Chapitre VII
L'amiral tient sa parole
Ainsi qu'on avait pu le prévoir, Malemort avait fait rapidement les six lieues qui séparaient Saint-Quentin du camp de la Fère.
Au bout d'une heure et demie à peine, il était à la porte de M. l'amiral.
En voyant cet homme qui arrivait d'un galop enragé avec ses habits ensanglantés, son visage caché sous des linges, s'il était impossible de reconnaître Malemort à cause du masque qui ne lui laissait à découvert que les yeux et la bouche, encore était-il au moins facile de reconnaître en lui un messager de sombre nouvelles.
Il fut donc introduit à l'instant même près de monsieur de Coligny.
L'amiral était avec son oncle : le connétable venait d'arriver.
Malemort raconta la prise d'Origny-Sainte-Benoîte, le massacre de ceux qui avaient voulu défendre le château, l'incendie de tous les villages sur la ligne que suivait l'armée espagnole, laquelle laissait derrière elle comme un sillage de feu et de fumée.
à l'instant même, les rôles furent distribués entre l'oncle et le neveu.
Coligny, avec cinq ou six cents hommes, partirait immédiatement pour se renfermer dans Saint-Quentin et y tenir jusqu'à la dernière extrémité.
Le connétable, avec le reste des soldats présents au camp, rejoindrait l'armée du duc de Nevers qui, forte de huit à neuf mille hommes seulement, et par conséquent trop faible pour attaquer l'armée espagnole, qui comptait plus de cinquante mille combattants, la côtoyait, l'observait, se tenait prête à profiter de ses fautes.
Cette petite troupe manœuvrait sur les confins du Lyonnais et de la Thierache.
L'amiral fit aussitôt sonner le boute-selle et battre le départ ; mais, sur l'avis de Maldent, qu'il avait choisi pour guide, l'amiral se décida à prendre le chemin de Ham, au lieu de suivre le chemin direct. D'après les renseignements recueillis, il comptait que les Espagnols attaqueraient Saint-Quentin par Rémicourt, le faubourg Saint-Jean et le faubourg d'île.
Par conséquent, de ces trois côtés, Coligny trouverait une opposition à son projet.
Le seul chemin qui, au dire de Maldent, eût chance d'être encore libre, c'était celui de Ham à Saint-Quentin passant à travers des marais presque impraticables, excepté pour ceux qui en connaissaient les passages.
L'amiral prit avec lui trois bandes de gens de pied.
Ces bandes étaient commandées par les capitaines Saint-André, Rambouillet et Louis Poy.
Mais la troisième, arrivée de Gascogne dans la journée même, était si fatiguée qu'elle resta sur la route de la Fère à Ham.
Au moment où le connétable et l'amiral sortaient de la Fère – l'amiral se rendant à Ham, le connétable lui faisant la conduite –, ils trouvèrent au milieu de la route, assis sur son derrière et barrant le chemin, un gros chien noir, lequel se mit à hurler de toutes ses forces. On chassa le chien mais il fit cent pas en avant, s'assit comme d'abord par le travers de la route et hurla d'une façon plus funèbre encore que la première fois. Chassé de nouveau, il recommença pour la troisième fois le même manège, hurlant toujours plus fort et plus désespérément.
Alors le connétable, regardant Coligny :
- Que diable vous semble de ceci, mon neveu ? lui demanda-t-il.
- Mais, répondit l'amiral, que c'est une musique fort déplaisante, monsieur, et je crois que nous allons fournir la comédie.
- Oui, et peut-être bien aussi la tragédie, remarqua le connétable .
Et, sur cette prophétie, l'oncle et le neveu s'embrassèrent, l'amiral continuant son chemin vers Ham, le connétable revenant vers la Fère, qu'il quitta le soir même.
Mais, à sa sortie de la ville, un autre présage l'attendait à son tour.
à peine eut-il fait une lieue sur la route de Laon, qu'une espèce de pèlerin portant une longue robe et une longue barbe se jeta à la bride de son cheval, lui criant :
- Montmorency ! Montmorency ! je t'annonce que, dans trois jours, toute ta gloire sera en poudre !
- Soit, dit le connétable ; mais je t'annonce, moi, qu'auparavant ta mâchoire sera en cannelle !
Et il lui donna un si rude coup de poing, que le pauvre prophète tomba en effet évanoui sous le coup et la mâchoire toute disloquée .
Le connétable continua son chemin comme avait fait l'amiral, chacun emportant son présage funeste.
L'amiral arriva à Ham vers cinq heures du soir.
Sa résolution était de poursuivre sa route sans s'arrêter jusqu'à Saint-Quentin. En conséquence, après un repos d'une heure donné aux soldats, il se remit en marche avec ses gendarmes et deux compagnies de pied seulement.
à Ham, MM. de Jarnac et de Luzarche avaient fait tout ce qu'ils avaient pu pour le retenir, lui remontrant tous les services qu'il pouvait rendre en rase campagne et lui offrant d'aller s'enfermer dans Saint-Quentin à sa place ; mais il avait répondu :
- J'aimerais mieux avoir perdu tout ce que j'ai vaillant que de ne pas porter à ces braves gens si bien disposés à défendre leur ville le secours que je leur ai promis !
Et, comme nous l'avons dit, il partit sans une minute de retard à l'heure qu'il avait indiquée.
Aux portes de Ham, il rencontra l'abbé de Saint-Prix. C'était un très-noble prélat nommé Jacques de la Motte ; il était à la fois chanoine de Saint-Quentin, de Chartres, de Paris et du Mans ; il possédait en outre deux prieurés et, lorsqu'il mourut, il avait été chanoine sous cinq rois en commençant par François Ier.
Coligny, se doutant que l'illustre voyageur venait de Saint-Quentin, alla à lui ; homme de guerre et homme d'église se firent reconnaître l'un à l'autre.
L'abbé, aux premiers coups de canon tirés à la porte du faubourg d'île, avait quitté la ville, par celui de Pontoilles, et allait en toute diligence informer le roi de la position de Saint-Quentin et lui demander des secours. Ainsi donc, comme l'avait prévu l'amiral, le dernier chemin resté libre était celui qu'il suivait.
- Monsieur l'abbé, dit l'amiral au prélat, puisque vous allez trouver le roi, faites-moi le plaisir de dire à Sa Majesté que vous m'avez rencontré à la tête d'une bonne troupe, comptant, avec l'aide de Dieu, entrer cette nuit dans Saint-Quentin, où j'espère lui faire un bon service.
Et, ayant salué l'abbé, il continua son chemin.
Une lieue plus loin, il commença à apercevoir les fuyards d'Origny-Sainte-Benoîte et des autres villages plus rapprochés de Saint-Quentin, lesquels, n'ayant pu trouver refuge dans la ville, avaient été forcés de s'enfuir au-delà. Les malheureux étaient harassés de fatigue, les uns se traînant encore, les autres couchés au pied des arbres et mourant de faim et de lassitude.
L'amiral leur distribua quelques secours et continua son chemin.
à deux lieues de Saint-Quentin, la nuit le prit, mais Maldent était là ; il répondait de tout à ceux qui voudraient le suivre et, dans l'espoir qu'il y aurait bonne récompense au bout du chemin, il offrait comme preuve de sa bonne foi de marcher devant le cheval de M. l'amiral avec une corde au cou.
La bande du capitaine Rambouillet prit la route indiquée ; mais le capitaine Saint-André prétendit avoir un bon guide et demanda à marcher de son côté.
Chacun était là tellement pour son compte, que l'amiral n'osa point exiger que tout le monde s'en rapportât, comme il le faisait, à Maldent.
M. de Saint-André tira donc de son côté et l'amiral du sien.
Aucun obstacle ne se présenta sur la route de Saint-Quentin. La ville n'avait point été cernée entièrement ; on avait réservé une de ses faces, celle du faubourg de Pontailles, à l'armée anglaise qui devait arriver d'un moment à l'autre, et c'était justement par cette face que se présentait l'amiral.
à la hauteur de Savy, c'est-à-dire trois quarts de lieue avant d'arriver à Saint-Quentin, on avait jeté un regard de précaution sur la place et l'on avait aperçu les feux de l'armée ennemie s'étendant depuis la chapelle d'éparguilles jusqu'aux Prés-Gaillard ; on eût dit qu'un chemin avait été ménagé exprès pour la petite troupe de l'amiral.
Ce fut au point que celui-ci s'en inquiéta ; il craignait une embuscade.
Procope, auquel ses fréquentes conférences avec Maldent avaient rendu familier le patois picard, s'offrit pour aller à la découverte.
L'amiral accepta et fit halte en l'attendant.
Au bout de trois quarts d'heure, l'aventurier revint : le chemin était parfaitement libre et il avait pu s'approcher si près du rempart, qu'il voyait se promener la sentinelle, qui allait de la porte de Pontoilles à la tour faisant face au Pré-aux-Oisons.
Alors, par-dessus l'espèce de petit bras de rivière qui, à cette époque, coulait au pied de la muraille, Procope avait sifflé la sentinelle, qui s'était arrêtée et avait cherché à percer l'obscurité du regard.
Procope siffla une seconde fois et, sûr qu'il avait été vu, il annonça à demi-voix l'approche de M. l'amiral.
De cette façon, le poste de la porte de Pontoilles serait prévenu et l'amiral serait introduit aussitôt après son arrivée.
Coligny applaudit à l'intelligence de Procope, approuva tout ce qu'il avait fait et, plus tranquille, se remit en route, toujours sous la conduite de Maldent.
à trente pas de la porte, un homme se leva d'un fossé ; il tenait un pistolet à la main, tour prêt à faire feu si, au lieu d'une troupe amie, la troupe qui s'approchait était une troupe ennemie.
On voyait sur les remparts comme une ombre plus épaisse : cent hommes avaient été appelés sur ce point pour le cas où les confidences de Maldent à la sentinelle eussent caché quelque surprise.
L'homme au pistolet, qui jaillissait, pour ainsi dire, du fossé, était le lieutenant Théligny.
Il s'avança en disant :
- France et Théligny !
- France et Coligny ! répondit l'amiral.
La reconnaissance était faite : c'était bien le renfort promis qui arrivait ; on ouvrit les portes.
L'amiral et ses cent vingt hommes entrèrent.
à l'instant même, le bruit de cette arrivée se répandit par la ville ; les habitants sortirent à demi vêtus de leurs maisons en poussant des cris de joie ; beaucoup voulaient illuminer ; quelques-uns avaient déjà commencé.
L'amiral fit taire les cris, fit éteindre les lumières.
Il craignait que l'armée ennemie ne prit l'éveil et ne redoublât de surveillance. D'ailleurs, Saint-André et sa troupe n'étaient pas encore arrivés.
Vers trois heures du matin, on n'avait point encore entendu parler d'eux.
Alors, comme le jour était près de se lever et qu'il était urgent qu'ils n'allassent point donner dans quelque parti espagnol, Lactance s'avança avec six ou huit de ses jacobins.
Les bons pères, que leur habit mettait à l'abri de tout soupçon, offraient de se répandre dans la campagne sur une largeur d'une lieue ou deux et de ramener la compagnie égarée.
Leur offre fut acceptée et ils partirent, les uns par la porte de Pontoilles, les autres par la poterne Sainte-Catherine.
Entre quatre et cinq heures du matin, parut une première troupe d'une soixante d'hommes conduite par deux pères jacobins.
Puis, vers six heures, une seconde troupe de cinquante cinq à soixante soldats conduite aussi par un moine.
Le capitaine Saint-André était avec cette seconde troupe.
Leur guide s'était égaré et les avait égarés avec lui.
Les autres pères rentrèrent les uns après les autres et Dieu, qui les protégeait, permit que, pour cette fois, il n'arrivât malheur à aucun d'eux.
Aussitôt les derniers hommes rentrés dans la ville, Coligny fit l'appel.
Il se trouvait que, grâce à lui, la garnison était renforcée de deux cent cinquante hommes. C'était numériquement un bien faible secours, mais la présence de celui qui l'amenait, en rendant le courage aux plus timides, avait produit un immense effet moral.
Théligny, le maïeur et le gouverneur de la ville firent à l'amiral un récit exact de ce qui s'était passé la veille. Convaincu plus que jamais qu'il fallait, jusqu'à la dernière extrémité, défendre le faubourg d'île, ce fut vers ce point que Coligny se dirigea d'abord. Au haut de la vieille muraille, au milieu des balles qui sifflaient autour de lui, il décida que, dès le soir, à la nuit tombante, on ferait une sortie afin d'incendier les maisons voisines, de l'intérieur desquelles les Espagnols inquiétaient continuellement les soldats qui gardaient les remparts. Si l'on réussissait et si l'on reprenait aux assiégeants le boulevard dont ils s'étaient emparés la veille, on pourrait alors creuser une tranchée en avant de la vieille muraille pour la couvrir par un masque et garantir les courtines du feu des assiégeants
En attendant, et pour concentrer sur ce point tous les moyens de défense possibles, l'amiral ordonna d'ouvrir à chaque flanc du rempart une embrasure à laquelle on plaça deux pièces de canon.
Puis, ces premières dispositions prises comme mesures d'urgence, Coligny pensa qu'il était temps d'examiner la qualité et la quantité d'ennemis auxquels il allait avoir affaire.
Au reste, il était facile, d'après les bannières de leurs tentes, de reconnaître la nation à laquelle appartenaient les soldats et les princes qui les commandaient.
Placé où il était, c'est-à-dire sur l'angle le plus avancé de la vieille muraille, l'amiral avait à sa droite trois camps parfaitement distincts placés chacun sur une colline.
Le plus éloigné était celui du comte de Schwarzembourg.
Le camp intermédiaire était celui du comte d'Egmont et du comte de Horn, ces deux inséparables que la mort même ne devait pas séparer.
Le camp le plus rapproché était celui d'Emmanuel Philibert.
En face de lui, l'amiral avait les troupes espagnoles, contre lesquelles on avait combattu la veille et qui étaient commandées par don Julien Romeron et le capitaine Carondelet.
Enfin, à sa gauche, s'avançait le point extrême du camp principal.
Ce camp, qui couvrait près d'une demi-lieue de terrain et dans lequel le duc de Savoie vint plus tard placer ses tentes, était presque entièrement enveloppé par la rivière de Somme qui forme un demi-cercle depuis l'endroit où elle prend sa source jusqu'à celui où elle passe entre Saint-Quentin et le faubourg d'île.
Il s'étendait sur toute une face de la muraille, de la rivière au faubourg Saint-Jean.
Dans ce camp étaient enfermés les quartiers du feld maréchal de Bénincourt, du margrave de Berg, du margrave de Valle, du duc de Saïmona, du comte de Schaumbourg, du comte de Mansfeld, de Bernard de Mendoza, de Ferdinand de Gonzague, de l'évêque d'Arras, du comte de Feria, du comte Rinago, du comte de Veaugier, du maréchal de Carcheris, du duc Erick de Brunswick, du duc Ernest de Brunswick, de don Juan Manriq, de messire du Boussu, de messire de Barlaymont, du comte de Mégue, du sieur Lazari de Schwendy ; enfin, le quartier de la grosse cavalerie, le quartier des hallebardiers et le quartier des mutins.
De la tour Saint-Jean à la grosse tour, c'est-à-dire sur le point diamétralement opposé au faubourg d'île, s'étendait le camp flamand et se dressait une batterie qui fit un tel feu, que, depuis ce jour, le chemin d'où elle tirait s'appelle la ruelle d'enfer.
Enfin, restait cette face de la ville qui s'étend du faubourg de Pentoille à Tourrival, laquelle, comme nous l'avons dit, était complètement dégarnie dans l'attente de l'armée anglaise à qui l'on avait conservé cette position.
Cette espèce de revue préparatoire passée, l'amiral descendit à l'hôtel de ville. Là, il ordonna qu'il lui fût donné une liste des hommes valides ; que l'on fît la recherche de toutes les armes qui pouvaient se trouver encore dans la ville ; que l'on dressât un rôle d'inscription pour les ouvriers, hommes et femmes, qui voudraient travailler aux terrassements ; qu'une perquisition fût faite dans le but de réunir tous les outils, hottes, pelles, paniers, pics, boyaux, bêches et pioches ; qu'un compte fût dressé de tous les grains, farines, vins, bétails et provisions de toutes espèces renfermées tant dans les magasins publics que dans les maisons particulières afin d'établir de l'ordre dans la consommation et d'éviter le gaspillage. Enfin, il demanda un état exact, non seulement de l'artillerie, mais encore de la quantité de poudre, de boulets et du nombre d'hommes qui faisaient le service des pièces.
Dans la tournée qu'il venait d'accomplir, l'amiral n'avait vu que deux moulins : un moulin à vent situé au bout de la rue de Billon, près la tour Rouge, et un moulin à eau sur la Somme, dans le bas faubourg d'île. Ce n'était point assez de ces deux usines pour moudre le blé nécessaire à la consommation d'une ville de vingt mille âmes.
Il exprima cette crainte.
Mais aussitôt les échevins le rassurèrent en lui affirmant que l'on trouverait dans la ville quinze ou seize moulins à bras que l'on ferait constamment fonctionner à l'aide de chevaux et qui, dans le cas d'un travail continu, suffiraient à l'alimentation de la ville et de la garnison.
Puis Coligny organisa le logement des compagnies, adoptant la division de la ville en quatre quartiers mais en subdivisant ces quatre quartiers en seize parties, à la surveillance desquelles il affecta seize bourgeois et seize officiers afin que toutes décisions se prissent de concert. La troupe fut répartie à la garde des murailles conjointement avec les milices bourgeoises, chacun ayant à protéger son quartier respectif. L'échevinage se constitua en permanence afin d'être prêt à répondre sans retard aucun à toutes les réquisitions qui lui seraient adressées. Enfin, l'amiral présenta au corps de ville les gentilshommes qui formaient ce que l'on appellerait aujourd'hui son état major et qui devaient être ses intermédiaires auprès des magistrats.
En outre et en dehors de ces officiers, le capitaine Languelot fut nommé surintendant de l'artillerie, avec disposition de dix gens d'armes auxquels on assigna mission de vérifier auprès des canonniers la quantité de poudre employée chaque jour et qui furent particulièrement chargés de veiller à ce que cette poudre si précieuse fût mise à l'abri de tout danger.
En parcourant les remparts, Coligny avait remarqué, près la porte Saint-Jean, à cent pas des murailles à peine, un grand nombre de jardins remplis d'arbres fruitiers et entourés de haies élevées et touffues. Ces haies et ces arbres offraient à l'ennemi un couvert qui lui permettait d'approcher des remparts. Comme ces jardins appartenaient aux principaux habitants de la ville, l'amiral demanda au conseil son assentiment pour les déboiser. Cet assentiment lui fut donné sans difficulté aucune et l'on mit à l'instant même en réquisition tous les charpentiers de la ville pour raser les arbres et les haies.
Leur abattis était destiné à faire des fascines.
Alors, voyant l'assemblée unie d'un seul et même esprit, nobles, bourgeois et militaires animés, sinon d'un enthousiasme, au moins d'une énergie égale, Coligny se retira dans la maison du gouverneur où il avait donné rendez-vous aux officiers de toutes les compagnies.
Cette maison était située rue de la Monnaie, entre la Templerie et les Jacobins.
Là, ces officiers furent mis au courant de ce qui venait d'être fait. L'amiral leur dit le bon esprit des habitants de la ville, leur résolution de se défendre jusqu'à la dernière extrémité et les invita, en adoucissant autant qu'il serait en eux les rigueurs de la position, à maintenir la bonne harmonie entre ces deux pouvoirs si rarement et si difficilement d'accord : armée et bourgeoisie.
Chaque capitaine dut en outre fournir, séance tenante, un état de sa compagnie, afin que l'amiral connût exactement le nombre des hommes dont il avait à disposer et les chiffre des bouches militaires qu'il avait à nourrir.
Puis enfin, montant avec un ingénieur sur la galerie de la Collégiale, il indiqua, de ce point élevé et d'où l'on embrassait toute la circonvallation de la ville, les excavations qu'il y avait à combler et les élévations qu'il y avait à aplanir.
Ces ordres donnés et resté seul avec l'officier qu'il comptait envoyer au connétable pour en obtenir un renfort de troupes tandis qu'il était encore possible de ravitailler la place, il décida que le chemin de Savy, tout couvert de vignes et débouchant à travers une chaîne de petites collines près de la chapelle d'épargnemaille, était la voie la plus favorable pour faire approcher des troupes de la place.
Le capitaine Saint-André était en effet, en plein jour et sans être vu, arrivé de ce côté.
Puis, ces ordres donnés, ces dispositions arrêtées, Coligny se souvint enfin qu'il était un homme et rentra pour prendre quelques heures de repos.
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