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Chapitre XXXV
Qui finit tout autrement que ne s'y attendait Mary

La petite chambre n'était éclairée que par la réverbération de la lanterne, dont la lumière, comme celle d'un réflecteur, se portait tout entière sur la porte d'entrée et laissait dans l'obscurité, ou à peu près, le reste de la chambre, – si toutefois on peut appeler une chambre l'espèce de pigeonnier où se trouvaient nos deux jeunes gens.

Michel était toujours assis sur le tas d'avoine ; Mary était agenouillée devant lui, et cherchait dans tous les coins du panier, avec plus d'embarras peut-être que d'amour du prochain, si elle ne trouverait pas quelque friandise qui pût terminer le repas que Rosine avait improvisé au pauvre reclus.

Mais tant de choses s'étaient passées que Michel n'avait plus faim.

Sa tête s'était appuyée sur sa main, soutenue elle-même par son genou ; il contemplait avec amour la suave et douce figure qui se présentait à lui dans un raccourci qui doublait le charme de ses traits mignons, et il aspirait avec délice les effluves parfumés qui lui venaient des longues boucles blondes que le vent de la fenêtre agitait doucement et soulevait jusqu'à ses lèvres ; à ce contact, à ce parfum, à cette vue, son sang circulait plus rapide dans ses veines ; il entendait battre les artères de ses tempes ; il éprouvait un frissonnement qui passait par tous ses membres pour se fixer au cerveau. Sous l'empire de ces sensations si nouvelles pour lui, le jeune homme sentait son cœur animé d'aspirations inconnues ; il apprenait à vouloir.

Ce qu'il voulait, il le sentait au fond de son cœur : c'était un moyen quelconque de dire à Mary qu'il l'aimait.

Il cherchait lequel employer ; mais il eut beau chercher, il trouva que le plus simple était de lui prendre la main et de la porter à ses lèvres.

Ce fut ce qu'il fit tout à coup, sans même avoir la conscience de ce qu'il faisait.

– Monsieur Michel ! monsieur Michel ! lui dit Mary plus étonnée que colère, que faites-vous donc ?

Et la jeune fille se releva vivement.

Michel comprit qu'il s'était trop avancé, et qu'il fallait maintenant tout dire.

Ce fut lui à son tour qui prit la posture que venait de quitter Mary, c'est-à-dire qui tomba à genoux, et qui, dans ce mouvement, parvint à ressaisir la main qui lui avait échappé.

Il est vrai que la main ne chercha point à se retirer.

– Oh ! vous aurais-je offensée ? s'écria le jeune homme. Si cela était, je serais bien malheureux et je vous demanderais bien humblement pardon à genoux.

– Monsieur Michel ! fit la jeune fille sans savoir ce qu'elle disait.

Mais le baron, de peur que cette petite main ne s'échappât, l'avait enveloppée des deux siennes, et, comme il ne savait pas trop ce qu'il disait non plus de son côté, il continua :

– Oh ! si j'ai abusé des bontés que vous avez eues pour moi, mademoiselle, dites-moi, je vous en conjure, que vous ne m'en voulez pas.

– Je vous le dirai, monsieur, quand vous vous serez relevé, dit Mary en faisant un faible effort pour retirer sa main.

Mais l'effort était si faible, qu'il n'eut d'autre résultat que de prouver à Michel que la captivité de cette main n'était pas tout à fait forcée.

– Non, reprit le jeune baron sous l'empire de cette exaltation croissante que donne l'espérance à peu près changée en certitude ; non, laissez-moi à vos genoux... Oh ! si vous saviez combien de fois, depuis que je vous connais, j'ai rêvé que j'étais ainsi à vos pieds ! si vous saviez ce que ce rêve, tout rêve qu'il était, produisait en moi de douces sensations, de délicieuses angoisses... oh ! vous me laisseriez jouir de ce bonheur qui en ce moment est une réalité.

– Mais, monsieur Michel, répondit Mary d'une voix que l'émotion gagnait de plus en plus, – car elle sentait qu'elle touchait au moment où il ne resterait plus pour elle de doute sur la nature de l'affection que lui portait le jeune homme, – mais, monsieur Michel, on ne s'agenouille ainsi que devant Dieu et devant les saints.

– En vérité, dit le jeune homme, je ne sais ni devant qui on s'agenouille, ni pourquoi je m'agenouille devant vous ; ce que j'éprouve est si loin de ce que j'ai jamais éprouvé, même de la tendresse que je ressens pour ma mère, que je ne sais à quoi rattacher le sentiment qui me fait vous adorer... C'est quelque chose qui tient, comme vous le disiez tout à l'heure, de la vénération avec laquelle on se prosterne devant Dieu et les saints. Pour moi, vous résumez toute la création, et, en vous adorant, il me semble que je l'adore tout entière.

– Oh ! de grâce, monsieur, cessez de me parler ainsi... Michel, mon ami !

– Oh ! non, non, laissez-moi comme je suis ! laissez-moi vous supplier de permettre que je me consacre à vous, avec un dévouement absolu. Hélas ! je le sens, – et croyez que je ne m'abuse pas, – depuis que j'ai entrevu ceux qui sont vraiment des hommes, c'est bien peu de chose que le dévouement d'un pauvre enfant faible et timide comme je le suis, et, cependant, il me semble qu'il doit y avoir un si grand bonheur à souffrir, à verser son sang, à mourir, s'il le fallait, pour vous, que l'espoir de le conquérir me ferait trouver la force et le courage qui me manquent.

– Pourquoi parler de souffrance et de mort ? répondit Mary de sa voix douce ; croyez-vous que la mort et la souffrance soient absolument nécessaires pour prouver qu'une affection est vraie ?

– Pourquoi j'en parle, mademoiselle Mary ? pourquoi je les appelle à mon secours ? Mais parce que je n'ose espérer un autre bonheur, parce que vivre heureux, calme et paisible à vos côtés avec votre tendresse, vous nommer ma femme enfin, me semble un rêve au-dessus de toutes les espérances humaines, et que je ne puis me figurer qu'il me soit permis de faire même un semblable rêve.

– Pauvre enfant ! dit Mary d'une voix dans laquelle il y avait au moins autant de compassion que de tendresse, vous m'aimez donc bien ?

– Oh ! mademoiselle Mary, à quoi sert de vous le dire, de vous le répéter ? Ne le voyez-vous pas, avec vos yeux et avec votre cœur ? Passez votre main sur mon front que la sueur inonde, posez-la sur mon cœur tout bouleversé ; voyez le tremblement qui agite tout mon corps, et demandez encore si je vous aime !

La fiévreuse exaltation qui avait si subitement transformé le jeune homme s'était communiquée à Mary : elle n'était ni moins émue ni moins tremblante que lui-même ; elle avait tout oublié, et la haine de son père pour le nom que portait Michel, et les répulsions de madame de la Logerie pour sa famille, et même les illusions que Bertha s'était faites sur l'amour de Michel, qu'elle, Mary, s'était tant de fois promis à elle-même de respecter ; les ardeurs juvéniles de cette nature vigoureuse et primitive avaient repris le dessus sur la réserve que, depuis quelque temps, elle avait cru convenable de s'imposer. Elle allait s'abandonner à la tendresse qui débordait de son cœur, elle allait répondre à cet amour passionné, par un amour plus passionné encore peut-être, lorsqu'un léger bruit qu'elle entendit du côté de la porte lui fit retourner la tête.

Alors elle aperçut Bertha, qui se tenait droite et immobile sur le seuil.

L'ouverture de la lanterne, comme nous l'avons déjà dit, faisait face à la porte ; en sorte que la lumière qui s'en échappait était toute concentrée sur le visage de Bertha.

Mary put donc juger combien sa sœur était pâle, combien il y avait de douleur et de colère amassées sur ces sourcils froncés et dans ces lèvres contractées violemment.

Elle fut si effrayée de cette apparition inattendue et presque menaçante, qu'elle repoussa le jeune homme, dont la main n'avait point quitté la sienne, et s'avança vers sa sœur.

Mais celle-ci, qui, de son côté, entrait dans la tourelle, ne s'arrêta point à Mary, et, l'écartant de la main comme elle eût fait d'un obstacle inerte, elle marcha droit à Michel.

– Monsieur, lui dit-elle d'une voix vibrante, ma sœur ne vous a-t-elle point dit que M. Loriot, le notaire de madame la baronne, vient de sa part vous chercher et désire vous parler ?

Michel balbutia quelques paroles.

– Vous le trouverez au salon, dit Bertha de la même voix dont elle eût formulé un ordre.

Michel, rendu à toutes ses timidités, à toutes ses terreurs, se redressa en vacillant, et si confus, qu'il ne put trouver un mot pour répondre, et gagna la porte comme un enfant pris en faute, qui obéit sans avoir le courage de se disculper.

Mary prit la lumière pour éclairer le pauvre garçon ; mais Bertha la lui arracha des mains, et la mit dans celle du jeune homme en lui faisant signe de sortir.

– Mais vous, mademoiselle ? hasarda Michel.

– Nous, nous connaissons la maison, répondit Bertha.

Puis, frappant du pied avec impatience en voyant que Michel regardait Mary :

– Allez ! mais allez donc ! dit-elle.

Le jeune homme disparut, laissant les deux jeunes filles sans autre lumière que la pâle lueur qui pénétrait dans la tourelle par la petite fenêtre, et qui venait des rayons d'une lune maladive et à chaque instant voilée par les nuages.

Restée seule avec sa sœur, Mary s'attendait à subir ses reproches, reproches basés sur l'inconvenance d'un tête-à-tête dont elle appréciait en ce moment la portée.

Mary se trompait.

Aussitôt que Michel eut disparu dans la spirale de l'escalier, et que, de son oreille tendue vers la porte, Bertha l'eut senti s'éloigner, elle saisit la main de sa sœur, et, la serrant avec une force qui témoignait de la violence de ses sensations :

– Que vous disait-il ainsi, à vos genoux ? demanda-t-elle d'une voix étranglée.

Pour toute réponse, Mary se jeta au cou de sa sœur, et, malgré tous les efforts de celle-ci pour la repousser, elle l'entoura de ses bras, l'embrassant et mouillant le visage de Bertha des pleurs qui lui montaient aux yeux.

– Pourquoi es-tu fâchée contre moi, chère sœur ? lui dit-elle.

– Ce n'est point être fâchée contre vous, Mary, que de vous demander ce que vous disait ce jeune homme, que je viens de surprendre à vos genoux.

– Mais est-ce ainsi que tu me parles d'ordinaire ?

– Qu'importe à ma question la façon dont je te parle ? Ce que je veux, ce que j'exige, c'est que tu me répondes.

– Bertha ! Bertha !

– Oh ! voyons, parle ! Que te disait-il ? Je te demande ce qu'il te disait ! s'écria la rude jeune fille en secouant si violemment le poignet de sa sœur, que Mary poussa un cri et s'affaissa sur elle-même comme si elle allait s'évanouir.

Ce cri rendit à Bertha tout son sang-froid.

Cette nature impétueuse et violente, mais souverainement bonne, se fondit à cette expression de la douleur et du désespoir qu'elle causait à sa sœur ; elle ne la laissa point tomber jusqu'à terre ; elle la reçut dans ses bras, elle l'enleva comme elle eût fait d'un enfant et la coucha sur l'établi, tout en la tenant toujours étroitement embrassée ; enfin, elle la couvrit de ses baisers, et quelques larmes jaillirent de ses yeux comme des étincelles d'un brasier et vinrent tomber sur les joues de Mary.

Bertha pleurait à la façon de Marie-Thérèse : au lieu de couler de ses yeux, les pleurs en jaillissaient comme des éclairs.

– Pauvre petite ! pauvre petite ! disait Bertha parlant à sa sœur comme à un enfant que l'on a blessé par mégarde, pardonne-moi ! je t'ai fait du mal... je t'ai fait de la peine, ce qui est bien pis ! pardonne-moi !

Puis, faisant un retour sur elle-même :

– Pardonne-moi ! répéta-t-elle. C'est ma faute aussi : j'aurais dû t'ouvrir mon cœur avant de te faire voir que l'étrange amour que j'éprouve pour cet homme... pour cet enfant, ajouta-t-elle avec une nuance de dédain, a si bien su me dominer tout entière, qu'il a pu me rendre jalouse de celle que j'aime plus que tout au monde, plus que ma vie, plus que lui !... Me rendre jalouse de toi ! Ah ! si tu savais, ma pauvre Mary, combien de douleur il a déjà menée à sa suite, cet amour insensé, et que je reconnais inférieur ! si tu savais toutes les luttes que j'ai soutenues avant de le subir ! combien j'ai amèrement déploré ma faiblesse ! Il n'a rien de ce que j'estime ; il n'a rien de ce que j'aime : ni l'illustration de la race, ni la foi, ni l'ardeur, ni la force indomptable, ni le courage indompté, et, malgré tout cela, que veux-tu ! je l'aime... Je l'ai aimé en le voyant. Je l'aime tant, vois-tu, que quelquefois, baignée de sueur, haletante, éperdue, en proie à une indicible angoisse, je m'écrie comme le ferait une folle : « Mon Dieu ! faites-moi mourir, mais laissez-moi son amour ! » Depuis les quelques mois que, pour mon malheur, nous l'avons rencontré, son souvenir ne m'a pas quittée un seul instant ; j'éprouve pour lui quelque chose d'étrange qui doit être bien certainement ce que la femme éprouve pour son amant, mais qui ressemble encore bien plus à l'affection de la mère pour son fils. Chaque jour, ma vie se ramasse, se concentre davantage en lui ; j'y mets non-seulement toutes mes pensées, mais encore tous mes rêves, toutes mes espérances. Ah ! Mary, Mary, tout à l'heure, je te demandais de me pardonner ; maintenant, je te dis : Plains-moi, ma sœur ! ma sœur, aie pitié de moi !

Et, tout éperdue, Bertha étreignait sa sœur entre ses bras.

La pauvre Mary avait écouté, toute tremblante, l'explosion de la passion presque sauvage que devait ressentir une organisation aussi puissante et aussi absolue que l'était celle de Bertha ; chacun de ses cris, chacune de ses paroles, chacune de ses phrases mettait en lambeaux les jolis nuages roses que, pendant quelques instants, elle avait entrevus dans son avenir, et la voix impétueuse de sa sœur en balayait les débris, comme l'ouragan le fait de quelques flocons de vapeur qui flottent dans l'air après la tempête. à chaque mot, ses pleurs coulaient plus amers, plus abondants ; mais, à chaque mot, elle sentait combien son affection pour Bertha rendait impérieux le sacrifice que, plus d'une fois déjà, elle avait pressenti sans oser y arrêter sa pensée.

Sa douleur et son égarement à elle-même étaient tels, pendant les dernières paroles de Bertha, que le silence de celle-ci lui indiqua seul qu'elle avait à lui répondre.

Elle fit un premier effort sur elle-même et essaya de dompter ses sanglots.

– Mon Dieu ! dit-elle, chère sœur, j'ai le cœur brisé, et ma douleur est d'autant plus vive que tout ce qui est arrivé ce soir est un peu de ma faute.

– Eh ! non, s'écria Bertha avec sa violence accoutumée, c'est moi qui aurais dû m'inquiéter de ce qu'il était devenu, lorsque je suis sortie de la chapelle. Mais, enfin, continua Bertha avec cette fixité d'idées qui caractérise les gens violemment épris, que te disait-il, et pourquoi était-il à tes genoux ?

Mary sentit que Bertha frissonnait de tout son corps en répétant cette question ; elle-même était en proie à une angoisse douloureuse en songeant à ce qu'elle allait répondre : il lui semblait que chacune des paroles par lesquelles elle allait expliquer à Bertha ce qui venait de se passer lui brûlerait les lèvres en sortant de son cœur.

– Voyons, voyons, reprit Bertha avec des larmes qui touchèrent encore plus Mary que ne l'avait fait la colère de sa sœur, voyons, parle, ma chère enfant ! Aie pitié de moi ! L'anxiété dans laquelle je suis est cent fois plus cruelle que ne le serait la douleur. Dis ! dis ! il ne te parlait pas d'amour ?

Mary ne savait pas mentir, ou, du moins, le dévouement ne lui avait point encore appris le mensonge.

– Si, dit-elle.

– Oh ! mon Dieu ! mon Dieu ! fit Bertha en s'arrachant de la poitrine de Mary et en allant se jeter, les bras ouverts et étendus, la face contre la muraille.

Il y avait un tel accent de désespoir dans ces deux exclamations, que Mary en fut épouvantée ; elle oublia Michel, elle oublia son amour, elle oublia tout pour ne songer qu'à sa sœur. Ce sacrifice en face duquel son cœur hésitait depuis le moment où elle avait appris que Bertha aimait Michel, elle l'accomplit vaillamment et avec une abnégation sublime, en ce qu'elle souriait le cœur brisé.

– Folle que tu es ! s'écria-t-elle en s'élançant au cou de Bertha ; mais laisse-moi donc achever !

– Oh ! ne m'as-tu pas dit qu'il te parlait d'amour ? répliqua la louve blessée.

– Sans doute ; mais je ne t'ai pas dit qui était l'objet de cet amour.

– Mary, Mary, aie pitié de mon pauvre cœur !

– Bertha ! chère Bertha !

– C'était de moi qu'il te parlait ?

Mary n'eut pas la force de répondre : elle fit avec la tête un signe affirmatif.

Bertha respira avec bruit, passa plusieurs fois sa main sur son front brûlant ; la secousse avait été trop violente pour qu'elle rentrât immédiatement dans son état normal.

– Mary, dit-elle à sa sœur, ce que tu viens de me dire me paraît si fou, si impossible, si insensé, que j'ai besoin que tu me rassures par serment. Jure-moi...

La jeune fille hésita.

– Tout ce que tu voudras, ma sœur, dit Mary, qui avait hâte elle-même de mettre entre son cœur et son amour un abîme infranchissable.

– Jure-moi que tu n'aimes pas Michel et que Michel ne t'aime pas.

Elle lui mit une main sur l'épaule.

– Jure-le-moi par la tombe de notre mère.

– Par la tombe de notre mère, dit résolûment Mary, je ne serai jamais à Michel.

Et elle se jeta dans les bras de sa sœur, cherchant dans les caresses de celle-ci la récompense de son sacrifice.

Si l'obscurité de la nuit n'avait pas été si profonde, Bertha eût pu juger par la décomposition des traits de Mary tout ce que lui coûtait le serment qu'elle venait de faire.

Ce serment parut rendre complètement le calme à Bertha. Et, cette fois, elle soupira doucement comme si son cœur eût été débarrassé d'un grand poids.

– Merci ! dit-elle ; oh ! merci ! merci ! Maintenant, descendons.

Mais, chemin faisant, Mary trouva un prétexte pour regagner sa chambre.

Elle s'enferma pour prier et pleurer !

On n'avait pas encore quitté la table, et, en traversant le vestibule pour passer au salon, Bertha put entendre les éclats de voix des convives.

Elle entra au salon.

M. Loriot y était en tête à tête avec le jeune baron, auquel il essayait de persuader qu'il était de son bien comme de son devoir de revenir à la Logerie.

Mais le silence négatif du jeune homme était si éloquent, que M. Loriot se trouvait au bout de ses arguments.

Il est vrai qu'il parlait depuis plus d'une demi-heure.

Michel n'était probablement pas moins embarrassé que son interlocuteur lui-même ; car il accueillit Bertha comme un bataillon carré cerné de tous côtés accueille les auxiliaires qui vont l'aider à se faire une trouée.

Il bondit vers la jeune fille avec une vivacité qui tenait aussi à son inquiétude de ce qui avait résulté de son tête-à-tête avec Mary.

à sa grande surprise, Bertha, incapable de cacher une seconde ce qu'elle éprouvait, lui tendit la main et serra la sienne avec expression.

Elle s'était méprise au mouvement du jeune homme et, de contente, elle était devenue radieuse.

Michel, qui s'attendait à tout autre chose, ne se sentait pas d'aise. Aussi recouvra-t-il immédiatement la parole pour dire à maître Loriot :

– Vous répondrez à ma mère, monsieur, qu'un homme de cœur trouve dans ses opinions politiques de véritables devoirs, et que je suis décidé à mourir, s'il le faut, pour accomplir les miens.

Pauvre enfant ! qui confondait ses devoirs avec son amour.

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