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Introduction III
De Mahomet II à Schamyl

Les populations du Caucase, ayant en tête les Colchidiens, envoient au vainqueur des députations pour le féliciter. Les Arméniens obtiennent de lui que leur patriarche aura un trône à Constantinople.
De leur côté, les populations chrétiennes se rattachent aux puissances chrétiennes. Le roi de Kakétie, Alexandre, envoie une ambassade à Ivan III, qui est occupé à chasser les Tatars de la Russie. C'est que les populations chrétiennes du Caucase sont menacées, non seulement par les Turcs, ce nouvel ennemi qu'elles ont déjà entrevu, mais encore par leurs vieux ennemis, les Perses.
Ismal Séfy, premier des schahs de Perse de la dynastie des Sofis, a pris le Chirvan de la Géorgie. C'est sans doute ce qui détermine les habitants de la montagne de Bectar, près de Petigorsk, à se rendre à Ivan le Terrible, qui vient de prendre Kasan l'année précédente, c'est-à-dire en 1552. Trois ans après, Ivan le Terrible épouse Marie, fille de Temrouk, prince tcherkesse.
Rien d'étonnant dès lors à ce que les Russes fondent sur la mer Caspienne, au pied des montagnes du Caucase, la forteresse de Tarki.
De leur côté, Perses et Turcs, au lieu de se détruire, comme l'avaient un instant espéré les populations chrétiennes du Caucase, se partagent la plaine et la montagne. Les Perses prennent Schoumaka, Bakou, Derbend, avec lesquelles ils communiquent par le littoral de la mer Caspienne.
Les Turcs prennent Tiflis, l'Imérétie, la Colchide et fondent Poti et Redout Kaleh.
Noyé dans ce débordement, le roi de Kakétie, Alexandre II, demande l'amitié de Fédor Ivanovitch, ce pauvre tzar d'un instant, qui s'en va mourant de la fièvre, aux mains de son terrible tuteur, Boris Godounof.
Mais, pendant ce temps, s'accomplissait en Perse une révolution dont la Géorgie allait éprouver le contrecoup. Schah-Abbas, qui régnait sur la province du Khorassan, s'empare du trône de Perse, d'où il renverse son père, tue ses deux frères, apparaît au pied du Caucase, chasse les Turcs de Tiflis, s'établit à leur place, et revient mourir à Ispahan, dont il fait la capitale de son empire.
Il va sans dire qu'un homme qui a détrôné son père et tué ses deux frères, a mérité un titre à part. L'histoire le nomme Schah-Abbas le Grand.
Sur l'autre versant du Caucase, les Russes poursuivent leur oeuvre. Boutourline et Pleinhief font des excursions dans les propriétés du chamkal, c'est-à-dire sur les terres qui s'étendent de Temirkhan-Choura à Tarki, et le roi de Karthli, Georges, commence à payer l'impôt à Boris Godounof.
Vers le même temps, Schah-Abbas, pour mériter de plus en plus son titre de grand, dévaste la Kakétie à ce point que son roi, Tymourah Ier, prie le tzar Michal Féderovitch – le premier Romanof régnant – de l'aider contre les Perses. On sait en politique quelles sont les suites d'une pareille demande. Vingt ans plus tard, la Kakétie était une province de l'empire de Michal Féderovitch, avec permission de garder ses souverains.
Georges III, roi d'Imérétie, Mania II, possesseur de la Gourie, et le dadian de Mingrélie font avec la Russie le même traité.
Alors, Alexis Michalovitch comprend que la chose vaut la peine de s'en occuper. Il vient à Koutaïs et y reçoit la soumission de ses nouveaux alliés. C'est le titre que l'on donne à ces rois vassaux.
A son tour, Tymourah, roi de Kakétie, voyage en Russie. Il y est reçu en roi. Le passage du Darial devient une grande route. Par cette grande route, les Arméniens reçoivent la permission de faire passer en Russie leurs soies et les soies des Perses.
L'exemple est suivi par Pierre le Grand, qui veut ajouter deux mers à son empire. Moussine Pouschkine reçoit de lui l'ordre d'établir des relations de commerce avec Derbend et Schoumaka. Cette mesure produit ses fruits. En 1718, le chamkal de Koumouck se met sous la protection de Pierre, et les maîtres du Karaback lui envoient une ambassade.
La Russie est à la porte de Derbend. Trois ans après, le 23 août 1722, cette porte s'ouvre. Nous verrons dans la ville d'Alexandre la petite maison qu'y a habitée le vainqueur de Poltava, et les canons qu'il y a transportés de sa fabrique de Voronèje.
Pierre revient par le Daghestan, et, reconnaissant au Seigneur d'avoir atteint son but, il fonde entre les trois rivières du Kouassou, du Soulak et d'Agrakan, une forteresse à laquelle il donne le nom de Sainte-Croix. Il a laissé à Derbend un commandant des bords de la mer Caspienne ; l'année suivante, le général Mathuskine – c'est le nom du commandant – occupe Bakou.
A mesure que Pierre Ier s'avance au midi, les Turcs remontent vers le nord.– Tiflis, qu'ils avaient abandonnée à Schah-Abbas le Grand, est reprise par eux, et le roi Vacktang IV, accompagné d'un grand nombre de Géorgiens, se réfugie en Russie. C'est un exemple pour le prince de Kabardah, qui se met sous la protection de l'impératrice Anne-Ivanovna.
Mais un grand homme reparaît dans la monarchie perse, en même temps qu'un grand homme a disparu dans la monarchie russe. – Un conducteur de chameaux se fait chef de brigands, s'empare à main armée du Khorassan, à la faveur des troubles qui, en 1722, suivent la chute de Hussein ; entre avec sa bande au service de Thamasp, fils de Hussein ; enlève Ispahan ; se popularise par ses victoires ; prend le nom de Thamasp Kouli-Khan, c'est-à- dire de chef de serviteurs de Thamasp ; dépose ce prince, le remplace par son fils, âgé de huit mois, qui ne tarde pas à mourir ; se fait proclamer empereur sous le nom de Nadir-Schah ; reprend Bakou et Derbend ; chasse les Turcs de la Kakétie et de Karthli ; reconquiert Tiflis et Erivan ; traverse en vainqueur le Daghestan ; punit Derbend, qui s'est révoltée contre lui ; retourne pour soumettre le Kandabar ; attaque le Grand Mogol dans l'Indoustan, prend Delhi, en rapporte un butin évalué à cinq milliards de notre monnaie, et finit par être assassiné au mois de juin 1747, c'est-à-dire vers l'époque où Héraclée, roi de Géorgie, bat les Perses près d'Erivan, et où Tymourah II, roi de Karthli, meurt à Astrakan, où il s'est réfugié. Enfin Catherine II monte sur le trône, fonde le gouvernement civil de Kislar, et fait transporter cinq-cent dix-sept familles de Cosaques du Volga et cent familles de Cosaques du Don sur le Terek, en forme le régiment des Cosaques de Mosdock, et donne à chacun des soldats qui le composent un rouble, un sabre et une masse d'honneur. Nous les rencontrerons sur notre route, et nous nous arrêterons chez eux.
Dès lors, la Russie agit à peu près en maîtresse chez les populations caucasiennes. – Le général Totleben fait une invasion en Mingrélie, et remporte sur les Turcs la victoire de Koutaïs.
Quatre ans après, le traité de Koutchouck-Kaynardji délivre des Turcs la Géorgie et l'Imérétie ; mais la ligne militaire russe se forme entre Mosdock et Azof ; – les stanitzas cosaques sont fondées, et les habitants de Kasi Koumouck sont punis pour avoir fait prisonnier le voyageur russe Gmelin.
En 1781, la Turquie cède définitivement à la Russie la Crimée et le Kouban.
En 1782, le roi d'Imérétie, Salomon Ier, meurt.
En 1783, en même temps que Souvarof soumet les hordes de Tatars Nogaïs, Catherine prend sous sa protection Héraclée, roi de Kakétie et de Karthli.
En 1785 est créée la lieutenance du Caucase, composée des districts d'Ekaterinogratz, de Kistar, de Mosdock, d'Alexandrof et de Stavropol.
Ekaterinogratz est institué chef-lieu de la lieutenance. Les étrangers reçoivent la permission de s'établir dans le gouvernement du Caucase, d'y travailler et de faire le commerce en toute liberté.
Enfin, en 1801, l'empereur Paul rend un oukase qui réunit la Géorgie à la Russie, et son successeur, Alexandre Ier, en rend un autre qui lui donne pour gouverneur le général Knoring.
Vers le même temps où mourait, assassiné au palais Rouge, à Saint- Pétersbourg, le fils de Catherine II, naissait à Guimry, au milieu de ce débris du peuple avare, démembrement de la famille lesghienne retirée dans les montagnes du Daghestan pour y conserver sa liberté, un enfant qui reçut le nom de Schamouil-Effendi.
Cet enfant, c'est Schamyl.

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