repas de collation les jours de jeûne, il y en a tant et ils changent tellement, suivant les climats et les habitudes, que nous ne saurions les indiquer tous ici, et l'Eglise accorde si facilement des dispenses, que nous y renvoyons nos lecteurs gourmands.
Dans le département de la Seine, l'usage du beurre, du laitage et de ses produits était généralement interdit :
« - Vous ne laisserez servir devant moi, disait Louis XVIII, en 1815, vous ne laisserez servir, pour les collations et les déjeuners de carême, au château, ni chairs, ni poissons, ni résidus de chair ou de poisson, ni oeufs, ni lait, ni beurre, ni fromage mou, cuit ou fondu, monsieur le contrôleur, et du reste on nous fera manger tout ce qu'on voudra. »
Mais aujourd'hui, l'archevêque de Paris a bien voulu autoriser l'usage du laitage et des oeufs pour les repas de carême, et c'est devenu une très grande ressource pour les pauvres gens, qui n'ayant pas les moyens de s'offrir du poisson très cher pendant tout le carême, se voyaient forcés de manger gras, et par cela même se trouvaient menacés de la colère du ciel.
Il est une autre décision qui s'applique à l'abstinence ou continence des breuvages. On nous l'a donnée comme provenant de la Grande-Pénitencerie romaine ; nous la reproduisons ici :
« Pour ce qui tient à l'abstinence de boire, afin de ne point rompre son jeûne, on n'y saurait être obligé que pour le jeûne sacramentel en bonne santé, pourvu néanmoins que le malaise enduré par suite de l'altération puisse occasionner une préoccupation qui gêne consécutivement durant plus de dix minutes. C'est à cette règle d'hygiène à déterminer cette relâche pénitentielle. Il n'est permis d'user alors que de boissons purement désaltérantes et nullement nourrissantes, à raison de ce qu'il ne s'agit que de se préserver d'une inflammation d'intérieur. L'emploi du sucre ou du miel est tolérable pour cet effet, mais non celui du vin ou du lait, de la cervoise ou bière, et autres boissons fermentées, sinon dans tous les cas d'incommodités sérieuses, où nulle abstinence n'est de précepte, ainsi qu'il est assez connu. »

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