Benvenuto Cellini Vous êtes ici : Accueil > Œuvre > Dictionnaire des œuvres
Page précédente | Imprimer

Titre Benvenuro Cellini

Année de publication 1852

Genre Théâtre (drame en cinq actes et huit tableaux, Porte-Saint-Martin, 1er avril 1852)

Collaborateur(s) Paul Meurice

Epoque du récit 1540

Résumé Benvenuto Cellini s'apprête à recevoir le roi François Ier dans son atelier. Son amie Jeanne qu'il appelle Scozzone, vient le mettre en garde : sa demi-sœur Mme d'Étampes, la maîtresse du roi, vient de jeter son dévolu sur son apprenti, Ascanio. Cependant, subjugué par le talent de l'artiste, le roi lui donne son palais du Grand Nesle, ce qui suscite la jalousie d'Estourville, le prévôt de Paris qui en avait la jouissance. D'Estourville et Mme d'Étampes complotent contre Benvenuto. Au moment de mener l'assaut contre le palais, Benvenuto tombe sous le charme de Colombe, la fille du prévôt, secrètement aimée d'Ascanio (Acte I). Jalouse de Colombe, Scozzone propose à sa demi-sœur un pacte ; elle lui révèle qu'Ascanio aime aussi Colombe. Mme d'Étampes décide alors le prévôt à marier sa fille avec l'un de leurs affidés. Modelant sa statue d'Hébé qui prend peu à peu l'apparence de Colombe, Benvenuto révèle son secret à Ascanio ; l'adolescent se désespère. Les intrigues allant bon train, Benvenuto perd la faveur du roi (Acte II). Benvenuto revient néanmoins au Louvre dans l'entourage de Charles-Quint. Mme d'Étampes a incité le roi à retenir l'empereur prisonnier, pour se venger ainsi de l'affront qu'il lui a infligé naguère. Mais Benvenuto convainc François Ier de rester fidèle à son image de roi-chevalier : l'empereur repartira, le sculpteur restera et coulera son Jupiter de bronze qui doit consacrer sa gloire. Mme d'Étampes prend sa revanche en annonçant publiquement le mariage de Colombe avec le comte d'Orbec (Acte III). Pour sauver Colombe, Benvenuto a prévu de l'enfermer dans une châsse ouvragée qu'il doit livrer au couvent des Ursulines. Toutes à leur vengeance, Mme d'Étampes et Scozzone veulent l'y laisser mourir. Mais, apprenant qu'Ascanio l'aime, Benvenuto renonce à la jeune fille. Dans un sursaut de générosité, Scozzone se laisse enfermer dans le piège pour sauver Colombe (Acte IV). Malgré bien des embûches, Benvenuto parvient à couler le Jupiter, qui lui permettra de demander pour Ascanio la main de Colombe au roi. Les amoureux sont comblés, les méchants confondus. Mais Scozzone est morte, Benvenuto découvre qu'il l'aimait et décide de quitter la France après avoir sculpté son tombeau (Acte V).

Analyse Selon Théophile Gautier, Paul Meurice avait mis à profit ses longs mois d'internement à la Conciergerie pour composer ce drame. Il y avait été incarcéré dès le 16 décembre 1851 pour délit de presse, avec Auguste Vacquerie et Charles et François-Victor Hugo, rédacteurs de L'Évènement. Libéré le 17 août de l'année suivante c'est de sa prison qu'il signe et date la préface de l'œuvre, créée entre temps, le 1er avril 1852 et publiée deux fois la même année chez Michel Lévy (un volume in-18 de 88 pages, et un fascicule de 25 pages constituant la 11ème livraison du Théâtre contemporain illustré). Contrairement à ce qui se passera plus tard pour Les deux Diane, le roman et la pièce, dont Dumas attribuera l'entière paternité à Meurice, et que celui-ci lui dédia en signe de reconnaissance, une difficulté s'était élevée alors entre les deux auteurs au sujet du drame tiré du roman Ascanio. Glinel en effet cite une lettre à Anténor Joly, datée de Bruxelles, le 27 février 1852, dans laquelle Dumas écrit : "J'apprends qu'on répète sans mon autorisation Ascanio [sic] à la Porte-Saint-Martin. Veuillez annoncer dans Le Pays que je m'oppose positivement à la représentation de mon drame pour la mise en répétition duquel on n'a oublié qu'une chose - c'est de me consulter". Au-delà des circonstances politiques - Dumas, exilé en Belgique, ne souhaite sans doute pas que son nom réapparaisse de sitôt sur une scène et, de fait, aucune pièce de lui ou de l'un de ses prête-noms ne paraîtra dans les premières années du Second-Empire - ou plus matérielles - pour éviter une saisie de ses droits d'auteur -, on peut voir ici une sorte de revendication. Ce sont ces circonstances qui expliquent aussi sans doute que jamais le nom de Dumas ne soit cité dans l'ouvrage. Le drame diffère beaucoup du roman qui finit en comédie, Scozzone épousant Pagolo, l'ouvrier "félon", et certains personnages, comme Jacques Aubry ou Diane de Poitiers, disparaissant. Mais le souffle dumasien demeure. Ici, il ne fait qu'un avec l'esprit du grand théâtre romantique, ce qu'ont eu en commun à un moment Hugo et Dumas, et Meurice qui en fut si proche : des antithèses d'une préface très hugolienne aux leçons de générosité que donnent les humbles aux grands de ce monde, d'une méditation sur les rapports de la douleur et de la création (avec un hommage elliptique au Chatterton de Vigny) à ce dialogue philosophique entre le roi François et Benvenuto sur le juste et le beau et leur possible adéquation. C'est aussi un drame spectaculaire où Mélingue qui jouait Benvenuto et assura au drame une partie de son succès modelait chaque soir en temps réel (un quart d'heure dit Meurice) la statue de l'Hébé ; doutant qu'on trouve un tel talent dans les autres "théâtres des départements et de Paris" l'auteur propose à leur adresse un artifice de mise en scène : recouvrir d'argile un plâtre de l'Hébé que l'acteur dégagera progressivement à l'ébauchoir. Meurice revendiqua pleinement la pièce, la faisant figurer sous son seul nom en tête de sa bibliographie. Mais il republiera, plus tard, dans Théâtre (études et copies) en mentionnant le nom de son collaborateur l'Hamlet, prince de Danemark qu'il avait écrit avec Dumas. On les retrouvera pour Les deux Diane puis Roméo et Juliette. Romancier et dramaturge, il avait également travaillé avec George Sand et adapté au théâtre les grands romans de Hugo. Berlioz, en 1838, avait consacré un opéra à Benvenuto Cellini (sur un livret de Léon de Wailly et Auguste Barbier tiré des mémoires du sculpteur) ; Ascanio, un autre opéra en cinq actes de Louis Gallet sur une partition de Camillle Saint-Saëns, d'après la pièce et le roman, fut créé à l'Académie nationale de musique le 21 mai 1890. À l'occasion, la pièce fut rééditée dans le tome I du Théâtre de Meurice, chez Calmann-Lévy.

François Rahier

© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
Haut de page
Page précédente