Scène 4
SCENE IV
Christine, puis Monaldeschi.
Christine sonne ; un page entre.
Christine, au page.
Monaldeschi entre.
Appelez le marquis. – Marquis, je vous attends.
Monaldeschi.
Majesté, me voici, prêt à suivre ou transmettre
Vos ordres.
Christine.
Ce n'est point cela : venez vous mettre
Ici. Pour vous parler, j'ai de fortes raisons !
Asseyez-vous, marquis, sur ce siège, et causons.
Monaldeschi, regardant autour de lui.
Madame...
Christine.
Nul ne peut nous voir ni nous surprendre.
Quittez donc l'étiquette.
Monaldeschi.
Oh ! si j'ose comprendre,
Vous daignez m'accorder un de ces doux moments
Qui me feraient sourire au milieu des tourments
Les plus affreux.
Christine.
Marquis, toujours je vous écoute
Avec joie, et pourtant le ciel sait que je doute...
Monaldeschi.
Vous doutez ? O mon Dieu ! dis-moi, pour rassurer
Le coeur aimé qui craint, par quoi faut-il jurer ?
Quel est le saint puissant, la puissante madone,
Qui, lorsqu'on jure en vain, jamais ne le pardonne ?
Dis-moi leurs noms, mon Dieu, car je veux aujourd'hui,
Pour rassurer son coeur, jurer par elle et lui !
Christine.
Point de serments, marquis ; l'éclat qui m'environne,
Le feu des diamants que jette ma couronne,
N'a-t-il pas, dis-le-moi, de ton esprit vainqueur,
Plus ébloui tes yeux, que moi séduit ton coeur ?
Monaldeschi.
O Christine ! pourquoi me faire cette injure ?
Moi, t'aimer pour ton rang ? Oh ! non, je te le jure,
Que, quel que fût le rang que le ciel t'eût donné,
J'aurais aimé ton front même découronné,
Partout... Oui, si j'avais vu dans l'Andalousie
Tes yeux noirs à travers la verte jalousie,
J'aurais aimé tes yeux ! Le théorbe à la main,
Assise au fût brisé d'un vieux tombeau romain,
Chantant un chant d'amour, si je t'avais trouvée,
J'aurais aimé ton chant, car je t'avais rêvée !
Et, de mon vague amour éprouvant le pouvoir,
Je croyais te connaître avant que de te voir.
Oh ! oui, j'avais osé, dans mes songes de l'âme,
Créer un ange à moi sous des formes de femme ;
Il avait ce regard et ce sourire-là,
Et, lorsque je te vis, je me dis : « Le voilà ! »
Christine.
Que les yeux du Seigneur regardent dans ton âme
Si tu dis vrai, marquis ; car jamais une femme,
Dans son amour puissant, ne fera pour un roi
Ce que, reine, aujourd'hui, je vais faire pour toi !
Qu'on ouvre.
On ouvre ; tous les courtisans entrent.
Je reviens avec sceptre et couronne.
Attendez-moi, marquis.
Monaldeschi.
Où, reine ?
Christine.
Au pied du trône.
Le marquis lui baise la main et va, lorsqu'elle est sortie, se placer le pied sur la première marche du trône.
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