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Brandade


Brandade Recette de Grimod de la Reynière
« Parmi les ragoûts de Provence ou de Languedoc qui ont pris singulièrement faveur à Paris, il faut distinguer surtout les brandades de merluche. On sait qu'un restaurateur du Palais-Royal a fait sa fortune par sa manière de les préparer, et qu'on envoie journellement en chercher chez lui, parce qu'il a la réputation de les faire excellentes. Comme plus d'un de nos lecteurs serait peut-être bien aise de faire exécuter chez lui ce ragoût méridional dont la recette ne se trouve imprimée nulle part au moins ne l'avons-nous trouvée dans aucun des nombreux dispensaires qui nous ont passé entre les mains, pas même dans le cuisinier gascon, ce qui doit paraître assez étrange, nous pensons qu'on nous saura gré de la publier telle qu'elle nous a été communiquée dans une ville du Languedoc, qui, sous le rapport de la bonne chère, jouit d'une réputation éclatante et méritée.
Nous remarquerons d'abord que le nom singulier de brandade donné à cette préparation, et qu'aucun dictionnaire n'a pris le soin de recueillir ni de définir, dérive sans doute du vieux verbe brandir, qui signifie remuer, agiter, secouer avec force et pendant longtemps ; et cette action, presque continue, est en effet indispensable pour que ce ragoût soit ce qu'il doit être ; c'est ce qui surtout en rend la facture difficile et ce qui l'empêchera probablement d'être adopté généralement dans nos cuisines, car tout ce qui exige beaucoup de patience n'est pas du goût de tous les cuisiniers. Le mouvement qu'on imprime à la casserole dans cette circonstance est un mouvement d'un genre particulier ; il exige une sorte d'étude et demande beaucoup de dextérité. Quoi qu'il en soit, voici la recette des brandades :
Il faut prendre un morceau de belle merluche et la faire tremper dans l'eau pendant vingt-quatre heures pour la dessaler et la ramollir.
Ensuite vous la mettez dans un pot, sur le feu, avec de l'eau, en observant qu'il faut la retirer quand l'eau commence à bouillir.
Vous mettez du beurre, de l'huile, du persil, de l'ail, dans une casserole, que vous faites fondre sur un feu doux.
Pendant ce temps, vous épluchez la merluche que vous rompez en très petits morceaux, puis vous la mettez dans la casserole, et de temps en temps vous ajoutez de l'huile, du beurre et du lait, quand vous voyez qu'elle épaissit.
Vous remuez très longtemps la casserole sur le feu, ce qui fait que la merluche se réduit en une espèce de crème.
Si vous la voulez verte, vous pilez des épinards dont vous y joignez le suc.
Cette recette est, comme on voit, fort simple ; mais nous ne cesserons de le répéter, la perfection des brandades dépend surtout du mouvement imprimé pendant très longtemps à la casserole et qui seul opère l'extrême division de toutes les parties du poisson, naturellement coriace, et le métamorphose en une espèce de crème. Il ne faut donc pas se lasser de remuer, autrement vous n'auriez qu'une béchamel au lieu d'une brandade.
Au reste, une brandade bien faite est un ragoût délicieux, et, quoique la merluche soit de sa nature fort indigeste, elle devient, sous cette forme, aussi facile à digérer qu'une panade à la cannelle.

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