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Titre Lorenzino

Année de publication 1842

Genre Théâtre

Collaborateur(s) -

Epoque du récit 2 et 3 janvier 1537

Résumé Après une nuit de débauche en compagnie de son cousin le duc Alexandre, Lorenzo de Médicis est pressé par Philippe Strozzi, qui voit en lui un nouveau Brutus, de se joindre à la conjuration républicaine. Mais le jeune homme se perd en atermoiements (Acte I). Le lendemain matin, Lorenzo paraît toujours servir les desseins d'Alexandre, qui convoite maintenant Luisa Strozzi. Cependant, la jeune fille garde confiance. Elle aime Lorenzo... (Acte II).

Elle lui révèle même où se cache son père. Or celui-ci est arrêté avec les autres conjurés. Tout accuse le favori, qui prie pourtant Luisa de continuer à croire en lui (Acte III). Dans la prison où les conjurés attendent la mort, Lorenzo demande à être entendu par l'aumônier; celui-ci reçoit sa confession puis lui ouvre un passage dans la masse des prisonniers qui l'ont reconnu et veulent sa mort: «Frères! Laissez passer cet homme en vous inclinant devant lui... C'est le plus grand de nous tous...» (Acte IV).

Cependant, Lorenzo joue jusqu'au bout son rôle d'entremetteur en conduisant Luisa chez le duc. Persuadée qu'il l'a livrée, elle s'empoisonne au moment où Lorenzo frappe le tyran. Désespoir de Lorenzo: «Je n'avais que deux amours: Florence et elle... Je n'ai plus qu'une religion: la liberté!...» (Acte V).

Analyse Le Lorenzaccio de Musset, publié en 1834 dans le deuxième volume des Comédies et proverbes vient immédiatement aujourd'hui à l'esprit de tout lecteur du Lorenzino de Dumas. Il n'est pas évident qu'il en fût de même pour les spectateurs du drame créé au Théâtre-Français le 24 février 1842.

Musset, qui écrivit avec Lorenzaccio la plus grande pièce du théâtre romantique comme on le dit souvent, avait capitulé devant les exigences de la scène, et Georges Sand aussi, qui lui avait confié pour qu'il les arrange en pièce ces scènes dialoguées publiées plus tard sous le titre Une conspiration en 1537. Les 39 tableaux de Musset s'avérèrent injouables jusqu'en 1896. A cette date, réduits à 7, ils furent mis en scène au Théâtre-Français pour Sarah Bernhardt qui s'était adjugée le rôle titre. Ce n'est que dans les années 30 seulement qu'on put voir une mise en scène à peu près fidèle à l'oeuvre de Musset.

La pièce de Dumas, souvent méconnue, a au moins le mérite d'avoir été jouée, en un temps où on aurait pu retenir à son encontre l'avis des censeurs du Second Empire à propos de Musset: «La discussion du droit d'assassiner un souverain dont les crimes et les iniquités crient vengeance, le meurtre même du prince par un de ses parents, type de dégradation et d'abrutissement, nous paraissent un spectacle dangereux à montrer au public». Musset donne à son héros beaucoup de traits d'un caractère qu'il affiche ostensiblement, en en faisant un personnage emblématique du romantisme des Nuits («Les plus désespérés sont les chants les plus beaux»): Lorenzaccio ne croit plus à grand-chose et se persuade peu à peu de l'inanité de son acte.

Lorenzino, au contraire, est un fervent républicain qui surmontera la mort de son amante pour ne plus se consacrer qu'au combat pour la liberté. Qu'importe si l'histoire est davantage du côté de Musset pour une fois: le meurtre d'Alexandre fut inutile, et l'opinion publique flétrit vite les assassins du tyran (Dumas évoque cet aspect dans un roman qu'il tira de la pièce en 1861, Une nuit à Florence ).

La pièce de Dumas bénéficie d'un sens réel de l'intrigue et d'une bonne progression dramatique. Les deux auteurs étaient à bonne école. A tous deux La conjuration de Fiesque de Schiller servit de modèle; il est probable qu'ils eurent également connaissance des Mémoires du Cardinal de Retz. Mais Dumas avait une longueur d'avance, ayant traduit la tragédie de Schiller dès 1827 (Fiesque de Lavagna).

Lecteur de Shakespeare, et fervent républicain, Dumas se souvient aussi de Brutus. C'est l'occasion d'une scène de théâtre dans le théâtre, très intéressante tant au point de vue dramatique qu'au point de vue littéraire: un fragment de tragédie néo-classique en vers dans un drame romantique en prose (II, 4), au cours duquel le jeune Michele teste les sentiments du héros en répétant avec lui une scène de la tragédie Brutus écrite par Lorenzo. Ce même Michele, que Dumas baptise aussi le temps d'une réplique Scoronconcolo, clin d'oeil au spadassin de Musset.

Une précision en ce qui concerne les titres et le surnom du héros pour terminer: on dit souvent que les diminutifs en «accio» sont dépréciatifs en italien; les diminutifs en «ino» au contraire auraient une tonalité plus affective. Or, dans le dialecte toscan, et plus particulièrement à Florence, «accio» est utilisé pour «ino». Les deux surnoms sont équivalents: Dumas le savait-il, qui fréquenta l'Italie plus que Musset?

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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