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Titre Catilina

Année de publication 1848

Genre Théâtre

Collaborateur(s) Auguste Maquet, Théodore Burette (non crédités)

Epoque du récit 1er siècle av. J.-C.

Résumé 78 av. J.-C. Catilina, jeune romain débauché, viole une vestale (prologue).

Quinze ans après, Marcia, la vestale, vit recluse à Rome avec Charinus, le fils qu’elle a eu de Catilina. Tandis que Catilina complote, Caton et Lucullus s’entendent pour faire nommer Cicéron consul. Rencontre fortuite de Catilina et de Charinus: la voix du sang s’exprime (Acte I).

Alors qu’il s’apprête à se partager le monde avec ses conjurés, Catilina conclut un mariage de raison avec la très riche Aurelia Orestilla. Celle-ci a compris l’intérêt porté par son époux à Charinus et intrigue pour se débarrasser de ce probable héritier (Acte II).

Catilina se rend chez Marcia pour rencontrer l’adolescent. Il implore l’ancienne vestale au nom de l’amour paternel; Marcia faiblit. Survient Cicéron qui propose une alliance à Catilina. Celui-ci refuse et Cicéron le condamne à mort. Au moment où le tribun revient avec ses chevaliers armés, Charinus, caché, et qui a tout entendu, ouvre un passage secret: «Venez, mon père!» (Acte III).

Le jour des élections, César encore hésitant vote pour Antoine et Catilina. Une manœuvre de sa maîtresse change son vote et Cicéron l’emporte. Pendant ce temps, Orestilla découvre Charinus, l’enlève et le tue (Acte IV).

Lors du banquet qui scelle le complot, Catilina fait boire aux conjurés une coupe de sang et découvre avec horreur comment Orestilla s’est vengée: c’est celui de son fils (Acte V)!

Mis hors la loi, condamné, pourchassé, Catilina meurt à la bataille de Pistoie (épilogue).

Analyse Deuxième pièce «romaine» de Dumas, après Caligula, et avant Le testament de César (signé Jules Lacroix), Catilina figure aussi comme pièce «républicaine» dans la liste donnée en postface de La barrière de Clichy (avec Richard Darlington et Les Girondins) en 1851. Créée au Théâtre-Historique le 14 octobre 1848, la longueur de la pièce, sa structure complexe (cinq actes, sept tableaux, un prologue, un épilogue), l’écriture en prose, le goût pour le pittoresque des scènes de rue (qui l’apparente à l’incipit de Coriolan), en font un drame historique davantage proche de Shakespeare ou de Schiller que d’une tragédie revendiquée comme telle, Caligula, ou d’un mélo plus ou moins bien ficelé, Le testament de César, joués tous deux (en vers) au Théâtre-Français.

Le «peuple, toujours oublié dans les révolutions», comme le dit un des personnages, en est un acteur privilégié. C’est autour de lui que gravitent César, Cicéron, Caton et Catilina, dans ces heures graves de l’automne 63, lors d’un scrutin se déroulant sur fond de conspiration.

Écrite dans les semaines qui suivirent les tragiques journées de juin 1848, la pièce n’a rien d’un divertissement et propose sur l’exercice du pouvoir politique une réflexion proche de celle que l’on trouvait déjà en 1839 dans Léo Burckart. César, peint comme un opportuniste qui finit par voter Catilina, n’en sort pas grandi. Cicéron et Caton, murés dans leur vertu et leur conception abstraite de l’ordre, perdent le sens de la justice, qui semble animer un moment Catilina le dévoyé.

C’est le seul personnage à dimension vraiment humaine de la pièce, rédimé par la découverte de ce fils inattendu qu’il va chérir plus que sa vie ou ses ambitions. Non que ce populiste avant la lettre qui manipule le peuple avec des promesses égalitaires plus ou moins reprises des Gracques en devienne pour autant sympathique: c’est une crapule, bien sûr, mais les autres ne valent guère mieux.

Dumas prend ses distances avec les portraits charges légués à l’histoire par Cicéron, le vainqueur, Salluste et quelques autres, et laisse augurer que Rome n’est peut-être pas sauvée comme on veut le croire alors. Les tourments intimes du personnage, son romantisme noir, en font également un personnage typique du théâtre de cette époque (le rôle était interprété par Mélingue). Son goût pour la mort est attesté dans des rumeurs qui l’accusaient même de sacrifices humains, ce qui amène Dumas à cette mise en scène spectaculaire du pacte de sang autour de la coupe, qui tire la pièce vers le fantastique, et n’est pas la meilleure de l’œuvre.

Il y a cependant de grands moments dans le drame: le dialogue philosophique, au début, entre Caton, Cicéron et Lucullus, où ce dernier, l’épicurien amateur de bons plats, tire des tumultes politiques une leçon que ne devait pas démentir Dumas; la confrontation Cicéron–Catilina, dans l’acte III, où s’opposent la vertu et le vice, mais aussi l’ordre et la justice, et deux conceptions de l’État toujours très actuelles.

Un siècle plus tôt, Crébillon, dans Catilina, et Voltaire, dans Rome sauvée (ce dernier avec beaucoup plus de succès), avaient traité le sujet au théâtre, dans une perspective cicéronienne. En 1844, le second volume des Études d’histoire romaine de Prosper Mérimée est consacré à La conjuration de Catilina; il semble être l’un des premiers à mettre en doute la pureté des intentions cicéroniennes, et sans doute Dumas a-t-il lu cet ouvrage.

Probablement écrite avec Maquet, la pièce a semble-t-il aussi bénéficié de la collaboration de Théodore Burette (selon le témoignage de Blaze de Bury). A noter un rôle travesti, l’adolescent Charinus (Mme Rey), alors que le jeune voyou Cicada, du même âge, est joué par un garçon (Colbrun). Autre curiosité: à l’acte III, Charinus lit à sa mère une traduction de la Phèdre d’Euripide qu’il vient de composer. À quelques mots près, cette tirade figure dans le manuscrit de la Phèdre inédite de Dumas dont Glinel révéla quelques fragments dans Le théâtre inédit d’Alexandre Dumas père publié en 1899. Glinel ne signale pas que cette «prière à Diane» figurait déjà dans Catilina.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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