Titre
Les voleurs d'or
Année de publication
1864
Genre
Théâtre
Collaborateur(s)
Céleste Mogador, comtesse de Chabrillan
Epoque du récit
entre 1852 et 1857
Résumé
Le docteur Ivans quitte Portsmouth avec ses deux filles Mélida
et Emeraude. Cette dernière s'éloigne sans regret d'Angleterre,
mais sa soeur y laisse à contre coeur un jeune homme dont elle
est amoureuse, Williams Nelson (Prologue). Quelques mois plus tard, dans
la région des mines de Ballarate, en Australie, le docteur porte
secours à un orpailleur victime d'un de ses compagnons, Max, qui
lui a dérobé son or en le laissant pour mort. Or Max, revenu
dans la région, perpètre le soir même un nouveau forfait
(Acte I).
Après
un long voyage en mer, Williams rejoint enfin sa bien-aimée. Sur
ces entrefaites, Fulton, un voisin, blessé lors d'un accident,
est soigné à la maison du docteur. Dans son délire,
il tient d'étranges propos. Guéri, il se justifie en racontant
une histoire décousue. L'arrivée d'un ancien complice venu
le faire chanter, Tom Coopeur, révèle au public qu'il s'agit
bien de Max. Chargé de l'escorte des convois d'or qui vont de Ballarate
à Melbourne, Williams est alors doublement menacé: Max,
le voleur d'or, a jeté son dévolu sur Emeraude sa fiancée
(Acte II). Dans la forêt, sur le trajet des convoyeurs, Fulton et
Coopeur tendent un piège à Williams, qui est blessé,
laissé pour mort. Fulton s'empare de l'or en tentant de se débarrasser
de son complice (Acte III).
A Melbourne, Mélida espère contre toute attente un retour
de Williams, que l'on croit disparu dans l'embuscade tendue par les voleurs
d'or. Fulton, qui s'est imposé comme ami de la famille, apprenant
un retour probable du jeune homme, enlève Mélida, pour laquelle
il s'est pris d'une folle passion (Acte IV). Au cours d'une scène
violente, Coopeur délivre Mélida et se rachète en
mettant fin aux agissements de Fulton, qu'il abat (Acte V).
Analyse
Enfant battue, Céleste Vénard se retrouva sur le trottoir
à 16 ans. Son goût pour les planches l'amena au théâtre
où elle devint «la Mogador», célébrée
jusque dans une chanson de Brassens cent ans plus tard. Son destin de
courtisane changea quand elle rencontra le comte de Chabrillan qui l'épousa
et l'emmena avec elle en Australie.
Céleste revint vite en France mais ramena de ce bref séjour
aux antipodes le goût d'écrire. Son premier roman, Les
voleurs d'or, eut un tel succès que ses amis proposèrent
à la comtesse d'en tirer un drame. Et c'est là qu'intervient
Dumas, qui tire la pièce du désastre - et de l'oubli - en
la repensant avec tout son génie dramatique.
Y eut-il autre chose entre Céleste et Alexandre que cette collaboration
littéraire? Les biographes sont partagés sur la question.
En revanche, ils s'accordent tous sur la paternité de l'oeuvre
dramatique, authentifiée par le chercheur canadien Réginald
Hamel il y a quelques années, et finalement publiée sous
le seul nom d'Alexandre Dumas au printemps 2006, chez Stanké (Québec).
Créée en 1864, en même temps que Les
Mohicans de Paris, la pièce appartient au dernier théâtre
de Dumas, préoccupé alors d'ultimes adaptations romanesques
(Joseph Balsamo achevé par son
fils) ou shakespeariennes (Roméo
et Juliette) et de drames modernes, post-romantiques.
Les voleurs d'or tombe à pic,
pourrait-on dire. Adaptation, drame moderne (l'action est presque contemporaine),
souvenirs de Shakespeare aidant (la fosse creusée par Coopeur à
l'acte III qui doit devenir son tombeau), Dumas revient sur des thèmes
de prédilection de son théâtre: sens de la culpabilité,
impossible rédemption des assassins, corruption de l'or. En même
temps, il explore les voies nouvelles du mélodrame de ce temps.
La veine populaire héritée des Mystères
de Paris (1842), renouvelée par Les
Misérables de Victor Hugo (1862), dont on retrouve l'influence
dans Les Mohicans
de Paris, donne alors naissance à un mélodrame de moeurs
évoluant vers l'esthétique naturaliste, où s'illustrent
des collaborateurs de Dumas comme Anicet-Bourgeois ou Paul Meurice, Dumas
fils, et Hugo lui-même avec Mille francs
de récompense (écrit en 1866 et publié en
1934).
Confiné pour des raisons politiques évidentes entre mélo
et vaudeville le théâtre se cherche aussi du côté
de l'exotisme, le mélo d'aventures et d'exploration, avec Anicet-Bourgeois
et un autre collaborateur de Dumas, Xavier de Montépin par exemple.
Si Dumas, comme Balzac, fut marqué par l'oeuvre de Fenimore Cooper,
cela ne l'amena pas à promener des personnages dans le Nouveau
monde; ses Mohicans sont de Paris. En revanche, le roman de Céleste
Mogador lui donne l'occasion de concocter un véritable petit western
australien haut en couleurs, avec chercheurs d'or, convicts évadés,
attaque de diligence, embuscade en forêt, etc...
L'action est ponctuée de scènes parfois violentes; et si,
contrairement au roman, Mélida n'y est pas violée par Fulton,
on y échange moult coups de feu. Ce n'est pas le moindre intérêt
de ce quasi inédit... très cinématographique.
François Rahier
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