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Alcyon


Peu de personnes savent que cet oiseau, au doux nom qui rappelle les malheureuses amours de Cex et Alcyon, n'est autre que l'hirondelle des rivages de la Cochinchine, que l'on nomme salangane, et dont les Chinois mangent les nids avec tant de volupté. On en trouve la première variété aux îles de France et de Bourbon, aux Moluques et aux Philippines ; elles produisent des nids gélatineux de la forme d'un petit bénitier ; ces nids sont composés d'une substance blanche demi-transparente, dure comme la corne et mêlée intérieurement de légères couches de coton. A l'extérieur, cette substance ressemble à une gélatine très blanche, desséchée par filaments soigneusement accolés. Cet oiseau, qui s'appelait en grec Alcyon, s'appelle Chim au Tong-King et Salangane aux îles Manille, qu'il enrichit avec la seule vente de son nid. Ces nids se composent d'une résine inconnue en Europe et qu'on appelle Calambac. Cette résine, qui est le Timbach des Indiens, est une substance qui s'écrase sous les dents et dont la saveur est délicieuse. En Chine, on la vend au poids de l'or à cause de son parfum ; on la brûle sur des charbons dans les plus fameuses pagodes, dans les occasions solennelles et chez les grands du Céleste-Empire. Le prix de ces nids est extrêmement élevé ; on les appelle Sacaïpouka. On sait aujourd'hui que plusieurs espèces d'hirondelles produisent de ces nids gélatineux ; les blancs sont les plus recherchés, parce qu'ils sont glanés. Sumatra en expédie à Canton de nombreuses pacotilles, dont les Chinois sont enthousiastes. On les trouve entre les anfractuosités des montagnes, pris à de petites coupes attachées le long des murailles. On en fait deux récoltes par an. les hirondelles mettent plus d'un mois à les construire. On a cru longtemps que ces nids n'étaient autre chose que l'écume de la mer mêlée au frai du poisson. J'ai vu beaucoup de ces nids, je dois dire que j'en ai même mangé plus qu'aucun Français, peut- être, étant lié avec le beau-fils du gouverneur de Java, qui en recevait tous les ans des caisses entières. Il les faisait récolter dans une caverne creusée non loin de Java, parmi les rochers battus par la mer. La substance dont ils étaient composés, et que nous essayâmes d'analyser, ressemblait à de la colle forte à demi délayée ; ils avaient deux ou trois pouces de diamètre, quelques-uns contenaient encore des oeufs qui y avaient été déposés ; ils ne pesaient pas plus de 10 grammes. Ils coûtent là-bas huit à dix piastres le demi-kilo.
Voici comment, sur la recette qui nous était envoyée de Java, nous les faisions cuire : après les avoir nettoyés, nous les laissions tremper, pour en ramollir les filaments qui se séparent. On les met ensuite sous une volaille rôtie dont ils absorbent le jus, ou bien on les fait cuire avec un chapon pendant vingt-quatre heures, et à petit feu, dans un pot de terre hermétiquement fermé. Nous en faisions aussi des bouillons, des soupes et des ragoûts très rapides et très nourrissants.

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