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Bière


La bière est une des boissons les plus anciennes et les plus répandues ; les Egyptiens passent pour l'avoir connue les premiers.
C'est certainement après le vin la meilleure liqueur fermentée, elle est infiniment plus répandue que ce dernier et se fabrique dans tout l'univers.
On la prépare avec de l'orge germée et séchée, du houblon sans lequel la liqueur s'altérerait promptement et de l'eau ; dans quelques pays, on la fait avec du froment, ou du seigle, ou du maïs ou bien encore du millet, mais la plus estimée est celle qui est préparée avec de l'orge qu'on a fait germer pour y développer un principe sucré, et torréfier afin de lui donner de l'amertume et de la couleur. Plus on fait bouillir la bière et plus elle se conserve ; le houblon, qui y entre pour une grande partie, la rend par son amertume plus savoureuse et l'empêche de s'aigrir.
Nous avons dit qu'il fallait employer de l'orge germée ; trois conditions sont nécessaires pour que la germination ait lieu : de l'humidité, une certaine température et la présence de l'air. Pour cela, on fait tremper une certaine quantité d'orge dans un grand bassin en pierre ou en bois dans lequel on a mis de l'eau suffisamment pour recouvrir entièrement l'orge qu'on veut faire tremper jusqu'à ce que les grains s'écrasent entre les doigts. On renouvelle deux ou trois fois l'eau du bassin pendant le cours de l'opération qui dure environ quarante heures, et quand les grains sont arrivés au point convenable de gonflement, on soutire l'eau et on en passe une dernière pour les laver ; on laisse égoutter les grains qui lentement continuent à se gonfler, et au bout de huit heures en été et de quinze en hiver on retire l'orge que l'on réunit en tas dans lesquels il se développe bientôt de la chaleur et on voit peu de temps après de petits points blancs se former à l'extrémité du grain, ce qui dénote la germination ; on remue ce tas de temps en temps pour bien exposer toutes les parties à l'air, puis lorsque le grain est bien sec on le met dans un endroit également sec, où il se trouve exposé à une température suffisante pour le torréfier légèrement ; on passe ensuite l'orge dans des cribles pour en séparer tous les germes desséchés et on la broie ensuite sous des meules de façon à obtenir une espèce de farine que l'on place dans des cuves en bois faites exprès, on fait arriver dans ces cuves de l'eau chaude à 40 en remuant bien toute la masse afin que l'orge se mêle avec l'eau, puis on laisse reposer un peu et on ajoute encore de l'eau plus chaude, de façon à faire monter la chaleur à 50 , on continue d'agiter, on jette à la surface une certaine quantité de farine de malt très fine, on couvre bien la cuve et on abandonne la liqueur à elle- même pendant quelques heures, puis on la retire et on la verse dans une chaudière en y jetant du houblon à mesure que le moût de bière y arrive, on porte ainsi la liqueur jusqu'à l'ébullition, puis on la fait refroidir dans des bacs en prenant bien soin que le moût ne s'aigrisse pas, et pour cela nous conseillons de faire passer la liqueur dans un appareil où elle se trouve refroidie à mesure par un courant d'eau froide qui circule dans une double enveloppe en sens inverse du moût, ce qui le fait refroidir très promptement et l'empêche de s'aigrir.
Le moût de bière abaissé à une température convenable, on y ajoute de la levure ; bientôt une fermentation s'y développe plus ou moins rapidement, selon la température ; alors on soutire la bière dans les tonneaux où la fermentation s'achève après qu'une écume épaisse formée par la levure s'est déversée au dehors ; arrivée à ce point, il suffit pour que la bière puisse être bue, de la clarifier avec de la colle de poisson et de la tirer en bouteilles.
Les bières les plus estimées aujourd'hui à Paris, sont celles du Nord, de Lyon, de Strasbourg, et depuis l'exposition, la fameuse bière de Vienne, fabriquée par M. Dreher.
Nous citerons aussi le porter de Londres, l'ale d'Edimbourg, la bière rouge d'Amsterdam et de Rotterdam, la bière brune de Cologne, le faro de Bruxelles, la bière de Louvain, celle de Morlaix, etc.
La bière est une boisson qui demande à être tirée avec beaucoup de soins ; il ne faut pas manquer de bien rincer chaque fois les bouteilles, de n'employer que des bouchons neufs, de coucher les bouteilles au bout de trois jours et de les laisser ainsi sept à huit jours, moyennant cela, votre bière se conservera longtemps.
Dans tout le nord de l'Europe, on fait avec la bière une soupe très substantielle et plus saine que la plupart des aliments usités chez les paysans, et tout le monde sait que le potage indigène et national de la Russie est cette fameuse soupe à la bière que Carême, alors qu'il était maître d'hôtel de l'empereur Alexandre, lui fit servir à tous les repas, lors de son séjour à Paris.
Voir pour ce potage l'article : Soupe à la bière à la berlinoise.
La bière, suivant le grain qu'on a employé pour la faire et le degré de fermentation où elle est arrivée, est plus ou moins bonne à la santé. La bière est en général nourrissante et rafraîchissante, mais elle cause quelquefois des viscosités, de la difficulté de respirer, des obstructions et des embarras dans les reins ; au reste cela dépend des tempéraments et beaucoup de personnes qui font un usage fréquent de la bière, s'en trouvent très bien.
Finissons par une petite anecdote qui nous a été racontée par un ennemi acharné de la bière.
Un malheureux condamné à mort se sent sur l'échafaud saisi d'une soif terrible et demande de quoi se rafraîchir. On lui présente alors un verre de bière qu'il repousse en disant :
- Non, pas de bière, elle engendre la gravelle !... Avis aux condamnés à mort qui ont soif.

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