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Scène 6

                              SCENE VI

                              Adèle, seule.
D'où vient que je suis presque contente de ce retard ? Oh ! c'est qu'à mesure que je me rapproche de mon mari, il me semble entendre sa voix, voir sa figure sévère... Que lui dirai-je pour motiver ma fuite ?... Que je craignais d'en aimer un autre... ? Cette crainte seule, aux yeux de la société, aux siens, est presque un crime... Si je lui disais que le seul désir de le voir ?... Ah ! ce serait le tromper... Peut-être suis-je partie trop tôt, et le danger n'était-il pas aussi grand que je le croyais... Oh ! avant de le revoir, lui, je n'étais pas heureuse, mais du moins j'étais calme ;... chaque lendemain ressemblait à la veille... Dieu ! pourquoi cette agitation, ce trouble... quand je vois tant de femmes... ? Oh ! c'est qu'elles ne sont point aimées par Antony... L'amour banal de tout autre homme m'eût fait sourire de pitié... Mais son amour à lui, son amour... Ah ! être aimée ainsi et pouvoir l'avouer à Dieu et au monde ;... être la religion, l'idole, la vie d'un homme comme lui.... si supérieur aux autres hommes ;... lui rendre tout le bonheur que je lui devrais, et puis des jours nombreux qui passeraient comme des heures... Ah ! voilà pourtant ce qu'un préjugé m'a enlevé !... voilà cette société juste qui punit en nous une faute que ni l'un ni l'autre de nous n'a commise... Et, en échange, que m'a-t-elle donné ? Ah ! c'est à faire douter de la bonté céleste !... Dieu ! qu'ai-je entendu ? Du bruit dans cette chambre... C'est un étranger, un homme que je ne connais pas qui l'habite,... cette chambre... Elle se précipite vers la porte, qu'elle ferme au verrou. Et j'avais oublié... Cette chambre est sombre... Pourquoi donc tremblé-je comme cela ?... Elle sonne. Des chevaux ! des chevaux ! au nom du ciel !... Je meurs ici !... A la porte de l'escalier. Quelqu'un ! madame !...

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