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Le grand dictionnaire de cuisine | Vous êtes ici : Accueil
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Titre
Après une longue introduction dans laquelle il trace un historique de la cuisine depuis les temps les plus anciens, il commence le dictionnaire proprement dit en classant les différents éléments dans l'ordre alphabétique (parfois un peu excentrique). Les articles sont plus ou moins longs et plus ou moins documentés. Dumas commence généralement par un descriptif zoologique ou technique, augmenté d'un historique inégalement développé, avec parfois un point d'étymologie. Il rehausse son propos d'anecdotes historiques, vécues (récits de voyage) ou totalement inventées, il mentionne les records de taille et de poids de certains animaux (Brochet), ajoute des extraits littéraires, voire des commentaires ayant, a priori, peu de rapport avec la cuisine: l'absinthe, fléau des poètes, ou la feuille d'acanthe comme élément de décoration architecturale. Ses nombreux voyages ont été autant d'occasions de tester de nouvelles saveurs et de récolter des recettes comme celles de la Truite à la montagnarde (Suisse) ou du Macaroni à la Napolitaine, sans oublier le Pied d'éléphant ou les Pattes d'ours. Il s'est renseigné sur les habitudes culinaires, a rencontré les grands noms de la cuisine locale, a recherché et goûté les spécialités et parfois, comme en Allemagne ou en Espagne, a déploré la pauvreté des mets et des goûts. Dumas utilise sa propre expérience et parle en connaissance de cause. Il mentionne abondamment les plats ou les aliments plus ou moins exotiques et ragoûtants qu'il a pu goûter ou dont il a entendu parler: l'aigle qu'il vaut mieux laisser planer; le chien; le cygne; le dauphin dont la chair est indigeste; la baleine; la belette; l'éléphant; l'autruche qui selon lui n'est pas bonne alors que le kangourou est excellent; le merle; l'ours; le paon; le rossignol ou encore la tortue. Il s'insurge parfois contre des techniques culinaires jugées barbares comme le gavage des oies et, à l'artiche Foie gras, site in extenso la pétition de M. de Créquy qui demande l'interdiction de telles pratiques. L'ensemble se veut complet. On s'y promène, on y rit, on s'étonne,
on se lèche les babines ou au contraire on ravale sa salive, bref
on s'y régale de toutes les manières. Dans son œuvre, les repas et la bonne chère tiennent une place de choix; on se lèche les babines à la lecture des agapes des mousquetaires ou des raffinements culinaires des dîners de Monte-Cristo, cet ange vengeur qui ne mangeait presque pas. Le grand dictionnaire de cuisine apparaît donc comme une œuvre naturelle et évidente. Rédigé en Bretagne alors qu'il est très malade, le manuscrit du Dictionnaire est donné à son éditeur Alphonse Lemerre en mars 1870. Dumas meurt le 5 décembre suivant sans que le livre ait été publié. Peu de temps après, Lemerre en confie la direction éditoriale à Leconte de Lisle et au jeune Anatole France. La supervision technique est quant à elle confiée au cuisinier Vuillemot qui fait quelques corrections d'amour propre comme dans l'article Lapin où la recette du Lapin cuit dans sa peau, inventée par Dumas, devient une de ses créations. L'ouvrage est publié en 1873. Le grand dictionnaire de cuisine n'est pas un livre de cuisine. En effet, il est malaisé de suivre et de réaliser l'une de ces recettes et pas seulement parce qu'il est plus que difficile de se procurer des pieds d'éléphant ou des steaks d'ours des Pyrénées. La liste des ingrédients n'est pas toujours complète; les temps de cuisson (sans parler du thermostat du four!) ne sont pas mentionnés; les quantités sont très approximatives. (A cet égard, soulignons la parution en 2001 de La grande vie d'Alexandre Dumas, aux Editions Minerva, beau livre comprenant de nombreuses recettes tirées du Grand dictionnaire de cuisine, adaptées et modernisées par le cuisinier Alain Ducasse de façon à être utilisables). Mais l'objectif de Dumas n'est pas d'être précis. En fait, il rédige son livre comme il a rédigé ses romans, il donne les recettes en les racontant, il veut que le lecteur prenne du plaisir et ait envie de lire l'ouvrage in-extenso, tout comme il a pu se jeter passionnément dans la lecture de ses plus célèbres livres. Après cela, Dumas espère que ce même lecteur aura le désir de se lancer dans la réalisation d'un plat comme on tente une aventure. Le grand dictionnaire de cuisine se veut un guide et non un manuel. L'objectif est de donner envie de se mettre aux fourneaux et d'y assouvir sa curiosité et ses goûts. Dumas conçoit la cuisine comme n'importe quel autre art, que ce soit la peinture, la sculpture ou la littérature: il faut oser, avoir très envie de se jeter à l'eau et de prendre des risques; il faut tâtonner, ne pas crainte l'erreur et savoir que le chef-d'œuvre est une exception. Dumas n'oublie pas non plus que l'art est une école de liberté, une recette de cuisine est avant tout pour lui un appel à la créativité, à la recherche; c'est un enrichissement personnel, une invitation à l'exploration de son inventivité. D'ailleurs, Dumas met ses préceptes en pratique. Il aime cuisiner lui-même, il aime faire de nouvelles découvertes et essayer de nouvelles recettes et tant pis si certains plats sont ratés. Alexandre Dumas est un amoureux de la vie et de ce qui est vivant. Son don de plaire, son besoin de conter, de partager, sa bonne humeur, toutes ses qualités qui font le charme et le succès de ses livres devaient naturellement le mener à la gastronomie. «Je veux clore mon œuvre de cinq cents volumes par un livre de cuisine», disait-il, un dictionnaire de cuisine comme une apothéose à une œuvre monumentale. Delphine Dubois |
© Société des Amis d'Alexandre Dumas 1998-2010 |
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