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Potage


On appelle potage toute nourriture destinée à être servie dans une soupière et à ouvrir le repas.
On appelle pot-au-feu le bouillon que l'on tire du boeuf cuit à l'eau et qui en a extrait les parties solubles.
Voici ce que dit Brillat-Savarin :
« Pour avoir de bon bouillon, il faut que l'eau s'échauffe lentement, afin que l'albumine ne se coagule pas dans l'intérieur avant d'être extraite ; il faut que l'ébullition s'aperçoive à peine, afin que les diverses parties qui sont successivement dissoutes puissent s'unir intimement et sans trouble ; on joint au bouillon des légumes et des racines pour en relever le goût, ou du pain ou des pâtes pour le rendre plus nourrissant.
« Le bouillon est une nourriture saine, légère, succulente et qui convient à tout le monde. Il réjouit l'estomac, il le dispose à recevoir et à digérer. Les personnes menacées d'obésité doivent laisser le pain et les pâtes de côté et ne prendre que le bouillon.
« On convient généralement qu'on ne mange nulle part d'aussi bon bouillon qu'en France. J'ai trouvé dans mes voyages la confirmation de cette vérité. Ce résultat ne doit point étonner, car le bouillon est la base de la diète nationale française, et l'expérience des siècles a dû le porter à sa perfection.
« Le bouilli est une nourriture saine, qui apaise promptement la faim, se digère assez bien, mais qui seule ne restaure pas beaucoup, parce que la viande a perdu dans l'ébullition une partie des sucs animalisables.
« On tient comme la règle générale, en administration, que le boeuf bouilli a perdu la moitié de son poids.
« Nous comprenons sous quatre catégories les personnes qui mangent le bouilli :
« Les routiniers, qui en mangent parce que leurs parents en mangeaient, et qui, suivant cette pratique avec une soumission implicite, espèrent bien aussi être imités par leurs enfants.
« Les impatients qui, abhorrant l'inactivité à table, ont contracté l'habitude de se jeter immédiatement sur la première matière qui se présente.
« Les inattentifs, qui, n'ayant pas reçu du ciel le feu sacré, regardent les repas comme les heures d'un travail obligé et mettent sur le même niveau tout ce qui peut les nourrir et sont à table comme l'huître sur son banc.
« Les dévorants qui, doués d'un appétit dont ils cherchent à dissimuler l'étendue, se hâtent de jeter dans leur estomac une première victime pour apaiser le feu gastrique qui les dévore, et servir de base aux divers envois qu'ils se proposent d'acheminer pour la même destination.
« Les professeurs ne mangent jamais de bouilli, par respect pour les principes et parce qu'ils ont fait entendre en chaire cette vérité incontestable : Le bouilli est de la chair moins son jus. »

Grand consommé pour potage et sauce.
Mettez dans une marmite deux jarrets de veau, un morceau de tranche de boeuf, une poule ou un vieux coq, un lapin de garenne ou deux vieilles perdrix, mouillez le tout avec une cuillerée à pot de bouillon et remuez-le. Lorsque vous verrez que cela commence à tomber à glace, mouillez-le avec du bouillon et faites surtout qu'il soit clair ; faites bouillir ce consommé, écumez- le, rafraîchissez-le de temps en temps, mettez-y des légumes, tels que carottes, oignons, un pied de céleri, un bouquet de persil et de ciboules ; assaisonnez d'une gousse d'ail et de deux clous de girolle, faites bouillir ce consommé quatre à cinq heures, passez-le à travers une serviette ; vous vous en servirez pour travailler vos sauces et pour vos potages clairs.

Bouillabaisse. Recette de M. Roubion, restaurateur à Marseille.
Prenez plusieurs qualités de poissons, tels que merlan, grondin, scorpène ou rascasse, turbot, etc., et coupez-les en morceaux.
Préparez un roussi composé d'oignons, d'ail, de persil haché, de tomates, feuille de laurier, écorce d'orange, poivre, épices fines et un ou deux verres d'huile, suivant la force de la bouillabaisse ; faites revenir le tout dans une casserole. Mettez ensuite votre poisson dans cette casserole, ajoutez-y une pincée de sel et autant de safran, mouillez avec de l'eau bouillante de façon à ce que le poisson baigne entièrement et faites bouillir à grand feu la bouillabaisse pendant un quart d'heure, jusqu'à ce qu'elle soit réduite aux trois quarts ; versez le bouillon sur des tranches de pain que vous aurez coupées et mises dans un plat et servez votre poisson à côté sur un autre plat.

Potage à la bourride et à l'ailloli. Recette du même.
Apprêtez le poisson comme il est indiqué ci-dessus, mettez-le dans une casserole avec de l'ail, un bouquet de persil, du poivre, des épices fines, du laurier, un morceau d'écorce d'orange et du sel ; mouillez le tout d'eau bouillante et de vin blanc comme un court-bouillon, faites bouillir pendant un quart d'heure jusqu'à moitié de sa réduction.
Préparez alors un aillolis ou pommade à l'ail comme il suit : Pilez dans un mortier une ou deux gousses d'ail avec une pincée de sel, faites lier un jaune d'oeuf et monter comme mayonnaise jusqu'à ce qu'on en ait la quantité voulue, additionnez avec un jus de citron.
Cassez dans une casserole deux ou trois jaunes d'oeufs, délayez-y votre aillolis, versez-y votre bouillon de poisson et tournez votre bourride comme une crème sur le feu, jusqu'à ce qu'elle grille, fouettez-la, frappez vos tranches de pain que vous aurez humectées avec le bouillon de poisson et servez le poisson à côté sur un autre plat.

Potage au blond de veau.
Beurrez le fond d'une casserole, mettez-y quelques lames de jambon, quatre ou cinq livres de veau de bonne qualité, deux ou trois carottes tournées, autant d'oignons ; mouillez le tout avec une cuillerée de grand bouillon, faites-le suer sur un feu doux et réduire jusqu'à consistance de glace ; quand elle sera d'une belle teinte jaune, retirez-la du feu, piquez les chairs avec la pointe d'un couteau pour en faire sortir le reste du jus ; couvrez votre blond de veau, laissez-le suer ainsi un quart d'heure, et mouillez avec du grand bouillon suivant la quantité de vos viandes ; mettez-y un bouquet de persil et ciboules assaisonné de la moitié d'une gousse d'ail et piqué d'un clou de girofle ; faites bouillir ce blond de veau, écumez-le ; mettez-le mijoter sur le bord d'un fourneau ; vos viandes cuites, dégraissez-le, passez-le et servez-vous-en comme de l'empotage pour le riz, le vermicelle et même vos sauces.

Bouillabaisse à la nîmoise.
Mettez au fond díune casserole un morceau de beurre bien frais, et rangez au- dessous plusieurs espèces de poissons, anguilles cuites à moitié, rougets presque cuits, soles, pageaux, dorades, queues de langoustes, le tout coupé en morceaux, assaisonnez et ajoutez des fines herbes bien hachées, mouillez jusqu'à la surface avec de l'excellent bouillon de poisson, que vous aurez fait ainsi :
Mettez dans une casserole toute sorte de poissons, des rascasses, des moraines, des saint-Pierre, des pagels, des loups et des merlans ; faites bouillir en les couvrant d'eau, assaisonnée avec un oignon, une carotte coupée en tranches, du céleri, un coeur de laitue, du cerfeuil, du persil, une demi- feuille de laurier, deux clous de girofle, un peu d'excellente huile ou de beurre, du sel et un ail ; après une bonne cuisson, passez au tamis ; ce bouillon vous servira pour vos potages et vos sauces blanches au poisson. Mouillez, avons- nous dit, avec de l'excellent bouillon de poisson, un verre de vin blanc sec ou de Madère ; faites cuire alors à grand feu pour précipiter la réduction du mouillement.
Ayez un foie de baudroie que vous aurez fait cuire dans le mouillement de votre poisson, pilez-le parfaitement, mêlez-y trois jaunes d'oeufs et délayez le tout avec un demi-verre de très bonne huile, dressez ensuite votre poisson sur le plat, remettez son fond de cuisson sur le feu, liez-le avec le foie de baudroie comme il vient d'être indiqué ; passez cette sauce au tamis en la faisant tomber sur le poisson, et entourez le plat de croûtons frits au beurre.

Potage à la bisque.
Cuisez cent écrevisses comme à l'ordinaire, faites-en sécher les pattes et les corps à un four bien doux, pilez-les parfaitement, et mettez-les à bouillir dans de l'excellent bouillon, un instant après passez au tamis et conservez ce bouillon ; pilez alors la chair des écrevisses avec des blancs de volailles, passez au tamis pour obtenir une purée que vous délayerez avec le bouillon que je viens d'indiquer ; faites chauffer au bain-marie et versez dans votre terrine en y joignant de petits croûtons passés au beurre clarifié. Recette de Durand. N'oubliez pas d'ajouter à cet excellent potage du beurre frais et un peu de piment.

Potage au vougoli.
Cette soupe, la seule bonne que j'aie mangée à Naples, se fait dans un restaurant de Mergellina, près du château de la reine Jeanne.
Mettez dans une casserole quatre douzaines de vougolis, c'est-à-dire de prayres, comme on en mange à Marseille et comme on en trouve dans tous les ports de mer de France ; mouillez-les avec les trois quarts d'une bouteille de vin blanc, sautez-les sur le feu jusqu'à ce qu'elles soient ouvertes ; égouttez-les sur une passoire, supprimez comme aux moules la moitié des coquilles, et conservez la cuisson.
Hachez un morceau de blanc de poireau avec un petit oignon, joignez-y une gousse d'ail, faites revenir le tout dans une casserole avec de la bonne huile, mouillez-les avec la cuisson des prayres, et la valeur d'un litre de bouillon de poisson ; ajoutez une tomate pelée et hachée, un bouquet de marjolaine, et quelques feuilles de céleri vert ; faites vivement bouillir tout ce liquide pendant dix minutes, retirez le bouquet et l'ail, mêlez les prayres au potage, que vous verserez dans la soupière.
Envoyez à part de petits croûtons de mie de pain frits à l'huile.

Potage à la reine.
Rôtissez deux ou trois volailles ; quand elles seront cuites, séparez la peau des os que vous jetterez dans un excellent bouillon ; pilez la chair dans un mortier, mêlez-y cinq ou six amandes pour blanchir votre purée, et gros comme un oeuf de mie de pain, que vous aurez mise un instant tremper dans votre bouillon ; ajoutez le tout en pilant quelques cuillerées à bouche de ce dernier, passez au tamis en mêlant toujours un peu de bouillon pour faciliter le passage, et faites tomber dans une casserole.
Lorsque vous voudrez vous servir de cette purée, faites-la chauffer au bain- marie, et qu'elle ne bouille pas ; versez dans votre soupière et jetez-y des croûtons de pain passés au beurre.
Nota. Toutes les autres purées de volailles ou de gibier aux croûtons de pain se font de la même manière en supprimant les six amandes qui ont fait donner à ce potage le nom de potage à la reine.

Potage croûte au pot.
Coupez du pain en tranches ; mettez-le dans un plat creux et d'argent ; mouillez-le avec d'excellent bouillon pour le faire mitonner ; lorsque votre mitonnage est réduit, pour le laisser gratiner, couvrez votre fourneau avec de la cendre rouge ; coupez un ou deux pains à potage en deux, ôtez-en toute la mie ; mettez un gril sur une cendre chaude et faites sécher vos croûtes dessus ; lorsqu'elles le seront bien, prenez la partie grasse du bouillon ou consommé ; arrosez-en le dedans de vos croûtes et saupoudrez-les de sel fin, ce qu'il en faut pour qu'elles soient d'un bon goût ; égouttez-les, mettez-les sur le gratin sans les couvrir, afin qu'elles ne mollissent pas ; arrosez-les de quart d'heure en quart d'heure, du derrière de la marmite, jusqu'à ce que le gratin soit parfaitement formé ; dégraissez-les, servez-les, et joignez-y une jatte séparée de consommé ou de bouillon.

Potage aux cerises à l'allemande.
La soupe aux cerises et la soupe à la bière sont les deux potages populaires de l'Allemagne.

Potage aux cerises.
Enlevez les noyaux et les queues à trois quarts de litre de cerises aigres et fraîchement cueillies, mettez-en les deux tiers dans une marmite en terre, ou dans une casserole non étamée ; joignez-y un morceau de cannelle et un zeste de citron, mouillez-les avec un litre d'eau chaude, posez la casserole sur un feu vif et faites cuire les cerises pendant dix minutes ; liez alors le liquide avec deux cuillerées à bouche de fécule délayée à l'eau froide. Dix minutes après, passez les cerises et le liquide au tamis, versez ce liquide dans la casserole, mêlez-y le tiers des cerises réservées, ainsi qu'un peu de sucre, faites bouillir et retirez la casserole sur le côté du feu. D'autre part, pilez deux poignées de noyaux de cerises, mettez-les dans un poêlon rouge avec deux ou trois verres de vin de Bordeaux ; faites jeter quelques bouillons et retirez le liquide du feu. Quelques minutes après, passez-le à travers un linge blanc, mêlez-le à la soupe, versez celle-ci à la soupière, et envoyez séparément une assiette de biscuits coupés en petits dés.

Soupe à la bière à la berlinoise.
Faites fondre 150 grammes de beurre dans une casserole, leur mêler 150 grammes de farine, pour former une pâte légère ; faites cuire celle-ci pendant quelques secondes en la tournant, sans lui laisser prendre couleur ; la délayer ensuite avec la valeur de trois litres de bière légère blanche ou brune, tourner le liquide sur le feu jusqu'à l'ébullition, le retirer sur le côté pour le faire dépouiller pendant vingt-cinq minutes, verser dans une petite casserole la valeur d'un demi-verre de rhum et autant de vin blanc du Rhin, un morceau de gingembre coupé et un morceau de cannelle, 100 grammes de sucre et le zeste d'un citron, couvrir la casserole et la tenir au bain-marie ; quand la soupe est bien dégraissée, la lier avec une quinzaine de jaunes d'oeufs délayés, la vanner sans la faire bouillir, ni même la chauffer trop ; la passer au tamis ; dans une autre casserole, lui mêler 200 grammes de beurre divisé en petites parties, et aussitôt lui adjoindre l'infusion au rhum en la passant, la verser dans la soupière, envoyer séparément des tranches de pain grillé.

Potage printemps.
Il se fait comme le potage à la julienne voyez le potage suivant, excepté qu'on y ajoute des pointes d'asperges, des petits pois, des radis tournés, de très petits oignons blanchis ; en faisant cuire ces légumes, mettez-y un petit morceau de sucre pour en ôter l'âcreté, faites mitonner votre potage, couvrez le des légumes énoncés, et servez-le.

Potage à la julienne.
Prenez carottes, oignons, céleri, panais, navets, laitues, oseille en égale quantité ; vous couperez votre oseille en filets, vous la ferez blanchir dans un peu d'eau, avec un peu de sel ; vous la rafraîchirez, et, un quart d'heure avant de servir, vous la mêlerez aux autres légumes. Coupez des racines en tranches d'égale longueur, réduisez-les en filets plus ou moins gros, coupez de même l'oseille, la laitue et le céleri, lavez-le tout à grande eau, égouttez-le dans une passoire ; mettez un quarteron de beurre dans une casserole avec vos racines et votre céleri, passez sur votre fourneau ces légumes, jusqu'à ce qu'ils aient pris une légère couleur, mouillez-les avec une bonne cuillerée de bouillon. Ces racines à moitié cuites, joignez-y votre oseille, laissez mijoter le tout et dégraissez-le. Quand vous serez près de vous en servir, faites le mitonnage tel qu'il est indiqué ci-dessous voir Mitonnage, versez votre julienne dessus et mêlez le tout légèrement.

Mitonnage.
Ayez un pain à potage, râpez-le légèrement, enlevez-en les croûtes sans endommager la mie, qui peut vous servir, soit pour vos autres potages, soit pour des petits croûtons ou des gros, soit pour des épinards. Si vous servez une charlotte ou une panade, coupez vos croûtes, arrondissez-les, mettez-les mitonner un quart d'heure avant de servir, mettez dessus tels légumes qu'il vous plaira, mouillez-les avec votre empotage, et servez bouillant.

Potage en tortue.
Mettez dans la marmite 3 kilos de mouton ou 2 kilos 500 grammes de parures de carrés ; ajoutez-y des débris de poissons, comme têtes et arêtes de merlans, débris de saumon, une carpe ou ses débris, ainsi du reste ; mettez ce mouton dans une marmite avec vos débris, assaisonnez-le tel que le blond de veau, faites-le suer de même ; mouillez-le avec de l'eau, écumez-le bien ; que le bouquet de persil soit forcé en aromates. De plus, joignez-y deux brins de basilic et du massif, laissez bien cuire ce mouton, passez-en le bouillon à travers une serviette, clarifiez-le au blanc d'oeuf, faites-lui jeter un bouillon, laissez-le reposer, passez-le de nouveau dans une autre serviette et faites-le réduire jusqu'à ce qu'il soit assez corsé pour pouvoir supporter, sans être réduit, du vin de Madère ; de là, prenez la moitié d'une tête de veau échaudée de la veille, désossez-la et mettez-la dégorger dans l'eau, que vous aurez soin de changer une ou deux fois ; faites-la blanchir et rafraîchir, essuyez-la, parez-la, faites-la cuire dans un blanc tel que vous le trouverez à son article ; dès qu'elle est cuite, égouttez-la ; au moment de vous en servir, coupez-la par morceaux carrés gros comme le pouce, et que vous mettrez dans le bouillon énoncé, avec les trois quarts d'une bouteille d'excellent vin de Madère, du poivre de Cayenne environ une cuillerée à café non comblée, une semblable cuillerée à café de poivre kari. Dressez votre potage, composé de vos morceaux de veau ; ayez la précaution de faire durcir auparavant quinze oeufs frais, après en avoir ôté les blancs ; mettez-en les jaunes aussi entiers que possible dans ce potage, à l'instant de servir. La perfection serait d'avoir de petits oeufs en grappe.
Nous venons de voir comment on faisait le potage à la tortue en France avec du mouton et du veau. Voyons comment il se fait, en Amérique et en Angleterre, avec de la tortue.
Soupe à la tortue à l'anglaise et à l'américaine.
Si vous le pouvez, procurez-vous une tortue bien vivante et sortant de la mer ; celles qui ont vécu pendant quelque temps avant d'être accommodées et hors de leur élément naturel contractent une odeur de poisson corrompu. Quand nous avons déjà dit quelques mots sur la tortue, en racontant comment nous les prenions, nous avons indiqué qu'il fallait, avec une ficelle, lui tirer le plus possible la tête hors de la carapace ; s'il est possible, il faut lui couper la tête d'un seul coup, avec un couteau fraîchement repassé ; il faut alors la coucher sur le dos, ce qui reste de son cou incliné, et laisser égoutter le sang pendant dix à douze heures ; il faut alors prendre le défaut de la carapace en faisant glisser un couteau entre les jointures des deux coquilles, mais sans couper les ailerons ni les nageoires de derrière ; quand le plastron est détaché, il faut enlever toutes les graisses et tous les boyaux qui doivent être réservés, détacher ensuite les ailerons et les nageoires de la carapace en même temps que les chairs et les os qui lui sont adhérents ; ces chairs ont quelque analogie avec la noix de veau ; aussi portent-elles le même nom. Il faut les séparer des os, soit pour les servir plus tard comme pièce de relevé ou d'entrée, soit pour les joindre aux os et les faire concourir à la préparation du bouillon de tortue. Quand le plastron et la carapace sont dégarnis, les diviser en carrés, les faire dégorger, les cuire à grande eau, faire également blanchir les quatre nageoires et le cou, pour les gratter et les faire dégorger pendant une heure.
Quand les carrés de la carapace et du plastron sont tendres au toucher et que les grosses arêtes et les écailles s'en détachent facilement, les égoutter, en supprimer les ordures, mettre les parties molles dans une terrine et les couvrir avec une partie de leur cuisson passée.
Coupez les os crus de la tortue, mettez-les dans une marmite avec les viandes et les nageoires, mouillez-les largement avec la cuisson du plastron, du bouillon ordinaire et de quelques bouteilles de vin blanc ; faites bouillir le liquide en l'écumant et retirez la marmite sur le côté du feu, pour la garnir et la soigner à l'égal d'un pot-au-feu. Quand les nageoires et les ailerons sont cuits, les égoutter, les désosser, les déposer dans une terrine et les couvrir également avec du fond ; dégraisser le restant, le passer et le laisser déposer. Pour préparer la soupe tortue, voilà comment opérer : pour huit à dix personnes, faire bouillir la valeur de 2 à 3 litres de bouillon de tortue et le tenir au chaud, dépecer deux moyens poulets, les mettre dans une casserole avec les carcasses coupées, les ailerons, les pattes et les gésiers propres, ainsi qu'avec 3 ou 400 grammes de jambon cru coupé en gros dés, faire revenir les viandes sur du beurre et sur un bon feu, jusqu'à ce qu'elles soient légèrement colorées, les saupoudrer alors avec deux cuillerées à bouche d'arrow-root ; deux minutes après, les mouiller avec le bouillon de tortue et un verre de vin blanc, tourner le liquide jusqu'à l'ébullition, le retirer sur le côté, lui adjoindre un bouquet d'aromates et deux oignons. Quand les poulets sont cuits, dégraisser le fond de cuisson, le passer au tamis dans une casserole, lui adjoindre une partie des chairs molles, les nageoires et une égale quantité de celles de la carapace et du plastron, les unes et les autres coupées en petits carrés, faire bouillir la soupe, lui mêler un verre de sherry. Si alors elle se trouvait trop épaisse, l'allonger avec du bouillon de tortue. Elle doit être légèrement liée. Vingt-cinq minutes après, la dégraisser, lui mêler une pointe de Cayenne et quelques parties de graisse de tortue, blanchie et coupée en petits morceaux. Au moment de servir, lui additionner une infusion préparée avec les trois quarts d'un verre de sherry, une pincée de marjolaine, une de basilic, une de sarriette, une de thym, un brin de sauge, et qu'aucun de ces aromates ne domine, et que le liquide réduise d'un tiers. Si les aromates sont frais, les piler quand ils sont cuits et les mêler à la soupe. Voici comment j'entends le potage en tortue, vraie tortue.

Potage aux choux.
Il y a plusieurs manières de faire le potage aux choux. La plus simple de toutes est de mettre un chou de bonne odeur et de bon aspect dans le pot-au feu, de le retirer quand vous le croyez cuit et de le servir avec le potage.
Nous allons indiquer les améliorations que nous avons faites à ce potage un peu trop simple, selon nous.
Prenez un chou pommé, examinez-le, qu'il soit à l'intérieur bien sain et bien frais ; faites un hachis de tous les restes de volaille et gibier que vous aurez ; ayez un bon bouillon de la veille que vous versez, au lieu d'eau ordinaire, sur le boeuf destiné à faire le bouillon du jour. Arrivé là, foncez une casserole de bon jambon fumé, Bordeaux, Strasbourg, Mayence ; écartez les feuilles de votre chou, introduisez-y votre hachis ; liez vos feuilles de manière à ce qu'on ne s'aperçoive pas de l'intercalation ; mettez votre chou garni, laissez bouillir deux heures, remplissez avec du bouillon du pot-au-feu le bouillon qui s'épuise. Après deux heures de cuisson, votre bouillon sera fait ; tirez votre bouillon du feu, laissez-le mijoter trois quarts d'heure tout ensemble, chou, hachis, jambon, dans la casserole, donnez une dernière poussée au bouillon, servez votre chou bien ficelé dans la soupière, laissez refroidir un instant, et servez.
Vous aurez le choix alors ou de manger votre chou en potage, ou de tremper du pain dans votre bouillon, et de faire de votre chou même un relevé de potage. Cuit ainsi, le chou, le bouillon et la viande, s'empruntant chacun leur suc, ont atteint la plus grande sapidité à laquelle ils puissent parvenir.
Potage aux pâtes d'Italie.
Mettez sur le feu, dans une petite marmite, d'excellent bouillon. Lorsqu'il est en grande ébullition, jetez-y des pâtes d'Italie, soit graines de melon, étoiles ou autres ; remuez-le pour qu'elles ne se pelotent pas, écumez-le et dégraissez comme pour le potage au macaroni ; laissez-le mijoter un quart d'heure, et servez.

Potage à la semoule.
La semoule est aussi une pâte d'Italie qui ressemble assez au gruau. Faites ce potage comme le précédent, en le remuant un peu davantage, de crainte que la semoule ne s'attache ou ne se pelote.

Bouillon de poulet
.
Ayez un bon poulet commun, videz-le, ôtez-en la peau et flambez-en les pattes, liez-le avec une ficelle, mettez-le dans une marmite avec deux pintes et demie d'eau ; ajoutez-y une once des quatre semences froides ; après les avoir concassées à moitié, vous les mettez dans un petit linge blanc, pour en faire un petit paquet bien lié ; faites cuire le tout à petit feu, jusqu'à ce qu'il soit réduit à deux pintes ou à peu près, et servez-vous-en comme bouillon rafraîchissant.
Bouillon de poulet pectoral.
Prenez un poulet comme ci-dessus, une même quantité d'eau, deux onces d'orge mondé, autant de riz ; mettez le tout ensemble dans une marmite, joignez-y deux onces de miel de Narbonne écumez le tout, faites cuire trois heures ce bouillon, jusqu'à ce qu'il soit réduit aux deux tiers. Il est très bon pour adoucir les irritations de la poitrine.

Bouillon de veau rafraîchissant.
Coupez en dés une demi-livre de rouelle de veau, que vous mettrez bouillir avec trois pintes d'eau, deux ou trois laitues et une poignée de cerfeuil ; faites bouillir le tout, et, si vous le jugez convenable, ajoutez-y un peu de chicorée sauvage ; passez ce bouillon au tamis de soie et servez-vous-en.

Potage à la Crécy.
Ayez toutes sortes de légumes épluchés et lavés avec soin, tels que carottes, céleri, oignons en petite quantité, faites-les blanchir dans un chaudron pendant un quart d'heure ; mettez-les dans une casserole avec un bon morceau de beurre et quelques lames de jambon, passez-les sur un petit feu, mais assez de temps pour que le tout soit cuit ; alors, égouttez-le dans une passoire, pilez-le mouillez-le avec son propre bouillon, passez-le à l'étamine pour en faire une purée, faites partir cette purée sur le feu, qu'elle cuise deux heures ; dégraissez-la bien, mitonnez votre potage comme il est déjà énoncé, et montez votre Crécy par-dessus.

Potage à la Benoy.
Coupez en petits dés carottes, navets, panais et céleri. Prenez du derrière de la marmite ou du beurre clarifié, faites-le chauffer, jetez-y vos légumes, faites- leur prendre couleur, égouttez-les sur un tamis, mouillez-les avec du blond de veau, du consommé et du bouillon ; conduisez-les comme ceux de la julienne, dégraissez-les et couvrez-en votre mitonnage. Si vous vous en servez avec du riz, ayez attention qu'il soit clair que les dés ne soient pas plus gros que le céleri lorsqu'il est crevé, et mêlez bien le tout ensemble.

Potage à la purée de lentilles à la reine.
Procédez à cet égard comme il vient d'être dit à la purée de pois, et servez- vous-en de même pour les potages, ayant soin pourtant, si ce sont des lentilles à la reine, de les laisser longtemps sur le feu pour que la purée soit rouge autant que possible ; ce qui constitue la beauté, ou, si l'on veut, la distinction de ce potage. Recette de la Maison de Madame.

Potage aux oignons blancs.
Epluchez avec soin sept à huit douzaines de très petits oignons blancs, faites- les blanchir, faites-les cuire ensuite dans du bouillon, en y joignant un peu de sucre. Quand ils seront suffisamment cuits, vous les verserez sur le potage au pain que vous aurez préparé.

Potage aux poireaux à la bressanne.
Coupez des poireaux en filets de la longueur d'un pouce, laissez-les revenir dans le beurre, jusqu'à ce qu'ils soient blancs puis faites-les cuire sur un feu doux, dans une petite quantité de bouillon, et versez-les sur un potage au pain. Thèse générale, ne jamais faire bouillir le pain dans le bouillon, qui s'aigrit à l'instant même.

Soupe aux salsifis à la manière de Lyon.
Voir Brillat-Savarin, Physiologie du goût. Ratissez de gros salsifis et coupez-les en morceaux de la longueur du petit doigt, faites-les blanchir pendant quelques minutes à l'eau bouillante, puis faites-les cuire à fond dans un bouillon gras ou maigre ; vous lierez ce potage avec six jaunes d'oeufs avant de le verser dans la soupière et sur les croûtes dont vous l'aurez garni.

Potage aux oeufs pochés.
Ayez des oeufs pochés, rafraîchis et parés de manière à ce qu'ils soient propres à mettre dans votre soupière ; dix minutes avant de servir, jetez dans votre bouillon un peu de gros poivre, et faites-y réchauffer vos oeufs pochés.

Potage à la moelle.
Prenez une demi-livre de moelle de boeuf, faites-la fondre, et passez-la au tamis ; cassez dedans quatre ou cinq oeufs bien frais ; joignez dedans un petit pain à café que vous aurez fait tremper dans du bouillon, du sel, de la muscade, du persil et de la farine ; faites avec tout cela des boulettes, faites- les bouillir dans du bouillon, pendant cinq minutes, versez ensuite dans la soupière, et servez très chaud.

Potage à la languedocienne.
Ce n'est qu'une julienne à l'huile. voir Potage à la julienne.

Potage à la Grimod de la Reynière
.
Mettez dans une marmite un chapon troussé, comme pour le potage au riz, deux pigeons, un morceau de tranche de boeuf de trois livres le tout bien ficelé. Remplissez cette marmite de bon bouillon. Après l'avoir écumée, garnissez-la de carottes, navets, oignons, céleri et poireaux ; vos viandes cuites, au moment de servir, mettez le chapon et les deux pigeons dans un plat avec des laitues entières, de petits oignons, des carottes et des navets, coupés en gros dés ; de ces trois sortes de légumes en grande quantité et cuits comme pour la garbure au hameau, c'est-à-dire dans de l'excellent bouillon. Vos légumes cuits, dressez-les sur le chapon et les pigeons, de manière qu'ils forment buisson, passez le bouillon de votre marmite au travers d'une serviette fine ou d'un tamis de soie, servez à côté de votre plat un pot plein de bouillon bien chaud et d'un bon sel.

Potage à la jambon de bois.
Recette de Grimod de la Reynière.
On prend un jarret de boeuf dont on coupe les deux bouts, en laissant le gros os d'un pied de longueur, on l'empote dans une marmite avec du bon bouillon, un morceau de tranche de boeuf, et une casserole d'eau froide. Lorsque cette marmite est écumée on l'assaisonne avec du sel et des clous de girofle, on y met deux ou trois douzaines de carottes, une douzaine d'oignons, une douzaine de pieds de céleri, douze navets, une poule et deux vieilles perdrix observez qu'il faut mettre votre marmite au feu de bon matin, et la faire aller très doucement, afin que votre bouillon se fasse plus aisément et soit meilleur.
Prenez ensuite un morceau de rouelle de veau d'environ deux livres. Faites-le suer dans une casserole et mouillez-le avec votre bouillon ; lorsqu'il sera bien dégraissé vous y ajouterez une douzaine de petits oignons, quelques petits pieds de céleri, vous mettrez le tout dans votre marmite environ une heure avant de servir.
Le bouillon étant ainsi fait, vous vous assurez de son bon goût, vous prenez du pain à potage bien chapelé, vous enlevez les croûtes et les mettez dans une casserole ; vous les mouillez avec votre bouillon bien dégraissé, et le faites mitonner ; arrivées à leur point, vous les dressez dans leur pot-à-oille et vous les garnissez de toutes les sortes de légumes qui sont dans votre empotage, vous mettez ensuite l'os de votre jarret sur votre potage ; vous achevez de le mouiller et vous le servez très chaudement.

Potage aux aiguilles à la mode de Hambourg
.
Tuez et écorchez deux ou trois petites anguilles, les couper par tronçons de la longueur de deux ou trois pouces, les faire blanchir en les plongeant à l'eau bouillante pour les roidir et les retirer aussitôt ; faire légèrement revenir au beurre six poignées de cerfeuil, mêlé d'un peu d'oseille, et beaucoup de betterave poirée ; faites revenir au beurre un oignon et deux poireaux émincés ; quand ils sont de belle couleur, leur adjoindre les tronçons d'anguilles, et quelques têtes ou arêtes de poisson brisées, pour renforcer le bouillon ; mouillez le poisson avec trois litres d'eau chaude et une demi- bouteille de vin blanc ; ajoutez sel, gros poivre, girofle, un bouquet de persil, écumez le liquide, et faites-le bouillir jusqu'à ce que les tronçons d'anguilles soient cuits ; passer alors le bouillon à travers un linge et le tenir au chaud ; jeter les arêtes et les têtes qui ont servi à consolider le bouillon, diviser les tronçons d'anguilles sur leur longueur pour en supprimer les arêtes, et les tenir à couvert dans une petite casserole ; couper une julienne très fine composée de poireaux, de racines de persil et de céleri ; mettez ces légumes dans une petite casserole avec un peu de bouillon ; les cuire tout doucement en faisant tomber le liquide à glace, aussitôt qu'ils sont cuits, les mêler dans la soupière avec les filets d'anguilles, lier le bouillon avec six jaunes d'oeufs délayés, ajouter une pointe de Cayenne, cent grammes de beurre divisé en petits morceaux, ainsi que la julienne de légumes et les filets d'anguilles, verser aussitôt la soupe dans la soupière sur des tranches minces de pain grillé.

Potage à la purée de gibier.
Mettez dans six ou sept litres de bouillon quatre livres de boeuf, un jarret de veau, trois perdrix et un faisan ; faites écumer et ajoutez carottes, oignons et céleri, laissez bouillir le tout pendant quatre ou cinq heures, pilez en même temps quelques perdreaux rôtis et refroidis, et un peu de mie de pain. Passez ces perdreaux pilés à l'étamine, et mouillez cette purée avec le bouillon ci- dessus, faites-la chauffer sur un feu doux sans la laisser bouillir, et versez-la sur des croûtons sautés au beurre.

Pot-au-feu.
Un jour que Rivarol dînait avec des gourmands des trois villes libres de Lubeck, de Brême et de Hambourg, et qu'il faisait la grimace en dégustant je ne sais quel potage teuton, un des convives s'informa d'où venait chez lui cette contraction des muscles faciaux et particulièrement du buccinateur.
« Messieurs, répondit-il, si j'ai fait la grimace en goûtant votre potage, j'ai eu tort, car la courtoisie française voulait que je le trouvasse excellent ; mais, puisque la grimace est faite, laissez-moi vous dire une grande vérité : c'est qu'il n'y a point en France une garde-malade ou une portière qui ne sache faire de meilleur bouillon que le plus habile cuisinier anséatique » – ou plutôt hanséatique, puisque hanséatique vient du vieux mot allemand Hansen, qui veut dire s'associer.
Je prierai le lecteur de vouloir bien remarquer que cette dernière observation vient de moi et non de Rivarol, et est faite en vue de ceux qui ont encore le désir de s'instruire.
J'ai dit plus haut combien les Bourbons aimaient les bons potages ; j'ai dit aussi que Louis-Philippe mangeait quelquefois quatre assiettées de potages différents et une cinquième dans laquelle il les réunissait tous, mais je n'ai pas dit que c'était sans doute à cause de ce grand amour de la soupe que possède tout bon Français, qu'un célèbre diplomate allemand qui voulait, en 1792, empêcher le roi de Prusse et l'empereur d'Autriche de faire la guerre à la France, avait dit pour combattre cette idée :
« Mais laissez donc bouillir la Révolution française dans sa marmite. »
Paroles prophétiques qui, si elles eussent été écoutées, eussent peut-être empêché l'envahissement de Berlin et de Vienne par ce même peuple français qu'on renvoyait si bien à ses fourneaux.
Le lecteur trouvera peut-être que voilà un préambule bien orgueilleux et bien savant pour en arriver à une simple soupe aux choux, mais il n'est pas encore au bout, et, après avoir fait de l'histoire, il me permettra de lui faire un peu de chimie.
Un gourmet consommé, invité à dîner en ville, au seul aspect, à la première vue, à la simple odeur du potage, se fera immédiatement une idée de tout le repas.
Je répète que la cuisine française ne doit sa supériorité sur les autres nations qu'à l'excellence du bouillon français.
Et remarquez bien que ce n'est point parce que notre viande l'emporte sur les autres viandes, mais parce que nos cuisiniers l'emportent sur les autres cuisiniers. Les Anglais ont certainement des boeufs supérieurs aux nôtres et pourraient faire un bouillon excellent ! eh bien, ils n'ont qu'une bonne soupe, la soupe à la tortue.
J'ai étudié dans tous les pays la façon de faire le bouillon, et la dernière fois à Vienne.
Comment les Viennois font-ils leur bouillon ?
Ils mettent deux poulets dans leur marmite, les y font cuire à moitié, après quoi ils les mettent à la broche et en font un rôti.
Quant au bouillon, ils y ajoutent une cuillerée de jus pour lui donner de la couleur et ils le servent, non pas chaud, ce qui serait au moins une qualité, mais tiède, ce qui le fait ressembler un peu à de l'eau qui n'est pas fraîche.
De cette façon, ils trouvent moyen tout à la fois de donner un mauvais potage et un mauvais rôti.
C'est du reste une erreur assez généralement répandue et contre laquelle il faut nous élever nous autres hommes de science, de croire que la volaille, à moins qu'elle ne soit très vieille et très grasse, employée au potage, soit bonne à faire autre chose que du bouillon de malade.
Le fond d'un bon pot-au-feu, c'est le boeuf.
Je sais bien que dans le Midi on se sert rarement de boeuf et presque toujours de mouton.
Mais ce n'est point précisément pour ses potages que le Midi est renommé.
Avouons cependant que la chair de mouton est, après la chair du boeuf, celle qui fait la meilleure soupe, surtout si on a le soin de la faire rôtir ou griller jusqu'à un tiers de cuisson, afin de la dépouiller de sa graisse qui pourrait communiquer au bouillon un goût de suif toujours très désagréable.
Voulez-vous, au reste, approfondir la question et connaître les mystères d'un bon potage ?
Prenez le plus fort morceau de viande que comporte votre consommation ; le bouillon se conservant trois ou quatre jours l'hiver et deux jours l'été, il en sera meilleur et vous y trouverez une économie de temps et de combustible.
La pointe de culotte est un excellent morceau, attendu qu'il y a pondération de gras et de maigre.
Choisissez votre viande la plus fraîche et la moins saignée possible ; choisissez-la épaisse ; mince, elle sera épuisée par la cuisson ; ne la lavez pas, vous la dépouilleriez d'une partie de ses sucs ; ficelez-la après en avoir séparé les os, afin qu'elle ne se déforme pas, et mettez-la dans la marmite avec une pinte d'eau par livre de viande.
Maintenant que la viande est dans la marmite et avant d'y ajouter les os, laissez-nous vous dire ce qu'elle contient et grâce à quelles qualités naturelles elle va donner un excellent bouillon.
Je l'ai déjà dit, et je ne saurais trop le répéter, pour les personnes qui veulent se rendre compte de ce que contient la viande, la meilleure et la plus propre à faire le bouillon, elle contient quatre substances essentiellement différentes, la gélatine, l'osmazôme, la graisse et l'albumine.
La fibrine est ce qui reste d'un morceau de viande qui a longtemps bouilli ; la cuisson la sépare des principes solubles auxquels elle était unie, c'est-à-dire de la gélatine, de l'osmazôme et de l'albumine, et alors elle n'a plus aucune saveur.
La gélatine, soluble à l'eau bouillante seulement, est la base nutritive du bouillon ; c'est elle qui, en quantité suffisante, le fait prendre en gelée ; elle existe dans toutes les parties de la chair, mais particulièrement dans les cartilages et dans les os ; le fameux chimiste d'Orsay a essayé de nourrir des malades avec de la gélatine pure et n'y a point réussi.
L'osmazôme est le principe sapide des viandes, il est dans la chair et dans le sang, et voilà pourquoi nous avons recommandé de prendre la viande la moins saignée possible ; le sang doublera l'écume, mais, l'écume enlevée, donnera un bouillon plus savoureux.
La graisse est enveloppée dans les cellules d'une membrane très fine qui ne se dissout pas ; aussi reste-t-elle toujours adhérente aux fibres. Une ébullition très haute parvient cependant à briser une partie de ces cellules, et la graisse plus légère que le liquide vient surnager à sa surface ; c'est cette graisse qu'il faut enlever avec soin et qui, seule ou mêlée au saindoux, fait d'excellente friture. L'albumine est de la même nature que du blanc d'oeuf, soluble à l'eau froide, elle se coagule dans l'eau chauffée à 60 ou 70 degrés ; c'est elle qui forme l'écume, c'est elle qu'il faut enlever avec le plus grand soin, ou sinon, au premier bouillon de votre pot-au-feu, elle se précipitera et vous donnera un potage trouble.
Voilà donc les principes que contient la viande qui se trouve dans votre marmite et dont nous vous avons conseillé de séparer les os.
Nous vous avons conseillé d'en séparer les os, non pas que nous exilions les os du pot-au-feu, bien au contraire, nous leur y gardons une place à part, seulement nous les brisons avec un maillet, attendu que plus ils sont brisés, plus ils rendent de gélatine, et nous les mettons dans un sac de crin avec tous les débris de poulet, de lapin, de perdreaux, de pigeons rôtis qui peuvent se trouver dans le garde-manger, restes du dîner de la veille. Maintenant, vous pouvez mettre votre marmite sur le feu, vous savez sans doute que mieux vaut une marmite de terre qu'une marmite de fer ; faites-la chauffer lentement, ou sinon la viande saisie à la trop grande chaleur, l'albumine se coagulera à l'intérieur, ce qui empêchera l'osmazôme de se dissoudre et vous donnera un bouillon sans sapidité. Bien écumée et quand elle commence à bouillir, je prends le contenant pour le contenu, quand elle commencera de bouillir, salez- la, mettez-y selon sa contenance trois ou quatre carottes, trois ou quatre navets, deux panais, un bouquet de céleri et de poireaux ficelés ensemble ; enfin, trois oignons, dont l'un piqué d'une gousse d'ail et les deux autres d'un clou de girofle.
Si vous voulez ajouter, soit par caprice, soit par habitude, un morceau de mouton ou de veau aux ingrédients que nous avons dit, ne manquez pas surtout de le faire rôtir ou griller auparavant ; nous vous avons dit pourquoi.
Sept heures d'ébullition lente et continue sont nécessaires au bouillon pour acquérir toutes les qualités requises ; nos portières ont pour cette période un terme des plus expressifs ; elles disent : faire sourire le pot-au-feu.
Vous ne trouverez ce mot dans aucun dictionnaire. Mais si jamais je fais partie des Quarante, je me charge de le faire introduire dans le Dictionnaire de l'Académie.
Et maintenant, arrivons à la soupe aux choux.
Quand le pot-au-feu, préparé et conduit dans les conditions que nous venons d'exposer, est arrivé à sa sixième heure de cuisson, vous foncez une grande casserole d'une livre ou d'une livre et demie de jambon fumé, vous coupez un chou en quatre pour en extraire le trognon et les animaux qui pourraient s'y être introduits, et dont la chair n'est point nécessaire à la confection de votre bouillon ; vous le ficelez convenablement afin que les feuilles ne s'en détachent pas, et vous le posez délicatement dans votre casserole foncée et capitonnée de jambon ; après quoi vous remplissez à la hauteur du sommet du chou votre casserole de ce bon bouillon, qui a souri six ou sept heures, et comme il n'y a plus en contact avec lui en fait de viande que le jambon, vous le poussez à grand feu. Au bout de dix minutes, votre casserole est à sec le chou a tout bu et est d'un tiers plus gros qu'il n'était. Vous remplissez de nouveau la casserole qui, cette fois s'épuise à moitié, puis une troisième fois encore, et après deux heures de cuisson, vous servez votre chou à part sur son jambon, et dans votre soupière le bouillon dans lequel ont cuit le chou et le jambon mêlés à votre bouillon primitif.
Et moyennant cela, cher lecteur, vous avez la fameuse et excellente soupe aux choux que vous êtes à même de faire goûter à vos convives qui vous en demanderont aussitôt la recette.
Au temps des tomates, je vous conseillerai pour faire pendant à cette soupe perfectionnée par moi, une soupe inventée par moi.
Je veux parler de la soupe aux moules, aux prayres, aux crevettes et aux écrevisses.

Soupes aux moules.
Voici comment se confectionne cette soupe :
Vous mettez le matin à onze heures sur votre fourneau un pot-au-feu dans la forme de celui que j'ai indiqué, mais dans des proportions moindres, puisque, comme vous allez le voir, le bouillon n'entre que pour un tiers dans la confection de ce potage.
A quatre heures de l'après-midi, vous mettez dans une grande casserole, douze tomates et douze oignons blancs, vous les laissez bouillir une heure.
Au bout d'une heure, vous passez le tout dans une passoire assez fine pour que la graine des tomates n'y puisse point passer.
Quand vos tomates sont réduites en purée, vous salez, poivrez, introduisez un morceau de glace de viande du poids de trois ou quatre onces et vous laissez les tomates se réduire et épaissir à un feu très doux.
Puis vous mettez sur le feu vos moules ou vos prayres, si ce sont des moules et des prayres, sans eau, si ce sont des crevettes ou des écrevisses, dans leur sauce.
Cette sauce se compose d'une bouteille de vin blanc, d'un bouquet assorti, de carottes hachées et d'un verre à vin ordinaire d'excellent vinaigre, le tout salé et poivré. Au bout d'un quart d'heure de cuisson, vos moules ou vos prayres, si vous voulez faire une soupe aux moules ou aux prayres, ont rendu leur jus ; au bout d'une demi-heure, vos écrevisses ou vos crevettes sont cuites.
Vous ne faites qu'un seul bouillon de votre consommé, de vos tomates, de votre jus de moules ou de prayres, de votre sauce de crevettes ou d'écrevisses.
Puis, au fond d'une casserole, vous écrasez avec le bout du couteau la moitié d'une gousse d'ail, vous la faites roussir dans l'huile, et vous versez doucement et en tournant toujours votre triple bouillon dans la casserole, puis quand les différentes parties hétérogènes se sont homogénéisées par un quart d'heure d'ardente cuisson, vous y jetez vos moules ou vos prayres, vos queues de crevettes ou vos queues d'écrevisses en guise de pain.
Si c'est une soupe aux écrevisses que vous faites, vous pilez les pattes et les corps dans un mortier, vous faites bouillir cette partie dans une portion de votre sauce, et quand votre sauce en a extrait le goût et l'arôme, vous versez et mélangez ce condiment dans les autres éléments de votre potage.
On m'excusera d'être prolixe, je parle moins pour les cuisiniers que pour ceux, plus nombreux, qui n'ont pas les moindres notions de cuisine et qui ont besoin de bien comprendre.
Laissez-moi, cher lecteur, terminer ce long article par la recette d'un potage cher aux chasseurs et vénéré des ivrognes.
Par la recette de ma soupe à l'oignon.

Soupe à l'oignon.
Reportez-vous à l'article l'oignon, vous y verrez que c'est une plante bulbeuse et potagère d'une odeur forte et d'un goût piquant, mais ce qu'il est nécessaire que je consigne ici, c'est qu'il y a deux espèces d'oignons : l'oignon blanc d'Espagne et le petit oignon rouge de Florence.
Le gros oignon, ou oignon blanc d'Espagne, contient en grande quantité une matière sucrée, plus une substance végéto-animale, et enfin une matière phosphorique.
Non seulement cet oignon est agréable au goût par sa matière sucrée, mais il est nutritif par sa substance végéto-animale, enfin stimulant par son élément phosphorique. C'est donc celui-là qu'il faut choisir pour faire la soupe aux chasseurs et aux ivrognes, deux classes qui ont besoin de se réparer.
Or vous prenez vingt gros oignons que vous hachez très fin, vous les faites roussir dans la pole avec une livre de beurre ; lorsqu'ils sont bien roussis, vous y versez trois litres de lait fraîchement tiré, sinon le lait tournera ; quand les oignons ont bouilli dans le lait, vous les passez dans un tamis assez large pour que le bouillon fasse purée, vous salez, vous poivrez et vous versez sur des croûtes de pain rôties après y avoir ajouté une liaison de six jaunes d'oeufs.
Et voilà !...

Soupe froide à la russe comme on la mangeait à Pétersbourg et à Moscou.
Recette transmise à la Cuisine française par l'auteur des Mémoires de Madame de Créquy. La base de ce potage est le kvas, bière très légère de farine d'orge fermentée avec des baies acides et des bourgeons de chênes. On coupe en morceaux du maigre de jambon et des lambeaux de viande arrachés suivant la longueur des fibres, à la manière des anciens Tartares, à qui l'usage des couteaux n'était pas familier. On assaisonne cet étrange potage avec de l'oignon cru, du blé vert qu'on a fait macérer dans de la saumure, une grande quantité d'échalotes hachées et des tranches de concombres avortés par suite du froid. A la table des gourmets russes, il arrive souvent que le mouillement de ladite soupe est fait avec du pyvo, sorte de bière qui ne s'éloigne pas autant que le kvas de notre bière ordinaire. On y joint de petits morceaux de glace coupés carrément, ou bien de petites boules de neige foulée.
La soupe russe au poisson s'appelle en russe kholodnoysoup et batvinia. On y remplace la viande avec du kaviar et du saumon coupé par tranches.
                                        Potages maigres.

Potage aux herbes à la dauphine.
Préparez quatre poignées de feuilles d'épinards et trois coeurs de grosses laitues, le blanc d'une tige de poireau, deux oignons, deux poignées d'oseille, deux poignées d'arroche, deux poignées de bettes, une forte pincée de cerfeuil, quelques feuilles de tanaisie, quelques branches de pourpier vert, et finalement des fleurs de soucis, bien séparées de leur ovaire et de leur calice, attendu l'amertume de cette partie de la plante ; hachez toutes ces herbes et faites-les fondre avec un morceau de beurre que vous ne laisserez pas arriver jusqu'au roux, mouillez-les ensuite avec de l'eau chaude à défaut de bouillon de racine, de purée farineuse ou de résidus de poisson ; il est bon de ne foncer la soupière qu'avec des tranches de mie de pain, le goût des croûtes a l'inconvénient d'altérer la simple et fine saveur de cette combinaison végétale.

Potage à la reine en maigre
Recette et formule de la Maison de Madame.
Ayez deux brochetons qui ne sentent point la vase ; échaudez-les, videz-les, levez-en les chairs ; posez-les sur la table du côté de la peau ; levez cette peau comme vous lèveriez une barde de lard ; coupez ces chairs en gros dés ; mettez-les dans une casserole avec un morceau de beurre ; faites-les cuire sans les faire roussir ; laissez-les refroidir ; pilez une vingtaine d'amandes douces émondées ; vous aurez fait tremper la mie d'un pain à potage dans de la crème, et vous l'aurez fait dessécher comme il est indiqué ; pilez de même cette panade ; retirez-la du mortier ; pilez aussi vos chairs de brochets ; joignez-y votre panade et vos amandes ; repilez le tout ; foncez une casserole de beurre ; mettez dessus des oignons coupés en deux et des racines en lames, telles que carottes, navets, une demi-gousse d'ail, la moitié d'une feuille de laurier, un peu de macis, un bouquet de persil, ciboules, un clou de girofle, deux carpes coupées en tronçons et les débris de vos brochetons ; mouillez ce fond d'un peu de bouillon de pois ; faites-le suer à petit feu, sans le laisser attacher ; lorsque votre glace sera formée, mouillez-la avec du bouillon de pois ; faites cuire ce bouillon à petit feu ; sa cuisson faite, passez-le dans une serviette et servez-vous-en pour délayer votre appareil, que vous passerez à l'étamine à force de bras, et auquel vous donnerez la consistance d'un coulis ; mettez cet appareil dans une casserole, faites chauffer au bain-marie jusqu'au moment de vous en servir ; mettez dans votre pot-à-oille des petits croûtons coupés en dés et passés dans le beurre ; versez dessus votre purée à la reine et servez.

Potage au congre à la bretonne.
Préparez un bouillon comme il est dit ci-dessus pour le potage aux herbes de la dauphine, mais à l'exception qu'avant de mettre les herbes potagères dans leur mouillement, vous y aurez fait cuire un congre ou, du moins, une forte rouelle de cet animal. Lorsque ce poisson aura bouilli pendant deux heures et demie, vous en passerez le bouillon dans un tamis de crin. Vous y mettrez les herbes déjà blanchies et vous achèverez le potage avec une liaison, comme il est dit à l'article ci-dessus.

Potage au lait aux amandes
.
Prenez une livre et demie d'amandes douces et douze amandes amères. Mettez-les dans une casserole avec de l'eau fraîche et sur le feu. Lorsqu'elles sont prêtes à bouillir, retirez-les ; voyez si la peau se lève ; pour les monder, on se sert d'un torchon dans lequel on les frotte ; ayez de l'eau froide où vous les mettrez au fur et à mesure ; égouttez-les lorsqu'elles seront froides ; mettez-les dans un mortier et pilez-les ; mettez-y de temps en temps une goutte d'eau afin qu'elles ne tournent pas en huile. Vous jugerez qu'elles seront bien pelées lorsque vous ne sentirez plus de grumeaux sous vos doigts ; mettez-les dans une casserole et dans un litre et demi d'eau. Cette eau étant bouillante, laissez-y infuser une demi-once de coriandre et le zeste d'une moitié de citron dont vous aurez ôté le blanc ; délayez vos amandes avec cette infusion ; passez le tout plusieurs fois au travers d'une serviette ou d'une étamine jusqu'à ce qu'il ressemble à du lait, salez-le et suerez B convenablement. Ensuite mettez au bain-marie ; ayez des tranches de mie de pain très minces, faites-les glacer au four ou sous un four de campagne et jetez-les dans votre lait d'amandes au moment de servir.

Potage au lait d'amandes à l'Ursuline.
Mondez une demi-livre d'amandes douces et cinq ou six amandes amères, pilez-les comme il est indiqué ci-dessus ; ayez un litre et demi de lait, faites-le bouillir et servez-vous d'une partie pour passer votre pâte d'amandes à plusieurs reprises comme il est dit à l'article précédent. Dans la partie du lait dont vous ne vous serez pas servi, mettez infuser la moitié d'un bâton de vanille que vous retirerez quand vous mélangerez le tout ; assaisonnez-le de sucre et d'un peu de sel, mettez gros comme la moitié d'un oeuf du meilleur beurre que vous pourrez trouver, trempez votre potage comme le précédent, et servez.

Potage au riz au lait.
Ayez un quart de riz, lavez-le à trois eaux et épluchez-le à chacune d'elles faites-le blanchir à deux ou trois bouillons, égouttez-le sur un tamis, mettez-le dans une marmite avec du beurre un peu de zeste de citron, une feuille de laurier-amande, faites-le crever à l'eau, et, lorsqu'il commencera à se gonfler, mouillez-le avec du bon lait ; faites qu'il ne soit ni trop épais ni trop clair, mettez-y sel et sucre et supprimez-en le laurier, ainsi que le zeste de citron.

Potage au vermicelle et au lait
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Procédez comme avec le riz ; seulement, quand votre vermicelle sera cuit, que vous l'aurez assaisonné de sel et de sucre, ajoutez-y quelques macarons ou un peu de vanille, ou mieux encore l'un et l'autre.

Potage au potiron.
Coupez votre potiron en petits morceaux dans votre casserole, versez-y un verre d'eau laissez-le bouillir jusqu'à ce qu'il soit bien cuit, puis tirez-le de l'eau, faites-le égoutter et passez-le à l'étamine, mouillez cette purée avec du lait, ajoutez-y du beurre venant d'être battu, salez convenablement, faites bouillir votre potage et versez-le sur des croûtons passés au beurre et coupés en losanges ou en deniers.


Potage à la julienne pauvre.
Préparez vos légumes comme pour le potage au gras, mouillez-les avec du bouillon maigre, et faute de bouillon maigre, servez-vous de l'eau de cuisson des haricots ou des lentilles, faites mitonner votre potage et qu'il soit d'un bon sel.

Potage maigre aux herbes de Bonne Femme.
Epluchez, lavez à grande eau, égouttez et hachez une poignée d'oseille, deux laitues, un peu de cerfeuil et de belles-dames, mettez-les dans une grande casserole avec un morceau de beurre, passez-les, faites-les cuire à petit feu, mouillez-les ce qu'il faut pour votre potage avec votre grand bouillon maigre, sinon, avec celui des haricots ou des lentilles, et puis versez sur les tranches de pain, que vous laisserez mitonner.

Soupe à l'oignon à l'eau.
Prenez une douzaine d'oignons auxquels vous aurez retranché la tête et la queue, coupez-les en tranches bien minces, faites-les frire dans du beurre frais jusqu'à ce qu'ils soient d'un beau jaune, versez alors un litre et demi d'eau dessus, ajoutez du sel et du poivre, faites bouillir le tout pendant vingt minutes et versez-le ensuite sur le pain, que vous aurez préparé, après y avoir ajouté une liaison de quelques jaunes d'oeufs.

Potage à la Camerani.
La lettre suivante a été dernièrement écrite au baron Brisse :
« Monsieur le baron,
« En vieux gourmet dont l'estomac, hélas ! est aujourd'hui un peu blasé et très fatigué, j'ai recours à vous pour retrouver la recette du fameux potage à la Camerani, que je désirerais goûter encore une fois – la dernière peut-être. « Autant qu'il m'en souvient, le macaroni de premier choix et les ingrédients les plus délicats en étaient la base. En 1806, le potage coûtait environ trois louis par convive, etc., etc. »
A cette lettre le baron répond :
« Le cri du coeur de mon correspondant est irrésistible. Je m'empresse de satisfaire à sa demande, et cela d'autant plus volontiers que, sans rien changer à la formule donnée par Grimod de la Reynière, je vais faire entrer en petite cuisine et vulgariser l'illustre potage célébré par tant de poètes.
« Le fond de ce potage, composé par M. Camerani, ancien scapin et semainier perpétuel de la Comédie italienne, gourmand des plus érudits, se compose de foies de poulets. S'ils sont beaux, un seul suffit par convive, et il n'est ni difficile ni ruineux de s'en procurer une demi-douzaine chez les marchands de volailles. »

Potage à la Camerani
.
« Faire blanchir séparément, et en quantité relative au nombre des convives, du céleri, des choux, des carottes, des navets et des poireaux. Egoutter et hacher le tout bien menu. Mettre ces légumes au feu, dans une casserole, avec un fort morceau de beurre, sel et poivre ; les laisser mijoter à feu doux, et, quelques minutes avant leur cuisson parfaite, y mêler les foies de volaille également hachés menu.
« Pendant le même temps, faire blanchir, cuire et égoutter du macaroni et râper du fromage de Parmesan.
Prendre alors une soupière pouvant aller au feu, en beurrer le fond et y faire un lit de macaroni, par-dessus un lit du hachis précité, enfin un lit de fromage de Parmesan râpé, orné de quelques morceaux de beurre ; recommencer ensuite dans le même ordre et élever les assises de ce bâtiment jusque vers les bords de la soupière, en ayant soin de terminer par un lit de fromage.
« Mettre ensuite la soupière sur un feu doux, laisser mitonner le tout un temps convenable et servir. »
« C'est là, dit Grimod de la Reynière, un manger délicieux et le principe d'un très grand nombre d'indigestions. » Dieu vous en garde, ami lecteur.

Potage Vuillemot
. pour douze personnes.
Prenez 20 grammes haricots blancs, 20 grammes pois verts, 4 pommes de terre, 4 carottes, 4 navets, 4 oignons blancs, 4 poireaux, un bouquet de persil, céleri. Mettez le tout dans une marmite en terre, mouillez avec 3 litres d'eau de rivière ajoutez sel et gros comme une noix de beurre, faites partir sur le fourneau après cuisson, passez vos purées au tamis, laissez lisser vos purées sur l'angle du fourneau, enlevez-en la pulpe, en mouillant le tout avec votre bouillon de légumes.
Faites blanchir 20 grammes de riz Caroline, faites-le crever légèrement dans le supplément de votre bouillon. Prenez quelques feuilles d'oseille et cerfeuil, ciselez-les finement, passez au beurre, ajoutez le tout au potage.
Préparez une liaison de 4 jaunes d'oeufs, avec une mesure de bonne crème, un quart ou 100 grammes de bon beurre, liez le tout ensemble et servez chaud.

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© Société des Amis d'Alexandre Dumas
1998-2010
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