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Chapitre LXI
Ulysse et Circé

A peine le roi était-il, comme nous l'avons vu, sur l'avis du valet de pied, sorti de la salle à manger pour venir rejoindre le cardinal Ruffo dans son appartement, que, comme s'il eût été le seul et unique lien qui retînt entre eux les convives agités d'émotions diverses, chacun s'empressa de regagner son appartement. Le capitaine de Cesare ramena chez elles les vieilles princesses, désespérées de voir qu'après avoir été forcées de fuir de Paris et Rome, devant la Révolution, elles allaient probablement être forcées de fuir Naples, poursuivies toujours par le même ennemi.

La reine prévint sir William qu'après les nouvelles que venait de rapporter son mari, elle avait trop besoin d'une amie pour ne pas garder chez elle sa chère Emma Lyonna. Acton fit appeler son secrétaire Richard pour lui confier le soin de découvrir pour quoi ou pour qui le roi était rentré dans ses appartements. Le duc d'Ascoli, réinstallé dans ses fonctions de chambellan, suivit le roi, avec son habit couvert de plaques et de cordons, pour lui demander s'il n'avait pas besoin de ses services. Le prince de Castelcicala demanda sa voiture et ses chevaux, pressé d'aller à Naples veiller à sa sûreté et à celle de ses amis, cruellement compromises par le triomphe des jacobins français, que devait naturellement suivre le triomphe des jacobins napolitains. Sir William Hamilton remonta chez lui pour rédiger une dépêche à son gouvernement, et Nelson, la tête basse et le cœur préoccupé d'une sombre pensée, regagna sa chambre, que, par une délicate attention, la reine avait eu le soin de choisir pas trop éloignée de celle qu'elle réservait à Emma les nuits où elle la retenait près d'elle, quand toutefois, pendant ces nuits-là, une même chambre et un lit unique ne réunissaient pas les deux amies.

Nelson, lui aussi, comme sir William Hamilton, avait à écrire, mais à écrire une lettre, non point une dépêche. Il n'était point commandant en chef dans la Méditerranée, mais placé sous les ordres de l'amiral lord comte de Saint-Vincent, infériorité qui ne lui était pas trop sensible, l'amiral le traitant plus en ami qu'en inférieur, et la dernière victoire de Nelson l'ayant grandi au niveau des plus hautes réputations de la marine anglaise.

Cette intimité entre Nelson et son commandant en chef est constatée par la correspondance de Nelson avec le comte de Saint-Vincent, qui se trouve dans le tome V de ses Lettres et Dépêches, publiées à Londres, et ceux de nos lecteurs qui aiment à consulter les pièces originales pourront recourir à celles de ces lettres écrites par le vainqueur d'Aboukir, du 22 septembre, époque à laquelle s'ouvre ce récit, au 9 décembre, époque à laquelle nous sommes arrivés. Ils y verront, racontées dans tous leurs détails, les irrésistibles progrès de cette passion insensée que lui inspira lady Hamilton, passion qui devait lui faire oublier le soin de ses devoirs comme amiral, et, comme homme, le soin plus précieux encore de son honneur. Ces lettres, qui peignent le désordre de son esprit et la passion de son cœur, seraient son excuse devant la postérité, si la postérité qui, depuis deux mille ans, a condamné l'amant de Cléopâtre, pouvait revenir sur son jugement.

Aussitôt rentré dans sa chambre, Nelson, profondément préoccupé d'une catastrophe qui allait jeter un grand trouble non-seulement dans les affaires du royaume, mais probablement dans celles de son cœur, en portant l'amirauté anglaise à prendre de nouvelles dispositions relativement à sa flotte de la Méditerranée, Nelson alla droit à son bureau, et, sous l'impression du récit qu'avait fait le roi, si les paroles échappées à la bouche de Ferdinand peuvent s'appeler un récit, il commença la lettre suivante :

à l'amiral lord comte de Saint-Vincent.

« Mon cher lord,

» Les choses ont bien changé de face depuis ma dernière lettre datée de Livourne, et j'ai bien peur que Sa Majesté le roi des Deux-Siciles ne soit sur le point de perdre un de ses royaumes et peut-être tous les deux.

» Le général Mack, ainsi que je m'en étais douté et que je crois même vous l'avoir dit, n'était qu'un fanfaron qui a gagné sa réputation de grand général je ne sais où, mais pas, certes, sur les champs de bataille ; il est vrai qu'il avait sous ses ordres une triste armée ; mais qui va se douter que soixante mille hommes iront se faire battre par dix mille !

» Les officiers napolitains n'avaient que peu de chose à perdre, mais tout ce qu'ils avaient à perdre, ils l'ont perdu . »

Nelson en était là de sa lettre, et, on le voit, le vainqueur d'Aboukir traitait assez durement les vaincus de Civita-Castellana. Peut-être, en effet, avait-il le droit d'être exigeant en matière de courage, ce rude marin qui, enfant, demandait ce que c'était que la peur et ne l'avait jamais connue, tout en laissant à chaque combat auquel il assistait un lambeau de sa chair, de sorte que la balle qui le tua à Trafalgar ne tua plus que la moitié de lui-même et les débris vivants d'un héros. Nelson, disons-nous, en était là de sa lettre, lorsqu'il entendit derrière lui un bruit pareil à celui que ferait le battement des ailes d'un papillon ou d'un sylphe attardé, sautant de fleur en fleur.

Il se retourna et aperçut lady Hamilton.

Il jeta un cri de joie.

Mais Emma Lyonna, avec un charmant sourire, approcha un doigt de sa bouche, et, riante et gracieuse comme la statue du silence heureux (on le sait, il y a plusieurs silences), elle lui fit signe de se taire.

Puis, s'avançant jusqu'à son fauteuil, elle se pencha sur le dossier et dit à demi-voix :

– Suivez-moi, Horace ; notre chère reine vous attend et veut vous parler avant de revoir son mari.

Nelson poussa un soupir en songeant que quelques mots venus de Londres, en changeant sa destination, pouvaient l'éloigner de cette magicienne, dont chaque geste, chaque mot, chaque caresse était une nouvelle chaîne ajoutée à celles dont il était déjà lié ; il se souleva péniblement de son siège, en proie à ce vertige qu'il éprouvait toujours lorsque, après un moment d'absence, il revoyait cette éblouissante beauté.

– Conduisez-moi, lui dit-il ; vous savez que je ne vois plus rien dès que je vous vois.

Emma détacha l'écharpe de gaze qu'elle avait enroulée autour de sa tête et dont elle s'était fait une coiffure et un voile, comme on en voit dans les miniatures d'Isabey, et, lui jetant une de ses extrémités qu'il saisit au vol et porta fiévreusement à ses lèvres :

– Venez, mon cher Thésée, lui dit-elle, voici le fil du labyrinthe, dussiez-vous m'abandonner comme une autre Ariane. Seulement, je vous préviens que, si ce malheur m'arrive, je ne me laisserai consoler par personne, fût-ce par un dieu !

Elle marcha la première, Nelson la suivit ; elle l'eût conduit en enfer, qu'il y fût descendu avec elle.

– Tenez, ma bien-aimée reine, dit Emma, je vous amène celui qui est à la fois mon roi et mon esclave, le voici.

La reine était assise sur un sofa dans le boudoir qui séparait la chambre d'Emma Lyonna de sa chambre ; une flamme mal éteinte brillait dans ses yeux ; cette fois, c'était celle de la colère.

– Venez ici, Nelson, mon défenseur, dit-elle, et asseyez-vous près de moi ; j'ai véritablement besoin que la vue et le contact d'un héros me console de notre abaissement... L'avez-vous vu, continua-t-elle en secouant dédaigneusement la tête de haut en bas, l'avez-vous vu, ce bouffon couronné se faisant le messager de sa propre honte ? L'avez-vous entendu raillant lui-même sa propre lâcheté ? Ah ! Nelson, Nelson, il est triste, quand on est reine orgueilleuse et femme vaillante, d'avoir pour époux un roi qui ne sait tenir ni le sceptre ni l'épée !

Elle attira Nelson près d'elle ; Emma s'assit à terre sur des coussins et couvrit de son regard magnétique, tout en jouant avec ses croix et ses rubans, – comme Amy Robsart avec le collier de Leicester, – celui qu'elle avait mission de fasciner.

– Le fait est, madame, dit Nelson, que le roi est un grand philosophe.

La reine regarda Nelson en contractant ses beaux sourcils.

– Est-ce sérieusement que vous décorez du nom de philosophie, dit-elle, cet oubli de toute dignité ? Qu'il n'ait pas le génie d'un roi, ayant été élevé en lazzarone, cela se conçoit, le génie est un mets dont le ciel est avare ; mais n'avoir pas le cœur d'un homme ! En vérité, Nelson, c'était d'Ascoli qui, ce soir, avait, non-seulement l'habit, mais le cœur d'un roi ; le roi n'était que le laquais de d'Ascoli, et quand on pense que, si ces jacobins dont il a si grand'peur l'avaient pris, il l'eût laissé pendre sans dire une parole pour le sauver !... être à la fois la fille de Marie-Thérèse et la femme de Ferdinand, c'est, vous en conviendrez, une de ces fantaisies du hasard qui feraient douter de la Providence.

– Bon ! dit Emma, ne vaut-il pas mieux que cela soit ainsi, et ne voyez-vous pas que c'est un miracle de la Providence, que d'avoir fait tout à la fois de vous un roi et une reine ! Mieux vaut être Sémiramis qu'Artémise, élisabeth que Marie de Médicis.

– Oh ! s'écria la reine sans écouter Emma, si j'étais homme, si je portais une épée !

– Elle ne vaudrait jamais mieux que celle-là, dit Emma en jouant avec celle de Nelson, et, du moment que celle-là vous protège, il n'est pas besoin d'une autre, Dieu merci !

Nelson posa sa main sur la tête d'Emma et la regarda avec l'expression d'un amour infini.

– Hélas ! chère Emma, lui dit-il, Dieu sait que les paroles que je vais prononcer me brisent le cœur en s'en échappant ; mais croyez-vous que j'eusse soupiré tout à l'heure en vous voyant à l'heure où je m'y attendais le moins, si je n'avais pas, moi aussi, mes terreurs ?

– Vous ? demanda Emma.

– Oh ! je devine ce qu'il veut dire, s'écria la reine en portant son mouchoir à ses yeux ; oh ! je pleure, oui, c'est vrai, mais ce sont des larmes de rage...

– Oui ; mais, moi, je ne devine pas, dit Emma, et ce que je ne devine pas, il faut qu'on me l'explique. Nelson, qu'entendez-vous par vos terreurs ? Parlez, je le veux !

Et, lui jetant un bras autour du cou et se soulevant gracieusement à l'aide de ce bras, elle baisa son front mutilé.

– Emma, lui dit Nelson, croyez bien que, si ce front qui rayonne d'orgueil sous vos lèvres, ne rayonne pas en même temps de joie, c'est que j'entrevois dans un prochain avenir une grande douleur.

– Moi, je n'en connais qu'une au monde, dit lady Hamilton, ce serait d'être séparée de vous.

– Vous voyez bien que vous avez deviné, Emma.

– Nous séparer ! s'écria la jeune femme avec une expression de terreur admirablement jouée ; et qui pourrait nous séparer maintenant ?

– Oh ! mon Dieu ! les ordres de l'Amirauté, un caprice de M. Pitt ; ne peut-on pas m'envoyer prendre la Martinique et la Trinité, comme on m'a envoyé à Calvi, à Ténériffe, à Aboukir ? à Calvi, j'ai laissé un œil ; à Ténériffe, un bras ; à Aboukir, la peau de mon front. Si l'on m'envoie à la Martinique ou à la Trinité, je demande à y laisser la tête et que tout soit fini.

– Mais, si vous receviez un ordre comme celui-là, vous n'obéiriez pas, je l'espère ?

– Comment ferais-je, chère Emma ?

– Vous obéiriez à l'ordre de me quitter ?

– Emma ! Emma ! ne voyez-vous pas que vous vous mettez entre mon devoir et mon amour... C'est faire de moi un traître ou un désespéré.

– Eh bien, répliqua Emma, j'admets que vous ne puissiez pas dire à Sa Majesté George III : « Sire, je ne veux pas quitter Naples, parce que j'aime comme un fou la femme de votre ambassadeur, qui, de son côté, m'aime à en perdre la tête ; » mais vous pouvez bien lui dire : « Mon roi, je ne veux pas quitter une reine dont je suis le seul soutien, le seul appui, le seul défenseur ; vous vous devez protection entre têtes couronnées et vous répondez les uns des autres à Dieu qui vous a faits ses élus ; » et si vous ne lui dites point cela parce qu'un sujet ne parle pas ainsi à son roi, sir William, qui a sur un frère de lait des droits que vous n'avez pas, sir William peut le lui dire.

– Nelson, dit la reine, peut-être suis-je bien égoïste, mais, si vous ne nous protégez pas, nous sommes perdus, et, lorsqu'on vous présente la question sous ce jour d'un trône à maintenir, d'un royaume à protéger, ne trouvez-vous pas qu'elle s'agrandit au point qu'un homme de cœur comme vous risque quelque chose pour nous sauver ?

– Vous avez raison, madame, répondit Nelson, je ne voyais que mon amour ; ce n'est pas étonnant : cet amour, c'est l'étoile polaire de mon cœur. Votre Majesté me rend bien heureux en me montrant un dévouement où je ne voyais qu'une passion. Cette nuit même, j'écrirai à mon ami lord Saint-Vincent, ou plutôt j'achèverai la lettre déjà commencée pour lui. Je le prierai, je le supplierai de me laisser, mieux encore, de m'attacher à votre service ; il comprendra cela, il écrira à l'amirauté.

– Et, dit Emma, sir William, de son côté, écrira directement au roi et à M. Pitt.

– Comprenez-vous, Nelson, continua la reine, combien nous avons besoin de vous et quels immenses services vous pouvez nous rendre ! Nous allons être, selon toute probabilité, forcés de quitter Naples, de nous exiler.

– Croyez-vous donc les choses si désespérées, madame ?

La reine secoua la tête avec un triste sourire.

– Il me semble, continua Nelson, que, si le roi voulait...

– Ce serait un malheur qu'il voulût, Nelson, un malheur pour moi, je m'entends. Les Napolitains me détestent ; c'est une race jalouse de tout talent, de toute beauté, de tout courage ; toujours courbés sous le joug allemand, français ou espagnol, ils appellent étrangers et haïssent et calomnient tout ce qui n'est pas Napolitain ; ils haïssent Acton parce qu'il est né en France ; ils haïssent Emma parce qu'elle est née en Angleterre ; ils me haïssent, moi, parce que je suis née en Autriche. Supposez que, par un effort de courage dont le roi n'est point capable, on rallie les débris de l'armée et que l'on arrête les Français dans le défilé des Abruzzes, les jacobins de Naples laissés à eux-mêmes profitent de l'absence des troupes et se soulèvent, et alors les horreurs de la France en 1792 et 1793 se renouvellent ici. Qui vous dit qu'ils ne nous traiteront pas, moi, comme Marie-Antoinette, et, Emma, comme la princesse de Lamballe ? Le roi s'en tirera toujours, grâce à ses lazzaroni qui l'adorent ; il a pour lui l'égide de la nationalité ; mais Acton, mais Emma, mais moi, cher Nelson, nous sommes perdus. Maintenant, n'est-ce point un grand rôle que celui qui vous est réservé par la Providence, si vous arrivez à faire pour moi ce que Mirabeau, ce que M. de Bouillé, ce que le roi de Suède, ce que Barnave, ce que M. de la Fayette, ce que mes deux frères, enfin, deux empereurs n'ont pu faire pour la reine de France ?

– Ce serait une gloire trop grande, et à laquelle je n'aspire pas, madame, dit Nelson, une gloire éternelle.

– Puis n'avez-vous point à faire valoir ceci, Nelson, que c'est par notre dévouement à l'Angleterre que nous sommes compromis ? Si, fidèle aux traités avec la République, le gouvernement des Deux-Siciles ne vous avait point permis de prendre de l'eau, des vivres, de réparer vos avaries à Syracuse, vous étiez forcé d'aller vous ravitailler à Gibraltar et vous ne trouviez plus la flotte française à Aboukir.

– C'est vrai, madame, et c'était moi qui étais perdu alors ; un procès infamant m'était réservé à la place d'un triomphe. Comment dire : « J'avais les yeux fixés sur Naples, » quand mon devoir était de regarder du côté de Tunis ?

– Enfin, n'est-ce point à propos des fêtes que, dans notre enthousiasme pour vous, nous vous avons données, que cette guerre a éclaté ? Non, Nelson, le sort du royaume des Deux-Siciles est lié à vous, et vous êtes lié, vous, au sort de ses souverains. On dira dans l'avenir : « Ils étaient abandonnés de tous, de leurs alliés, de leurs amis, de leurs parents ; ils avaient le monde contre eux, ils eurent Nelson pour eux, Nelson les sauva. »

Et, dans le geste que fit la reine en prononçant ces paroles, elle étendit la main vers Nelson ; Nelson saisit cette main, mit un genou en terre et la baisa.

– Madame, dit Nelson se laissant aller à l'enthousiasme de la flatterie de la reine, Votre Majesté me promet une chose ?

– Vous avez le droit de tout demander à ceux qui vous devront tout.

– Eh bien, je vous demande votre parole royale, madame, que, du jour où vous quitterez Naples, ce sera le vaisseau de Nelson, et nul autre, qui conduira en Sicile votre personne sacrée.

– Oh ! ceci, je vous le jure, Nelson, et j'ajoute que, là où je serai, ma seule, mon unique, mon éternelle amie, ma chère Emma Lyonna sera avec moi.

Et, d'un mouvement plus passionné peut-être que ne le permettait cette amitié, toute grande qu'elle était, la reine prit la tête d'Emma entre ses deux mains, l'approcha vivement de ses lèvres et la baisa sur les deux yeux.

– Ma parole vous est engagée, madame, dit Nelson. à partir de ce moment, vos amis sont mes amis et vos ennemis mes ennemis, et, dussé-je me perdre en vous sauvant, je vous sauverai.

– Oh ! s'écria Emma, tu es bien le chevalier des rois et le champion des trônes ! tu es bien tel que j'avais rêvé l'homme auquel je devais donner tout mon amour et tout mon cœur !

Et, cette fois, ce ne fut plus sur le front cicatrisé du héros, mais sur les lèvres frémissantes de l'amant que la moderne Circé appliqua ses lèvres.

En ce moment, on gratta doucement à la porte.

– Entrez là, chers amis de mon cœur, dit la reine en leur montrant la chambre d'Emma ; c'est Acton qui vient me rendre une réponse.

Nelson, enivré de louanges, d'amour, d'orgueil, entraîna Emma dans cette chambre à l'atmosphère parfumée, dont la porte sembla se refermer d'elle-même sur eux.

En une seconde, le visage de la reine changea d'expression, comme si elle eût mis ou ôté un masque ; son œil s'endurcit, et, d'une voix brève, elle prononça ce seul mot :

– Entrez.

C'était Acton, en effet.

– Eh bien, demanda-t-elle, qui attendait Sa Majesté ?

– Le cardinal Ruffo, répondit Acton.

– Vous ne savez rien de ce qu'ils ont dit ?

– Non, madame ; mais je sais ce qu'ils ont fait.

– Qu'ont-ils fait ?

– Ils ont envoyé chercher Ferrari.

– Je m'en doutais. Raison de plus, Acton, pour ce que vous savez.

– à la première occasion, ce sera fait. Votre Majesté n'a pas autre chose à m'ordonner ?

– Non répondit la reine.

Acton salua et sortit.

La reine jeta un coup d'œil jaloux sur la chambre d'Emma et rentra silencieusement dans la sienne.

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