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Chapitre XXVIII


Le matin du neuvième jour, toute la maison fut réveillée par une bruyante symphonie qui venait de la première cour ; je m'habillai à la hâte, et courus sur le balcon. Je vis une bande de musiciens qui précédaient une longue file de paysans, portant sur leurs épaules, les deux premiers, un chevreau et un bélier aux pieds et aux cornes dorés, les autres des agneaux et des brebis qui devaient composer le troupeau de l'épouse. Après eux venaient douze domestiques portant sur leurs têtes de grandes corbeilles couvertes, remplies d'étoffes, d'ornements, de bijoux et de paras (52) monnayés. Enfin, le cortège était terminé par les hommes et les femmes qui, à compter de ce jour, étaient au service de la mariée.

Les portes leur furent aussitôt ouvertes par Constantin et Fortunato ; ils passèrent de cette première cour dans la seconde, et de la seconde dans le pavillon, où ils déposèrent devant Stéphana les présents que lui envoyait son fiancé. Un instant après, lui même arriva avec sa famille. On fit entrer les femmes chez Stéphana ; les hommes restèrent ensemble. Une heure après, on vint nous dire que nous pouvions passer chez la fiancée ; elle nous attendait, assise sur un sofa, dans les salles basses où je n'étais pas encore entré, et qui correspondaient, avec plus d'élégance, à celles des appartements de Constantin.

Ce temps avait été employé à parer la mariée, et, il faut le dire à l'honneur des futures femmes de chambre de Stéphana, elles avaient fait tout ce qu'elles avaient pu pour dérober, sous des ornements étrangers, la beauté de leur maîtresse. La première chose qui me frappa, dans cette singulière toilette, fut une coiffure à trois étages assez semblable aux chapeaux chinois de notre musique militaire, dont les cheveux étaient le fond, et dont du papier doré, des sequins et des fleurs formaient les ornements ; en outre, les joues étaient couvertes de blanc et de vermillon, et les mains chargées de bagues, peintes longitudinalement de raies rouges et bleues.

Au reste, je ne me livrai à cet examen qu'après avoir regardé jusque dans les moindres recoins de la chambre, et plongé ma vue dans tous les groupes de femmes, pour y chercher Fatinitza ; mais, ne la voyant point, je pensai qu'elle était elle-même à sa toilette, et je m'occupai de celle de sa sœur. Je n'étais pas encore revenu de l'impression qu'elle avait produite sur moi, lorsque je vis descendre Fatinitza.

Elle n'avait point de masque : contre l'usage, aucun ornement étranger ne cachait un seul trait de sa ravissante figure, et elle n'avait ni blanc ni rouge. Oh ! comme je la remerciai, dans mon cœur, de s'être montrée à moi, pour la première fois, telle que la nature l'avait faite, et de ne m'avoir point donné la peine de la chercher elle-même sous la parure bizarre qui défigurait la plupart des femmes présentes ! Elle jeta sur tout le monde un regard rapide qui s'arrêta un instant sur moi, et aucune parole n'aurait pu me dire tout ce que me dit ce regard.

Elle tenait de chaque main une poignée de fils d'or de différentes grandeurs, mais dont chacun avait son pareil. Elle présenta ceux de la main droite aux hommes, et ceux de la main gauche aux femmes. Chacun en tira un. Les deux fils pareils devaient, pendant tout le temps de la noce, réunir un jeune homme à une jeune fille ; puis, la cérémonie terminée, le cavalier devait rendre le fil d'or à sa dame. Si celle-ci avait, pendant ce court intervalle, éprouvé quelque sympathie pour le partenaire que le hasard lui avait donné, elle faisait un nœud qui liait un de ces fils à l'autre, et elle les déposait tous deux devant l'image de la Vierge, dans l'espérance que cette source de tout amour lierait au ciel ce qui était déjà lié sur la terre, c'est-à-dire ces deux existences, dont les deux fils d'or étaient l'emblème.

Quand vint mon tour de tirer au hasard, Fatinitza ne me laissa pas le temps de choisir : elle me présenta un fil que je me hâtai de prendre ; puis, chacun ayant son fil, le mesura, cherchant le fil pareil : il va sans dire que le hasard fut d'accord avec mon amour, et que le mien se trouva de la même longueur que celui de Fatinitza. Alors la plus jeune des compagnes de Stéphana prit un plat d'argent et commença une quête comme celle qui se fait dans les églises catholiques, et qui est destinée au frais du culte ou aux indigents de la ville. Cette quête est au bénéfice de la mariée, et chacun, depuis le plus riche jusqu'au plus pauvre, y concourt pour quelque chose.

Il va sans dire que je mis, pour mon compte, tout ce que j'avais sur moi. Quand chacun eut présenté son offrande, la jeune fille alla déposer le plat d'argent aux pieds de Fatinitza. Dans les familles indigentes, cette offrande est souvent la seule dot de la fiancée ; dans les familles riches, elle sert à faire un don à la Panagie. Comme cette formalité s'achevait, le papas (53) entra avec trois enfants de chœur, dont celui du milieu portait un livre, et les deux autres des cierges. C'était un beau vieillard grec, à la figure d'apôtre, au costume antique splendide, avec une longue barbe blanche où se cachaient ses lèvres. Il fit le tour de l'assemblée, recevant des hommages et rendant des bénédictions ; puis il alla prendre la fiancée sur le sofa où elle était assise, et la conduisit par la main à son père. Arrivée devant lui, elle se mit à genoux, et celui-ci, étendant la main au-dessus de sa tête, lui dit :

– Je te bénis, ma fille ; sois bonne épouse et bonne mère, comme le fut celle à qui tu dois la vie, afin que tu donnes la vie, à ton tour, à des filles qui soient, plus tard, ce que tu as été.

Puis, l'ayant relevée, il l'embrassa.

Alors, le papas conduisit Stéphana au milieu de la salle, le visage tourné vers l'orient ; Christo vint l'y rejoindre, et se plaça près d'elle ; puis, à la droite de Christo, se mit son frère, et, à gauche de la future, Fatinitza ; les deux enfants aux cierges allumés formèrent aussitôt les extrémités de la ligne. Fortunato présenta enfin, sur un plat d'argent, deux anneaux d'or au papas, qui les bénit, fit avec eux le signe de la croix sur la figure de chacun des époux, et dit à haute voix ces paroles, qu'il répéta trois fois :

– Christo Panayoti, serviteur de Dieu, est fiancé à Stéphana, servante de Dieu.

Puis ces autres paroles, qu'il répéta trois fois aussi.

– Stéphana, servante de Dieu, est fiancée à Christo Panayoti, serviteur de Dieu. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Alors il mit un anneau au petit doigt de chacun des époux.

La cérémonie des fiançailles était terminée, celle du mariage commença.

Les deux époux se prirent chacun par le petit doigt de la main droite, Christo regardant l'orient, et Stéphana l'occident ; tous les assistants se mirent à genoux, et le papas récita les prières, qu'il lut dans le livre, que l'enfant de chœur ouvrit devant lui et soutint sur sa poitrine ; puis il prit deux couronnes, une de chaque main, et, croisant les bras, il les posa alternativement sur le front des époux, à trois reprises différentes, et disant chaque fois :

– Christo Panayoti, serviteur de Dieu, est couronné avec Stéphana, servante de Dieu. Au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit.

Alors il remit les couronnes, l'une au frère de Christo, l'autre à Fatinitza, qui les soutinrent au dessus de la tête des époux pendant tout le reste de la cérémonie ; puis il lut à haute voix l'évangile qui commence par ces mots :

« Dans ce temps-là, des noces eurent lieu à Cana, en Galilée... »

Enfin, L'évangile terminé, il présenta, à trois reprises, du vin à l'époux et à l'épouse, et, tandis qu'ils buvaient, les assistants entonnèrent un cantique qui commençait par ces paroles :

« Je boirai le vin du salut, et j'invoquerai le nom du Seigneur... »

Les chants terminés, le papas prit la main de l'époux, celui-ci prit la main de sa femme, et tous trois, suivis du frère de Christo et de Fatinitza, qui tenaient toujours les couronnes, firent trois fois le tour de la salle tandis que les assistants chantaient en chœur :

« Isaïe, réjouissez-vous, la Vierge a conçu dans son sein et a enfanté le fils d'Emmanuel, qui est Dieu et homme à la fois, et qui a pour nom Orient. »

à la fin du troisième tour, le prêtre s'arrêta et, faisant face à la mariée, il termina la cérémonie en prononçant ces paroles :

– Et vous, ô épouse ! croissez ainsi que Sara, et réjouissez-vous autant que Rébecca.

Il prit alors de nouveau la mariée par la main, et la conduisit à la place qu'elle occupait sur le sofa au moment où il était entré. Au bout d'un instant, on vint avertir que tout était prêt pour mener la mariée chez son époux ; et chaque femme, la mariée elle-même, remit son voile.

Un cheval attendait Stéphana à la porte ; elle monta dessus et un enfant monta en croupe derrière elle ; aussitôt les musiciens prirent la tête du cortège ; quelques jeunes filles pauvres du village, parmi lesquelles je reconnus ma petite Grecque, à la robe de soie, marchèrent après eux en dansant ; puis vinrent des espèces de jongleurs qui chantaient, avec force grimaces et contorsions, des chansons qui faisaient bruyamment rire les hommes, et qui, sans doute, eussent fait rougir les femmes, si elles n'eussent eu le visage voilé. Derrière les jongleurs suivait la mariée, à cheval et accompagnée de ses amies ; à une petite distance, les hommes venaient tous ensemble conduits par Constantin et Fortunato, tout à fait remis de sa blessure.

Nous arrivâmes ainsi à la maison du marié, l'une des plus belles de Zéa. La porte était ornée de guirlandes, et, sur le seuil, jonché de fleurs, brûlaient des parfums comme à l'entrée d'une maison antique. C'était à peu près la même disposition que chez Constantin, excepté qu'au lieu des valets armés de celui-ci, c'était la troupe plus pacifique des commis de Christo Panayoti qui logeait dans la chambre basse. Nous traversâmes cette espèce de portique ; puis nous entrâmes dans une seconde cour, où nous attendaient tous les pauvres de la ville, qui devaient manger jusqu'à la dernière miette des débris de notre festin. Alors, nous passâmes dans une seconde salle basse ; au-dessus de laquelle était le gynaeceum, et, enfin, nous entrâmes dans le jardin, où tout était préparé pour le dîner.

La salle du festin était un long berceau de branches d'arbres, formant une tente assez basse, attendu qu'il n'y avait pas de table, mais un grand tapis étendu. Sur ce tapis était servi un dîner splendide et tout fait homérique, où figuraient deux moutons entiers ; la ligne du milieu, qui était réservée aux viandes était, en outre, flanquée de deux autres lignes chargées de pâtisseries. Les femmes s'assirent les premières, les jambes croisées sous elles, à la manière turque, et tenant leurs fils d'or à la main ; les jeunes gens, qui avaient attaché le leur à un bouton de leur veste, le détachèrent à leur tour, pour prouver le droit qu'ils avaient de prendre leurs places en face de leurs partenaires, et s'assirent dans la même posture, qui n'était pas sans inconvénient pour moi ; mais tout fut oublié, quand je me trouvai en face de Fatinitza.

Le dîner se passa bruyamment, au milieu d'une musique assourdissante et de chants profanes et sacrés, entremêlés de la manière la plus naïve et la plus grotesque. Il dura plusieurs heures, pendant lesquelles je ne pus guère échanger que quelques paroles avec Fatinitza, mais où je pus m'enivrer du plaisir de la voir.

Après le dessert, où les vins de Chypre et de Samos avaient porté la gaieté à leur comble, on se leva et les danses commencèrent.

Mon fil d'or me donnait le droit d'être le cavalier de Fatinitza ; mais, hélas ! quoique dansant fort convenablement la gigue, j'ignorais complètement les figures des danses grecques. Je fus donc forcé de refuser, disant à Fatinitza que je me mettais cependant à sa disposition, et qu'elle pouvait me sacrifier, si tel était son bon plaisir. Mais Fatinitza eut la magnanimité de refuser mon dévouement ; c'était la plus grande preuve d'amour qu'elle pût me donner. Une femme qui aime ne veut jamais que celui qu'elle aime soit ridicule.

à mon défaut, elle invita Fortunato. Autre preuve encore de son amour : elle ne voulait pas me rendre jaloux et dansait avec son frère.

Cette danse, au reste, était curieuse par son caractère d'ancienneté, car c'était la même que les anciens appelaient la grue et qui avait été faite en l'honneur de Thésée, vainqueur du Minotaure : les danseurs sont sept jeunes garçons et sept jeunes filles. Ceux qui conduisent la danse représentent Thésée et Ariane ; un mouchoir brodé, que présente la danseuse à son cavalier, tient lieu du peloton de fil qu'Ariane donna à Thésée à l'entrée du labyrinthe, et les figures, qui sont fort compliquées, indiquent les tours et les détours que formait l'inextricable invention de Dédale. Je ne regrettais, de tout cela, que le mouchoir donné par Fatinitza à Fortunato, et qui fût devenu ma propriété, si je n'avais pas été si ignorant en chorégraphie.

Cette danse fut suivie de plusieurs autres ; mais Fatinitza, prétextant la fatigue que lui avait causée la première, ne dansa plus et alla s'asseoir près de sa sœur, jusqu'au moment où la musique donna le signal de se retirer. Les femmes, alors, s'emparèrent de la mariée, et la conduisirent au thalame ; c'était, comme chez les anciens, dans la plus belle chambre de la maison que le lit nuptial était exposé, entre deux énormes cierges bénits qui devaient brûler toute la nuit. Avant que la mariée y entrât, et tandis qu'elle demeurait sur le seuil avec ses jeunes amies, une espèce de sacristain aspergea d'eau bénite toutes les parties de la salle, afin d'en chasser les mauvais esprits ; puis, cette cérémonie achevée, et certaine qu'il ne pouvait plus y rester que des génies bienfaisants, Stéphana entra avec sa sœur et sa meilleure amie. Un quart d'heure après, les deux jeunes filles sortirent seules, et, à son tour, le mari fut conduit par les jeunes gens à une porte dérobée, légèrement fermée en dedans, et qu'il fut obligé de forcer pour entrer. Chez ce peuple, à la fois primitif et prodigue d'images, tout est symbole.

La cérémonie était terminée, et nous nous retirâmes, mais cette fois sans suivre d'ordre, et les jeunes gens donnant le bras aux jeunes filles, qui avaient remis leurs voiles ; mon fil d'or me donnait droit à celui de Fatinitza, et je la sentis enfin se reposer sur moi, quoique avec autant de légèreté qu'un oiseau qui effleure de l'aile le bout d'une branche. Qui pourrait savoir ce que nous dîmes ? pas un mot de notre amour et toutes paroles d'amour. Il y a quelque chose de virginal et de mystérieux dans l'épanchement de deux jeunes cœurs qui aiment pour la première fois. Nous parlâmes du ciel, des étoiles, de la nuit, et, arrivant à la porte de Constantin, chacun de nous savait, moi, que j'étais l'homme le plus heureux ; elle, qu'elle était la femme la plus aimée.

Le lendemain, tout cela était évanoui comme un rêve ; car nous n'avions aucune occasion ni aucun moyen de nous revoir. Deux ou trois jours se passèrent, où je vécus de souvenirs ; puis, ce temps écoulé, je me trouvai autant de douleur au fond de l'âme que j'avais eu de joie. Pendant tout un jour encore, je cherchai les moyens d'écrire à Fatinitza, ou plutôt de lui faire parvenir ma lettre. Je n'en trouvai aucun ; je crus que je deviendrais fou.

Le lendemain matin, la colombe vint voltiger sur ma fenêtre. Je bondis de joie, ma messagère était trouvée. J'ouvris la jalousie ; l'oiseau de Vénus entra aussitôt, comme s'il eût su ce que j'attendais de lui. J'écrivis sur un carré de papier :

« Je vous aime, et je meurs, si je ne vous revois. Ce soir, de huit à neuf heures, je ferai le tour du jardin, et resterai assis à l'angle oriental. Au nom du ciel, une réponse, un mot, un signe, qui me prouve que vous avez pitié de moi. »

Puis j'attachai le billet sous l'aile de l'oiseau, qui reprit son vol vers la fenêtre de sa maîtresse, et disparut sous la jalousie. Le cœur me bondissait comme à un enfant. Toute la journée, j'éprouvai des frémissements soudains, puis des terreurs inouïes de m'être trompé à tout ce que, de la part de Fatinitza, j'avais pris pour des preuves d'amour. Je n'osai pas aller dîner avec Constantin et Fortunato : quelque chose me criait en moi-même que je faisais un pas vers le mal, et que je trahissais la sainte hospitalité. Le soir vint. Je sortis une heure avant le moment que j'avais indiqué. Je pris le chemin opposé à celui qui conduisait au mur du jardin ; puis, après un long détour, je revins m'asseoir à l'angle oriental.

Neuf heures sonnèrent ; au dernier coup de la cloche, un bouquet tomba à mes pieds. Fatinitza avait deviné que je devais déjà être au rendez-vous. Je me précipitai sur le bouquet. Ce n'était pas une réponse ; mais qu'importe ! c'était un message. Tout à coup, je me souvins qu'en Orient les fleurs parlaient, et qu'un bouquet équivalait parfois à une lettre, et s'appelait alors salam, ce qui veut dire salut. Le bouquet de Fatinitza était composé de primevères et d'œillets blancs. Il me sembla que les fleurs que j'avais toujours préférées étaient les œillets blancs et les primevères ; mais, hélas ! je ne savais pas ce qu'elles voulaient dire.

Je les baisai cent fois et les mis sur mon cœur. Certes, Fatinitza avait oublié que j'étais d'un pays où les fleurs n'ont que des noms, des parfums à peine, et pas de langage. Elle avait voulu me répondre ; et voilà que je ne savais pas ce qu'elle avait voulu me dire, et qu'à personne, de peur d'être indiscret, je n'osais le demander. Je rentrai dans ma chambre ; je m'y enfermai comme fait un avare qui va compter son trésor ; puis, tirant le bouquet de ma poitrine, je le dénouai, espérant y trouver un billet. Le billet était dans les fleurs elles-mêmes ; je n'y trouvai rien.

Tout à coup, je songeai à ma petite Grecque : toute pauvre et à demi folle qu'elle était, elle devait connaître cette langue mystérieuse et parfumée. Le lendemain, je saurais ce que Fatinitza avait voulu me dire. Je me jetai sur mon divan, le bouquet dans ma main, ma main sur mon cœur, et je fis des rêves d'or. Au point du jour, je me réveillai, et je descendis dans la ville. Les habitants étaient éveillés à peine, et les rues étaient désertes. J'allai dix fois d'un bout à l'autre de ces malheureuses rues ; enfin j'aperçus celle que je cherchais. Elle vint à moi en courant et en sautant de joie ; car, chaque fois que je la rencontrais, je lui donnais quelque chose.

Cette fois, je lui donnai un sequin et je lui fis signe de me suivre ; puis, lorsque nous fûmes arrivés à un endroit désert, je tirai le bouquet de ma poitrine en lui demandant ce que ce bouquet voulait dire. La primevère signifiait espérance, et l'œillet blanc fidélité. Je lui donnai un second sequin, et remontai à la maison tout joyeux, après lui avoir recommandé de m'attendre au même endroit et à la même heure, le lendemain matin.

(52) Monnaie turque.

(53) Prêtre grec.

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