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Titre Bouts-rimés

Année de publication 1865

Genre Causerie

Collaborateur(s) 378 (!)

Epoque du récit contemporain

Résumé Dans un article en forme de causerie pour Le Petit Journal auquel il faisait parvenir des correspondances, Dumas raconte avoir hérité d'un lot de papiers de sa sœur Marie, dernièrement décédée. Il y a redécouvert un poème co-signé de lui et de son ami et collaborateur Joseph Méry. C'est le prétexte pour raconter à ses chers lecteurs comment se passaient ces bonnes soirées entre amis au cours desquelles on improvisait des vers à partir de rimes choisies par un tiers.
A ce jeu des bouts-rimés, raconte Dumas, Méry était un as de l'improvisation. Il cite les alexandrins que Méry avait vite pondus à partir de 24 mots plutôt difficiles à agencer dans l'ordre à l'intérieur d'un même texte. Les voici:

Femme – Catilina – Âme – Fouina – Jongle – Citoyen – Ongle – Païen – Mirabelle – Mirabeau – Belle – Flambeau – Orestie – Gabrio – Répartie – Agio – Figue – Faisan – Ligue – Parmesan – Noisette – Pâté – Grisette - Bâté.

Dumas précise dans une note que Gabrio était le sobriquet affectueux de la comtesse Dash, dont le prénom était Gabrielle.

A titre d'exemple, voici le début du poème composé par Méry:

En vous voyant ce soir, jeune et charmante femme,
Chez l'auteur d'Henri Trois et de Catilina,
Pour écrire ces vers, la peur glaça mon âme,
Ma plume tressaillit, le poète fouina.

Il en profite pour lancer un concours. Le lecteur qui réussira le meilleur poème avec les mêmes bouts-rimés recevra l'original qui porte les rimes de Dumas, le texte de Méry et leurs deux écritures.

Il raconte avoir eu la conviction que peu seraient en mesure de relever le défi. Le succès fut tel cependant qu'il se vit incapable de choisir un seul gagnant. Il proposa donc une souscription à un franc aux quelque 200.000 lecteurs du Petit Journal. S'il en obtenait 500, alors il ferait un volume avec tous les poèmes reçus. Sa préface du 9 mars 1865 en forme de causerie témoigne qu'il a obtenu le nombre de souscriptions désirées. D'où ce volume qui reprend l'ensemble des poèmes envoyés par les lecteurs.

Analyse De ce livre jamais réédité de près de 300 pages, seules les dix premières sont de Dumas. On comprend bien, vu la nature du propos, que l'ouvrage ne figure pas dans ses œuvres complètes chez Lévy ou Levasseur.

Il n'empêche que ce court texte est fort attachant à plus d'un titre. D'abord, il y a la référence à sa sœur Marie dont on sait trop peu de choses. Avis aux chercheurs, Dumas affirme avoir récupéré beaucoup des lettres qu'il lui a écrites.

Ensuite, il nous campe un Joseph Méy plutôt sympathique. C'est à ce collaborateur qu'on doit le roman Un médecin de Java (titre de la version en feuilleton) ou L'île de feu (version en volume).

Enfin, ce texte montre comment, à partir de petits riens, Dumas arrive à susciter beaucoup d'intérêt.

Pour les versificateurs amateurs enfin, notons que quelques collaborations sont bien troussées. Ils apprécieront peut-être surtout celle de G. Dorval intitulée Alexandre Dumas, que nous reproduisons intégralement ici.

Alexandre Dumas

Dumas est fin, aimable et doux comme une femme;
Son génie a créé Kean et Catilina,
Et tous ceux qui l'ont lu l'aiment de cœur et d'âme,
Car son brillant esprit jamais ne fouina.
Roi de la blague, avec les mots sa plume jongle;
Il nous fait dans Pitou voir un bon citoyen;
Nous montre d'Artagnan qui, sans peur, rogne l'ongle
De Richelieu, le prêtre à l'âme de païen.
Son souple talent, doux comme une mirabelle,
Dans un livre émouvant nous fait de Mirabeau
Admirer aisément la vois puissante et belle,
Eclairant les esprits comme un divin flambeau.
En admirables vers ciselant l'Orestie,
Dans cette œuvre il a mis le cœur de Gabrio,
La verve de Méry, l'esprit, la repartie,
Dont il s'est fait le roi, seul et sans agio.
On lit ce qu'il écrit comme on mange une figue,
Une tarte à la crème, une aile de faisan;
Que ce soir un roman sur la Fronde ou la Ligue,
Ou le moyen de faire un plat au parmesan;
Car il cause de tout: la modeste noisette
Inspirerait sa verve autant qu'un gros pâté,
Et ce grand enchanteur sait peindre une grisette
Aussi bien qu'une reine ou qu'un âne bâté.


Rudy Le Cours

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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