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Titre La terreur prussienne

Année de publication 1867

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1866-1867

Résumé L'action de La terreur prussienne commence à Berlin, en 1866. Alors que la foule se livre à une manifestation patriotique et anti-française, un jeune Français, Bénédict Turpin, la provoque en criant «Vive la France!». Menacé d'être lynché, il réussit à s'enfuir et se réfugie dans le royaume voisin de Hanovre. Là, il se lie avec le roi de Hanovre et son fils aîné, et se bat en duel contre plusieurs Prussiens venus de Berlin lui demander satisfaction de sa provocation. Après s'être battu avec lui, il se lie d'une vive amitié avec le major prussien Frédéric de Below.

Le récit s'attache ensuite au major et à sa famille, qui vit dans la ville libre de Francfort. La sœur de Frédéric se fiance à Karl de Freyberg, officier de l'armée autrichienne, qui devient lui aussi ami de Bénédict. Mais en toile de fond de ces intrigues domestiques, la tension politique monte. Le roi de Prusse, Guillaume Ier, et son ministre Bismarck, ont décidé d'unifier l'Allemagne, de gré ou de force, autour de la Prusse. La guerre éclate entre d'un côté la Prusse et de l'autre l'Autriche et ses alliés comme le royaume de Hanovre. Après une résistance symbolique, le Hanovre est battu et la Prusse s'impose à l'Allemagne.

La ville de Francfort, pourtant neutre et sans armée, est occupée par les troupes prussiennes. Bénédict sauve la vie de Karl, tombé pendant la bataille, mais qui est grièvement blessé. L'armée prussienne dicte sa loi de la façon la plus brutale aux habitants de Francfort: charges écrasantes, violences en tous genres...

Le général Stürm, brute épaisse qui commande les soldats prussiens, demande à Frédéric de l'aider à rançonner les Francfortois. L'officier refuse. Une altercation s'ensuit: le général cravache Frédéric et refuse de se battre avec lui. Le jeune officier, s'estimant déshonoré, se suicide.

C'est le sort que choisit également le bourgmestre de Francfort, plutôt que de se rendre aux injonctions des Prussiens. Karl ne se remet pas de ses blessures et meurt. Sa fiancée le suite dans la tombe... Bénédict défie en duel le général Stürm pour venger son ami Frédéric. Mais le général le fait expulser de Francfort.

Un an plus tard, alors que le général accompagne le roi de Prusse lors d'une visite à officielle à Paris, Bénédict le défie à nouveau et le tue en duel.

Analyse Quand Alexandre Dumas meurt chez son fils près de Dieppe, le 5 décembre 1870, les troupes prussiennes sont aux portes de la ville, où elles pénètrent le lendemain. Au moins Dumas n'aura-t-il pas eu l'amère satisfaction de constater de visu combien sa mise en garde contre l'expansionnisme prussien, livrée dans La terreur prussienne,était justifiée...

Ce roman est en effet très politique. Il s'agit d'une œuvre de commande, réalisée pour La Situation, un journal anti-prussien qui voulait un feuilleton racontant la guerre de 1866 entre la Prusse et l'Autriche. En fait de roman, La terreur prussienne tient d'ailleurs beaucoup du reportage journalistique ou du récit d'histoire immédiate: pour rédiger le livre, Dumas s'est rendu à Francfort en 1866, quelques mois seulement après les événements qu'il décrit.

Le contexte historique de la montée du nationalisme prussien et des dangers qui en découlent est donc largement présent dans le roman, dont la tonalité est du coup très sombre: les héros meurent les uns après les autres – à l'exception du jeune Français – avec notamment une impressionnante vague de suicides.

Pour autant, le roman en est véritablement un. La terreur prussienne n'est pas l'un de ces livres où Dumas donne plus de place au contexte historique qu'aux personnages. Les différents acteurs de son drame sont bien campés et attachants, même s'il y a peu d'intrigue romanesque à proprement parler: le lecteur se contente de suivre une poignée de personnages pris dans la tourmente d'une guerre qu'ils n'attendaient pas.

Le personnage de Bénédict Turpin est des plus intéressants. D'abord parce qu'il symbolise une vision idéale du Français – vif, léger, plein d'humour et de finesse - par opposition au Prussien – brutal, épais, borné – caractéristique de l'époque. Ensuite parce qu'il présente bien des traits communs avec Dumas lui-même. Turpin est un artiste (peintre, et non pas écrivain), grand voyageur, passionné de chasse, grand cuisinier... On sent que Dumas a mis beaucoup de lui dans ce fringant Français parti dénoncer les horreurs de la Prusse conquérante.

Complètement oublié de nos jours et pas réédité depuis bien longtemps, ce roman demeure des plus intéressants, en tant que tel et comme témoignage de la lucidité de Dumas sur les grands événements de la politique européenne de son temps.

Patrick de Jacquelot
© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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