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Chapitre III
Les deux étudiants de Bologne

Un homme entra, tenant une lettre à la main.
Cet homme était le domestique du directeur de la poste aux lettres.
Le courrier de Rome arrivait le soir à Bologne, et, d'ordinaire, on ne recevait les lettres que le matin. Mais le maître de poste, en préparant d'avance les lettres dans les différentes cases où elles devaient attendre les personnes à qui elles étaient destinées, en avait reconnu une à sa propre adresse ; il l'avait ouverte, et, dans cette lettre, il en avait trouvé une autre qu'on le suppliait de faire passer à l'instant même à Gaetano Romanoli, étudiant à Bologne. Le jeune homme était connu du maître de poste, lequel se hâtait de lui faire passer cette missive qui paraissait si pressée.
Gaetano la prit des mains du messager, auquel il donna une pièce de monnaie ; puis, tout chancelant, il s'approcha de la lampe.
- Qu'as-tu ? lui demanda Beppo, tu pâlis.
- Une lettre de ma soeur, murmura Gaetano en essuyant la sueur qui perlait sur son front.
- Eh bien ! y a-t-il de quoi pâlir, de quoi trembler ?
- Il est arrivé un malheur à la maison, dit Gaetano.
- Et à quoi vois-tu cela ?
- Je connais si bien Bettina, dit Gaetano, que je devine à la simple inspection de son écriture sous l'impression de quel sentiment elle m'écrit. Je n'ai pas besoin d'ouvrir la lettre pour savoir si elle est triste, joyeuse ou calme. L'adresse me dit tout.
- Et, cette fois, l'adresse te dit ?... reprit Beppo en jetant un regard inquiet sur la lettre.
- Cette fois l'adresse me dit que Bettina m'a écrit en pleurant. Tiens, vois les deux premières lettres de notre nom de famille, un sanglot les a interrompues.
- Oh ! tu te trompes, dit Beppo.
- Lis toi-même, répondit Gaetano en donnant la lettre à son ami, en s'asseyant et en laissant tomber avec un soupir sa tête entre ses deux mains.
Beppo ouvrit la lettre ; mais, aux premières lignes, sa main trembla, et ses yeux s'abaissèrent tristement sur Gaetano.
Il était facile de voir que celui-ci pleurait dans ses mains.
- Du courage, ami ! dit Beppo d'une voix douce, et en posant sa main sur l'épaule de son compagnon.
Gaetano releva son front. Des larmes coulaient le long de ses joues.
- J'en ai, dit-il. Qu'est-il arrivé ? Parle.
- Ton père est très mal et désire te voir avant de mourir.
- Il n'est pas mort, alors ? s'écria Gaetano, avec un éclair de joie.
- Non.
- Tu ne me trompes pas ?
- Lis plutôt.
Gaetano prit la lettre et lut.
- Quand partons nous ? dit Beppo.
- Tu me demandes quand je pars, ami, car toi tu restes.
- Pourquoi resterais-je si tu pars ?
- Parce que dans trois jours tu passes ton examen de docteur, parce que ta thèse est imprimée, parce que tes présents sont envoyés aux professeurs.
- Eh bien ! nous remettrons tout cela à notre retour.
- Non, car, s'il plaît à Dieu, tu ne reviendras pas, Beppo.
- Ainsi, tu veux que je te laisse partir seul.
- Aussitôt ta thèse passée, tu viendras me rejoindre. Si nous avons le bonheur de sauver mon pauvre père, tu nous aideras à le soigner, et, à la fin de sa convalescence, il te regardera comme de la famille ; s'il meurt, tu en es déjà ; regarde, Bettina ne dit-elle pas, à la fin de sa lettre : « Mille tendresses à notre cher frère Beppo. »
- Je ferai comme tu voudras, Gaetano. Cependant, réfléchis.
- Mes réflexions sont faites, moi, je pars ce soir, à l'instant même ; toi, tu pars dans trois jours seulement, viens m'aider à trouver une voiture, afin que nous ne nous quittions que le plus tard possible.
- Allons ! dit Beppo.
Gaetano jeta du linge et un habit dans un sac de nuit, prit tout l'argent qu'il avait, fourra ses pistolets dans ses poches, et, muni de sa carte d'étudiant comme passeport, descendit pour se mettre à la recherche d'une voiture.
Le jeune homme trouva ce qu'il cherchait, à l'hôtel même de la poste. Gaetano devait laisser la chaise chez le maître de la poste aux chevaux de Rome, lequel était un parent de celui de Bologne.
Au bout de dix minutes, les chevaux étaient attelés.
En voyant son ami monter en voiture, Beppo insista de nouveau pour partir avec lui, mais Gaetano fut inébranlable. Il objecta la thèse, répéta dix fois à Beppo que c'était une séparation de trois jours, voilà tout, puisque, le troisième soir, il partirait à son tour.
Beppo céda.
La chaise s'ébranla, le postillon fit claquer son fouet, les chevaux partirent, les deux amis échangèrent encore un adieu.
Beppo attendit que la chaise eût disparu, et quand le bruit des roues, qui semblait encore prolonger la présence de Gaetano près de lui, se fut éteint, il poussa un soupir et revint à la maison, les bras pendants, la tête inclinée.
Ce fut une sensation dont nous n'essaierons pas de peindre la tristesse que celle qui s'empara de Beppo en rentrant dans cette chambre solitaire, où tout attestait la présence récente de l'ami qui venait de la quitter.
Il s'assit à cette table, près de laquelle était encore la chaise vide sur laquelle était assis, une heure auparavant, Gaetano ; puis, ayant résolu de ne pas se coucher, il alla chercher ses livres, son encre et son papier, et se mit à travailler.
Mais, chose singulière, pendant son travail, trois fois la lampe s'éteignit, non point tout à coup, non point par accident ; mais d'elle-même, comme une bouche qui cesse de respirer, comme une âme qui s'envole.
Trois fois Beppo la ralluma, s'assurant chaque fois qu'elle ne s'était pas éteinte à défaut d'huile ; car, au point du jour, le récipient était encore à moitié plein.
Beppo était superstitieux, comme le sont toutes les âmes mélancoliques. Son regret d'avoir quitté Gaetano devint presque un remords, sa tristesse presque un désespoir.
D'ailleurs, par une coïncidence étrange, ces trois agonies de la lampe avaient eu lieu tandis que Beppo, qui, ainsi que nous l'avons dit, s'était chargé de leur apprendre cette triste nouvelle, écrivait aux parents d'Antonio.
Le jour parut sans que Beppo se fût couché, Beppo avait compté sur le jour pour s'isoler de ses idées sombres, mais le jour était triste lui même comme un jour d'hiver, et quoique le jeune homme s'efforçât pour travailler, le travail ne put un instant le distraire de cette pensée incessante que Gaetano courait quelque danger.
En effet, la route est longue de Bologne à Rome, et n'est pas encore bien sûre aujourd'hui pour les voyageurs qui courent la poste la nuit, à plus forte raison à l'époque où se passent les événements que nous racontons. Quelque diligence que fît Gaetano, son ami ne pouvait guère espérer qu'il ferait la route de Bologne à Rome en moins de soixante heures, et comme il était parti le soir, comme il ne devait pas s'arrêter, comme Beppo savait que, sous aucun prétexte, il ne s'arrêterait, c'étaient trois nuits de dangers à affronter.
La journée s'écoula pleine de tristesse, et se termina plus tristement encore. L'enterrement d'Antonio était fixé pour le soir ; il eut lieu aux flambeaux, comme c'est l'habitude en Italie, et toute l'université de Bologne, moins son meurtrier et Gaetano, suivit le convoi.
Vers les onze heures, Beppo rentra si fatigué dans sa chambre, qu'il n'essaya même pas de lutter contre le sommeil, et, s'étant couché, il s'endormit presque aussitôt.
Mais à peine sa lampe était-elle éteinte, à peine ses yeux étaient-ils fermés, à peine sa pensée avait perdu sa lucidité, que Beppo jeta un cri, s'élança hors de son lit, et, à tâtons, courut à son épée.
Onze heures sonnaient à l'église Saint-Dominique.
Cependant, après un instant de réflexion, Beppo ralluma sa lampe, et s'assit, pâle et pensif, sur son lit, mais sans quitter son épée.
Il venait de rêver que Gaetano, arrêté au tournant d'une route, se débattait au milieu d'une douzaine d'hommes à visages sinistres. Il avait cru entendre la double détonation de ses deux pistolets ; et, tout éveillé qu'il était maintenant, une voix bruissait encore à son oreille, qui criait : Au secours.
Cependant, au bout de quelques instants, sa raison parut l'emporter sur cette terreur, que rien ne motivait ; il se recoucha et se rendormit.
Mais son rêve continua, comme une action commencée et qui s'accomplit.
Il vit Gaetano étendu sur le bord du chemin, frappé d'une blessure au coeur.
Puis enfin, au milieu d'un paysage isolé, dans des montagnes couvertes de neige, une fosse fraîchement refermée, et dont la bosselure noire tachait seule le blanc manteau de l'hiver.
Lorsque Beppo se réveilla après ce troisième rêve, le jour était venu.
Ce jour était celui où il devait subir son examen ; mais, au lieu de lui laisser sa destination arrêtée, le jeune homme se leva, revêtit ses habits de voyage, prit à son tour ses armes et sa bourse, acheta le plus vigoureux cheval qu'il put trouver, et partit pour rejoindre Gaetano, ou tout au moins pour avoir de ses nouvelles. Il résolut à marcher jour et nuit, suivant la route qu'il avait suivie. Quand son cheval ne pourrait plus le porter, il en achèterait ou en louerait un autre.
En vertu de cette résolution, il marcha depuis sept heures du matin jusqu'à dix heures du soir, sans autre interruption qu'une halte d'une demi-heure, à Lojono ; le soir, il eût bien voulu continuer sa route, mais son cheval s'y refusa. Il avait fait cinquante milles et avait besoin de quelques heures de repos.
Force fut donc à Beppo de faire halte, comme nous l'avons dit, à dix heures du soir, à Monte-Carelli, petit village situé au milieu des Apennins.
Il s'arrêta dans une pauvre auberge qui ne logeait d'ordinaire que des muletiers. Et après avoir donné tous les soins nécessaires au bien-être de son cheval, dont il s'occupait avant toute chose, il songea à lui, et demanda à souper.
Comme on vit facilement que le jeune homme appartenait à une classe de voyageurs supérieure à celle qui s'arrêtait d'habitude à l'auberge de Porta Rossa, on lui servit son souper dans une chambre à part.
Cette chambre à part était une salle basse à peine éclairée par une mauvaise lampe, où une vieille femme avait fait entrer Beppo, tandis que devant lui on apprêtait un couvert qui devait se terminer par deux côtelettes et une omelette à la mortadelle.
Pendant que tous ces préliminaires s'accomplissaient, le jeune homme, anxieux, marchait de long en large, écoutant le bruit de son épée qui battait ses jambes. Enfin, les deux plats attendus arrivèrent. La vieille acheva son oeuvre en mettant un verre et une bouteille sur la table, demanda à Beppo s'il avait besoin d'autre chose, et, sur sa réponse négative, sortit, laissant le voyageur seul en face de son repas.
Beppo avait hâte d'en finir avec cette maigre collation, pendant laquelle il espérait bien que son cheval, qu'on avait, de son côté, mis en face d'une crèche pleine d'avoine, reprendrait des forces pour continuer sa route. Il détacha donc son épée, la posa sur un bahut, et alla s'asseoir.
Mais à peine avait-il pris place, que, de l'autre côté de la table, en face de lui, il vit, sans savoir par où il était entré, ni comment il était venu là, Gaetano assis les bras croisés, et qui lui souriait tristement en hochant la tête.
Quoique cette expression ne fût pas celle qui rayonnait d'ordinaire sur le visage de son ami, Beppo le reconnut et poussa un cri de joie.
- Ah ! c'est donc toi, cher Gaetano, s'écria-t-il en se levant pour l'embrasser.
Mais il ne saisit que l'air. Ses bras ouverts se rejoignirent sans avoir rien touché. Trois fois l'apparition échappa comme une vapeur aux embrassements du jeune homme désolé. Et cependant le spectre demeurait visible, et toujours assis à la même place.
Beppo commença de comprendre qu'il avait affaire à une ombre : mais comme c'était à celle de l'homme qu'il avait le plus aimé au monde, il ne s'en effraya point, et commença de l'interroger..
Non seulement il ne reçut point de réponse, mais encore peu à peu la vision pâlit, s'effaça et disparut.
Celle fois, la vision venait confirmer le rêve. Beppo ne songea plus qu'à Gaetano. Quelque grave accident devait être arrivé à son ami pour que Dieu lui envoyât ce double avertissement. Il appela son hôtesse, paya le souper qu'il n'avait pas mangé, et, allant à l'écurie, il sella son cheval, et partit.
On eût dit que quelque chose de surnaturel soutenait le cheval comme le cavalier. Beppo marcha tout le reste de la nuit, toute la journée du lendemain, et, le soir, après trois haltes habilement ménagées à sa monture, il arriva à Assise à sept heures du soir.
Là, quelque envie qu'eût Beppo de continuer sa route, force lui fut de s'arrêter. Son cheval ne pouvait plus mettre un pied devant l'autre.
Lui-même avait besoin de repos. Pendant une nuit et deux jours il avait marché presque sans faire halte. Il demanda une chambre et se coucha sans souper.
Cependant, quelle que fût la fatigue du corps chez Beppo, le trouble de l'esprit était encore plus grand. Il en résulta que quoiqu'il se fût couché, quoiqu'il eût éteint sa lampe, il ne s'endormit pas.
La fenêtre de sa chambre n'avait ni rideaux ni jalousies, la lueur de la lune pénétrait à travers les vitres, d'autant plus claire qu'elle s'augmentait du reflet de la neige que Beppo avait trouvée quelques lieues en avant d'Assise. Beppo était donc accoudé sur son lit, les yeux fixés sur ce rayon de pâle lumière qui sillonnait sa chambre ; lorsque tout à coup il entendit un pas dans l'escalier qui craquait. Ce pas s'approchait de sa porte. Sa porte s'ouvrit. Beppo saisit un des pistolets posés sur sa table de nuit, et en dirigea le canon vers la porte.
Mais sur le seuil apparut un jeune homme enveloppé d'un manteau brun tout moucheté de neige. Le jeune homme s'avança vers le lit, rabattit le manteau qui lui couvrait une portion du visage, et Beppo reconnut son ami.
Beppo jeta son pistolet, poussa un cri, et voulut s'élancer hors du lit, mais Gaetano lui fit de la main un signe à la fois triste et impératif.
Beppo resta sans voix, sans haleine, sans mouvement, les yeux effroyablement dilatés dans cette nuit pâle comme une aurore boréale.
Pour Beppo, il était évident que c'était la même vision qui lui était déjà apparue à Monte-Carelli.
Le spectre dépouilla d'abord son manteau, puis ses habits, en faisant signe de la main à Beppo de lui livrer dans le lit sa place accoutumée.
Puis il se coucha près de lui.
Beppo était tout à la fois si ému et si effrayé qu'il demeura immobile, étendu le long de la ruelle, appuyé sur une de ses mains, regardant son ami.
Puis, après un instant :
- Gaetano, dit-il à voix basse, est-ce toi ? Parle, réponds.
Gaetano garda le silence.
- Si Dieu, continua Beppo, permet que les lois ordinaires de la nature soient troublées, Dieu a un but. Dis-moi ce que tu veux, ami, et sur notre amitié en ce monde ! je le ferai.
Gaetano ne répondit point.
- Es-tu mort, continua Beppo, et reviens-tu en vertu du serment que nous nous sommes fait de ne pas nous quitter, même après notre mort ? En ce cas, ami, vois, je ne te fuis pas.
En prononçant ces paroles, Beppo se rapprocha de son ami, les bras ouverts ; mais il jeta un cri, il lui sembla avoir touché une statue de glace.
Quelque chose de semblable à un frisson mortel venait de passer dans le corps du vivant.
Quant au mort, avec ce même sourire triste que Beppo avait déjà recueilli sur ses lèvres, il se leva, reprit l'un après l'autre ses vêtements, et sortit de la chambre la tête constamment tournée vers son ami, et lui faisant de la main un geste d'adieu.
Au moment où Gaetano franchissait le seuil de la porte, Beppo crut entendre s'exhaler un long soupir.
Puis le bruit des pas s'éloigna dans l'escalier avec une diminution pareille au bruit qu'ils avaient fait en se rapprochant.
- Oh ! décidément, murmura le jeune homme en laissant retomber sa tête sur son oreiller, Gaetano est mort !.. bien mort !
Soit évanouissement, soit fatigue, Beppo ne se réveilla qu'au point du jour. Une nuit entière avait suffi à son cheval pour le reposer, il était frais et dispos. Beppo se mit en selle et continua sa route.
Jusque-là il s'était, à toutes les postes, informé avec soin pour savoir si, vingt-quatre heures auparavant, un jeune homme de vingt à vingt et un ans, seul dans une chaise suivant la route de Bologne à Rome, n'avait pas relayé.
Jusque-là, il avait eu des nouvelles positives de Gaetano. A Foligno et à Spolette, même réponse : partout on avait vu le jeune homme voyageant avec sa carte d'étudiant ; il était bien portant, et paraissait fort pressé d'arriver à Rome.
Cependant, à cause de la neige, la route, déjà mauvaise pendant l'été, était devenue presque impraticable ; il en résulta que tout ce que put faire Beppo dans cette journée, ce fut de gagner Terni. A Strettura, c'est-à-dire deux lieues avant Terni, le voyageur avait fait sa question habituelle, là encore Gaetano avait été vu.
Il était cinq heures du soir lorsque Beppo arriva à Strettura. Et lorsque après s'être assuré du passage de son ami, il apprit qu'il avait continué sa route vers Terni, il s'apprêta à en faire autant ; mais alors le maître de poste auquel il s'adressait secoua la tête, et lui donna le conseil de ne pas aller plus loin : la route, resserrée entre deux chaînes des Apennins, était infestée par une troupe de bandits, et chaque jour on entendait raconter quelque exploit terrible accompli par ces misérables.
Mais Beppo n'avait jamais craint les vivants, et cette idée que c'était le spectre de Gaetano qui lui était apparu lui avait donné une force suprême ; il déclara donc qu'il était, lui aussi, fort pressé d'arriver à Rome, et qu'il ne savait pas de dangers capables de l'arrêter dans son chemin.
En conséquence, il renouvela l'amorce de ses pistolets, s'assura que son épée ne tenait pas au fourreau, piqua son cheval des deux, et s'engagea dans la vallée qui conduit de Strettura à Terni.
En effet, aucune localité n'était plus favorable à une embûche : des portions de bois, touffus comme des maquis corses, s'étendaient jusqu'à la route ; d'énormes blocs de granit s'étaient détachés de la montagne et avaient roulé jusqu'au bord du chemin. On eût dit cette voie désolée dont parle Dante, qui traverse le Chaos et qui conduit à l'Enfer. Beppo s'attendait à être attaqué à chaque minute ; mais indifférent à son propre sort, il envisageait d'un oeil calme et froid chaque accident de terrain qui semblait le menacer d'un guet- apens. A peine, en approchant de l'endroit menaçant, Beppo faisait-il le mouvement d'un homme qui se penche sur ses fontes. L'endroit traversé sans accident, il se relevait avec le sourire du mépris pour ce danger qui semblait n'oser venir à lui.
Enfin, il aperçut les lumières de la ville, se rendit droit à la poste et fit sa question habituelle.
Mais là s'interrompaient les renseignements ; non seulement on ne pouvait pas lui donner de nouvelles, mais encore, depuis près de quinze jours, aucune espèce de chaise de poste n'avait passé à Terni ; le bruit des ravages exercée par cette bande de voleurs dont Beppo avait entendu parler à Strettura, faisait que tous les voyageurs raisonnables rebroussaient chemin et prenaient la route d'Aquapendente.
Ainsi Gaetano, venu jusqu'à Strettura, n'avait pas paru à Terni. Sa trace se perdait sur la route qui conduit de la première à la seconde de ces deux villes.
Beppo avait remarqué, en dehors de Terni, sur la route qu'il venait de suivre, une auberge qui semblait une sentinelle perdue sur cette route maudite. Il pensa que, cette auberge le rapprochant de l'endroit où selon toute probabilité avait été arrêté Gaetano, il aurait plus sûrement de ses nouvelles dans cette auberge isolée que dans la ville.
En conséquence, il revint sur ses pas et entra dans cette auberge, qui avait pour enseigne : « A la Cascade de Terni. »
Une chaise de poste était rangée dans un coin de la cour. Il crut la reconnaître et s'informa aussitôt ; mais il apprit qu'elle appartenait à une jeune dame de Rome, qui venait au-devant de son frère ou de son mari, et qui s'était arrêtée là, il y avait deux heures, sur l'observation qui lui avait été faite du danger qu'elle courait à traverser la nuit un pareil défilé.
Là, Beppo s'informa de nouveau de son ami, mais, quoiqu'il s'adressât à toutes les personnes de l'hôtel, depuis le maître jusqu'au garçon d'écurie, il n'en eut aucun nouvelle.
Beppo craignait et désirait à la fois le moment où il allait se retrouver seul. Les deux apparitions qui s'étaient succédées en deux nuits, l'une à Monte- Carelli, l'autre à Assise, s'étaient complètement emparées de son esprit ; il était convaincu que la nuit ne s'écoulerait pas sans qu'il revît encore une fois Gaetano.
Il mangea un morceau dans la salle commune, but un coup, tout en écoutant ce qui se disait, espérant toujours qu'il apprendrait quelque chose de Gaetano ; mais quoique la conversation roulât entièrement sur les voleurs, aucun détail ne parut se rapporter au sujet qui seul intéressait le voyageur.
Alors il se retira dans sa chambre. Là étaient sa dernière crainte et sa dernière espérance. Les moyens humains lui manquaient ; sans doute les ressources surnaturelles allaient venir à son secours.
Beppo ne fit rien pour provoquer une nouvelle apparition ni pour s'en défendre : il se déshabilla, se coucha, éteignit sa lampe et s'endormit en s'en remettant à Dieu du soin de son corps et de son âme.
A onze heures il s'éveilla en sursaut. Quelques secondes s'écoulèrent pendant lesquelles s'effacèrent de son esprit ces légers nuages qui survivent un instant au sommeil ; puis, il entendit le même bruit qu'il avait entendu la veille à Assise, c'est-à-dire celui d'un pas faisant craquer un escalier. Ce pas, comme la veille, se rapprocha de la chambre, la porte s'ouvrit et Gaetano reparut.
Beppo crut que, comme la veille le spectre allait se déshabiller et se coucher près de lui. Il trouvait une sombre douceur à cette cohabitation avec un ami mort, et se reculait déjà pour lui céder sa place, quand le spectre lui fit signe de se lever.
Soit qu'il n'eût pas compris, soit qu'il hésitât, Beppo tardait à obéir.
Alors, Gaetano écarta son manteau couvert de neige. Comme la veille, il était nu sous le manteau, et, à sa poitrine, était une plaie saignante qu'il montra du doigt à son ami. Beppo, désespéré, comprit tout, s'élança de son lit et s'habilla à la hâte.
Debout au pied du lit, le spectre attendait immobile.
Lorsque Beppo fut prêt :
- Me voilà, dit-il, qu'ordonnes-tu ?
Sans lui répondre, Gaetano lui fit signe de s'armer.
Beppo boucla son épée, et au ceinturon passa ses deux pistolets.
- Est-ce bien ainsi ? demanda Beppo.
Le spectre fit un signe de la tête, et, tout en regardant son ami pour voir s'il le suivait, il s'achemina vers la porte souriant tristement comme pour encourager Beppo à n'avoir point peur de lui.
Ils sortirent ainsi de l'auberge, toutes les portes s'ouvrant devant eux, ou plutôt le spectre faisant partout où il passait une trouée, qui servait à la fois pour lui et pour son compagnon, et qui se refermait derrière eux.
Après avoir suivi la route un quart d'heure à peu près, le spectre prit un sentier resserré à travers les broussailles et les pierres. Beppo venait derrière lui, l'épée à la main, remarquant avec terreur que les pas du fantôme ne s'imprimaient pas dans la neige, mais qu'en échange son sang laissait une longue trace derrière lui. Deux ou trois fois, dans l'espérance que son ami répondrait à ses questions, Beppo lui adressa quelques tendres paroles ; mais à chaque fois comme s'il eût craint que le bruit de ces paroles ne dénonçât la présence d'un être vivant, Gaetano porta son doigt à ses lèvres, invitant Beppo à se taire.
Bientôt, au reste, cette recommandation fut inutile. Au fur et à mesure que l'on s'enfonçait dans la montagne, on se rapprochait de la cascade et le bruit de la chute d'eau était tel que deux personnes n'eussent pu s'entendre, si haut et de si près qu'elles se parlassent. Mais une chose frappait surtout Beppo ; c'est qu'au fur et à mesure qu'il s'enfonçait dans la montagne, il reconnaissait le paysage qu'il avait vu dans son rêve : enfin, ce paysage fut complété par l'aspect de la fosse nouvellement retournée, qui tachait ce vaste manteau de neige qui couvrait la terre.
Beppo n'avait plus besoin d'explication. Le spectre de Gaetano l'avait conduit à l'endroit où il avait été inhumé, il s'agenouilla devant le tertre funéraire en priant pour son ami. Pendant ce temps, le spectre était resté debout et il semblait à Beppo qu'il s'unissait à lui par la prière.
Ce pieux devoir accompli, Beppo étendit son épée sur la tombe de son ami, et jura de venger sa mort ; puis, avec son épée, ayant coupé deux branches de chêne, il les attacha en croix et planta cette croix sur la fosse.
A l'aide de cette traînée de sang et de cette croix, il ne pouvait manquer de reconnaître la tombe et le chemin qui y conduisait.
Sans doute en ce moment le spectre jugea que Beppo avait fait tout ce qu'il avait à faire, car ne s'inquiétant pas de la route suivie, il en prit une autre à travers les rochers, regardant si Beppo continuait à le suivre.
Le jeune homme, qui se sentait poussé par une force surnaturelle, suivit le spectre pour l'interroger sur ce qu'il devait faire. Le spectre avait disparu.
Un instant après, il entendit un bruit de pas et de voix venant dans la direction opposée à celle qu'il suivait.
Beppo s'écarta de la route, et se cacha derrière un rocher. Là, il attendit pour savoir quelles étaient les personnes qui se hasardaient la nuit dans un pareil endroit.
Au fur et à mesure que ces personnes se rapprochaient, il lui semblait entendre une voix de femme.
Il ne se trompait pas. Au milieu d'un groupe de cinq personnes qui suivaient le sentier qu'il venait de quitter et qui se dirigeaient du côté de la tombe de Gaetano, était une femme.
Les autres personnes étaient : une espèce de facchino portant une torche, un homme vêtu à la façon des montagnards des environs de Rome, et deux autres hommes qui semblaient des domestiques.
La femme était une jeune fille de dix-neuf à vingt ans à peine, toute vêtue de noir ; un air de résolution étrange était répandu sur son visage ; elle tenait un pistolet à la main.
Les deux laquais qui semblaient être de sa suite étaient armés chacun d'un tromblon et de deux pistolets.
Ni le montagnard ni le guide n'étaient armés.
Arrivée à quelques pas de l'endroit où était caché Beppo, la petite troupe s'arrêta.
La jeune femme refusait d'aller plus loin.
- Malheureux ! dit-elle en s'adressant au paysan qui semblait servir de guide à la petite troupe, j'ai consenti à te suivre, car tu m'as promis de me conduire à l'endroit où était mon frère ; voilà deux heures que nous marchons, où est-il ?
- Ayez patience, signora, répondit l'homme, nous arrivons.
Et il regardait autour de lui en homme qui cherche une voie de salut.
- Rappelle-toi ce que je t'ai dit, reprit la jeune fille d'un ton ferme et en levant son pistolet à la hauteur de la poitrine de cet homme, si tu essaies de fuir, tu es mort.
- Oh ! je n'en ai nulle envie, signora.
Et ses mouvements inquiets démentaient ses paroles.
- S'il fait un pas en arrière, dit la jeune fille en s'adressant aux deux laquais, tuez-le.
- Mais où sont-ils donc, où sont-ils donc ? murmura l'homme, au désespoir.
- Oui, tes complices te manquent, dit la jeune fille. Ecoute, ce n'est pas si tu essaies de fuir que tu es mort maintenant, c'est si tu ne réponds pas. Tu es venu à Rome, tu m'as apporté cette lettre de mon frère : il était prisonnier. Les bandits avaient fixé sa rançon à vingt mille écus : dix mille devaient t'être remis, dix mille t'ont été remis, dix mille devaient, dans le délai de trois jours, être rapportés par une personne qui ne put pas inspirer de crainte à tes compagnons, et à cette personne mon frère devait être remis vivant, sain et sauf ; cette personne, c'est moi ; les dix mille écus, les voici. Où est mon frère ?
A ces dernières paroles, Beppo avait tout compris, il sortit de sa cachette et marcha droit au groupe.
La jeune fille crut à une surprise, et sans paraître éprouver le moindre effroi, elle fit un mouvement de menace contre le bandit.
Mais Beppo étendit la main :
- Vous êtes Bettina Romanoli, soeur de Gaetano Romanoli, n'est-ce pas ? dit-il.
- Oui, répondit la jeune fille ; puis, le regardant avec attention ; et vous, dit-elle, vous êtes Beppo de Scamozza.
- Hélas ! oui, madame, et j'arrive de Bologne espérant arriver à temps pour porter secours à mon ami.
- Et moi de Rome avec le reste de la somme qu'exigeaient les brigands qui l'avaient enlevé. Cet homme, qui avait apporté la première partie, devait m'attendre à l'hôtel de Porta-Rossa pour recevoir la seconde, mais, avant de la lui remettre, j'ai exigé que mon frère me fût rendu. Alors il m'a offert de me conduire où m'attendait Gaetano ; j'y ai consenti, mais en me faisant suivre de ces deux fidèles serviteurs. Depuis deux heures nous courons dans la montagne ; enfin je viens de m'arrêter, convaincue que cet homme nous trahit.
- C'est bien ; veillez sur cet homme avec plus de soin que jamais, dit Beppo aux deux serviteurs.
Puis se retournant vers Bettina :
- C'est moi qui vais vous servir de guide, dit-il ; vous fiez-vous à moi ?
- N'êtes-vous pas le meilleur ami de mon frère ? dit Bettina tendant la main à Beppo.
- Marchons ! dit celui-ci.
Beppo reprit le chemin qu'il venait de suivre, et conduisit Bettina à la tombe fraîche.
Puis la lui montrant du doigt :
- Bettina, ma soeur, du courage, dit-il ; voilà où est notre frère Gaetano.
Bettina jeta un cri et tomba à genoux.
L'homme profita de ce moment de trouble pour essayer de fuir, mais il était trop bien gardé par les deux serviteurs pour que cette tentative eût quelque chance de réussite.
Tous deux levèrent en même temps leurs pistolets et le menacèrent.
En ce moment Beppo tressaillit, il venait de revoir l'ombre de Gaetano.
Elle se tenait à dix pas de la fosse et faisait signe à Beppo de la suivre.
Beppo s'inclina en signe d'obéissance.
Puis, s'adressant aux deux serviteurs :
- Gardez cet homme, dit-il, je reviens dans un instant.
Et il suivit le spectre, qui s'éloigna dans la direction de la cascade.
Au bout de cinq minutes, tous deux suivirent un sentier si proche de la cascade qu'ils étaient tout baignés par le rejaillissement de l'eau.
Au bout de cinq autres minutes, ils avaient atteint le sommet de la montagne, là où la rivière, qui fait la cascade, roule rapide et bruyante, encaissée dans une espère de canal de douze ou quinze pieds de large.
Ce torrent est infranchissable à la nage. Quiconque s'y hasarderait serait entraîné par le torrent, lancé comme une flèche et précipité de cinq cents pieds de hauteur.
Il isole une partie de la montagne, taillée à pic de tous côtés, et à laquelle on ne peut parvenir que par un pont jeté sur l'abîme roulant.
Le spectre s'arrêta sur le pont.
Il se composait de trois troncs de sapin. Il avait fallu la force de vingt hommes réunis pour apporter chacun de ces sapins au haut de la montagne, et pour les coucher sur le torrent.
Beppo cherchait à lire aux yeux du spectre dans quelle intention il l'avait amené là.
Le spectre fit monter Beppo sur le mamelon le plus élevé de la montagne, et, de là, il lui montra l'ouverture sombre d'une caverne gisant à cinq ou six cents pas de l'autre côté du torrent.
De temps en temps, l'ouverture de cette caverne s'éclairait : puis, dominant le grondement de la cascade, des cris d'orgie et des éclats de rire en sortaient.
C'était dans cette caverne que les bandits qui avaient tué Gaetano étaient venus chercher un asile pour la nuit.
Beppo ne comprenait pas le but qu'avait eu le spectre en l'amenant où il était ; car, selon toute probabilité, avant qu'il fût retourné à Terni, qu'il en eût ramené une troupe suffisante pour combattre les bandits, le jour serait venu, et les bandits auraient changé de retraite.
Gaetano devina ce qui se passait dans le coeur de son ami et secoua la tête.
- Parle, demanda Beppo, dois-je aller à eux et les attaquer seul sur ton ordre ? J'obéirai sans hésiter, sans craindre.
Gaetano secoua encore la tête, descendit du mamelon et s'achemina vers le torrent.
Arrivé au pont, il fit signe à Beppo de soulever les sapins et de les jeter dans le fleuve.
- Mais, dit Beppo, il faudrait vingt hommes de ma force pour accomplir une pareille oeuvre : à un seul homme, elle est impossible.
Le spectre fit un signe qui voulait dire : Essaie.
Beppo se courba ; il venait de se rappeler ces paroles de l'Evangile :

« Crois, et avec la foi tu soulèveras des montagnes. »

Il crut fermement, se baissa, saisit un des sapins par son extrémité, le souleva, et sans plus de difficulté que n'en eût offert une solive ordinaire, il laissa retomber le sapin dans le fleuve, qui l'emporta comme un brin d'herbe.
Il en fit autant du second, puis du troisième.
Puis il écouta.
Et successivement, comme trois coups de canon, il entendit, dominant le bruit de la cascade, le bruit de la chute des trois géants.
Le pont était détruit, les bandits étaient prisonniers.
Peut-être, au milieu de leur orgie, eux aussi entendirent-ils ce bruit sourd et menaçant, mais sans doute ils le prirent pour quelqu'un de ces bruits accidentels qui éveillent pendant la nuit l'écho des montagnes.
Alors Gaetano reprit le chemin qu'il avait suivi, et qui le ramenait vers la tombe. Au bout de dix minutes, Beppo, qui marchait derrière lui, revit le groupe au même endroit où il l'avait laissé.
La torche du facchino éclairait Bettina priant toujours et les deux serviteurs gardant le bandit.
Beppo se retourna du côté du spectre pour savoir de lui ce qu'il devait faire, mais sans doute l'oeuvre surnaturelle était accomplie. Gaetano fit un geste d'adieu et ouvrit les bras comme pour appeler son ami ; Beppo se précipita dans ses bras ouverts, mais le spectre lui échappa comme une vapeur, poussa un soupir et disparut.
Alors Beppo redescendit tristement jusqu'à Bettina.
- Madame, lui dit-il, vous savez tout maintenant, n'est-ce pas ? regagnons Terni, et demain nous ferons exhumer le corps de notre malheureux ami pour lui rendre les derniers devoirs.
- Mais, demanda la jeune fille, est-ce assez pour la consolation de son âme que son corps repose en terre sainte, et ne songerons-nous pas à le venger ?
- La vengeance est accomplie, madame, dit Beppo.
Et il raconta ce qu'il venait de faire.
- Mais c'est impossible, s'écria le bandit qui avait écouté ce récit avec la terreur d'un condamné ; il faudrait vingt hommes pour soulever chacun de ces sapins qui forment le pont.
- Dieu m'a aidé, répondit simplement Beppo.
Et, reprenant la route indiquée par la traînée de sang que Gaetano avait laissée sur la neige, et que lui seul voyait, il ramena la petite troupe à l'hôtel de Porta-Rossa.
Là, le bandit, remis aux mains de la justice, avoua qu'au moment de son retour avec les premiers dix mille écus, une querelle s'était élevée parmi les bandits sur la répartition de cette somme : alors un de ces misérables, se trouvant moins bien partagé que les autres, avait, pour priver le capitaine de la seconde partie de la somme, poignardé Gaetano.
C'est alors que, pour ne pas perdre cette seconde partie, le bandit s'était offert de guider la jeune fille jusqu'à l'endroit où, croyant retrouver son frère, elle tomberait dans une embuscade où elle laisserait sa vie et son argent. Mais le courage de Bettina, l'attitude menaçante des deux serviteurs, avaient changé la marche du drame. Le bandit, sentant que la mort serait le paiement immédiat de sa trahison, au lieu d'aller rejoindre ses compagnons à la caverne, avait erré une partie de la nuit, espérant toujours trouver une occasion de s'échapper.
L'apparition subite de Beppo lui avait enlevé ce dernier espoir.
Le lendemain, l'exhumation du corps de Gaetano eut lieu en présence du clergé de Terni et d'une partie de la force armée.
Le cadavre avait à la poitrine cette large et profonde blessure que le spectre avait montrée à Beppo.
Quant aux bandits, comme on savait qu'ils n'avaient d'autre issue que le pont de sapins, et que ce pont était détruit, on ne chercha même pas à s'emparer d'eux. La terre était couverte de neige et ne leur présentait aucune ressource, ils moururent de faim.
Les corps de trois d'entre eux, qui avaient essayé de traverser le torrent à la nage furent retrouvés broyés sur les rochers de la cascade.
Quant au corps de Gaetano, il fut ramené à Rome, escorté par Bettina, par Beppo et par les deux fidèles serviteurs.
Un an après, selon le désir de Gaetano, Beppo devenait l'époux de Bettina.

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