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Ortolan


Un jour ce dialogue s'échangeait entre Antoni Deschamps, grand poète et philosophe pythagoricien, et Elzéar Blaze, chasseur comme Nemrod et spirituel comme Méry :
- Croyez-vous, demandait Antoni Deschamps à Blaze, qu'il soit permis à l'homme de tuer une perdrix, un bec-figue, un ortolan, un des ces charmants oiseaux enfin qui ne font de mal à personne et dont la vue et le chant nous réjouissent l'oeil et l'oreille ?
- Certainement, répondit Blaze, quand l'homme est muni d'un port d'armes, que la chasse est ouverte et qu'il chasse sur des terres qui sont à lui, ou sur lesquelles il a permission de chasser.
- Vous ne comprenez pas. Je vous demande si vous pensez que l'homme, réunissant d'ailleurs les conditions indiquées, ait le droit de tuer une perdrix, un bec-figue, un ortolan, créatures inoffensives, faites, comme lui, de la main du Seigneur ?
- Oui, sans doute, mais à la condition qu'il les mangera.
- On peut donc manger les perdrix, les bec-figues et les ortolans ?
- Avec délices, s'ils sont cuits à point.
- Mais l'abbé de Saint-Pierre... mais Pythagore...
- Disent le contraire, je le sais. Tant pis pour eux, nous devons les plaindre. Ecoutez-moi, je pose ce dilemme : ou nous devons manger les animaux, ou les animaux doivent nous manger.
- Vous avez peur que les perdrix ne vous mangent ?
- Ecoutez. Les perdrix font par an, l'une dans l'autre, vingt ou vingt-cinq petits. Restez dix ans sans en tuer, et leur nombre égalera celui des guêpes et des moucherons : alors, plus de blé, plus d'avoine, plus de raisin. Mangeons donc des perdrix, puisqu'il nous faut des chevaux ; mangeons des perdrix, puisque nous aimons le vin de Bourgogne, et par la seule raison que nous ne pouvons nous passer de pain, mangeons des perdrix. Ce droit de manger des perdrix nous vient de Dieu lui-même, qui, lors de la création, dit à Adam, notre aïeul à tous, et après le déluge à Noé, notre grand-père : « Vous serez maître de tous les animaux » Manui vestrae traditi sunt. C'est-à-dire je les livre à votre main. Pourquoi faire ? pour que notre main les porte à notre bouche, bien entendu. Ainsi, mangez tout ce qui vous paraîtra bon. L'homme n'est pas fait pour brouter l'herbe ; ses dents vous le prouvent. Pythagore, l'abbé de Saint-Pierre étaient de forts honnêtes gens ; mais ils n'entendaient rien à la cuisine. Laissez-les dire et mangez toujours. D'ailleurs, il est positif que si l'on écoutait tout le monde, on ne mangerait personne.
Je ne sais pas si Antoni fut bien convaincu par la logique de Blaze ; mais ce que je sais, c'est qu'il continua de manger, et qu'à une table où il était, il faisait très bien sa partie, quoiqu'il eût affaire à un plat d'ortolans. Il est vrai que c'étaient des ortolans à la toulousaine, et que les Toulousains ont une manière à eux de savoir les engraisser mieux que personne, et quand ils veulent les manger, de les asphyxier en leur plongeant la tête dans du vinaigre très fort, mort violente qui tourne à l'avantage de la chair.

Ortolans à la toulousaine.
Plumez vos ortolans, supprimez-en la poche, flambez-les légèrement, frottez- les avec un demi-citron ; enfilez-les à une petite brochette de fer, enveloppez- les d'une couche de beurre manié d'un peu de jus de citron ; saupoudrez-les sur toutes les surfaces avec de la mie de pain et faites-les rôtir à feu vif pendant sept ou huit minutes, arrosez-les avec le beurre qui coule dans la lèchefrite. Au dernier moment, salez-les, débrochez-les, dressez-les sur un plat bien chaud, recouvrez-les avec la graisse de la lèchefrite et envoyez-les aussitôt à table avec des citrons coupés. Mais ajoutez quelques croûtes de pain.


Ortolans en caisses.
Préparez et flambez douze ortolans, ayez douze petites caisses, que vous huilerez et passerez au four. Mettez dans le fond de chaque caisse une cuillerée de sauce Périgueux très réduite ; posez les ortolans dans les caisses, faites-les cuire et resaucez d'une sauce Périgueux.

Ortolans à la provençale.
Prenez autant de grosses truffes que vous en pourrez trouver ; prenez autant d'ortolans que vous aurez de truffes, coupez vos truffes en deux, creusez-y une place pour votre ortolan, placez-le, enveloppé d'une double barde très mince de jambon cru, légèrement humectée d'un coulis d'anchois ; garnissez vos truffes d'une farce composée de foies gras et de moelle de boeuf : liez-les de façon à ce que vos ortolans n'en puissent sortir. Rangez vos truffes garnies d'ortolans dans une casserole à glacer ; mouillez avec une demi-bouteille de vin de Madère et même quantité de mirepoix ; faites cuire pendant vingt minutes à casserole couverte ; égouttez les truffes, passez le fond à travers le tamis de soie, dégraissez et faites réduire de moitié ; ajoutez de l'espagnole et faites réduire jusqu'à ce que la sauce masque la cuiller, passez-les à l'étamine, dressez vos truffes en buisson, et servez la sauce à part.
Nous avons dit ailleurs comment se mangeaient les ortolans, les bec-figues, et généralement tous les petits pieds dont le croupion est le meilleur morceau.

Terrines d'ortolans.
Hachez en portions égales la chair d'un ou deux perdreaux et de la panne de porc ; ne vous contentez pas de hacher, mais assaisonnez et pilez jusqu'à ce que la pâte soit bien lisse, coupez les cous et les pattes des ortolans, étendez une couche de farce dans la terrine, semez dessus de la truffe.
Rangez sur votre farce un lit d'ortolans que vous assaisonnez de sel épicé ; mettez une seconde couche de farce sur laquelle vous semez de nouveau des truffes ; couchez une autre rangée d'ortolans que vous assaisonnez comme la première. Finissez par une couche de farce et de truffes, couvrez de bardes de lard, mettez une feuille de laurier dessus, couvrez la terrine et faites cuire.

Ortolans sous la cendre recette Vuillemot.
Prenez douze ortolans, videz-les, flambez-les ; garnissez l'intérieur de quatre foies de volaille pilés et pilez du foie dans un mortier ; assaisonnez le foie de sel, poivre, muscade et fines herbes ; farcissez l'intérieur des ortolans, enveloppez-les d'une bande de lard, prenez du papier à beurre que vous beurrez, enveloppez chaque ortolan de ce papier, mettez-les cuire sous la cendre rouge. Vingt-cinq minutes suffisent pour la cuisson. Servez chaudement.

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