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Scène 7

                              SCENE VII
Clauter et Landini, de chaque côté de la porte ; Sentinelli, sortant de l'appartement de Monaldeschi.

                              Sentinelli.
Nous avons en délais consumé trop de temps,
Et le traître est sorti depuis quelques instants.
          Avec fureur.
Oh ! s'il ne revient pas, comment me vengerai-je ?
Malheur ! Mais non, lui-même a préparé le piège.
Afin de s'échapper au moindre événement,
Tout est là, tout est prêt dans son appartement.
Il faudra qu'il y rentre ; – et, pour rentrer, sans doute
Il passe par ici. – Je serai sur sa route !...
Mes affronts sont restés trop longtemps impunis,
Mort et damnation sur toi !...

                              Le père Lebel sortant de chez la reine.
                              Je vous bénis,
Mon fils.
                              Sentinelli, le regardant s'éloigner.
          Tu me bénis, vieillard, avant qu'il meure ;
Mais me béniras-tu de même dans une heure ?
          Allant pour le rejoindre.
J'ai des doutes secrets, je veux le consulter.
          Revenant sur ses pas.
Mais si tu me blâmais ! – J'aime encore mieux douter.
Et pourtant, j'entends là, comme une voix de l'âme
Qui redit sourdement : « L'assassin, est infâme !...
Si je le rappelais ! – Mais suis-je un assassin ?
N'est-ce pas lui plutôt ?... N'eut-il pas le dessein
De rejeter sur moi le soupçon qui l'accable ?...
Il savait que la mort réservée au coupable,
En passant près de lui, frapperait l'innocent ;
A-t-il craint de s'offrir pour répandre mon sang ?
Non. Il en avait soif ; il se chargeait lui-même
Du soin d'exécuter la sentence suprême.
Sans remords, de son crime il m'aurait fait punir ;
Et j'aurais des remords !...
          Regardant à la fenêtre.
                              Qu'il tarde à revenir !
D'ailleurs, en le frappant, ma main est innocente,
Elle cède au pouvoir d'une main plus puissante.
Montrant les soldats.
Et ce n'est pas, comme eux, pour quelques pièces d'or
Que je verse le sang.
          Regardant de nouveau à la fenêtre.
                    Il ne vient pas encore !...
Mais pourquoi chercherais-je à mentir à moi-même ?
Est-ce bien pour venger les droits du diadème
Que ma main aujourd'hui consent à le frapper ?
Non : c'est pour qu'aux bourreaux il ne puisse échapper,
C'est afin d'égaler sa peine à mon offense,
De lui rendre en un jour mes cinq ans de souffrance,
D'opposer au mépris dont l'orgueil m'accabla
          Regardant.
La lame d'un poignard – Le voilà ! le voilà !
Mais est-ce lui ? Non... Si, si... Mon regard se trouble.
C'est bien lui ; son cheval de vitesse redouble ;
Je le vois accourir d'écume blanchissant ;
Il se cabre ; d'avance a-t-il flairé le sang ?...
Mais sous ton éperon plus rapide il s'emporte ;
De ce château fatal tu dépasses la porte,
Et tu n'aperçois pas au terme du chemin
Un spectre qui t'attend une épée à la main ?
          Regardant.
Eh ! mais que fait-il donc ? Il hésite, il s'arrête ;
M'aurait-il aperçu ? – Non, sans doute il s'apprête...
Il va... C'est cela, bien ; tu fais ce que je veux :
Descends de ton cheval, natte son cou nerveux !
Ses pieds t'ont ramené d'une course rapide ;
Aux mains d'un écuyer abandonne sa bride,
Et dis-lui qu'aujourd'hui pour la dernière fois
De son maître insolent il a senti le poids !
Son maître, un pas encore ! en ma puissance il tombe
          Se penchant à la fenêtre.
Il va toucher le seuil. – Bien ! – un pied dans la tombe,
          Se rejetant sur le théâtre.
Deux !... Ah ! – Mon coeur bondit avec rapidité,
Lorsque le sien peut-être est à peine agité !
Il monte, imprévoyant du sort qui va l'attendre,
Ces degrés que vivant il ne doit plus descendre ;
Et, si près de la mort, son coeur ne ressent pas
Quelque vague terreur...
          Ecoutant.
                              Dieu ! le bruit de ses pas !
Il court donc de lui-même au but que nul n’évite !
Je l’entends, je le vois. – Il est venu bien en vite !

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