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Café


La plante qui le produit est un petit arbrisseau fort bas qui porte des fleurs odorantes. Le café est originaire du Yémen, dans l'Arabie-Heureuse ; on le cultive aujourd'hui dans plusieurs pays. L'historien arabe Ahmet-Effendi croit que c'est à un derviche qu'est due la découverte du café, vers le XVe siècle ou l'an 650 de l'Hégire. Le premier Européen qui ait parlé de cet arbre est Prosper Alpin, de Padoue. En 1580 il suivit, en Egypte, un consul de la république de Venise ; l'ouvrage où il en est question, écrit en langue latine, fut adressé à Jean Morazini. J'ai vu au Caire cet arbre dans les jardins d'Ali- Bey, on l'appelle bon ou boun ; les Egyptiens, avec le grain qu'il produit, préparent une boisson que les Arabes nomment Kawa. Le goût pour le calé fut porté si loin, à Constantinople, que les Imans se plaignirent que les mosquées étaient désertes tandis que les cafés étaient toujours pleins. Amurat III permit alors que l'on en prit dans les maisons particulières, pourvu que les portes en fussent fermées. Le premier pied de café qui, en 1714, fut planté dans les jardins du Roi, à Paris, y périt ; il avait été apporté par M. de Resson, lieutenant général d'artillerie. M. Brancastre, bourgmestre d'Amsterdam, en envoya un pied à Louis XIV, qui le fit mettre dans son jardin de Marly. Le café ne fut connu, en France, qu'en 1657 ; ce furent les Vénitiens qui l'apportèrent les premiers en Europe, et ce fut par Marseille qu'il fut introduit en France. Son usage devint universel ; les médecins s'en alarmèrent, leurs prédictions sinistres furent traitées de rêveries ; il en résulta que, malgré ces disputes, les cafés n'en furent pas moins fréquentés.
En 1669, l'ambassadeur de Mahomet II en apporta une grande quantité en France ; on assure que le café se vendit, à Paris, jusqu'à 40 écus la livre.
Posée-Oblé, dans son Histoire des plantes de la Guyane, sous le règne de Louis XIII, dit qu'on vendait à Paris, sous le petit Châtelet, la décoction de café nommée cahuet. En 1676, un Arménien, nommé Pascale, établit un café à la foire de Saint-Germain, qu'il transporta ensuite quai de l'Ecole ; il fit une assez belle fortune. Mais ce ne fut qu'au commencement du siècle suivant qu'un Sicilien, nommé Procope, rétablit la foire des cafés ; il y attira la meilleure compagnie de Paris, parce qu'il ne fournit que de bonnes marchandises ; après la foire Saint-Germain, il vint s'établir dans une salle, en face de la Comédie-Française, qui devint le rendez-vous des amateurs de spectacles et le champ de bataille des disputes littéraires ; c'est dans ce café que Voltaire passait deux heures tous les jours. Il s'établit à Londres, à la même époque, plus de trois mille cafés ; Mme de Sévigné lutta le plus qu'elle put contre cette mode et prédit que Racine et le café passeraient en même temps l'un que l'autre.
Il y a dans le commerce cinq principales sortes de café, sans compter la chicorée, que nos cuisinières s'entêtent à y mêler. Le meilleur vient de Moka dans l'Arabie-Heureuse ; on le divise lui-même en trois variétés : la première nommée baouri qu'on réserve pour les grands seigneurs, le saki et le salabi.
Le café de Bourbon est bien coté dans le commerce ; cependant on y préfère celui de la Martinique ou de la Guadeloupe. Le Saint-Dominique, qui comprend aussi celui de Portorico et d'autres îles Sous-le-Vent, est d'une qualité inférieure.
Le café était devenu en France d'un usage général ; lorsqu'en 1808 Napoléon publia son décret du système continental, c'était priver la France, à la fois, de sucre et de café ; on suppléa au sucre de canne par le sucre de betterave, et l'on allongea le café en y mêlant moitié chicorée, ce qui fut tout bénéfice pour les épiciers et pour les cuisinières qui adoptèrent la chicorée avec fureur ; elles soutinrent que le café mêlé de chicorée avait meilleur goût et était plus sain ; le malheur est, aujourd'hui, que le décret continental est tombé en désuétude ; les cuisinières l'ont enregistré à leur avoir et continuent toujours, sous le prétexte de rafraîchir leurs maîtres, à mêler au café qu'elles achètent tout moulu une certaine quantité de chicorée. Les maîtres ont ordonné alors d'acheter du café grain, mais, dans des moules faits exprès, on a donné, à de la pâte de chicorée, la forme du café, et bon gré mal gré la chicorée lui est restée fidèle. Voltaire et Delisle ont fait abus du café, qui, loin d'être un poison, comme on l'a dit d'abord, est un antidote pour tous les poisons stupéfiants ; il opère rapidement sur l'opium, sur la belladone, etc. Il faut alors le prendre très fort et une cuillerée à café toutes les cinq minutes.
Nous croyons donner un excellent avis à nos lecteurs en leur enseignant l'essence de café de Trablit, pharmacien, rue Jean-Jacques-Rousseau ; quelques gouttes du café Trablit suffisent à donner au lait une couleur et un arôme que jamais on n'obtiendra avec du café ordinaire.
Le café doit être torréfié brûlé en le remuant sans cesse dans un appareil quelconque en tôle, mais plutôt dans un brûloir dont le récipient, qui contient le café, est arrondi en tous sens, de manière à présenter le café partout également à la surface chauffante, en commençant par un feu très doux de façon à le faire renfler d'abord sans le saisir, pour qu'il se torréfie en même temps à l'intérieur du grain comme à sa superficie et devienne d'un beau roux brun. Il faut trois quarts d'heure pour le brûler, on le retire alors du feu quand il est près d'être à son point et qu'il répand une agréable odeur, mais on le laisse dans le brûloir pour achever de se faire ; vous l'étendez ensuite sur un torchon pour refroidir et vous le serrez dans une boite de fer-blanc hermétiquement fermée ; ayez soin de ne le moudre qu'au fur et à mesure des besoins, afin qu'il ne puisse perdre son arôme ; il en faut à peu près une demi- cuillerée par tasse. Le café moka ayant plus de parfum et de force que les autres, on le mélange ordinairement avec moitié Bourbon. Le Martinique ne convient guère qu'avec du lait, à cause de son âcreté.
On sert ordinairement après le repas, avec le café à l'eau. un petit pot de lait non bouilli ou de crème, que l'on ajoute à son café, si on le juge convenable.

Pulvérisation du café.
Dans le Levant on pile le café, en Europe on le moud, et comme plus une substance est divisée, plus on extrait de ses principes en la soumettant à l'infusion, la méthode orientale est infiniment préférable, mais le café levantin est trouble et épais.

Infusion du café.
Tout le monde sait aujourd'hui comment se fait cette infusion, et l'usage de la cafetière est trop répandu pour qu'il soit nécessaire d'en donner la description.
Nous donnerons seulement à nos lecteurs le conseil de ne pas laisser séjourner trop longtemps le café dans des vases de fer-blanc ; il contient une substance qui attaque le fer et cela lui donne une saveur désagréable.
Le café se fait en Orient comme il se faisait autrefois chez nous, seulement on ne le passe point à la chausse, on le laisse trouble, et les orientaux le prennent trouble ; cependant, quand on veut précipiter le nuage qui ôte à votre café sa transparence, on n'a qu'à laisser tomber deux ou trois gouttes d'eau froide dans la tasse et le café se précipite.
Les Orientaux font bouillir le sucre avec le café, ils vous le versent tout mousseux dans de petites tasses du Japon maintenues par des coquilles en filigranes d'argent, que l'on nomme fitzyanes.
Le café bu de cette façon est loin de produire l'excitation nerveuse du café fait à la Dubelloy, qui est au reste la meilleure manière de le faire pour le prendre selon notre système ; le grand avantage des cafetières à la Dubelloy, avantage qui se retrouve dans toutes celles où l'eau bouillante est obligée de traverser le café en poudre, c'est de donner immédiatement du café clair, qu'on est dispensé de faire clarifier par le repos, afin de le faire chauffer une seconde fois, ce qui altère toujours sa qualité ou par celle de colle de poisson qui en précipite un des principes les plus essentiels.

Café à la crème frappé de glace.
Vous faites une infusion assez forte de café Moka ou de café Bourbon, vous la mettez dans un bol de porcelaine, vous la sucrez convenablement et vous y ajoutez une égale quantité de lait bouilli ou le tiers d'une crème onctueuse. Vous entourez ensuite le bol de glace pilée.
Le blocus continental, dont nous avons parlé plus haut, étant dans toute sa vigueur, l'empereur Napoléon Ier passa dans un village où s'exhalait un parfum de café en torréfaction. Curieux de savoir d'où venait ce parfum, il s'avança près du presbytère et aperçut le curé tournant tout tranquillement un brûle-café.
« Ah ! ah ! je vous y prends, monsieur le curé, dit l'empereur, dites-moi, s'il vous plaît, ce que vous faites là ?
- Mais vous le voyez, sire, répondit l'impassible curé sans se déconcerter et tout en continuant à tourner son café, je fais comme Votre Majesté, je brûle les denrées coloniales. » Fontenelle aimait beaucoup le café et en prenait à tous ses repas ; un jour qu'un médecin de ses amis lui disait que le café était un poison lent et qui finissait toujours par exercer une influence mauvaise sur la santé :
« Docteur, répondit l'académicien, je le crois comme vous, il y a quatre-vingts ans que j'en prends, il faut qu'il soit bien lent en effet pour que je ne sois pas encore mort. »

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