Henri III et sa cour Vous êtes ici : Accueil > Accueil > Bibliothèque
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Scène 3

                              SCENE III
La duchesse de Guise, Arthur.

                              Arthur.
J'attends vos ordres.

                              La duchesse de Guise.
Bien ; mais je ne sais plus ce que j'avais à t'ordonner. Je suis distraite, préoccupée... Que tu es bizarre, avec ton fanatisme pour ce jeune vicomte de Joyeuse !

                              Arthur.
Joyeuse ?... Non... Saint-Mégrin.

                              La duchesse de Guise.
Ah ! oui,... c'est vrai ; mais que trouves-tu de si extraordinaire en ce jeune homme ? Moi, je cherche en vain.

                              Arthur.
Vous ne l'avez donc pas vu courir la bague avec le roi ?
                              La duchesse de Guise.
Si.

                              Arthur.
Et qui donc pourriez-vous lui comparer pour l'adresse ? S'il monte à cheval, c'est toujours le cheval le plus fougueux qui est le sien ; s'il se bat moins souvent que les autres, c'est que l'on connaît sa force, et qu'on hésite à lui chercher querelle.
Le roi seul, peut-être, pourrait se défendre contre lui. Tous nos jeunes seigneurs de la cour lui portent envie, et cependant la coupe de leur pourpoint et de leur manteau est toujours réglée sur celle des siens.

                              La duchesse de Guise.
Oui, oui, c'est vrai... Il est homme de bon goût ; mais madame de Cossé parlait de sa froideur pour les dames, et tu ne voudrais pas prendre pour modèle un chevalier qui ne les aimât pas.
          
                              Arthur.
La dame de Sauve est là pour témoigner du contraire.

                              La duchesse de Guise, vivement.
La dame de Sauve !... On dit qu'il ne l'a jamais aimée.

                              Arthur.
S'il ne l'aime plus, il en aime certainement une autre.

                              La duchesse de Guise.
T'aurait-il choisi pour son confident ?... Il ne ferait pas preuve de prudence, en le prenant si jeune...

                              Arthur.
Si j'étais son confident, ma belle cousine, on me tuerait plutôt que de m'arracher son secret... Mais il ne m'a rien confié... J'ai vu.

                              La duchesse de Guise.
Tu as vu... quoi ?... qu'as-tu vu ?

                              Arthur.
Vous vous rappelez le jour où le roi invita toute la cour à visiter les lions qu'il avait fait venir de Tunis, et qu'on avait placés au Louvre avec ceux qu'il y nourrit déjà ?...

                              La duchesse de Guise.
Oh ! oui... Leur aspect seul m'a effrayée, quoique je les visse d'une galerie élevée de dix pieds au-dessus d'eux.

                              Arthur.
Eh bien, à peine en étions-nous sortis, que leur gardien poussa un cri ; je rentrai : M. de Saint-Mégrin venait de s'élancer dans l'enceinte des animaux pour y ramasser un bouquet qu'y avait laissé tomber une dame...

                              La duchesse de Guise.
Le malheureux ! ce bouquet était le mien.

                              Arthur.
Le vôtre, ma belle cousine ?

                              La duchesse de Guise.
Ai-je dit le mien ?... Oui, le mien, ou celui de madame de Sauve... Vous savez qu'il a éperdument aimé madame de Sauve... Le fou !... Et que faisait-il de ce bouquet ?

                              Arthur.
Oh ! il l'appuyait avec passion sur sa bouche, il le pressait contre son coeur... Le gardien ouvrit une porte, et le fit sortir presque de force... Il riait comme un insensé, lui jetait de l'argent ; puis il m'aperçut, cacha le bouquet dans sa poitrine, s'élança sur un cheval qui l'attendait dans la cour du Louvre, et disparut.

                              La duchesse de Guise.
Est-ce tout ?... est-ce tout ?... Oh ! encore, encore !... parle-moi encore de lui !

                              Arthur
Et depuis, je l'ai vu, il...

                              La duchesse de Guise.
Silence, enfant !... M. le duc... Reste près de moi, Arthur ; ne me quitte pas que je ne te l'ordonne...

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