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Chapitre XCV


Enfance de Byron. – Son désespoir d'être boiteux. – Marie Duff. – La sorcière du Malvern. – Comment Byron et Robert Peel firent connaissance. – Miss Parker. – Miss Chaworth. – Mistress Muster. – Lady Morgan. – Les Poètes anglais et les Critiques écossais. – Lettres de Byron à sa mère. – Son entrée à la chambre des lords.

Byron était né, le 22 janvier 1788, d'une famille si antique et si illustre, qu'elle eût pu marcher sur le même rang que beaucoup de familles royales.
Au moment de sa naissance, l'enfant prédestiné eut le pied disloqué sans que l'on s'en aperçût. Cet accident le rendit boiteux.
Nous verrons l'influence que cette infirmité eut sur sa vie.
Quatre hommes célèbres, au reste, ont enjambé, boiteux, le passage qui sépare le XVIIIe du XIXe siècle :
Le maréchal Soult, M. de Talleyrand, Walter Scott et lord Byron.
Une femme a écrit :
          « Byron eût donné la moitié de sa gloire pour pouvoir dire de ses pieds ce qu'il disait de ses mains. »
Le paon, l'oiseau de Junon, oubliant son riche plumage, jette, assure-t-on, un cri de douleur chaque fois qu'il regarde ses pieds.
Byron, qui avait bien quelque chose du paon, n'était pas plus philosophe, roi des poètes, que ne l'est le roi des oiseaux.
- Que voilà un charmant enfant ! disait une personne qui regardait Byron âgé de trois ans, tenant un fouet, et jouant aux genoux de sa nourrice ; mais quel malheur qu'il soit estropié !
L'enfant se redressa, leva son fouet, et, en frappant cette personne aussi vigoureusement qu'il put :
- Ne parle pas de cela ! dit-il.
Lady Byron, qui ne comprenait pas l'orgueil de son enfant – chose singulière ! Byron fut incompris des deux êtres qui, lorsqu'ils comprennent l'homme, répandent le bonheur sur sa vie : de sa mère et de sa femme –, lady Byron, disons-nous, qui ne comprenait pas l'orgueil de son enfant, l'appelait mon petit boiteux.
Byron entra à l'école d'Aberdeen à cinq ans. On payait pour lui cinq shillings par trimestre. – Je n'eusse pas cru qu'un enfant eût été élevé à meilleur marché que moi ; je me trompais. Salut, Byron ! accepte-moi pour frère, en pauvreté du moins.
Pendant un an que le futur poète passa dans cette école, ce fut à peine, dit un de ses biographes, s'il parvint à apprendre à épeler ses lettres.
J'eus encore cet avantage sur toi, Byron, c'est que ce fut ma mère qui m'apprit à lire ; Dieu me donna au moins la moitié de ce qu'il te refusa, une bonne mère.
De l'école d'Aberdeen, Byron passa au gymnase de la même ville. Hélas ! Byron en fut un des plus mauvais écoliers : il était toujours le dernier de ses camarades, et l'on y garde le souvenir des plaisanteries dont ses maîtres l'accablaient.
En 1798, le vieux lord Byron mourut. C'était un noble roué qui avait eu force amours et force duels. Dans un de ces duels, il avait tué son ami Chaworth, événement qui devait avoir aussi son influence sur la vie de son fils.
Deux ans auparavant, le jeune Byron avait fait un voyage dans la haute Ecosse : de là son amour pour les hauts sommets, cette prédilection des aigles et des poètes, qui lui fit célébrer plus tard les Alpes, les Apennins et le Parnasse.
Pendant ce voyage, le Dante futur trouva sa Béatrix : celle-là s'appelait Marie Duff, et n'avait que huit ans.
Le vieux lord Byron mourut donc à l'abbaye de Newstead.
Byron était son héritier. Il quitta Aberdeen avec sa mère. On vendit le mobilier soixante et quinze livres sterling, autre ressemblance avec moi – qu'on me pardonne les comparaisons, je n'aurai pas l'orgueil de les pousser plus loin –, et l'on arriva à Newstead.
Là, on donna un charlatan au jeune homme ; il s'agissait de lui redresser le pied ; c'était la plus grande préoccupation de sa vie, on se le rappelle, que cette infirmité. – Ce charlatan s'appelait Lavander.
Comme on vit que, malgré le traitement indiqué par ce malheureux, le jeune lord ne boitait ni plus ni moins, on l'envoya à Londres, où il fut confié – physiquement aux soins du docteur Baillie – et moralement à ceux du docteur Glennie.
Là, les deux docteurs eurent quelque succès. Le docteur Glennie vit son élève porté, par-dessus toute chose, vers l'histoire et la poésie, et le poussa dans ces deux voies.
Le docteur Baillie lui redressa le pied, au point qu'il put porter une chaussure ordinaire, et que sa claudication ne fut plus qu'une légère hésitation dans la marche.
L'orgueilleux jeune homme en ressentit une grande joie, et il fit part de son bonheur à sa nourrice, qu'il aimait beaucoup.
En 1801, c'est-à-dire à l'âge de treize ans, Byron suivit sa mère à Cheltenham. La vue des montagnes du Malvern, qui lui rappelaient son premier voyage dans les Highlands, produisait, surtout le soir et le matin, une profonde impression sur lui. Dans une course que Byron faisait avec sa mère, on parla à celle-ci d'une sorcière fort renommée parmi les gens du pays. Alors, l'envie prit à lady Byron de la consulter ; elle fit cacher le jeune homme, et se présenta à la devineresse comme fille, et non comme femme.
Mais la sorcière secoua la tête.
- Vous n'êtes pas une jeune fille, dit-elle ; vous êtes femme ; vous êtes veuve ; vous avez un fils qui sera en danger d'être empoisonné avant d'avoir atteint sa majorité, qui se mariera deux fois, et, la seconde fois, avec une étrangère.
Nous verrons tout à l'heure que, s'il ne fut point empoisonné, il craignit de l'être, et l'on sait que, s'il ne se maria point une seconde fois, tout au moins trouva-t-il une noble et belle Vénitienne qui lui fit sauf la douleur, oublier son premier mariage.
De l'école du docteur Glennie, Byron passa à celle d'Harrow, tenue par M. Drury, lequel paraît être le premier qui, sans voir bien clair dans l'avenir du poète, ait surpris quelques lueurs de ce qu'il serait un jour.

« Je fis là, dit Byron, mes premiers vers, qui furent reçus froidement ; mais, en revanche, je me battais d'une manière glorieuse à Harrow ; je ne perdis qu'une bataille sur sept ! »

Ce fut à Harrow qu'il se trouva le condisciple de sir Robert Peel. La manière dont ils firent connaissance et nouèrent amitié donne une idée du caractère de Byron.
Un de leurs camarades plus grand et plus fort qu'eux, et contre lequel, par conséquent, il n'y avait rien à faire, assommait de coups de poing le pauvre Peel.
Byron s'approcha de lui.
- Combien de coups comptes-tu encore donner à Robert ? lui demanda-t-il.
- Que t'importe ? répondit le battant, et pourquoi me fais-tu cette question ?
- C'est que, s'il te plaît, monsieur le bourreau, je prendrai la moitié des coups que tu comptes lui donner, quitte à te les rendre plus tard, bien entendu, et quand je serai plus fort.
Ce fut alors que, pour achever son éducation, le jeune homme entra au collège de Cambridge ; mais, toujours insoucieux du travail régulier comme il l'était des plaisirs ordinaires, sa seule étude fut d'apprendre à nager, sa seule distraction fut de dresser un ours.
En 1806, c'est-à-dire à l'âge de dix-huit ans, il vint rejoindre sa mère à Newstead. Les relations du fils et de la mère n'étaient point très tendres ; presque toujours, au contraire, ils étaient en querelle. Une de ces querelles fut même poussée si loin, qu'un jour, à cinq minutes de distance, la mère et le fils entrèrent, chacun à son tour, chez un pharmacien pour lui demander si l'on n'était point venu lui acheter du poison, et, sur sa réponse négative, pour le prier de n'en pas donner. Outre la petite Marie Duff, dont il était devenu amoureux à l'âge de neuf ans, Byron, à douze, devint amoureux de sa cousine Parker, pour laquelle il fit ses premiers vers, vers qui ont été perdus, et dont le poète ne se souvenait pas lui-même.
Miss Parker mourut, et céda la place à miss Chaworth, la fille même de celui qui avait été tué par le vieux lord Byron.
Mais, cette fois, ce fut un véritable amour d'adolescent, tendre, profond, et laissant sa trace dans toute la vie. Miss Chaworth était belle, gracieuse et riche.
« Hélas ! dit Byron, notre union eût effacé entre nos deux familles les souvenirs du sang versé par nos pères ; elle aurait réuni deux riches patrimoines et deux êtres qui se convenaient assez, et alors, alors... Eh bien, Dieu sait ce qui fût arrivé. »
Mais Byron boitait ; mais Byron fuyait tous les exercices où cette difformité pouvait être mise à jour, et, par conséquent, la danse ; miss Chaworth, au contraire, aimait fort à danser. Byron, les bras croisés, le sourcil froncé, la lèvre crispée par la colère, restait debout appuyé à l'angle de quelque porte ou au chambranle de quelque cheminée, tandis que la musique emportait loin de lui celle qu'il aimait, et que conduisait, à travers les figures de la contredanse ou les noeuds de la valse, un danseur ou un valseur plus heureux que lui... Un jour même qu'on disait à Marie Chaworth :
- Savez-vous que Byron paraît fort amoureux de vous ?
- Que m'importe ! répondit Marie.
- Comment ! que vous importe ?
- Eh ! oui, croyez-vous donc que je m'occupe de cet enfant boiteux ?
Byron entendit les questions et les réponses. Ce fut pour lui, il le dit lui- même, comme un coup de poignard au plus profond de son coeur. Il était minuit lorsque ces paroles furent prononcées ; il s'élança hors de la maison comme un fou, et courut sans s'arrêter jusqu'à Newstead, où il tomba presque évanoui en arrivant.
Un an après, miss Chaworth se maria.
- Tirez votre mouchoir, mon fils, dit un jour, en rentrant chez elle, au jeune homme, lady Byron.
- Et pourquoi, ma mère ?
- Mais parce que j'ai une mauvaise nouvelle à vous apprendre.
- Laquelle ?
- Miss Chaworth est mariée.
Byron tira son mouchoir de sa poche, se moucha, et, avec cette expression de sarcasme que savait si bien prendre son visage en certains moments :
- Est-ce tout ? dit-il.
- Mais n'est-ce point assez ? demanda lady Byron, qui sentait bien ce qu'il y avait de douleur réelle cachée sous cette froideur apparente.
- Assez, pour me faire pleurer ? oh ! non !
Et Byron remit son mouchoir dans sa poche.
Lorsque lady Byron eut annoncé à son fils, par une si cruelle raillerie, le mariage de cette Marie adorée, lorsque Byron, en apparence insensible à cette nouvelle, eut, en souriant, remis dans sa poche le mouchoir qu'aucune larme n'avait mouillé, il rentra dans sa chambre, le pauvre jeune homme au coeur saignant, et, le portrait de l'infidèle à la main, le poète essaya de consoler l'amant, en l'invitant, en l'excitant à se plaindre.
De là les stances, douloureux gémissement d'une âme brisée, adressées par lui à mistress Muster.
Hélas ! miss Chaworth, devenue mistress Muster, ne devait pas être plus heureuse en mariage que celui qu'elle avait abandonné.
Au mois d'août 1805, elle avait épousé John Muster, écuyer ; elle vécut tristement jusqu'en 1832 ; et, en 1832, elle mourut tristement comme elle avait vécu.
Une bande d'insurgés de Nottingham vint brûler Colwick-Hall, qu'habitait mistress Muster. D'une santé chancelante déjà, elle se réfugia avec sa fille dans une pépinière où le froid la surprit.
A la suite de ce refroidissement, elle tomba malade, et mourut, on pourrait dire de la même maladie dont était mort Byron, huit ans auparavant.
Ce fut à la suite de sa rupture avec miss Chaworth que Byron parut exclusivement occupé de femmes, de chevaux, de jeu, de chiens, de natation, d'escrime et de tir au pistolet.
Cependant, au milieu de ces exercices et de ces débauches, il avait trouvé moyen d'écrire un livre intitulé Heures de loisir.
Il venait de publier ce livre, lorsque lady Morgan, que je devais connaître à mon tour, trente ans après, le rencontra pour la première fois dans le monde.
Voici ce qu'elle en dit :
« Mes regards éblouis s'arrêtèrent tout à coup sur un très beau jeune homme dont l'air taciturne tenait le milieu entre le dédain et la timidité. Il était solitaire, les bras croisés sur sa poitrine, dans un coin près de la porte, et l'on sentait que, quoiqu'il fût au milieu d'une foule animée et brillante, il ne faisait point partie de cette foule.
« - Comment vous portez-vous, lord Byron ? lui demanda une jolie petite créature fort à la mode à cette époque.
« Lord Byron ! à ces mots, tous les braves Byron de la chevalerie anglaise et française se présentèrent à mon esprit ; mais j'ignorais, alors, que le beau jeune homme qui en avait hérité fût destiné à donner à ce nom de plus grands droits à l'admiration de la postérité que les plus vaillants preux de la France et les plus loyaux chevaliers de l'Angleterre qui avaient porté ce nom avant lui. C'est qu'en effet la renommée n'avance que lentement dans notre baronnie de Tirerag, et, quoique lord Byron eût déjà fait le premier pas dans la carrière qui se termine par le triomphe de son admirable génie, l'injustice et l'ingratitude de ses concitoyens, je n'en étais encore, quand j'entendis prononcer le mot Byron, qu'au Pends-toi Byron, de Henri IV. »
Pauvre lady Morgan ! elle n'était pas heureuse dans ses citations historiques ; mais bah ! elle n'y regardait pas de si près.
C'est à Byron, sans y, que Henri IV fit trancher la tête ; et c'est à Crillon qu'il écrivit : « Pends-toi ! »
Mais cette célébrité littéraire qui manquait à Byron, la critique allait la lui donner. La Revue d'Edimbourg attaqua violemment le jeune poète ; l'article était de M. Brougham, devenu depuis lord Brougham.
La vie de lord Byron devait être une lutte. Né boiteux, il était arrivé à être le premier nageur, le premier tireur d'armes, le premier dompteur de chevaux de son époque. On lui nia le génie : il décida qu'il serait le premier poète de son temps.
La réponse à l'article de la Revue d'Edimbourg fut cette terrible satire qu'il renvoya aux critiques sous le titre de : Les Poètes anglais et les Critiques écossais, avec cette double épigraphe, tirée, l'une de Shakespeare, et l'autre de Pope :
«... J'aimerais mieux devenir chat et miauler, que d'être un de ces marchands de ballades rimées... »
«... Tels sont nos poètes sans vergogne ; mais, il faut le dire, que nous avons des critiques non moins insensés, non moins misérables que nos poètes... »
Cette satire lancée, il n'y avait plus moyen de reculer. Byron appartenait corps et âme à la poésie, cette robe de Nessus qui dévore, mais qui immortalise.
Et, cependant, un instant il balança : sa naissance lui donnait un siège à la chambre des lords ; il résolut d'aller occuper ce siège. Si ses aristocrates collègues le recevaient bien, qui sait ? peut-être allait-il tout abandonner, même l'idée de son voyage en Perse, avec son ami Hobhouse, pour suivre son condisciple Robert Peel dans la carrière politique. Tout cela va dépendre d'un sourire, d'un serrement de main ; pour ce sourire, pour ce serrement de main, il jettera cette plume qui a écrit les Heures de loisir et Les Poètes anglais et les Critiques écossais ; il dira adieu au jeu, aux paris, aux courses, à l'ivresse, et se séparera de cette folle jeunesse que lui a faite l'oubli de miss Chaworth ; il quittera tout, jusqu'à cette femme qui l'a suivi en homme à Brighton, et dont la présence scandaleuse a soulevé d'indignation la pudique aristocratie anglaise !
C'est alors qu'il écrit à sa mère cette lettre qui indique à quel degré de froideur en est le fils avec la mère :

A l'honorable lady Byron.
Newstead-Abbey, 7 octobre 1808.

« Chère madame,
Je n'ai pas de lits pour les H ***, ni pour qui que ce soit à présent ; d'ailleurs, les H *** couchent à Mansfield. Je ne sache point que je ressemble, comme vous voulez bien le dire, à Jean-Jacques Rousseau ; je n'ai aucune ambition de ressembler à un aussi illustre fou ; mais, ce que je sais, c'est que je vivrai à ma manière et aussi seul que possible. Quand mes appartements seront achevés, je serai fort heureux de vous voir ; mais, dans l'état où est la maison, ce serait inconvenant et incommode pour tous deux. Vous ne pouvez guère avoir d'objection à ce que je rende ma maison habitable, malgré mon départ pour la Perse, départ qui aura lieu au mois de mars ou au mois de mai au plus tard. Puisque vous occuperez cette maison jusqu'à mon retour, en cas d'accident – car j'ai déjà pris toutes mes dispositions pour faire dresser mon testament, dès que j'aurai atteint vingt et un ans –, j'ai eu la précaution de vous assurer la jouissance de la maison et des dépendances pour votre vie. Vous voyez donc que mes arrangements ne sont pas entièrement égoïstes.
Adieu.
Croyez-moi votre bien sincèrement dévoué »
                    Byron.

Dans une autre lettre, en date du 6 mars 1809, toujours adressée à sa mère, il ajoute :

« Ce que vous dites est très vrai : quoi qu'il arrive, Newstead-Abbey et moi devons rester debout tous deux, ou tomber ensemble. J'ai, maintenant, vécu sur les lieux, et mon coeur y est attaché. Aucune gêne présente, aucune misère à venir, ne me fera abandonner ce dernier débris de notre patrimoine. J'ai en moi-même, soyez tranquille, l'orgueil qui me fera supporter toutes les difficultés. Je sais aujourd'hui ce que c'est que les privations : je m'y suis fait, et, quand on me proposerait en échange de Newstead la plus belle fortune du pays, je rejetterais bien loin de moi la proposition ; soyez donc tranquille sur ce point. M. H *** parle, à cet égard, en homme d'affaires, et, moi, je sens en homme d'honneur, et, je vous le répète, je ne vendrai pas Newstead-Abbey. Je prendrai séance parmi les pairs, à l'arrivée des pièces nécessaires de Carhaix en Cornouailles, et je tâcherai de faire bientôt quelque figure dans la Chambre. Il me faut un éclat, ou tout est perdu. Ma satire doit rester secrète pendant un mois encore ; après quoi, vous pourrez en dire ce que bon vous semblera. Lord C *** s'est conduit envers moi d'une manière infâme, et a refusé de donner aucun témoignage sur ma famille au lord chancelier. Je l'ai, en remerciement rudement châtié, dans mes vers, et il regrettera, j'en suis sûr, de ne pas s'être montré plus facile envers moi. On me dit que ma satire aura du succès ; je l'espère, car le libraire a convenablement agi envers moi – bien entendu comme libraire.
Croyez-moi votre sincèrement dévoué,
                    Byron.

P.-S. – Vous aurez hypothèque sur une des fermes. »

Mais Byron était condamné d'avance. Avec grand-peine il obtint les papiers dont il avait besoin pour constater ses titres à la pairie, et, trois jours après qu'il eut écrit la lettre qu'on vient de lire, c'est-à-dire le 9 mars 1809, six semaines après sa majorité accomplie, il se présenta à la chambre des pairs.
De cette épreuve, avons-nous dit, allait dépendre toute sa vie. Comme il l'avait écrit à sa mère, sa satire devait rester secrète un mois encore. S'il était bien reçu par ses illustres collègues, la satire restait inédite et le poète inconnu.
Dieu voulut qu'on fût injuste envers un jeune homme, envers un enfant, et même plus qu'injuste, cruel.
Il entra seul à la Chambre, calme en apparence, mais le visage couvert d'une pâleur mortelle ; pas un coup d'oeil de bienveillance ne l'encouragea, pas une main ne se tendit vers la sienne ; il chercha un regard ami dans toute l'illustre assemblée, et les regards de l'assemblée se détournèrent de lui.
Alors, sa résolution fut prise dans son coeur. Lord Byron allait se refaire une seconde noblesse pour la postérité, puisque la sienne était insuffisante à ses contemporains.
Il publia sa satire et partit avec M. Hobhouse, au mois de juin de cette même année 1809.

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