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Chapitre XVII
Une Visite à Garibaldi II

A la suite de sa conférence avec le roi, Garibaldi dut partir immédiatement pour Milan ; mais il fut convenu que j'irais, le surlendemain, le rejoindre dans cette ville.
Deux jours après, en effet, je débarquais dans la gare de Milan, où m'attendait un de mes amis prévenu de mon arrivée par le télégraphe.
Cet ami est un exilé hongrois. Presque toutes les fois que vous m'entendrez parler d'un ami, il faut vous attendre à ce que j'ajouterai :
- C'est un exilé.
Celui-là est un des bons, il a fait la guerre sous Bem.
Il y a quelque chose comme seize ans que je connais Sandor Teleki. Il m'a été présenté vers la fin de 1842 par Listz.
Depuis ce temps-là, nous nous sommes perdus de vue, revus et reperdus de vue. Il faisait la guerre de Hongrie, s'y faisait condamner à mort, échappait par miracle à la pendaison ; car les Autrichiens ont cela de charmant qu'ils ne se contentent pas de tuer, ils pendent.
Je vous raconterai un jour son histoire. Il faut que la machine humaine soit une rude horloge pour continuer de marquer l'heure après de pareilles secousses.
Revenu en Angleterre, il a été renvoyé de Jersey avec Victor Hugo, a suivi l'illustre poète à Guernesey, de là est accouru en Italie dès qu'il a su qu'on allait s'y battre, et, comme il a pensé que c'était du côté de Garibaldi que les coups pleuvraient plus rudes et plus serrés, c'est avec Garibaldi qu'il a fait la guerre.
Plus heureux que Turr, il n'a pas été blessé.
Quoique j'arrivasse de nuit à Milan, il me sembla que Milan avait une tout autre tournure que celle que je lui avais connue.
C'est que j'avais connu Milan du temps des Autrichiens, et qu'il n'y a rien de tel que les Autrichiens pour changer la tournure d'une ville.
Il y a encore à Milan une chose fort agréable qui n'existait pas du temps des Autrichiens : c'est que l'on n'attend plus comme autrefois une heure à la porte de la ville avant d'obtenir la permission d'y entrer.
Nous piquâmes droit à l'hôtel Royal. Un domestique hongrois nous attendait à la porte pour nous annoncer que le souper était prêt.
C'est une spécialité que G..., le domestique de Teleki. Il déserte.
Obligé de servir dans un régiment autrichien, ce qui est tout à fait contre ses opinions, il déserta une première fois.
Rattrapé par les Autrichiens, il reçut vingt coups de bâton.
Comme ces vingt coups de bâton n'avaient pas fait naître en son coeur l'affection que Dieu avait oublié d'y mettre pour ses adversaires, il déserta une seconde fois.
Repris de nouveau par les Autrichiens, il fut condamné à passer, aller et retour, cinq fois entre cent hommes armés de baguettes et placés sur deux rangs.
Chacun lui donna consciencieusement ses dix coups, ce qui lui fit un contingent de mille.
On voit que les coups marchaient dans une progression effrayante.
G... n'en fut que plus désaffectionné à François-Joseph.
Il en résulta qu'au moment où Garibaldi entrait Como, G... ayant été mis en faction à onze heures du soir à la porte du gouverneur de la ville, et ayant flairé des compatriotes à six ou sept lieues, G..., après s'être promené quelque temps de long en large, comme c'était la consigne, résolut de ne plus se promener qu'en long.
En conséquence, il plia un papier en quatre, ayant le soin de lui donner la forme d'une lettre, et, du même pas et avec la même gravité qu'il eut porté une dépêche, il traversa les rues de Milan, se présenta tranquillement à la porte en disant : « Ordre du gouverneur ! » et, toujours du même pas, arriva, non pas à Como, mais à Varèse, où il trouva Garibaldi et, mieux encore, près de Garibaldi, Teleki, son compatriote, qui le fit entrer dans son régiment.
Cette fois, il fut plus heureux que les autres fois : les Autrichiens, au lieu de courir du côté de Como, coururent du côté opposé, et cela si rapidement, que G.... qui à son tour courait après eux, n'en put rejoindre que deux.
Il tua l'un et blessa l'autre, ce qui lui fit comme un baume sur ses vingt coups de bâton et ses mille coups de verges.
Le premier mot qu'il dit en hongrois à Teleki, après lui avoir annoncé que le souper était servi, fut ;
- Monsieur le comte, l'Anglais est arrivé.
Teleki poussa une exclamation de joie.
Je reconnus la nature de l'exclamation à l'intonation que Teleki lui avait donnée, attendu que G... lui avait parlé en hongrois.
Je me permis alors de demander à Teleki :
- Mon cher Teleki, quelle nouvelle vous rend donc si joyeux ?
- Mon cher ami, me dit-il, vous avez une chance.
- Laquelle ?
- L'Anglais est arrivé.
- Ah ! ah ! j'ai entendu dire quelquefois : « Les Anglais sont arrivés ; » mais c'est la première fois que j'entends annoncer cette nouvelle-là au singulier ; faites-moi le plaisir de me dire quel est l'Anglais qui est arrivé.
- L'Anglais de Garibaldi.
Ce fut à mon tour de jeter un cri de joie.
- Pas possible ! répondis-je.
- Demandez plutôt à G...
G..., pour la seconde fois, confirma la nouvelle.
Nous entrâmes. L'Anglais de Garibaldi nous attendait en effet.
Je vis un homme grand, sec, avec des yeux magnifiques, étincelants, sous un front découvert et agrandi par des cheveux rejetés en arrière ; sa barbe grisonnante, mais où le blanc commençait à l'emporter, tombait jusque sur sa poitrine. Il pouvait avoir de cinquante-huit à soixante ans.
- Sir John-Williams Peard, dit Teleki, j'ai l'honneur de vous présenter mon ami Alexandre Dumas. Mon cher Dumas, je vous présente sir John Williams Peard.
Nous nous inclinâmes, sir John et moi.
- Quelle bonne fortune vous amène ? demanda Teleki.
- J'ai appris, dit sir John, que Garibaldi était à Milan, et je suis venu tout exprès de Florence pour lui serrer la main ; or, comme je ne puis partir que demain matin pour Fino, j'ai eu l'idée de venir passer ma soirée avec vous.
- Bonne idée ! Vous soupez avec nous ?
- Volontiers.
Nous nous mîmes à table.
On soupa comme on soupe en Italie, c'est-à-dire abominablement.
Dieu garde tout homme qui a l'honneur d'être gourmand, des auberges d'Italie, fût-ce des meilleures.
J'aime mieux l'Espagne, j'aime mieux le Caucase,
où il faut tout apporter avec soi ; mais où l'on est libre d'accommoder ce qu'on apporte à la façon qu'il vous plaît de le manger.
En Italie, ne comptez pas sur cette licence. L'Italie, sous prétexte qu'elle fournit des cuisiniers à l'Espagne, croit avoir une cuisine.
Or, à part le macaroni, la polenta et le risotto, je défie que l'on me cite, de Domo-d'Ossola au cap Spartivento, un plat qui soit mangeable.
En France, plus on a faim, plus on voit arriver l'heure du dîner avec satisfaction.
En Italie, plus on a faim, plus on voit arriver l'heure du dîner avec terreur.
Que dire de mangeurs qui, pour donner un goût quelconque à leur bouillon, ont imaginé d'y mettre du fromage ?
Il était si simple d'y mettre de la viande et de garder le fromage pour le dessert.
En Russie, je parle des grandes villes, vous pouvez demander indifféremment des poires, des pêches, des cerises, des fraises et des ananas ; tous les fruits poussés en serre ont le même goût.
Ce n'est pas un goût désagréable, ils sentent tout simplement l'eau.
L'été, cela ne flatte pas le palais, mais cela dispense de boire.
En Italie, il en est des viandes comme il en est des fruits en Russie ; vous pouvez demander du rosbif, du poulet, du veau, de la bécasse, du chevreuil ou du mouton ; c'est toujours le même goût.
Si l'on pouvait descendre dans une cuisine d'auberge italienne, on découvrirait une chose, c'est que toutes les viandes destinées à être bouillies, rôties et grillées, cuisent dans le même chaudron.
Selon les exigences des voyageurs, on les tire de ce chaudron pour les mettre, les unes sur le gril, les autres à la broche, les autres à la poêle.
Aussi, l'on se garde bien de laisser descendre les voyageurs jusqu'à la cuisine.
La cuisine est mieux gardée en Italie que ne le sont les jardins d'Armide dans la Jérusalem délivrée.
Partout j'ai obtenu du maître de l'hôtel de faire de temps en temps un plat à la braise de son réchaud, ou à la flamme de sa cheminée.
En Italie, jamais.
Il faut se résigner à cesser de manger en quittant Marseille, et à ne recommencer à manger qu'au delà du pont de Beauvoisin.
- Mais, me direz-vous, chers lecteurs, voilà une boutade culinaire qui sent son humoriste d'une lieue. Que nous importe, à nous qui sommes à Paris, qui avons une bonne cuisinière chez nous, ou qui pouvons aller dîner chez Philippe ou chez Vuillemot, qui avons à plein verre le Cliquot et le Folliet- Louis, que nous importe que vous n'ayez à manger là-bas que de la polenta, du macaroni ou du risotto ? Ce qui nous importe, à nous, c'est de savoir ce que c'est que l'Anglais de Garibaldi.
- Ah ! vous ne le savez pas ?
- Mais non.
- Attendez, alors.
Au moment d'entrer en campagne, Garibaldi vit venir à lui un Anglais. J'ai essayé de vous le peindre ; vous le connaissez.
Il avait, de plus, un chapeau à grands bords, doublé de vert par devant, pour ménager sa vue ; il portait une cartouchière garnie de cartouches et un immense binocle de spectacle.
Son costume de campagne était complété par une excellente carabine à deux coups.
- Le général Garibaldi ? demanda-t-il.
- C'est moi, répondit Garibaldi assez brusquement ; que me voulez-vous ?
- Je suis sir John-Williams Peard.
- Après ?
- Et je viens vous demander la faveur de servir sous vos ordres.
Garibaldi regarda sa recrue.
- Hum ! dit-il, servir sous mes ordres ; vous savez à quoi l'on s'engage en servant sous mes ordres ?
- Non ; mais, si vous voulez bien me le dire, je le saurai.
- Pas de paye.
- Cela m'est égal, je suis riche.
- Dix lieues à faire par jour, l'un dans l'autre.
- J'ai bon jarret.
- Des coups de fusil tous les jours.
- C'est cela que je viens chercher.
- Une obéissance absolue à mes ordres.
- Hum !
- Vous le voyez bien, cela ne vous convient pas.
- J'aimerais mieux me battre à ma manière.
- Quelle est votre manière ?
- Je suis bon chasseur.
- Ah !
- Je tire très bien.
- Après ?
- Je voudrais me battre avec vos tirailleurs.
- Eh bien, soit ! vous vous battrez avec mes tirailleurs.
- Je voudrais aussi garder mon costume, qui m'est bien commode.
- Vous le garderez.
- Je voudrais encore...
- Ah ! ma foi, vous voulez trop de choses, dit Garibaldi impatienté ; si j'avais été aussi exigeant que vous avec M. de La Marmora, je ne serais jamais entré en campagne.
- C'est bien, dit Sir John, je me battrai pour mon compte.
- Battez-vous pour votre compte, vous avez raison, ce sera mieux.
Sir John salua Garibaldi, et Garibaldi salua sir John.
Le lendemain eut lieu le combat de Varèse ; Garibaldi lança ses tirailleurs en avant ; mais, quelque hâte qu'ils eussent mise à attaquer l'ennemi, ils trouvèrent déjà Sir John aux prises avec lui.
Sir John, comme il l'avait dit, avait déclaré la guerre à l'Autriche et se battait pour son compte.
Non seulement il se battait pour son compte, mais encore il se battait à sa manière.
Il était debout, sans perdre un pouce de sa grande taille, sans garantir un coin de son grand corps.
Il ne s'inquiétait pas plus des balles et des boulets que si c'étaient des moustiques ou des abeilles.
Il visait aussi tranquillement que s'il eut été à l'affût, lâchait son coup de fusil, posait sa carabine contre son pied, prenait son binocle mis au point, regardait pour voir l'effet de son coup, faisait un mouvement de tête négatif ou approbatif, selon qu'il était mécontent ou satisfait, rechargeait son fusil, visait de nouveau, faisait feu, reprenait son binocle, et témoignait de nouveau son mécontentement ou sa satisfaction.
L'ennemi en faite, Garibaldi, maître comme toujours du champ de bataille, sir John ne s'occupa plus que de chercher ses morts et ses blessés, qu'il connaissait parfaitement, comme, en battue, le chasseur reconnaît les lièvres qu'il a tués raide ou blessés seulement.
Ses morts et ses blessés reconnus, les uns et les autres portés sur son calepin, l'Anglais se mit à poursuivre les Autrichiens, et avec ses longues jambes eut bientôt rejoint les meilleurs marcheurs.
Garibaldi le laissa tirailler ainsi deux ou trois fois à sa guise et sans avoir l'air de faire attention à lui. Mais, comme, avant tout, Garibaldi aime les braves, il s'arrêta, il alla droit à l'Anglais, et, au beau milieu du feu :
- Sir John, lui dit-il, je vous fais mon compliment, vous êtes un brave.
- Je le sais bien, dit l'Anglais.
- Et, de plus, vous êtes mon ami.
- Ah ! ceci, dit sir John, je ne le savais pas, et je vous suis bien reconnaissant... Mais pardon, il y là un diable d'Autrichien qui me tire l'oeil.
Sir John porta sa carabine à son épaule, et l'Autrichien qui lui tirait l'oeil, atteint en pleine poitrine, fit trois pas en avant et tomba sur le nez.
Sir John prit son binocle, examina son Autrichien, fit un signe de satisfaction, et, se tournant vers le général :
- Bonjour, général, dit-il en lui tendant la main ; votre santé est bonne aujourd'hui ?
Depuis ce jour-là, on n'appelle plus sir John-Williams Peard que l'Anglais de Garibaldi.
Mais il est temps de vous dire pourquoi j'avais poursuivi jusqu'à Milan le vainqueur de Varèse.
C'est que l'idée m'était venue d'écrire la vie de ce héros légendaire, de le faire connaître tel qu'il est.
Or, nul ne fera mieux connaître Garibaldi que Garibaldi lui-même. Voilà pourquoi je l'ai tant tourmentée qu'il a fini par me donner son journal en me disant :
- Puisque vous le voulez absolument, prenez cela.
Or, ce journal, c'est sa vie, sa vie depuis sa naissance jusqu'aujourd'hui ; sa vie avec ses voyages, ses aventures, ses combats, ses amours, ses luttes, ses industries, ses misères, ses douleurs, ses naufrages, ses triomphes ; tout cela simplement, naïvement raconté, en bonhomme et en poète, comme si la Fontaine dictait, comme si Lamartine écrivait.
Car, je le répète, Garibaldi, c'est un poète avant tout.
C'est parce qu'il est poète, qu'il est pauvre.
Dernièrement, ses amis se sont réunis et ont voulu, à l'aide d'une souscription nationale à un franc par tête, faire un million qui eût été fait en huit jours, et, avec ce million, lui acheter une terre.
Vecchi, l'un de ses amis, son chef d'état-major à Rome, a été le prévenir de cette intention en lui demandant s'il accepterait.
Garibaldi a réfléchi.
- Une fois la terre à moi, pourrai-je la vendre ? a-t-il demandé.
- Sans doute.
- Alors, j'accepte. Seulement, je vous préviens d'une chose, c'est que, le lendemain du jour où vous me l'aurez donnée, je la vends, et que je verse le million à la souscription des fusils.
Maintenant, me voici à Paris, traduisant son journal ou, si vous voulez, ses mémoires, que lui – pendant ses loisirs, qui ne seront peut-être pas bien longs – est allé continuer dans son île de Caprera.
En cherchant bien sur la carte, vous trouverez cette île aux bouches de Bonifacio.
Je vous préviens que ce n'est qu'une tête d'épingle.
Mais c'est tout ce qu'il faut à cet homme sans besoins, qui a servi la république de Montevideo et la république romaine, sans avoir jamais voulu toucher un sou de solde, et qui, ayant un jour été forcé par le ministre de la guerre Pacheco y Obez, de recevoir cinq cents francs, en a été à l'instant porter deux cent cinquante à la veuve d'un de ses soldats dans la misère.
Teleki m'offrait hier de parier que Garibaldi n'avait pas, à cette heure, cinq cents francs à lui.
- Mais, me direz-vous, chers lecteurs, s'il n'a pas cinq cents francs à lui, comment a-t-il une île ?
Oh ! cela n'est pas une raison, Robinson avait bien la sienne.
Voici comment il se fait que Garibaldi en a une.
Un jour que, dans une des courses de sa vie aventureuse, il passait en vue de l'île de Juan Rodriguez, qui est, comme vous le savez, l'île de Robinson, il se dit à lui-même :
- Ce Robinson était bien l'être le plus heureux qu'il y eût au monde. Si un jour j'ai dix mille francs, j'achèterai une île.
Or, un jour, Garibaldi a eu trente mille francs. Son frère était mort et lui laissait, pour sa part d'héritage, trois fois la somme dont il avait besoin.
Il acheta une île de dix mille francs, un petit bateau de quinze, et donna les cinq mille autres à je ne sais quelle souscription pour l'Italie.
Puis, avec son bateau, il alla à son île.
Elle ne produisait absolument que des pierres, des chèvres et des perdrix.
Mais il amena dans son île son fils Menotti, auquel, au lieu de donner le nom d'un saint du calendrier, il a donné le nom du martyr de Modène.
Son second fils porte le nom de Bandiera, le martyr de Cosenze.
En Italie, il y a plus de martyrs aujourd'hui qu'il n'y a eu de saints autrefois, et l'on n'a qu'à choisir.
Avec son fils Menotti, il amena son ami Felice Orrigoni, compagnon de ses courses et de ses dangers pendant douze ans.
Orrigoni dressa, non pas trois tentes comme les patriarches hébreux, mais une tente sous laquelle s'abritèrent les trois insulaires. Puis ils se mirent à bâtir une cabane en planches, la tente n'étant pas assez solide pour résister au libiccio ou à la tramontana.
La cabane en planches bâtie, – notez qu'on avait été obligé d'apporter toutes les planches, depuis la première jusqu'à la dernière, – les trois charpentiers s'aperçurent qu'ils auraient eu plus court de la bâtir en pierres qu'en planches, attendu qu'autant les planches sont rares à Caprera, autant les pierres y sont communes.
Mais, pour bâtir, il faut de la chaux, et il n'y avait pas à Caprera plus de chaux que de planches. Garibaldi laissa son fils et son ami réunir la quantité de pierres nécessaires à la bâtisse projetée et s'en alla chercher de la chaux sur le continent.
A son troisième voyage, la chaux s'enflamma, et son bateau fut brûlé.
Par bonheur, il était assuré ; sans quoi, Garibaldi se trouvait entre une maison à moitié bâtie et une cabane à moitié démolie, les planches de la cabane ayant servi à la maison.
La compagnie d'assurance, contre l'habitude des compagnies, paya sans faire de difficultés de sorte que la maison s'acheva.
Sur ces entrefaites, le roi Victor-Emmanuel eut besoin de Garibaldi, et demanda ce qu'il était devenu. On chercha Garibaldi de tous côtés, et l'on finit par découvrir dans une île trois maçons qui bâtissaient une maison.
Un de ces trois maçons était Garibaldi.
Garibaldi vint à Turin, et demanda à Victor-Emmanuel à quoi il pouvait lui être bon.
- A chasser les Autrichiens de l'Italie, lui répondit le roi.
- Me voici, fit Garibaldi.
Puis il écrivit à son ami et à son fils :
« Achevez la maison sans moi et comme vous l'entendrez. Il paraît que l'on va chasser les Autrichiens de l'Italie et que l'on a besoin de moi pour cela.
Garibaldi fit la campagne de 1859, battit les Autrichiens à Varèse, à Seriate et à Treponti. – Lui-même vous racontera avec la simplicité de Xénophon cette merveilleuse campagne.

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