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Chapitre XIV
Le lit de mort

Cependant, MM. de Boissy et de Vieilleville avaient porté le roi dans sa chambre et, tout armé, l'avaient déposé sur son lit.
On ne pouvait lui ôter son heaume, l'éclat de bois étant resté dans la plaie et sortant de deux ou trois pouces.
Les chirurgiens présents au tournoi accoururent ; ils étaient cinq mais aucun d'eux ne voulut prendre sur lui de tirer l'éclat de la lance hors de la plaie, et, quoique la reine Catherine, le Dauphin et les princesses, qui seuls avaient été admis dans la chambre du roi, les suppliassent de porter quelque secours au blessé, ils se regardaient l'un l'autre en secouant la tête et en disant :
- Que l'on aille quérir au plus vite maître Ambroise Paré, car sans lui nous n'entreprendrons rien !
- Que l'on trouve maître Ambroise Paré, quelque part qu'il soit ! dit la reine.
Et, à l'instant même, serviteurs, pages et écuyers s'élancèrent dans toutes les directions, s'informant partout où il y avait une chance d'avoir des nouvelles de l'illustre chirurgien.
En effet, maître Ambroise Paré était, à cette époque, à l'apogée de sa réputation. Après avoir suivi en Italie René de Montejean, colonel des gens de pied, il était revenu en France, avait pris ses degrés au collège Saint-Edme, avait été nommé prévôt de la corporation des chirurgiens, et, depuis sept ans, était attaché à la personne du roi comme son chirurgien en chef.
On le trouva dans le grenier d'un pauvre couvreur qui, en tombant d'un toit, venait de se casser la jambe.
Les cris « Voilà maître Ambroise Paré ! le voilà ! le voilà ! » annoncèrent son arrivée.
Puis parut sur le seuil de la porte un homme de quarante-cinq ans, à la démarche grave, au front incliné, à l'œil rêveur.
En l'apercevant, chacun s'écarta pour lui ouvrir un chemin jusqu'au lit du blessé.
- Voyez, maître, dirent les médecins.
Et tous les regards se fixèrent sur celui que l'on regardait comme seul capable, en France, de sauver la vie du roi, si la vie du roi pouvait être sauvée.
Nous disons en France, car il y avait hors de France un homme, un seul, dont la réputation fût supérieure à celle d'Ambroise Paré, et que ce dernier lui-même se plaisait à proclamer son maître.
Cet homme, c'était André Vésale, le chirurgien de Philippe II.
Tous ces regards fixés sur Ambroise Paré lui demandaient, plus éloquemment que ne l'eût fait la parole, ce qu'il fallait craindre ou espérer.
Il fut impossible de rien lire sur le front de l'illustre praticien ; seulement, on put remarquer qu'à la vue de la blessure son visage pâlissait légèrement.
- Oh ! maître Ambroise Paré, s'écria Catherine de Médicis, n'oubliez pas que c'est le roi de France que je remets entre vos mains.
Ambroise avait déjà le bras étendu vers Henri : il laissa retomber son bras près de lui.
- Madame, dit-il, dans l'état où est votre auguste époux, le véritable roi de France est, non pas lui, mais son successeur... Je demande qu'il me soit permis de le traiter comme je traiterais le dernier soldat de l'armée : c'est la seule chance que j'aie de le sauver.
- Oh ! il y a donc une chance, maître Ambroise ? demanda la reine.
- Je ne dis pas cela, madame, répondit le chirurgien.
- Faites de votre mieux, maître Ambroise : on sait que vous êtes le plus habile homme du royaume.
Ambroise ne répondit point au compliment ; mais, appuyant sa main gauche contre le haut du heaume, il saisit, de la main droite, le tronçon resté dans la plaie, et, d'un mouvement aussi sûr que s'il eût opéré, comme il le disait, sur le dernier soldat de l'armée, il arracha l'éclat de bois de la plaie.
Le blessé frissonna par tout son corps et poussa un soupir.
- Maintenant, dit Ambroise, ôtez au roi son casque et son armure, et cela le plus doucement possible !
M. de Vieilleville porta la main au casque du roi ; mais il tremblait tellement que le chirurgien l'arrêta.
Laissez-moi faire, dit celui-ci, je suis le seul dont la main n'ait pas le droit de trembler !
Et, posant la tête du roi sur son bras gauche, il déboucla lentement mais sûrement, sans secousse aucune, le heaume du roi.
Le heaume enlevé, le reste de l'armure présentait une moindre difficulté.
Le dépouillement du corps entier s'acheva sans que le blessé fît un seul mouvement. Il y avait, pour le moment du moins, paralysie complète.
Le roi couché, Ambroise Paré procéda au pansement.
L'examen de l'esquille, qu'il avait déposée avec le plus grand soin sur une table, près du lit royal, lui avait indiqué que le corps étranger était entré de trois pouces à peu près dans la tête, et les détritus restés autour du bois, qu'il avait pénétré jusqu'aux membranes du cerveau.
Ambroise Paré commença par débrider la plaie, en releva les lèvres à l'aide d'une spatule, et, avec un stylet d'argent, sonda la blessure.
Comme il avait pu en juger par le tronçon de la lance qu'il en avait tirée, cette blessure était horrible !
Il appliqua ensuite à l'orifice de la plaie le charbon pilé dont, à cette époque, on se servait en place de charpie ; puis il posa sur l'œil une compresse d'eau glacée qui devait être renouvelée de quart d'heure en quart d'heure.
Au contact de l'eau, la figure du blessé se contracta, preuve que toute sensibilité n'était point encore éteinte en lui.
Le chirurgien parut éprouver une certaine satisfaction à la vue de cette contraction nerveuse ; puis, se tournant vers la famille royale tout en pleurs, et s'adressant à la reine :
- Madame, dit-il, je ne puis rien préjuger sur le mieux ni sur le pire ; mais ce dont je puis répondre à Votre Majesté, c'est qu'il n'y a point danger instant de mort ; par conséquent, je vous conseillerais de vous retirer pour prendre quelque repos et donner un instant de relâche à votre douleur... Quant à moi, à partir de ce moment jusqu'à celui de la mort ou de la guérison du roi, je ne quitterai pas le chevet de son lit.
Catherine s'approcha du blessé, s'inclina pour lui baiser la main ; mais, en lui baisant la main, elle lui tira du doigt cette fameuse bague que madame de Nemours avait déjà une fois soustraite au roi et à laquelle, disait-on, était attaché le mystère de ce long amour.
Comme s'il eût senti qu'on arrachait violemment un sentiment de son cœur, le blessé tressaillit ainsi qu'il avait fait quand on avait arraché l'éclat de lance de sa plaie.
Ambroise Paré s'avança vivement.
- Pardon, madame, dit-il, mais qu'avez-vous fait au roi ?
- Rien, monsieur, dit Catherine en serrant la bague dans sa main ; seulement, peut-être, au fond de son évanouissement, le roi m'a-t-il reconnue.
Derrière Catherine, le Dauphin, puis les autres princes et les autres princesses sortirent à leur tour.
Arrivée hors de la chambre du roi, Catherine rencontra M. de Vieilleville qui venait de changer de linge, ayant été tout couvert du sang du roi.
- Monsieur de Vieilleville, demanda la reine, où allez-vous ?
- Je suis grand chambellan, madame, répondit M. de Vieilleville, et mon devoir est de ne pas quitter d'une heure Sa Majesté.
- Votre devoir s'accorde avec mon désir, monsieur de Vieilleville, car je vous ai toujours tenu pour mon bon ami.
M. de Vieilleville s'inclina ; quoique, à cette époque, Catherine eût moins maltraité ses bons amis qu'elle ne le fit par la suite, ce n'était pas sans une certaine inquiétude que celui à qui elle donnait un pareil titre recevait cette faveur.
- Madame, dit-il, je remercie bien humblement Votre Majesté de l'estime dans laquelle elle me tient et ferai tout mon possible pour ne point démériter à ses yeux.
- Vous n'aurez pour cela qu'une chose à faire, monsieur le comte, et une chose bien facile : c'est d'empêcher madame de Valentinois ni aucun de ceux du connétable de pénétrer jusqu'au roi.
- Mais, madame, dit Vieilleville, assez embarrassé de la commission qui consolidait, il est vrai, sa faveur si le roi mourait mais qui la mettait fort en doute en cas de guérison, si la duchesse de Valentinois insiste pour entrer cependant...
- Vous lui direz, mon cher comte, que tant que le roi Henri de Valois est sans connaissance, c'est la reine Catherine de Médicis qui règne, et que la reine Catherine de Médicis ne veut pas que la courtisane Diane de Poitiers entre dans la chambre de son mari mourant.
- Diable ! diable ! vit Vieilleville se grattant l'oreille, c'est qu'il existe, assure-t-on, certain anneau...
- Vous vous trompez, monsieur de Vieilleville, interrompit la reine, cet anneau n'existe plus car le voici... et nous l'avons tiré du doigt de notre époux bien-aimé afin, s'il passait de vie à trépas – ce qu'à Dieu ne plaise ! – de pouvoir sceller de son chaton votre brevet de maréchal de France qui, vous le savez, n'est pas encore signé.
- Madame, dit Vieilleville, rassuré par la vue de l'anneau, en même temps qu'encouragé par la promesse de Catherine, vous l'avez dit, vous êtes la reine, et vos ordres seront exécutés.
- Ah ! je savais bien, dit Catherine, que vous étiez mon ami, mon cher Vieilleville !
Et elle s'éloigna, emportant, selon toute probabilité, dans son cœur, qui finit par en déborder, un grand mépris de plus pour l'espèce humaine.
Le roi demeura quatre jours immobile et sans mouvement. Pendant ces quatre jours, madame de Valentinois se présenta plusieurs fois ; mais la porte lui fut toujours obstinément refusée.
Quelques-uns de ses amis lui donnaient le conseil de quitter le château des Tournelles et d'aller attendre les événements dans son appartement du Louvre, et même dans son château d'Anet, lui faisant comprendre que, si elle s'obstinait à rester, il pourrait lui en arriver malheur.
Mais elle répondit constamment que sa place était là où était le roi, et que, tant que le roi conserverait un souffle d'existence, elle était bien tranquille, ses ennemis les plus acharnés n'oseraient rien tenter contre sa vie à elle, ni même contre sa liberté.
Le troisième jour, au soir, c'est-à-dire soixante-douze heures environ après l'événement, un homme tout poudreux descendait d'un cheval couvert d'écume et de sueur à la porte du palais des Tournelles, disant qu'il venait de la part du roi Philippe et demandant à voir Henri, s'il vivait encore.
On sait quels ordres avaient été donnés et combien scrupuleusement était gardée l'entrée de la chambre du roi.
- Quel nom faut-il faire passer à Sa Majesté la reine ? demanda l'huissier de garde dans l'antichambre du roi et qui répondait corps pour corps à M. de Vieilleville de chaque personne qui ouvrait la porte.
- Ce n'est point à la reine qu'il faut faire savoir mon nom, répondit l'inconnu, c'est à mon docte confrère Ambroise Paré. Je me nomme André Vésale.
L'huissier entra dans la chambre du roi, toujours évanoui et privé en apparence de tout sentiment, et, s'approchant d'Ambroise Paré qui, une tête fraîchement coupée à la main, cherchait dans l'intérieur du cerveau les mystères encore inconnus de l'intelligence et de la vie humaine, il lui redit le nom qu'il venait d'entendre.
Ambroise Paré le fit répéter une seconde fois et, sûr qu'il ne s'était pas trompé, jeta un cri de joie.
- Ah ! messieurs, dit-il, bonne nouvelle ! Si le roi peut être sauvé par la science humaine, un seul homme est en état de faire ce miracle... Messieurs, remerciez Dieu : cet homme est là!
Et, ouvrant vivement la porte :
- Entrez ! entrez ! dit-il, vous qui êtes maintenant ici le seul et véritable roi !
Puis, à M. de Vieilleville :
- Monsieur le comte, dit-il, soyez assez bon pour prévenir la reine que l'illustre André Vésale est près du lit de son auguste époux.
M. de Vieilleville, heureux de porter à la reine l'apparence d'une bonne nouvelle, s'élança hors de l'appartement, sur le seuil duquel apparaissait un homme de quarante-six ans à peu près, de taille moyenne, à l'œil vif et intelligent, au teint brun, aux cheveux et à la barbe crépus.
Cet homme, c'était en effet André Vésale que le roi Philippe II, prévenu par un courrier du duc de Savoie de l'événement arrivé à son beau-père, envoyait en toute hâte près de lui.
Le courrier avait joint le roi d'Espagne à Cambray, et, comme André Vésale, son médecin, était près de lui en ce moment, l'illustre anatomiste avait pu, à la fin du troisième jour, se trouver près du lit du mourant.
On sait de quelle immense réputation jouissait à cette époque André Vésale ; on ne s'étonnera donc point de la façon dont il venait d'être reçu par un homme aussi consciencieux et surtout aussi modeste que l'était son confrère Ambroise Paré, bien supérieur à Vésale dans la pratique manuelle, bien plus adroit que lui pour extirper une balle ou pour couper un membre, mais bien inférieur à celui-ci dans la théorie et surtout dans tout ce qui avait rapport à la science anatomique.
L'anatomie, en effet, avait été l'étude acharnée de toute la vie du médecin brabançon. à une époque où le préjugé religieux faisait le cadavre sacré et s'opposait à ce que l'on cherchât jusque dans la mort les secrets de la vie, il s'était exposé à la haine des fanatiques pour faire faire à la science, trébuchant dans les ténèbres de l'ignorance, quelques pas de plus.
Aussi fut-ce d'abord à Montpellier qu'étudia Vésale. Dès 1376, les docteurs de cette école avaient obtenu de Louis d'Anjou la permission, qui leur fit continuée depuis par Charles le Mauvais, roi de Navarre, et par Charles VI, roi de France, de prendre chaque année le cadavre d'un criminel supplicié et de le disséquer.
Vésale y étudia en 1532. Il avait alors dix-huit ans.
Puis il vint à Paris.
Là, sa hardiesse à braver les dangers attachés au métier de voleur de cadavres lui avait fait une réputation. Toutes les nuits, fouillant les cimetières et glanant sous les gibets, on le voyait disputer aux chiens et aux corbeaux des cadavres souvent en putréfaction.
Après trois ans passés dans ces lugubres travaux, Vésale obtint la chaire de Louvain et eut la permission d'y faire des démonstrations anatomiques dans lesquelles la possession d'un squelette complet lui apporta le secours de son ossature.
Ce squelette éveilla la susceptibilité des magistrats. Vésale, appelé devant eux, fut interrogé sur la façon dont ce squelette était tombé entre ses mains.
- Je l'ai apporté de Paris, dit Vésale.
L'illustre anatomiste mentait ; mais il ne regardait pas comme un péché le mensonge qui concourait au salut de l'humanité.
Comment Vésale s'était-il procuré ce squelette ?
Le voici.
Un jour qu'il parcourait, avec un de ses amis nommé Gemma, le champ consacré aux exécutions et qui était situé à un quart de lieu de Louvain à peu près, Vésale avait vu un cadavre qui, déchiqueté par le bec des oiseaux de proie, était presque réduit à l'état de squelette ; ses os, resplendissants de blancheur, tirèrent l'œil du sublime sacrilège et il résolut de s'approprier cette carcasse humaine. Les extrémités inférieures se détachèrent assez facilement ; mais, de peur que les vertèbres du cou, brisées par le poids du bourreau qui, on le sait, se laissait glisser de la potence sur les épaules du patient, ne pussent soutenir le poids du corps, une chaîne avait été passée autour du tronc et l'attachait au gibet.
Il fallut remettre à la nuit le reste du vol ; les os des jambes et des cuisses furent enlevés et cachés ; puis, la nuit venue, à cette heure où les hiboux et les sorciers sont censés parcourir seuls ces champs de désolation, Vésale revint sans son ami, celui-ci n'ayant point osé l'accompagner, et, à l'aide de ses mains seulement, il parvint à arracher le squelette de la chaîne.
En trois nuits, les différentes pièces de ce qui avait été un homme vivant, pensant, aimant, souffrant, comme celui qui s'en appropriait les débris, furent rentrées dans la ville ; trois autres jours suffirent à les nettoyer, à les mettre en place et à les fixer au moyen de fils de fer.
Voilà comment André Vésale s'était procuré ce squelette qui faisait scandale parmi les magistrats de Louvain et qu'il affirmait lui venir de Paris.
Puis arriva la guerre d'Italie entre Charles Quint et François Ier. Vésale suivit les armées espagnoles comme son collègue Ambroise Paré suivait les armées françaises. Deux fois seulement, une fois à Montpellier, une fois à Paris, il avait eu l'occasion d'assister à l'ouverture de cadavres humains non encore putréfiés, et ce fut avec une espèce de frénésie que, plus libre sur les champs de bataille, il se livra, quoique toujours d'une manière clandestine, à ses études anatomiques, immortalisées par le pinceau de Rembrandt.
Ce fut alors que, fort de plusieurs autopsies faites, soit en public, soit dans son cabinet, Vésale se hasarda à réformer Gallien qui, n'ayant jamais fait d'autopsie que sur les animaux, fourmillait d'erreurs. Il fit plus : il publia et présenta au prince don Philippe un Manuel d'anatomie qui n'était que le prospectus du grand ouvrage qu'il se proposait de publier plus tard.
Mais alors, les professeurs, les rivaux et, par conséquent, les ennemis, trouvant une surface où mordre, attaquèrent le livre comme sacrilège et jetèrent de Venise à Tolède une telle clameur, que Charles Quint lui-même s'épouvanta de ce haro et livra l'ouvrage aux théologiens de l'Université de Salamanque pour qu'ils décidassent s'il était permis à des catholiques d'ouvrir des corps humains.
Heureusement, les moines répondirent par cet arrêt plus éclairé que ceux qui émanent d'habitude des ordres religieux : « C'est utile, et par conséquent permis. »
Alors, les faits avérés étant insuffisants pour faire condamner Vésale, on eut recours à la calomnie.
Le bruit se répandit que Vésale, trop pressé d'étudier la maladie dont était mort un gentilhomme espagnol, avait ouvert le corps de ce gentilhomme avant qu'il eût rendu le dernier soupir. Les héritiers du mort, disait-on, avaient forcé la porte de la chambre à coucher où Vésale s'était enfermé avec le cadavre et étaient arrivés à temps pour constater que le cœur, mis à nu, se contractait encore.
Il est vrai qu'on ne nommait pas le gentilhomme ; il est vrai que les héritiers intéressés à faire le procès restaient muets et dans l'ombre ; mais, par cela même que l'accusation était dénuée de preuves, elle fut accueillie sans examen, et ce fut un fait acquis aux ennemis de Vésale qu'il avait ouvert un homme vivant encore.
Cette fois, la rumeur fut telle qu'il ne fallut pas moins que l'entêtement de Philippe II – le terme n'est point exagéré – pour sauver Vésale, non pas d'un procès public, mais de quelque embuscade où il serait tombé victime de la fureur populaire, qui le désignait comme un sacrilège et comme un maudit.
Hélas ! Philippe se lassa plus tard de soutenir ce martyr du génie ! Vésale, obligé de quitter la France, l'Italie, l'Espagne, fit un pèlerinage au tombeau de Jésus-Christ et, jeté par une tempête, au retour des Lieux saints, sur les côtes de l'île de Zante, il y mourut de misère et de faim !
Mais, à l'époque où nous sommes arrivés, le bras puissant qui le soutenait ne s'était pas encore fatigué et le roi d'Espagne, convaincu du génie de son médecin, l'envoyait, comme nous l'avons dit, à son beau-père Henri II.

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1998-2010
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