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Chapitre XXIX
La confession

L'homme fronça le sourcil, fit quelques grimaces de douleur, s'agita par quelques soubresauts convulsifs.
Le curé, qui n'était pas complètement rassuré, se recula un peu.
« Comment vous appelez-vous d'abord, mon fils ? demanda-t-il.
- Auger, monsieur le curé.
- Auger, répéta machinalement celui-ci ; que faites-vous ?
- Monsieur le curé, je suis, ou plutôt j'étais au service de monseigneur le comte d'Artois.
- En quelle qualité ? demanda le curé Bonhomme avec surprise.
- En qualité... »
Auger parut hésiter.
« D'homme de confiance », continua-t-il.
La surprise du curé augmentait, comme il est facile de le croire.
« Eh bien, mais, dit-il, c'est là une fameuse protection, mon ami, et vous pourriez, ce me semble, trouver dans la puissance du prince un remède souverain à vos infortunes, quelles qu'elles soient.
- Je croyais, monsieur le curé, vous avoir dit que je n'appartenais plus au prince.
- Il vous a donc renvoyé ?
- Non, monsieur le curé, j'ai pris mon congé.
- Pourquoi ?
- Oh ! parce que le genre de service que j'étais obligé de faire ne m'a point convenu... On est pauvre, mais on a des sentiments humains.
- Vous m'étonnez ! fit le curé avec intérêt et en se rapprochant de son pénitent. Et quel genre de service pouvait donc vous demander M. le comte d'Artois, que vous hésitassiez à lui rendre ?
- Monsieur le curé, vous connaissez le comte d'Artois ?
- Comme un prince charmant, plein d'esprit et de loyauté, répondit le curé.
- Oui, mais de moeurs dissolues.
- Mais... fit le curé en rougissant.
- Enfin, vous savez ce que je veux vous dire, n'est-ce pas ?
- Je suis là pour vous écouter, mon fils. »
Et le brave homme se drapa dans l'austérité du confesseur, s'apprêtant à écouter des choses pour lesquelles il commençait à croire que l'obscurité de l'église et l'ombre du confessionnal n'eussent point été trop épaisses.
« J'étais donc, continua M. Auger, au service de M. le comte d'Artois, pour ses plaisirs...
- Ah ! mon fils !
- Mon père, je vous ai prévenu : j'ai à la fois des choses honteuses et terribles à vous dire.
- Comment vous êtes-vous décidé à adopter une pareille profession, mon fils ?
- Que voulez-vous ! il faut vivre.
- En cherchant bien, hasarda le prêtre, vous eussiez peut-être trouvé de meilleurs moyens d'existence ?
- C'est ce que je me suis dit, mais trop tard.
- Combien de temps êtes-vous donc resté près de Son Altesse royale ?
- Trois ans.
- C'était beaucoup.
- Enfin, je l'ai quittée.
- Bien tard, comme vous dites.
- Mieux vaut tard que jamais, mon père.
- Vous avez raison... Continuez.
- Je fus chargé par le prince... Ah ! mon père, c'est ici que la honte me prend à la gorge et m'étouffe.
- Du courage, mon fils.
- Je fus chargé par le prince... Hélas ! je ne sais comment raconter une pareille turpitude à un digne homme comme vous. »
Le prêtre se signa.
« Je fus chargé, reprit Auger, par Son Altesse royale, de corrompre une jeune fille de ce quartier.
- Oh ! mon Dieu ! murmura le curé avec un visible sentiment d'horreur.
- Oui, monsieur le curé, une belle et charmante fille, l'orgueil et l'espérance de son vieux père.
- Malheureux ! malheureux ! murmura le prêtre.
- Vous voyez bien que je suis indigne de pardon ! fit Auger.
- Non, parce qu'à tout péché il y a miséricorde ; mais c'est affreux d'avoir accepté une pareille mission !
- Hélas ! j'en frémis encore, mon père ; mais l'habitude du crime endurcit.
- Et vous avez eu le malheur de réussir ?
- Non, monsieur le curé. »
Le prêtre respira.
« Si j'eusse réussi – Son Altesse me payait assez cher pour que j'y parvinsse –, si j'eusse réussi, je ne vous dirais pas : " Je vais me tuer " ; non, je serais déjà mort !
- Enfin, dit le prêtre, continuez.
- Vous consentez à m'entendre, mon père ?
- Oui, vous m'intéressez, dit naïvement le brave homme. Passez, mon fils, passez... Jusqu'à présent, je ne vois pas encore de crime.
- Vous êtes bien bon, monsieur le curé, répondit le pécheur avec cette nuance d'ironie qui paraissait lui être habituelle ; mais nous ne sommes point au bout. »
Le curé frissonna.
« Grand Dieu ! murmura-t-il, que me reste-t-il donc à entendre ?
- Donc, continua Auger, j'avais accepté la mission infâme de corrompre, pour les plaisirs de monseigneur, la jeune fille innocente, et je m'y étais appliqué avec une sorte de rage ; car il est remarquable de voir combien les plus mauvaises actions quand on les a acceptées comme profession, inspirent d'énergie et de zèle à ceux qui les exécutent.
- C'est vrai, dit le prêtre, on serait trop honnête homme, et l'on gagnerait deux fois le ciel si l'on déployait, à faire le bien, le quart de résolution que l'on met à faire le mal.
- Une première fois, j'échouai.
- La jeune fille résista ?
- Non, cette fois-là, il s'agissait de débaucher le père lui-même.
- Comment, de débaucher le père ?
- Oui, en lui faisant accepter le marché de la vente de sa fille.
- Oh ! vous essayâtes ?...
- Oui, monsieur le curé... J'espère que voilà déjà un crime, n'est-ce pas ?
- Si ce n'est pas tout à fait un crime, c'est, du moins, une bien méchante action » , répondit le digne homme en secouant tristement la tête.
Auger parut atterré de cette manifestation, et se prit a soupirer.
« Heureusement, dit-il, le père refusa. Oh ! il eut du courage, car je le serrais bien !
- Brave homme de père ! murmura le prêtre.
- Alors, je résolus de m'adresser à la fille.
- Persistance fâcheuse !
- Heureusement, lettres, menaces, cadeaux, elle refusa tout ! j'échouai sans cesse et toujours !
- Voilà, sur ma parole, d'honnêtes gens ! dit le prêtre. Et savaient-ils que vous parliez au nom du prince.
- Ils le savaient, monsieur le curé.
- Je m'étonne que vous ne les ayez pas épargnés, les voyant si persévérants dans leur honnêteté.
- Endurci, monsieur le curé, j'étais endurci, vous dis-je ! »
Et Auger sanglota.
Le prêtre eut pitié de cette grande douleur, et, pour la calmer :
« Ce ne sont point là des crimes irrémissibles, cependant, dit-il, et votre bon naturel exagère les fautes.
- Mais, monsieur le curé, vous ignorez donc que je ne suis pas encore au bout de mon récit ?... Hélas ! les crimes se sont fait attendre, mais ils vont venir. »
Le curé prêta l'oreille ; maintenant, il était préparé à tout.
« Enfin, continua Auger, le moment vint où, ayant échoue par la persuasion et la ruse, je voulus triompher par la force. »
Le prêtre le regarda avec une nouvelle inquiétude.
« Je fis enlever la jeune fille.
- Mon Dieu !
- Je gagnai un homme, un de mes amis, robuste et résolu, qui consentit à se saisir du père, tandis que j'enlèverais la fille...
Ah ! monsieur le curé ! monsieur le curé ! l'attaque se fit...
- Un guet-apens ?
- En pleine rue ! le sang coula !...
- Du sang ?...
- L'attaque coûta la vie à un homme...
- Un meurtre ?...
- Voilà le crime, monsieur le curé ; voilà l'horrible attentat dont je me suis rendu coupable ; et, comme la justice des hommes, qui m'a oublié jusqu'à présent, peut se souvenir ; comme je ne veux pas périr sur un échafaud, je suis résolu d'offrir à Dieu mon âme, délivrée, je l'espère, par l'absolution que vous me donnerez en faveur de mon repentir. »
L'accent d'Auger était si pathétique, ses gestes suppliants avaient tant d'éloquence, ses larmes indiquaient tant de remords, que le digne curé n'y put tenir ; il avait, d'ailleurs, l'épouvante naturelle aux hommes purs qui se trouvent en présence d'un grand criminel : il tremblait à la fois de peur et de compassion.
« Vous avez assassiné le père ? Oh ! oh !... murmura-t-il.
- Oh ! non, Dieu merci ! dit Auger, plus calme ; je n'ai point assassiné, moi !
- Alors, c'est votre ami qui a assassiné ?
- Ni lui non plus ; au contraire !
- Et cependant, dit le curé, le pauvre père a été victime de ce guet-apens ?
- Non, pas le père.
- Mais qui donc, alors ? Expliquez-vous.
- Mon ami, monsieur le curé ! mon ami, que j'avais engagé à me seconder dans cette malheureuse tentative !
- Ah ! fit le prêtre, comme soulagé d'un lourd fardeau, ah ! ce n'est point le pauvre père qui a été tué... Ah ! mais, c'est bien différent, alors : la vie de cet homme innocent eût été d'un bien grand poids parmi les charges qui s'élèveront contre vous au tribunal de Dieu. Mais expliquez-moi, car en vérité je ne comprends pas...
- C'est affreux, monsieur le curé ! Cette jeune fille et son père avaient prévu mes attaques ; ils s'étaient fait escorter et défendre. Mon ami a été si grièvement blessé dans la lutte, qu'il en est mort, et je suis coupable de cette mort, puisque c'est à mon instigation qu'il était entré dans l'affaire... Oui, je suis l'assassin, monsieur le curé, le seul, le véritable assassin, moi qui ai forcé le malheureux à engager la lutte, moi qui ai provoqué le crime ! »
Et, en disant ces mots, Auger se livra, sur le banc du curé, à la plus violente et à la plus significative pantomime.
C'était une douleur effrayante à voir.
Le curé était atterré ; il sentait tout ce que cachait d'infâme ce récit tronqué par les soupirs et par les larmes ; il déplorait le mal fait, et, avec un sens droit et une fermeté de coeur louables, il remerciait Dieu d'avoir empêché plus de malheurs qu'il n'en avait permis.
Auger, qui lisait dans la pensée du prêtre mieux que le prêtre lui-même, lui laissa faire ce calcul et continua de se désespérer.
Le curé l'arrêta.
« Votre douleur est compréhensible, dit-il, et cependant je vous avouerai que je vous trouve moins coupable que je ne le craignais.
- Oh ! fit Auger avec expression, me dites-vous bien la vérité, mon père ?
- Je vous parle au nom du Seigneur, mon fils, et comme ferait le Seigneur lui-même.
- Est-il possible, s'écria Auger, et aurais-je le bonheur qu'il y eût encore pour moi miséricorde en ce monde ?
- Dieu vous offre, sinon le pardon entier, du moins la consolation... Mais il me reste encore à vous interroger.
- Hélas ! vous savez tout, mon père !
- Excepté la fin de cette aventure.
- Eh bien, après la mort de mon camarade, j'ai sur-le-champ ouvert les yeux : j'ai couru chez M. le comte d'Artois, qui m'attendait, et, au lieu d'accepter les nouveaux moyens qu'il mettait à ma disposition, j'ai rompu avec lui et pris mon congé.
- C'est bien ! c'est bien ! s'écria le prêtre dans sa naïveté, quoique ce soit dangereux.
- Oh ! pour un homme résigné à mourir, s'écria Auger, rien n'est dangereux, mon père ! En effet, que peut-il m'arriver de pis que la mort ? La honte ! eh bien, le suicide, auquel je suis résolu, me l'épargne, et votre absolution me la fera courageusement supporter.
- Vous savez, reprit le prêtre, que je ne vous donnerai l'absolution, au cas où je croirai devoir vous la donner, que contre une promesse formelle, un serment sacré de ne point attenter à vos jours. »
Auger se récria, gémit, se tordit et continua de persuader au curé que jamais plus repentant chrétien ne s'était présenté au tribunal de la pénitence. Il poussa si loin les injures qu'il s'adressait, et les coups qu'il s'appliquait dans la poitrine, que le bon prêtre, devenu sérieux, en se posant en martyr de la vérité, n'hésita point à lui dire :
« Mon fils, le véritable criminel en cette affaire, ce n'est pas vous.
- Qui est-ce donc ? demanda Auger avec une surprise on ne peut plus habilement simulée.
- C'est le prince qui vous poussait ! Le prince, oubliant son rôle – car les princes ont charge d'âmes – vous a jeté dans le crime pour se donner une distraction de plus ! Chaque caprice des grands nous coûte, à nous autres petits, soit une parcelle de notre honneur, soit une miette de notre félicité : ils s'engraissent de notre sang, et ils se désaltèrent de nos larmes... O mon Dieu ! – continua-t-il apostrophant le Seigneur dans le style généralement adopté à cette époque, et dont Rousseau avait donné le goût –, ô mon Dieu ! n'as-tu donc fait les hommes puissants que pour dévorer les faibles ? ô mon Dieu ! quand viendra donc le jour si longtemps attendu, malgré les promesses de ton divin Fils, où les faibles seront protégés par les forts ? »
Puis il se tut, bien qu'entraîné par son émotion, attendu que, tout patriote qu'il était, le brave curé ne se souciait pas de se trop compromettre ; car, enfin, M. le comte d'Artois, s'il eût connu cette grande rigidité, pouvait lui nuire considérablement auprès du tribunal des bénéfices.
Avouons, cependant, qu'il avait fait son devoir de prêtre et beaucoup mieux que tant d'autres.
« Allons, allons, mon fils, dit-il à Auger, ne pleurez plus ! Votre faute est immense, mais votre remords est si grand, que vous m'avez attendri... Continuez à vous repentir, et, pour cela continuez de vivre. Le repentir de plusieurs années efface, aux yeux de Dieu, la faute d'un jour.
- L'espérez-vous, mon père ? fit Auger.
- Oui, oui, mon fils ! et ce n'est point à vous que l'on demandera le plus grand compte de ce qui s'est passé, c'est à ! instigateur, c'est au prince... Ainsi donc, croyez-moi, votre conscience ne doit être grevée que d'un tiers du crime au plus. »
Grâce à cette admirable proposition, qui déchargeait sa conscience du poids le plus lourd, le curé Bonhomme parvint à sécher les yeux d'Auger.
Mais il se trompait, croyant être au bout, et Auger n'avait pas encore joué toute sa comédie.
Aussi s'écria-t-il, revenant à son point de départ, et comme si rien ne se fût passé :
« Non, bien décidément, monsieur le curé, plus j'y réfléchis, plus je vois qu'il est impossible que je vive.
- Et pourquoi, mon Dieu ? s'écria celui-ci, qui ne se sentait pas de force à recommencer la lutte.
- Oh ! c'est qu'une idée me vient, idée terrible, affreuse, qui ne me laissera de repos désormais ni le jour ni la nuit !
- Quelle est donc encore cette idée ? Voyons.
- Quitte envers Dieu, ou à peu près, par l'expiation de mon crime, je pouvais me réjouir si je quittais la terre ; mais, si j'y reste...
- Eh bien ?
- Eh bien, j'ai à obtenir le pardon de ceux que j'ai offensés... Croyez-vous donc que je puisse dormir tranquille tant que l'image de cette jeune fille outragée et de ce père offensé, menacé, restera criant vengeance dans mon souvenir ?
- Calmez-vous, mon fils !
- Que je me calme, s'écria Auger avec une agitation croissante, quand il me semble les entendre me reprocher mon crime ? que je me calme, quand je suis exposé tous les jours à les rencontrer dans la rue, à les coudoyer, à entendre leur voix ?... Oh ! me calmer, non, non, jamais !
- Allons, pour l'amour de Dieu, s'écria à son tour le curé Bonhomme, soyez raisonnable, ou, par ma foi, je reprends mon absolution.
- Mais, enfin, dit Auger, vous me comprenez, n'est-ce pas, mon père ? Ces victimes de ma noire méchanceté habitent le quartier ; ils demeurent à deux pas d'ici ; en sortant de chez vous, je suis exposé à les rencontrer.
- Voyons, est-ce que je les connais ?
- De nom ? Oh ! bien certainement, monsieur le curé.
- Qui est-ce ?
- La jeune fille se nomme Ingénue ; le père s'appelle Rétif de la Bretonne.
- Quoi ! Rétif de la Bretonne, le romancier, le folliculaire ?
- Mon Dieu, oui, mon père, répondit Auger.
- L'auteur du Pornographe, de La Paysanne pervertie, de ces livres dangereux... ?
- Précisément.
- Ah ! ah ! » fit le prêtre.
Auger, en écoutant et en appréciant ce ah ! ah ! à sa juste valeur, remarqua combien le nom des victimes avait ôté d'intérêt à leur cause dans l'esprit du bon curé.
« Et, cependant, murmura le prêtre, comme forcé de rendre Justice a qui de droit, il a bravement résisté ! je ne l'eusse, ma foi ! pas cru, à voir la morale qu'il professe dans ses romans.
- Eh bien, oui, dit Auger, voilà ce qui est incroyable, et ce que, pourtant, je suis forcé de croire ; la fille est un modèle de pureté, le père est un type d'honneur ; l'estime de ces braves gens, monsieur le curé, m'est plus indispensable encore que la vie... Oui, décidément, sans leur estime, je ne puis consentir à vivre. »
Et Auger, s'attendrissant de plus en plus, se mit à pleurer à chaudes larmes.
Le curé le regarda d'un air embarrassé qui voulait dire : « Que diable puis-je y faire, moi ? »
« Mon Dieu ! s'écria Auger, n'y a-t-il donc aucun moyen de négocier ma paix avec ces braves gens, et resterai-je chargé de leur animadversion ? lourd fardeau, mon père, très lourd fardeau pour moi, et qui m'écrasera !
- Voyons, demanda le prêtre, quelle est, en somme, votre intention ? Dites, mon fils, avez-vous quelque réparation à leur offrir ?
- Oh ! toutes celles qu'ils voudront ! mais je suis un être tellement misérable, que je dois leur faire horreur !... Si j'avais, du moins, l'espérance... »
Et Auger s'arrêta, hésitant.
« Quelle espérance ?
- Qu'ils sauront mon repentir, et connaîtront l'étendue de mes remords.
- Eh bien, voyons, fit le curé Bonhomme comme par une dernière concession, faut-il le leur dire ?
- Oh ! mon père, c'est pour le coup que vous me sauveriez réellement la vie !
- Mais, reprit le brave curé, un peu embarrassé, c'est que je ne les connais pas, moi ; je vous avoue que je ne me sens pas attire par une vive sympathie vers M. Rétif de la Bretonne, vous comprenez ?
- Parfaitement, mon père ; mais, enfin, si vous ne m'aidez pas, qui m'aidera ? si, vous, qui connaissez mon horrible secret, vous ne me soulagez point, faudra-t-il que je passe à travers cette nouvelle épreuve de me confier à un autre ?
- Oh ! s'écria le prêtre, gardez-vous-en bien !
- Alors, continua Auger, quelle ressource ? Mourir sans pardon !
- Eh bien, soit, j'irai voir M. Rétif, dit l'excellent curé ; j'obtiendrai qu'il vous pardonne, et, alors... ?
- Alors, ô mon père ! vous serez un bienfaiteur que je remercierai Dieu d'avoir envoyé sur ma route ! vous serez l'ange du bien qui aura en moi vaincu le démon du mal !
- Allez en paix, mon fils ! dit le prêtre avec une sublime abnégation, je ferai ce que vous désirez. »
Auger se jeta aux genoux du digne homme, s'empara de sa main, qu'il baisa malgré lui, et s'éloigna en levant les bras au ciel.

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