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Titre Acté

Année de publication 1837 dans La Presse ; 1838 en volumes

Genre Roman

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 1803-1805

Résumé Pascal Bruno est une jeune Sicilien au passé tragique : sa mère a été violée par le comte de Castelnuovo et son père a été exécuté après l'avoir tué en représailles ; sa tête est restée exposée dans une cage, devant le château de Bauso. La famille de ses persécuteurs a emmené à Palerme la jeune Teresa, dont il est amoureux, et organise son mariage avec un serviteur de la maison. Bruno demande son aide à la comtesse Gemma de Castelnuovo, qui refuse ; il jure alors de donner libre cours à sa vengeance. Avec son serviteur noir Ali, il fait irruption quelques jours plus tard lors des noces de Teresa et tue son rival. Il va ensuite à Bauso et participe à un concours de tir, tout près de l'endroit où est suspendue la fameuse cage ; il la fait tomber et s'empare de la tête. A partir de là, toute la contrée retentit du bruit de ses exploits : on le dit invulnérable grâce à un pacte passé avec une sorcière. C'est ce qu'affirme en particulier le brigadier Tommasi que Bruno a fait prisonnier mais en le traitant très correctement. Lors d'une fête donnée chez un prince de Palerme, Bruno est encore au centre des conversations ; certains le décrivent comme un bandit généreux et magnifique, honnête à sa manière. Présent sous un déguisement, le brigand assiste en direct à la naissance de sa légende. Peu de temps après, la comtesse Gemma, en voyage vers Messine, fait halte dans une auberge où un voyageur mystérieux (Bruno, toujours lui), lui cède sa chambre, l'endort grâce à un narcotique puis la viole. Quelques mois plus tard, Bruno, trahi par un comparse, est assiégé au château de Bauso par les milices qui veulent sa peau. Pour éviter que les soldats, furieux d'être tenus en échec, ne se vengent sur les villageois, il se rend. Condamné à mort, il attend son exécution pendant la nuit dans une chapelle ardente. On apporte alors le cercueil d'une femme qui vient de décéder : c'est Teresa, devenue folle à la suite de ses noces tragiques. Bruno refuse de se confesser ; en route vers son supplice, il aperçoit Ali, en costume de pénitent, et lui demande de le venger en tuant Gemma, qui assiste à l'exécution avec un plaisir sadique. Aux dernières lignes, on apprend qu'Ali a bien rempli sa mission.

Analyse Ce court roman est inspiré d'un récit que Dumas a entendu dans le village de Bauso, lors de son voyage en Sicile, en 1835. Il paraît dans La Presse du 23 janvier au 3 février 1837 , mais ne fera pas l'objet d'une édition autonome ; en 1838, lors de la première parution en volumes, le libraire Dumont le regroupe avec deux autres œuvres, Pauline et Murat, sous le titre d'ensemble La salle d'armes. C'est sans doute ce qui explique sa postérité plutôt maigre, malgré d'indéniables qualités. C'est un roman bref à la narration efficace, comme les premières œuvres de Dumas. Le récit est morcelé, parfois rétrospectif, et laisse place à la tradition orale, tout en la mettant partiellement en question. Le décor (la Sicile et ses archaïsmes) est nettement planté, les personnages sont vigoureusement typés, des scènes fortes et très visuelles scandent le déroulement de l'action. La matière choisie témoigne du goût de l'époque pour le personnage du brigand, qui enregistre une évolution significative : il n'est plus un paria dont le lecteur approuve la défaite, mais devient un personnage positif, obéissant à un code d'honneur particulier, qui sert de révélateur aux injustices de la société, et véhicule ainsi un discours de contestation. Roman de la vengeance antérieur de quelques années à la Colomba de Mérimée, aux Frères Corses et au Comte de Monte-Cristo, Pascal Bruno constitue donc le prototype d'un genre très en vogue dans la littérature romantique ; il témoigne de la fascination des lecteurs pour les rituels des sociétés archaïques, précisément à une époque où le droit se fait impersonnel en se modernisant. Présentée dans un de ses terroirs de prédilection, la vengeance ne fait l'objet d'aucune condamnation et est perçue comme une aspiration légitime dans un monde inégalitaire et injuste. Première ébauche de Dantès/Monte-Cristo, bandit d'honneur, homme révolté, Pascal Bruno mérite une place d'honneur dans la galerie de portraits des personnages dumasiens.

Anne-Marie Callet-Bianco

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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