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Chapitre LXIX
Préparatifs.

La poudre ne s'enflamme pas avec plus de rapidité que la révolte dans les Etats de don Pedro.
Sans la crainte d'être envahis par les royaumes voisins, les habitants des Castilles se fussent, pour la plus grande partie, prononcés en faveur de Henri sitôt qu'un manifeste émané de lui apprit à l'Espagne qu'il était revenu avec une armée, et que cette armée était commandée par le connétable Bertrand Duguesclin.
En peu de jours, les routes furent couvertes de soldats de fortune, de citoyens dévoués, de religieux de tous ordres et de Bretons, qui marchaient vers Tolède.
Mais Tolède, fidèle à don Pedro, ainsi que Bertrand l'avait prévu, ferma ses portes, arma ses murailles, et attendit l'événement.
Henri ne perdit pas de temps. Il investit la ville et commença un siège en règle. Cet état d'hostilité le servait merveilleusement, car il donnait le temps à ses alliés de venir sous ses drapeaux.
D'un autre côté, don Pedro se multipliait. Il envoyait courriers sur courriers au roi de Grenade, au roi de Portugal, au roi d'Aragon et de Navarre, ses anciens amis.
Il négociait avec le prince de Galles, qui, malade à Bordeaux, semblait avoir perdu un peu de son énergie pour la guerre, et se préparait, par le repos, à cette cruelle mort qui l'enleva jeune a un glorieux avenir.
Les Sarrasins annoncés par Mothril étaient débarqués à Lisbonne. Ils avaient pris quelques jours de rafraîchissement, puis, avec des bateaux que le roi de Portugal leur fournissait, ils remontaient le Tage, précédés par trois mille chevaux envoyés à don Pedro de la part de son allié de Portugal.
Henri avait pour lui les villes de la Galice, de Léon ; une armée homogène, dont cinq mille Bretons, commandés par Olivier Duguesclin, formaient le puissant noyau.
Il n'attendait plus que des nouvelles certaines de Mauléon, quand celui-ci revint au camp avec son écuyer, et conta ce qu'il avait fait et ce qu'il avait vu.
Le roi et Bertrand écoutèrent dans un profond silence.
- Quoi ! dit le connétable, Mothril n'est pas parti avec don Pedro ?
Il attend l'arrivée des Sarrasins pour s'aller mettre à leur tête.
- On peut envoyer cent hommes prendre d'abord celui-là dans Montiel, dit Bertrand. Agénor commandera l'expédition, et, comme je suppose qu'il n'a pas de fortes raisons d'aimer ce Mothril, il fera dresser une haute potence sur le bord du Tage, et accrochera à cette potence le Sarrasin, l'assassin, le traître...
- Seigneur, seigneur, dit Agénor, vous avez été assez bon pour me promettre votre amitié, pour me promettre votre appui. Ne me refusez pas aujourd'hui ; faites, je vous prie, que le Sarrasin Mothril vive calme et sans défiance en son château de Montiel.
- Pourquoi ? c'est un nid qu'il faut détruire.
- Seigneur connétable, c'est un repaire que je connais et dont l'avenir vous prouvera l'utilité. Vous savez que lorsqu'on veut forcer le renard, on ne paraît pas remarquer sa cachette, et qu'on passe devant sans regarder ; autrement, il la quitte et n'y revient plus ?
- Après, chevalier ?
- Seigneurs, laissez croire à Mothril et à don Pedro qu'ils sont ignorés et inviolables dans le château de Montiel ; qui sait si, plus tard, nous ne les prendrons pas là d'un seul coup de filet ?
- Agénor, dit le roi, ce n'est pas là ta seule raison ?
- Non, sire, et je n'ai jamais menti ; non, ce n'est pas ma seule raison. La véritable est que ce château renferme un ami à moi, un ami que Mothril fera tuer si on le serre de trop près.
- Dis-le donc, s'écria Bertrand, et ne crois jamais qu'on hésite à te refuser ce que tu désires.
Après cet entretien, qui rassura Mauléon sur le sort d'Aïssa, les chefs de l'armée pressèrent vigoureusement le siège de Tolède. Les habitants se défendirent si bien que ce fut le foyer de beaucoup de faits d'armes, et que bien des assiégeants illustres, parmi les experts, furent tués ou blessés dans des escarmouches ou des sorties.
Mais ces combats sans conséquence n'étaient que le prélude d'une action générale, comme les éclairs et le choc des nuages sont le prélude de la tempête.

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