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Chapitre XXXV
Bertrand et Raton

- Monsieur Jean Buvat ! dit l'huissier.
Dubois allongea sa tête de vipère, plongea le regard dans la mince ouverture qui restait entre le corps de l'huissier et le panneau de la porte, et, derrière l'introducteur officiel, aperçut un gros petit homme pâle, dont les jambes flageolaient sous lui et qui toussait pour se donner de l'assurance. Un coup d'oeil suffit à Dubois pour lui apprendre à qui il avait affaire.
- Faites entrer, dit Dubois.
L'huissier s'effaça, et Jean Buvat parut sur le seuil de la porte.
- Venez ! venez ! dit Dubois.
- Vous me faites honneur, monsieur, balbutia Buvat sans bouger de place.
- Fermez la porte et laissez-nous, dit Dubois à l'huissier.
L'huissier obéit, et le panneau venant frapper la partie postérieure de Buvat d'un coup inattendu, lui fit faire un petit bond en avant. Buvat, un instant ébranlé, se raffermit sur ses jambes et redevint immobile, regardant Dubois de ses deux gros yeux étonnés.
En effet, Dubois était curieux à voir. De son costume épiscopal il n'avait conservé que la partie inférieure, de sorte qu'il était en chemise avec une culotte noire et des bas violets. C'était à démonter toutes les prévisions de Buvat, ce qu'il avait devant les yeux n'étant ni un ministre ni un archevêque, et ressemblant beaucoup plus à un orang-outang qu'à un homme.
- Eh bien, monsieur ? dit Dubois en s'asseyant, en croisant sa jambe droite sur sa jambe gauche, et en prenant son pied dans ses mains, vous avez demandé : à me parler ; me voilà.
- C'est-à-dire, monsieur, dit Buvat, j'ai demandé à parler à monseigneur l'archevêque de Cambrai.
- Eh bien ! c'est moi.
- Comment, c'est vous, monseigneur ! dit Buvat, en prenant son chapeau à deux mains et en s'inclinant jusqu'à terre. Excusez-moi, mais je n'avais pas reconnu Votre Eminence ; il est vrai que c'est la première fois que j'ai l'honneur de la voir. Cependant... hum ! à cet air de majesté... hum ! hum !... j'aurais dû comprendre...
- Vous vous appelez ? dit Dubois, interrompant les salamalecs du bonhomme.
- Jean Buvat, pour vous servir.
- Vous êtes ?
- Employé à la Bibliothèque.
- Et vous avez à me faire des révélations relatives à l'Espagne ?
- C’est-à-dire, monseigneur, voici la chose comme mon bureau me laisse six heures le soir et quatre heures le matin, et que Dieu m'a doué d'une fort belle écriture, je fais des copies.
- Oui, je comprends, dit Dubois, et l'on vous a donné à copier des choses suspectes, de sorte que ces choses suspectes, vous me les apportez, n'est-ce pas ?
- Dans ce rouleau, monseigneur, dans ce rouleau, dit Buvat en étendant la main vers Dubois.
Dubois fit un bond de sa chaise à Buvat, prit le rouleau désigné, alla s'asseoir à un bureau, et, en un tour de main ayant enlevé la ficelle et l'enveloppe, il se trouva en face des papiers en question. Les premiers sur lesquels il tomba étaient écrits en espagnol ; mais comme Dubois avait été envoyé deux fois en Espagne, il parlait quelque peu la langue de Calderon et de Lope de Vega, de sorte qu'il vit au premier coup d'oeil de quelle importance étaient ces papiers. En effet, ce n'était rien moins que la protestation de la noblesse, la liste nominative des officiers qui demandaient du service au roi d'Espagne, et le manifeste composé par le cardinal de Polignac et le marquis de Pompadour pour soulever le royaume. Ces différentes pièces étaient adressées directement à Philippe V, et une petite note que Dubois reconnut pour être de la main même de Cellamare annonçait que le dénouement de la conspiration étant très prochain, il entretiendrait jour par jour Sa Majesté Catholique de tous les événements considérables qui pourraient en hâter ou retarder le résultat. Puis enfin venait comme complément le fameux plan des conjurés, que nous avons mis sous les yeux de nos lecteurs, et qui, resté par mégarde au milieu des autres pièces traduites en espagnol, avait donné l'éveil à Buvat. Près du plan, de la plus belle écriture du bonhomme, était la copie qu'il avait commencé d'en faire, et qui était interrompue à ces mots :

« Agir de même dans toutes les provinces. »

Buvat avait suivi avec une certaine anxiété tous les mouvements de la figure de Dubois ; il l'avait vue passer de l'étonnement à la joie, puis de la joie à l'impassibilité. Dubois, à mesure qu'il continuait de lire, avait bien passé successivement une jambe sur l'autre, s'était bien mordu les lèvres, s'était bien pincé le bout du nez, mais tout cela était à peu près intraduisible pour Buvat, et à la fin de la lecture, il n'avait pas plus compris la physionomie de l'archevêque, qu'à la fin de la copie il n'avait compris l'original espagnol. Quant à Dubois, il comprenait que cet homme venait de lui livrer le commencement d'un secret de la plus haute importance, et il rêvait au moyen de s'en faire livrer la fin. Voilà ce que signifiaient au fond ces jambes croisées, ces lèvres mordues et ce nez pincé. Enfin, il parut avoir pris sa résolution, son visage s'éclaira d'une bienveillance charmante, et se retournant vers le bonhomme, qui jusque-là s'était tenu respectueusement debout.
- Asseyez-vous donc, mon cher monsieur Buvat, lui dit-il.
- Merci, monseigneur, répondit Buvat en tressaillant, je ne suis pas fatigué.
- Pardon, pardon, dit Dubois, je vois vos jambes qui tremblent.
En effet, depuis qu'il avait lu le procès-verbal de question de Van den Enden, Buvat avait conservé dans les jambes un tremblement nerveux à peu près semblable à celui qu'on remarque dans les chiens quand ils viennent d'avoir la maladie.
- Le fait est, monseigneur, dit Buvat, que je ne sais pas ce que j'ai depuis deux heures, mais j'éprouve une véritable difficulté à me tenir debout.
- Asseyez-vous donc alors, et causons comme deux bons amis.
Buvat regarda Dubois d'un air de stupéfaction qui, dans tout autre moment, l'eût fait éclater de rire. Mais Dubois n'eut pas l'air de s'apercevoir de son étonnement, et, tirant une chaise qui était à sa portée, il lui renouvela du geste l'invitation qu'il venait de lui faire de la voix. Il n'y avait pas moyen de reculer. Le bonhomme s'approcha en chancelant, s'assit sur le bord de sa chaise, posa son chapeau à terre, serra sa canne entre ses jambes, appuya ses deux mains sur sa pomme d'ivoire, et attendit. Mais cette action ne s'était pas accomplie sans une violente commotion intérieure, ainsi que pouvait l'attester son visage, qui, de blanc comme un lis qu'il était en entrant, était devenu rouge comme une pivoine.
- Ainsi, mon cher monsieur Buvat, dit Dubois, vous dites donc que vous faites des copies ?
- Oui, monseigneur.
- Et cela vous rapporte ?
- Bien peu de chose, monseigneur, bien peu de chose.
- Vous avez cependant une superbe écriture, monsieur Buvat.
- Oui, mais tout le monde n'apprécie pas comme Votre Eminence ce talent à sa valeur.
- C'est vrai ; mais, en outre, vous êtes employé à la bibliothèque.
- J'ai cet honneur.
- Et votre place vous rapporte ?
- Oh ! ma place, c'est autre chose, monseigneur : elle ne me rapporte rien du tout, vu que, depuis cinq ans, le caissier nous dit à la fin de chaque mois que le roi est trop gêné pour qu'on nous paie.
- Et vous n'en restez pas moins au service de Sa Majesté ? C'est très bien, monsieur Buvat, c'est très bien.
Buvat se leva, salua monseigneur, et se rassit.
- Et peut-être avec cela, continua Dubois, que vous avez encore une famille, une femme, des enfants ?
- Non, monseigneur, jusqu'à présent j'ai vécu dans le célibat.
- Mais des parents au moins ?
- Une pupille, monseigneur, une jeune personne charmante, pleine de talent, qui chante comme mademoiselle Bury, et qui dessine comme monsieur Greuze.
- Ah ! ah ! monsieur Buvat, et comment s'appelle cette pupille ?
- Bathilde... Bathilde du Rocher, monseigneur, c'est une jeune demoiselle de noblesse, fille d'un écuyer de monsieur le régent, du temps qu'il était encore duc de Chartres, et qui a eu le malheur d'être tué à la bataille d'Almanza.
- Ainsi, je vois que vous avez des charges, mon cher Buvat ?
- Est-ce de Bathilde que vous voulez parler, monseigneur ? Oh ! non, Bathilde n'est pas une charge ; au contraire, pauvre chère enfant ! et elle rapporte plus à la maison qu'elle ne coûte. Bathilde une charge ! D'abord tous les mois, monsieur Papillon, vous savez, monseigneur, le marchand de couleurs au coin de la rue de Cléry, lui compte quatre-vingts livres pour deux dessins ; ensuite...
- Je veux dire, mon cher Buvat que vous n'êtes pas riche.
- Oh ! cela, riche, non, monseigneur, je ne le suis pas. Mais je voudrais bien l'être pour ma pauvre Bathilde, et si vous vouliez obtenir de monseigneur, qu'au premier argent qui rentrera dans les coffres de l'Etat, on me paye mon arriéré ou au moins un acompte...
- Et à quoi cela peut-il se monter, votre arriéré ?
- A quatre mille sept cents livres douze sous huit deniers, monseigneur.
- Peuh ! qu'est-ce que c'est que cela, dit Dubois.
- Comment ! qu'est-ce que c'est que cela, monseigneur !
- Oui... ce n'est rien.
- Si fait, monseigneur, si fait, c'est beaucoup, et la preuve, c'est que le roi ne peut pas le payer.
- Mais cela ne vous fera pas riche.
- Cela me mettrait à mon aise, et je ne vous cache pas, monseigneur, que si, aux premiers fonds qui rentreront dans les caisses de l'Etat...
- Mon cher Buvat, dit Dubois, j'ai mieux que cela à vous offrir.
- Offrez, monseigneur.
- Vous avez votre fortune au bout des doigts.
- Ma mère me l'a toujours dit, monseigneur.
- Cela prouve, mon cher Buvat, que c'était une femme de grands sens que madame votre mère.
- Eh bien ! monseigneur, me voilà tout prêt, que faut-il que je fasse pour cela ?
- Ah ! mon Dieu ! la chose la plus simple. Vous allez me faire, séance tenante, une copie de tout ceci.
- Mais, monseigneur...
- Ce n'est pas tout, mon cher monsieur Buvat. Vous reporterez à la personne qui vous a donné ces papiers les copies et les originaux, comme s'il n'était rien arrivé, vous prendrez tout ce que cette personne vous donnera ; vous me l'apporterez aussitôt, afin que je le lise, puis vous en ferez autant des autres papiers que de ceux-ci, et cela indéfiniment, jusqu'à ce que je vous dise : Assez.
- Mais, monseigneur, dit Buvat, il me semble qu'en agissant ainsi je trompe la confiance du prince.
- Ah ! ah ! c'est un prince à qui vous avez affaire, mon cher monsieur Buvat ? et comment s'appelle ce prince ?
- Mais, monseigneur, il me semble qu'en vous disant son nom, je le dénonce...
- Ah çà ! mais... et qu'êtes-vous venu faire ici ?
- Monseigneur, je suis venu vous prévenir du danger que courait Son Altesse, monseigneur le régent, et voilà tout.
- Vraiment, dit Dubois d'un ton goguenard, et vous comptez en rester là ?
- Mais je le désire, monseigneur.
- Il n'y a qu'un malheur, c'est que c'est impossible, mon cher monsieur Buvat.
- Comment, impossible ?
- Tout à fait.
- Monseigneur l'archevêque, je suis un honnête homme !
- Monsieur Buvat, vous êtes un niais.
- Monseigneur, je voudrais cependant bien me taire.
- Mon cher monsieur, vous parlerez.
- Mais si je parle, je suis le dénonciateur du prince.
- Mais si vous ne parlez pas, vous êtes complice.
- Complice, monseigneur ! et de quel crime ?
- Du crime de haute trahison !... Ah ! il y a longtemps que la police a l'oeil sur vous, monsieur Buvat.
- Sur moi, monseigneur ?
- Oui, sur vous... Sous prétexte qu'on ne vous paie point vos appointements, vous tenez des propos fort séditieux contre l'Etat.
- Oh ! monseigneur, peut-on dire !...
- Sous prétexte qu'on ne vous paie pas vos appointements, vous faites des copies d'actes incendiaires, et cela depuis quatre jours.
- Monseigneur, je ne m'en suis aperçu qu'hier ; je ne sais pas l'espagnol.
- Vous le savez, monsieur !
- Je vous jure, monseigneur...
- Je vous dis que vous le savez, et la preuve, c'est qu'il n'y a pas une faute dans vos copies. Mais ce n'est pas le tout.
- Comment, ce n'est pas le tout ?
- Non, ce n'est pas le tout. Est-ce de l'espagnol, ceci, monsieur ? voyez...

« Rien n'est plus important que de s'assurer des places voisines des Pyrénées et des seigneurs qui font leur résidence dans ces cantons. »

- Mais, monseigneur, c'est justement ce qui fait que j'ai découvert...
- Monsieur Buvat, on en a envoyé aux galères qui en avaient fait moins que vous.
- Monseigneur !
- Monsieur Buvat, on en a pendu qui étaient moins coupables que vous ne l'êtes.
- Monseigneur ! monseigneur !
- Monsieur Buvat, on en a écartelé...
- Grâce ! monseigneur, grâce !
- Grâce ! grâce à un misérable comme vous, monsieur Buvat ! Je vais vous faire mettre à la Bastille et envoyer mademoiselle Bathilde à Saint-Lazare.
- A Saint-Lazare ! Bathilde à Saint-Lazare, monseigneur ! Bathilde à Saint-Lazare ! Et qui a le droit de cela ?
- Moi, monsieur Buvat !
- Non, monseigneur, vous n'en avez pas le droit ! s'écria Buvat, qui pouvait tout craindre et tout souffrir pour lui-même, mais qui, à l'idée d'une pareille infamie, de ver devenait serpent ; Bathilde n'est pas une fille du peuple, monseigneur ! Bathilde est une demoiselle, une demoiselle de noblesse, la fille d'un homme qui a sauvé la vie au régent, et quand je devrais aller trouver Son Altesse...
- Vous irez d'abord à la Bastille, monsieur Buvat, dit Dubois en sonnant à casser la sonnette, et puis après nous verrons ce que nous déciderons de mademoiselle Bathilde.
- Monseigneur, que faites-vous ?
- Vous allez le voir. L'huissier entra. Un exempt et un fiacre.
- Monseigneur, dit Buvat, monseigneur, tout ce que vous voudrez !
- Faites ce que j'ai ordonné, reprit Dubois.
L'huissier sortit.
- Monseigneur, dit Buvat en joignant les mains, monseigneur, j'obéirai.
- Non pas, monsieur Buvat. Ah ! vous voulez un procès ! on vous en fera un. Ah ! vous voulez de la corde ! eh bien ! vous en tâterez.
- Monseigneur, s'écria Buvat en tombant à genoux, que faut-il que je fasse ?
- Pendu ! pendu ! ! pendu ! ! ! continua Dubois.
- Monseigneur, dit l'huissier en rentrant, le fiacre est à la porte et l'exempt dans l'antichambre.
- Monseigneur, reprit Buvat en tordant ses petits bras et en s'arrachant le peu de cheveux jaunes qui lui restaient, monseigneur, serez-vous sans pitié ?
- Ah ! vous ne voulez pas me dire le nom du prince.
- C'est le prince de Listhnay, monseigneur.
- Ah ! vous ne voulez pas me dire son adresse ?
- Il demeure rue du Bac, n° 110, monseigneur.
- Ah ! vous ne voulez pas me faire une copie de ces papiers ?
- Je m'y mets, monseigneur, je m'y mets à l'instant même, dit Buvat, et il alla s'asseoir devant le bureau, saisit une plume, la trempa dans l'encre, et prenant un cahier de papier blanc, tira sur la première page une superbe majuscule. M'y voilà, m'y voilà ; seulement, monseigneur, vous me permettrez d'écrire à Bathilde que je ne rentrerai pas dîner. Bathilde à Saint- Lazare ! murmura Buvat entre ses dents. Sabre de bois ! c'est qu'il le ferait comme il le dit.
- Oui, monsieur, je le ferais, et bien pis encore, pour le salut de l'Etat, et vous le saurez à vos dépens si vous ne reportez pas ces papiers, si vous ne prenez pas les autres, et si vous ne venez pas m'en faire ici même, chaque soir, une copie.
- Mais, monseigneur, dit Buvat désespéré, je ne puis pas venir ici et aller à mon bureau, cependant.
- Eh bien ! vous n'irez pas à votre bureau ! le beau malheur !
- Comment, je n'irai pas à mon bureau ! Mais voilà douze ans, monseigneur, que j'y vais sans manquer un seul jour.
- Eh bien ! je vous donne congé pour un mois, moi.
- Mais je perdrai ma place, monseigneur.
- Que vous importe, puisqu'on ne vous paie pas ?
- Mais l'honneur, monseigneur, l'honneur d'être fonctionnaire public ! et puis j'aime mes livres, moi, j'aime ma table, moi ; j'aime mon fauteuil de cuir ! s'écria Buvat prêt à pleurer, en songeant qu'il pouvait perdre tout cela.
- Eh bien ! alors, si vous voulez garder vos livres votre table et votre fauteuil, obéissez donc.
- Est-ce que je ne vous ai pas dit que j'étais à vos ordres, monseigneur ?
- Alors vous ferez tout ce que je voudrai ?
- Tout.
- Sans en souffler le mot à personne ?
- Je serai muet.
- Pas même à mademoiselle Bathilde ?
- Oh ! à elle moins qu'à personne monseigneur !
- C'est bon ; à cette condition, je te pardonne.
- Oh ! monseigneur !
- J'oublierai ta faute.
- Monseigneur est trop bon.
- Et même... et même peut-être irai-je jusqu'à te récompenser.
- Oh ! monseigneur ! tant de magnanimité !
- C'est bien ! c'est bien ! A la besogne.
- M'y voilà ! monseigneur, m'y voilà !
Et Buvat se mit à écrire de son écriture coulée qui était la plus rapide, sans lever l'oeil autrement que pour le porter de la copie à l'original et le reporter de l'original à la copie, et sans s'arrêter que pour essuyer de temps en temps son front, dont la sueur coulait à grosses gouttes.
Dubois profita de son application pour aller ouvrir le cabinet à la Fillon, et lui faisant signe du doigt de se taire, il la conduisit vers la porte de la chambre.
- Eh bien ! compère, dit tout bas celle-ci, qui malgré la défense à elle exprimée ne pouvait retenir sa curiosité, eh bien ! ton écrivain, où est-il ?
- Le voilà, dit Dubois en montrant Buvat qui, couché sur son papier, piochait d'ardeur.
- Que fait-il ?
- Ce qu'il fait ?
- Oui, je te le demande.
- Ce qu'il fait ? Devine !
- Comment diable veux-tu que je sache cela, moi ?
- Tu veux donc que je te le dise ?
- Oui.
- Eh bien ! il expédie...
- Quoi ?
- Il expédie mon bref de cardinal. Es-tu contente maintenant ?
La Fillon poussa une telle exclamation de surprise, que Buvat en tressaillit et se retourna malgré lui.
Mais déjà Dubois avait poussé la Fillon hors de la chambre, en lui recommandant de nouveau de le tenir au courant jour par jour de ce que ferait son capitaine.
Mais, demandera peut-être le lecteur, que faisaient pendant tout ce temps Bathilde et d'Harmental ?
Rien : ils étaient heureux.

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1998-2010
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